La marche du Grand Vent


Raphaël Buyse
responsable du SDV de Lille


La Marche du Grand Vent est une proposition faite par le Carrefour Diocésain des Jeunes, né à la fin du Synode. Elle a été initiée, il y a deux ans, à la demande de l’évêque, par le Service Diocésain des Vocations pour rassembler les confirmés des cinq dernières années. Elle est maintenant repérée comme un événement diocésain qui rassemble des jeunes de 17 à 25 ans.

Pour la seconde édition, la thématique retenue a été celle des « géants de la foi », ce thème s’inscrivant dans une tradition culturelle du Nord.

Quatre « routes » sont proposées. (Voir le dossier d’animation 2006, Si tu savais le don de Dieu – fiche 10 – qui présente l’ensemble de la démarche et le programme de la journée.)
Les jeunes qui témoignent ici expliquent pourquoi ils ont choisi telle ou telle route.


Le chemin de l’abbé Lemire

Témoignage d’Hélène, assistante sociale en collège ; responsable Scouts et Guides de France

Je m’appelle Hélène, j’ai 28 ans. J’ai choisi le chemin de l’Abbé Lemire parce qu’il me rejoint dans certains de mes choix de vie. Je suis assistante sociale dans un collège du quartier de Fives à Lille. Je suis par ailleurs très engagée dans la vie associative, notamment chez les Scouts et Guides de France.
Je n’ai choisi que tardivement d’être assistante sociale. Partie pour faire des études scientifiques, j’ai vécu des rencontres mais aussi des échecs qui m’ont amenée à me rendre compte que j’avais besoin de donner du sens à mes choix professionnels. Après avoir cherché, questionné, je me suis engagée vers le travail social. Et maintenant c’est comme une évidence.
Mon métier d’assistante sociale n’est pas toujours facile. Je suis parfois amenée à accompagner des jeunes, des familles, des adultes qui vivent des situations personnelles extrêmement dures. Je n’ai pas toujours de solution, de réponse mais j’écoute, je reçois la souffrance ou la violence qu’elles engendrent. J’aide, parfois j’exprime mon désaccord.
Croire en Dieu, pour moi, au travers de mon métier, c’est croire en l’Homme. C’est croire que toute personne, même en situation de précarité, est un être doué de don, d’amour et aimé de Dieu.
C’est croire les jeunes, les familles, capables d’être acteurs de leurs projets, de leur vie. C’est porter un regard positif sur les personnes que j’accompagne. C’est valoriser plutôt que juger.
C’est remettre en cause certaines normes dans lesquelles nous nous enfermons, pour voir dans l’autre, parfois si différent, une richesse. C’est aller au devant de celui qui fait peur et aimer, tout simplement. C’est oser jouer la réciprocité, c’est dire : « OK je t’aide mais toi, tu sais que tu m’apportes aussi. »
Alors parfois, il m’arrive de douter, d’être fatiguée, de me dire que mon travail est finalement si peu, mais je ne peux pas m’empêcher d’espérer, en Dieu et en l’Homme.
Témoigner de ma Foi c’est, pour moi, oser espérer, revendiquer, militer, agir pour un monde, une société ouverte à tous.

Le chemin de Guillaume de Rubrouck

Témoignage de Dorothée, Pastorale des Migrants, Groupe jeunes


Ce qui m’a poussée vers ce chemin, c’est pour une part mes origines polonaises et pour une autre part mon groupe de la Pastorale des Migrants avec lequel je grandis.
Mes études terminées, je sentais en moi quelque chose qui me manquait. Le désir de donner du temps aux autres et à l’Eglise s’est manifesté. N’ayant pas l’âme aventurière, j’ai donné un peu de temps à la Mission catholique polonaise de Roubaix. Et puis, un jour, une main s’est tendue pour m’inviter à préparer un événement d’une journée avec d’autres communautés et d’autres jeunes. J’ai accepté ne sachant pas où j’allais mais j’ai fait confiance. Voilà six ans que j’avance avec eux.
Mes premières découvertes avec le groupe de la Pastorale des Migrants furent un visage d’Eglise que je n’avais jamais vu ni vécu, un visage aux multiples couleurs et traditions… Tous différents mais unis par une seule et même personne : Dieu. Nous avons réussi à travailler, construire, dialoguer, échanger, prier ensemble malgré nos différences culturelles et nos traditions différentes. Chacun a trouvé sa place. Au bout de plusieurs rencontres, j’ai senti et compris réellement ce que signifie : « Vous êtes le corps du Christ. » Des mains se tendent sur nos routes, des portes s’ouvrent, il faut savoir oser les prendre et faire confiance.
Une porte s’est ouverte pour les jeunes de la Pastorale des Migrants et nous l’avons prise : c’est le Synode des jeunes. Nous avons pu nous exprimer sur l’Eglise d’aujourd’hui et de demain ; nous, jeunes migrants ou d’origine étrangère, nous avons trouvé notre place dans l’Eglise. Alors nous nous sommes réuni à quatre : italien, laotien, vietnamien et polonais, puis d’autres nous ont rejoints : africains, malgaches. Aujourd’hui, nous sommes laotien, italien, camerounais, polonais, malien, mauricien, portugais, indien. Ce n’est déjà pas simple de construire quelque chose quand on est de la même origine, alors je vous laisse imaginer ! Il nous a fallu du temps pour nous connaître, nous faire confiance. Nous avons échangé sur nos cultures et nos traditions, puis sur nos communautés et notre foi. Comment nous la vivons chez nous et en nous. Le Synode fini, nous continuons à nous rencontrer entre jeunes car les liens que nous avons tissés se sont soudés en liens fraternels. Nous essayons de faire attention à chacun d’entre nous même si parfois ce n’est pas évident. Nous sommes devenus comme une famille qui a toujours les bras ouverts pour accueillir.

Ma foi ne cesse de grandir grâce aux rencontres que je fais car dans chaque homme c’est le Christ que je découvre. Mon regard sur l’Homme a changé. J’ai appris à faire tomber mes préjugés et mes peurs de celui que je ne connais pas. Cela n’est pas toujours facile. Plus j’avance sur ma route, plus je suis convaincue que si chacun d’entre nous fait l’effort de changer son regard sur celui qu’il ne connaît pas et s’il s’engage à l’accueillir tel qu’il est avec son histoire personnelle, sa culture et ses traditions, nous arriverons à nous entendre pour construire un monde de paix et d’Amour.
Je remercie Dieu de me tendre les mains et de m’ouvrir les yeux sur les richesses des Hommes et du monde. Alors, « n’ayez pas peur de l’Amour de Dieu. »


Le chemin de Don Bosco

Témoignage de Marie, étudiante professeur des écoles ; responsable en Action Catholique des Enfants

Pourquoi s’engager auprès des enfants ? Quel lien puis-je faire entre ma responsabilité en ACE et mon métier de professeur des écoles ?
Tout d’abord, je ne peux pas dire que l’ACE ait déclenché en moi l’envie de devenir professeur des écoles mais je peux affirmer que ma responsabilité en ACE, auprès des enfants, a renforcé cette vocation. En effet tout au long des années, des rencontres régulières avec mon club m’ont permis de prendre mes marques quant à l’attitude à adopter face à un groupe d’enfants. Le fait d’aimer partager et transmettre ce que je sais, de pouvoir répondre aux questions que les enfants me posent et les amener à s’en poser d’autres, m’a invité à m’engager davantage.
En ce qui concerne le lien entre l’ACE et le professorat, l’âge, les aptitudes et les besoins des enfants sont des aspects communs qu’il est essentiel de prendre en compte. Bien sur, l’enseignant a un programme de compétences à suivre et à respecter, mais la mise en place des compétences se fait au sein d’un groupe. Le vivre ensemble est donc une notion primordiale en classe et ce quel que soit l’âge des élèves. L’ambiance de classe et la cohésion du groupe, l’entraide et le respect doivent continuellement être une préoccupation de l’enseignant et devenir, au fil des années, le souci de chacun.
C’est en ce sens qu’il est possible d’établir un lien entre l’ACE et l’enseignement, entre le club et la classe. En effet, tout comme il existe un projet d’établissement, l’ACE met en avant, dans son projet, sa dimension éducative. Cette dimension éducative vise au développement et à l’épanouissement de l’enfant, tout en menant une vie de club et donc en faisant l’apprentissage de la vie collective. L’appartenance à un groupe demande nécessairement l’accueil de l’autre, le respect et l’écoute. La répartition des responsabilités au sein de ce groupe amène l’enfant à être acteur et à mettre en œuvre tout ce qui permettra au groupe d’évoluer.
La pédagogie actuelle prône le projet mettant en avant son pouvoir fédérateur pour les élèves autour d’une même action. Sur ce point l’ACE rejoint également l’enseignement. En effet, les clubs s’organisent, les enfants mettent en place des actions de club, des projets, et les vivent. Prendre des responsabilités devient alors le moyen pour des enfants de prendre conscience de la place qu’ils occupent dans le groupe mais aussi, à une plus grande échelle, dans leur vie future.
En quoi cet engagement auprès des enfants est-il important dans ma vie chrétienne ?
Je pense que le fait de devenir responsable ACE m’a permis de connaître un autre lieu où vivre ma vie de chrétienne, de la vivre d’une manière différente et qui, à l’heure actuelle, me convient. Je peux affirmer que le fait de vivre ma foi en ACE, de me mettre à la portée des enfants, d’en discuter avec eux ou d’autres responsables, m’a permis de mieux appréhender les rencontres d’éveil religieux que je dois mener aujourd’hui avec mes élèves.

Le chemin de saint Bernard

Témoignage de Rémi, animateur en aumônerie de collège public, membre de Fondacio

Je me souviens, qu’étant petit, j’accompagnais mes grands-parents à des « entretiens ». Ces entretiens étaient vraiment particuliers. Ils ne se passaient pas dans un bureau de directeur, ni dans une salle d’examens, mais en des lieux de la vie quotidienne : dans leur lit au petit matin ou avant de s’endormir, dans le fauteuil du salon, et aussi à l’église et en d’autres lieux. Particuliers ces entretiens également, car je ne voyais personne en face d’eux. Alors je me demandais : « Que pouvait-il se passer, se dire ? » Mes grands-parents s’adressaient à une personne que je ne connaissais que de nom. Une connaissance comme on dit. Mais en tout cas, je savais qu’elle emplissait leur vie.
Et moi dans tout ça, en tant qu’accompagnateur ! J’aurais aimé connaître. J’aurais aimé savoir ce que je devais dire et ce que je devais faire. Les questions qui me revenaient sans cesse étaient : « A quoi servent ces entretiens ? Y a t-il quelque chose que je ne saisis pas ? Sont-ils réservés aux adultes ? » Je les regardais donc. Leurs yeux se fermaient, et un sentiment de paix se faisait ressentir.
Puis, au fur et à mesure de mes rencontres, des moments forts dans la découverte de ma foi, mais aussi au fur et à mesure que ma connaissance de Dieu grandissait, j’ai découvert le sens de ces entretiens. Pas tout quand même car chacun d’eux est une source inépuisable où l’on découvre toujours des richesses.

Aujourd’hui, cette personne que je ne voyais pas, je ne la vois toujours pas. C’est amusant, je la ressens plutôt en moi, impression que je la porte. Et je m’en porte tout aussi bien ! Quand je veux lui parler, je fais silence, un silence intérieur. C’est une personne formidable car elle met à l’aise. Elle écoute. Et petit à petit je lui donne toute ma confiance. Vous vous rendez compte elle m’écoute et moi je lui fais confiance. Ce n’est pas forcément évident de trouver une personne comme elle à chaque coin de rue !
Egalement, ce qui est merveilleux avec elle, c’est qu’il n’y a pas besoin de connaître les techniques d’entretiens. C’est mon cœur qui parle avec sa propre langue. J’ai la voix de mon cœur, j’ai le langage de mon cœur qui s’exprime en toute confiance : je remercie, je souhaite, je confie, je remets, je dis des choses pour… des choses de nous, de vous, de moi, et tout ça en pleine intimité. Elle accueille et écoute toutes mes paroles, mes intentions en chaque lieu où je me sens bien et quand j’ai envie d’être près d’elle.
Parfois, et alors je ne sais pas comment elle fait, elle accepte les entretiens collectifs. Je trouve ça beau, tout simplement, lorsque je regarde toutes ces personnes partager un moment en sa compagnie. Il s’y dégage, de façon incroyable, une force intérieure et de paix. Ça, ça me soutient. J’avoue que je trouve un peu difficile de m’entretenir seul avec elle. Lorsqu’il y a du monde à mes côtés qui chante, qui fait silence, cela me porte. Là il y a un « truc », un truc que je ne pourrais décrire.

Voilà en quelques mots ce que j’ai découvert des entretiens de mes grands-parents et je m’en suis fait ma propre expérience. J’ai fait connaissance petit à petit de Dieu et ma confiance en lui lors de mes tête à tête a grandi. Lorsque nous apprenons à vivre en sa compagnie – et chacun à son rythme bien sûr, sur les chemins de sa propre foi – nos doutes s’estompent et nous y voyons plus clair. Nous n’hésitons plus à prier avec lui. Ce ne sont pas les entretiens d’embauche, ni les entretiens diplomatiques ou autres que je préfère, mais bien les entretiens en la présence de Dieu que je redemande. A chaque fois je me sens libre et je me rapproche de lui. La prière m’aide à vivre dans ma vie quotidienne et dans mon travail auprès des jeunes. La prière aide à avancer, à avoir confiance en Dieu, en soi, et en l’Homme. La prière est paix et nous rapproche au plus près de Dieu. Elle est notre lumière et notre nourriture puisqu’elle nous met en contact direct avec Dieu qui est lui-même lumière et nourriture.