Edito


Jacques Anelli, directeur du Service National des Vocations et Hélène Daccord, xavière en charge de la vie religieuse, achèvent leur mandat ; leurs successeurs sont nommés et se préparent aux nouvelles fonctions qu’ils exerceront dans les locaux du SNV, 58 avenue de Breteuil, 75007 Paris.

Dans ce numéro 125 de Jeunes et Vocations, Jacques Anelli, après dix-sept années consacrées aux vocations en Eglise, livre le fruit de ses réflexions et de ses observations dans un article substantiel. L’ensemble de cette compilation d’interventions est ordonnée autour d’une proposition et de ses incidences : passer d’une « pastorale des vocations » à cette affirmation dynamique et programmatique « toute pastorale est vocationelle » !

L’article de Jacques Anelli ouvre ce numéro ; il s’attache, dans un premier temps, à enraciner sa démonstration. Une grande partie consiste en une traversée de l’histoire moderne et contemporaine, éclairée par la sociologie ; l’ensemble de la démonstration est au service d’une approche du fait vocationel ancré dans le réel, mais orienté vers l’avenir. Parvenu aux temps qui sont les nôtres, Jacques fonde l’idée selon laquelle le nombre des vocations spécifiques est loin d’être négligeable en proportion du nombre des pratiquants réguliers. Il enracine la question des vocations spécifiques dans une ecclésiologie fidèle aux énoncés de Vatican II et attentive aux apports de Jean XXIII, Jean-Paul II et Benoît XVI. Il relève au cœur de l’ecclésiologie de Vatican II une intelligence de l’appel renouvelée ; consubstantiel au baptême, il est con-vocation de l’ensemble des baptisés ! Cette affirmation provoque une révolution quasi copernicienne du concept de vocation, rendant tous les chrétiens co-responsables de l’appel : tous appelants et tous appelés à la sainteté ! Quelques-unes des difficultés, mais aussi l’intérêt de cette nouveauté, sont pointés et mis en perspective. La notion de crise est vue comme inhérente à la vie du chrétien et de son Eglise depuis l’origine, « ininstallation », Exode… jusqu’à l’avènement du Royaume.

Les autres articles, qui constituent ce numéro, contribuent à penser la pastorale vocationelle ; s’ils reflètent parfois des sensibilités différentes, ils ne sont pas divergents ; ils ont pour dénominateur commun de pointer certains traits relevés dans notre article d’ouverture et de les placer dans des situations de terrain, voire dans des contextes d’expérimentations personnelles, à l’étranger et en France. Pour clore cet ensemble, l’enquête sociologique proposée jette un éclairage parfois inattendu sur les 13-18 ans ; elle s’adresse à tous ceux qui ont une charge éducative et/ou pastorale.

L’Eglise maintient fermement la nécessité d’éclairer la foi par l’intelligence, sans négliger cette compsante grandissante : la part personnelle du chrétien – l’expérience de la rencontre, la conversion. Un des fils rouges de ce numéro regarde la question de l’incarnation des chrétiens comme une des sources majeures de l’appel. En réalité, ce qui se joue ici est très exigeant, non seulement à l’intérieur même de l’Eglise, mais aussi dans ce qui fait sa raison d’être, sa mission : l’annonce de la Bonne nouvelle. Notre époque demande la réconciliation du dire et du faire, l’unification de l’être même de celui ou de celle qui parlera, ici, pour le Christ. La pastorale pour être vocationelle doit donner envie de rencontrer Celui qui est la Vie !

Demeure la question de l’appel et de l’engagement comme faits constitutifs de l’appartenance au Christ. Les statistiques montrent que la grande majorité des « vocations spécifiques » proviennent de jeunes issus de familles catholiques, pratiquantes et investies dans des activités ecclésiales. Pour vivre l’injonction d’ouvrir aux nations la promesse faite à Israël, les chrétiens, serviteurs de l’Eglise mission, doivent avoir sans cesse le souci d’une communication qui vise ce « pour tous » jusqu’à l’avènement du Royaume.

Si l’articulation entre les différents types de vocations demande des ajustements – souvent conjoncturels – les différents ministères acquièrent un poids et des pertinences nouvelles. Le concept de vocation, élargi aux dimensions de l’Eglise, résonne comme un véritable défi à relever : passer de l’annonce à un petit nombre par un petit nombre à l’annonce aux nations par l’Eglise toute entière. S’il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à cet horizon là, demeure qu’il est autrement plus vivifiant d’être attelé à une telle tâche que de chercher de vieilles recettes à appliquer de manière routinière dans une reproduction du passé. Une autre manière de vivre la tradition consiste à y discerner les multiples manières d’exprimer le fait chrétien ; alors la tradition devient le lieu d’un ressourcement puissant au point de permettre de retrouver l’essentiel : la sequela Christi.