Le profil des séminaristes polonais


Krzysztof Pawlina
prêtre
recteur du séminaire diocésain de Varsovie

De 1980 à aujourd’hui, environ mille nouveaux candidats entrent chaque année dans les séminaires diocésains de Pologne. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Quelle est leur motivation à l’entrée au séminaire ? Quelle est leur vision du sacerdoce et de l’Eglise ? En bref, de quelle qualité est le « matériau » pour la formation au séminaire ?
Pour répondre à cette demande, pendant l’année 2000-2001, une enquête a été effectuée auprès de tous ceux qui entraient en première année dans tous les grands séminaires de Pologne. Neuf cent vingt-cinq candidats ont été interrogés. Les résultats de cette enquête ont été publiés dans un livret intitulé : « Les candidats au sacerdoce du 3e millénaire ». Je vais vous présenter une synthèse de ces résultats sous les aspects suivants : leur milieu d’origine, les motivations d’entrée au séminaire, qui sont les nouveaux candidats au séminaire, la qualité de leur foi, leur vision de l’Eglise et du sacerdoce.

Le milieu d’origine

40 % des candidats proviennent de régions rurales et 60 % des villes. Pour la Pologne, c’est une donnée importante ; jusqu’ici, c’était l’inverse : la campagne fournissait la majeure partie des vocations. Actuellement, la campagne vieillit ; les jeunes migrent dans les villes et cela change le milieu d’origine des futurs prêtres.

Quelles familles ?

La plus grande partie de ceux qui entrent au séminaire viennent de familles unies (83 %), environ 10 % viennent de familles divorcées. Ils sont issus pour la plupart de familles nombreuses : selon la norme actuellement la plus répandue, cela signifie une famille avec deux ou trois enfants ; 8 % sont fils uniques.
Les candidats au ministère ne proviennent pas de milieux intellectuels. Leurs parents ont pour la plupart une formation générale moyenne ou une formation professionnelle (56 %). 12 % des parents ont une formation universitaire. Les autres ont un diplôme d’école secondaire. La plupart des parents travaillent, 14 % sont sans emploi. Ce groupe est en constante augmentation.
La situation matérielle des familles est plutôt moyenne : 14 % de familles pauvres, 30 % de familles assez riches.
En ce qui concerne la foi des familles, ce sont pour la plupart des familles croyantes. 8 % des candidats viennent de familles non croyantes ou indifférentes.
On demandait aux candidats s’ils avaient été enfants de chœur et pendant combien de temps : 83 % l’ont été, pendant dix ans en moyenne. A peu près la moitié (54 %) ont appartenu à d’autres groupes ou mouvements. Ces deux milieux – le service liturgique de l’autel et les communautés ou mouvements religieux – sont la plupart du temps profitables au discernement et à l’approfondissement de la vocation.

Les motivations pour l’entrée au séminaire

73 % des candidats ont affirmé : « J’entre au séminaire par besoin intérieur » ; 71 % « parce que je veux servir Dieu » ; 67 % « parce que je veux servir les hommes » ; 60 % citent le service de l’Eglise comme motivation et 48 % citent le sacerdoce comme chemin de sanctification. D’autres motivations : l’attrait pour le statut clérical, la fuite des fatigues de la vie terrestre, le sacerdoce comme assurance d’une position matérielle oscillent dans les limites de 3 % des candidats.
Au-delà de la motivation, on leur a aussi demandé qui les a influencés dans leur décision d’entreprendre un chemin vers le sacerdoce. 63 % des jeunes ont affirmé que l’entrée au séminaire était leur décision personnelle, sur laquelle personne n’avait eu d’influence. 35 % ont dit que c’était une personne proche qui les avait aidés à se décider définitivement à entrer au séminaire.
Qui a donc pu stimuler leur décision ? Le soutien le plus massif est venu pour la plupart de leur mère (81 %). Au second rang, les prêtres (71 %). La décision a aussi été soutenue par les catéchistes (43 %) et les enseignants (23 %). Les candidats ont trouvé un soutien pour leur décision auprès de leurs amis et contemporains (46 %). Mais comme l’ont dit les candidats, il y a eu aussi des oppositions à cette décision. Le groupe le plus important des opposants est constitué par les amis (35 %). Le choix était aussi contesté par des enseignants (11 %) et des pères (8 %).

Qui sont ceux qui entrent au séminaire ?

Les candidats au sacerdoce sont, pour la grande majorité, des jeunes autour de vingt-cinq ans. Ceux qui ont dépassé trente ans ne représentent que 3 %. A noter, un phénomène de ces trois dernières années : les jeunes prennent à un âge toujours plus tardif les décisions importantes pour toute leur vie. Ceci concerne dans une égale mesure la décision de se marier ou de devenir prêtre. Il en découle que, parmi ceux qui sont entrés au séminaire en 2001, 13 % avaient terminé leurs études universitaires et 18 % avaient déjà travaillé. Les autres viennent des lycées ou des écoles techniques.

Les passions de ces jeunes

Les deux tiers d’entre eux s’intéressent à la musique. Ceci reflète la popularité générale de la musique dans les jeunes générations. Comme l’écrit Allan Bloom, la musique est devenue une sorte de « religion » propre aux jeunes de notre temps.
Un jeune sur deux s’intéresse au sport. Au quatrième niveau de popularité, après le tourisme, viennent le cinéma et l’informatique. Au seuil de la civilisation multimédia a été annoncée l’époque de la civilisation de la parole. Internet aurait dû supplanter les journaux, les encyclopédies sur CD auraient dû se substituer aux traditionnelles éditions papier, mais il n’en est pas ainsi.
Comment les candidats au sacerdoce se comportent-ils face à la lecture ? En moyenne, le candidat lit six livres par an. Environ 40 % lisent le journal deux ou trois fois par semaine et 12 % le lisent tous les jours.

Et en ce qui concerne leur foi ?

La foi des candidats et leur pratique religieuse ne suscitent actuellement pas d’inquiétudes. Probablement ont-ils surmonté le problème de la crise de la foi, de l’indifférence ou de l’indécision. Ils ont dû en fait franchir un pas beaucoup plus important, la décision d’entrer au séminaire qui présuppose déjà la foi.

Un certain relativisme ambiant

Un cinquième de ceux qui entrent au séminaire se disent favorables à des positions relativistes. La situation éthique diffuse se fraie toujours davantage un chemin parmi ceux qui veulent devenir prêtres.
Quelle influence cela a-t-il dans le concret ? On a demandé aux candidats s’il existait des critères clairs et nets de distinction entre le bien et le mal. 56 % ont affirmé qui oui. 20 % ont répondu qu’il n’y avait pas de critères clairs et absolus. 20 % n’ont pas d’avis sur cette question. Les futurs prêtres ne s’accordent pas à juger le mensonge systématiquement comme un mal, et 41 % disent que cela dépend de la situation. 84 % retiennent le vol comme négatif, mais 13 % disent que le jugement dépend de la situation.

Le rapport à l’obéissance

Le point le plus inquiétant est le problème de l’obéissance. Chaque prêtre, pendant l’ordination, promet obéissance à son évêque. 45 % de ceux qui entrent au séminaire ne sont pas persuadés du bien-fondé de l’obéissance. Ils justifient cela, d’une certaine manière, en disant qu’ils doivent régler des questions diverses de manière humaine. La logique de la pratique commence à l’emporter sur la logique de la foi.

Leur vision de l’Eglise

Comment ceux qui, à l’avenir, devront construire l’Eglise com­prennent-ils son être même ? Pour rendre compte de cela, on a demandé aux nouveaux séminaristes : « Qu’est avant tout pour vous l’Eglise catholique ? » Il faut dire qu’ils ont répondu conformément au noyau central de l’enseignement du concile Vatican II. 76,5 % ont affirmé que l’Eglise est avant tout la communauté des croyants. Seulement 8,5 % ont défini l’Eglise comme une sainte institution avec le Pape et le collège sacerdotal, pendant que 8 % la définissaient comme une institution capable de conserver la foi et les traditions.
A travers les opinions sur l’Eglise, on note l’affirmation : « Le Christ oui, l’Eglise non. » Que disent à cet égard les futurs prêtres ?
• 4 % ont admis la possibilité d’être catholique sans l’Eglise, entendue au sens le plus large comme peuple de Dieu ;
• 90 % sont d’opinion contraire ;
• 5 % n’ont pas réussi à donner de réponse.
Nous avons interrogé les séminaristes quant au rôle et à l’importance de l’Eglise pour l’avenir. Les positions pessimistes l’emportent :
• 31 % estiment que le rôle de l’Eglise et de la religion en Pologne vont diminuer ;
• 30 % estiment qu’ils seront face à un effondrement de l’importance de l’Eglise dans le monde ;
• 25 % ont affirmé que la position de l’Eglise et de la religion en Pologne ne subiront pas de changements ;
• 16 % nourrissent la même opinion en se référant au rôle de l’Eglise dans le monde.
Seulement 15 % sont convaincus d’une augmentation de l’importance de l’Eglise et de la religion au XXIe siècle, en Pologne et dans le monde.
L’enquête a touché aussi le problème des modalités de gestion des paroisses. 37 % des futurs prêtres estiment que les laïcs devront avoir, dans les décisions concernant les affaires paroissiales, un rôle plus important que celui qu’ils ont actuellement. 36 % proposent sans changements les modalités de gestion des paroisses en usage jusqu’à aujourd’hui. Ils ont émis beaucoup de souhaits comme celui concernant le contact entre prêtres et fidèles : 46 % estiment que ces contacts sont trop superficiels.
A l’objection faite à l’Eglise d’être trop peu démocratique, les candidats ont répondu à 66 % qu’elle doit rester comme elle est actuellement. Seulement 7 % estiment qu’on peut introduire plus de démocratie dans le gouvernement de l’Eglise. 5 % n’ont pas exprimé d’opinion à ce sujet. De plus, les sondés étaient confrontés à l’affirmation selon laquelle l’Eglise, sous certains aspects, n’est pas en accord avec le monde contemporain : 19 % confirment cette affirmation ; 61 % l’infirment ; 17 % ne s’expriment pas.
Dans de nombreux cercles en Occident, il y a des discussions en cours sur le thème du célibat des prêtres ou du sacerdoce des femmes. Que pense à cet égard la jeune génération des clercs ? Quand on leur a demandé s’il serait plus utile à l’Eglise que les prêtres aient la possibilité de contracter un mariage, 7 % ont répondu positivement. 85 % ont affirmé que les prêtres devaient être empêchés de se marier. 7 % n’ont pas exposé d’opinion. Il faut souligner clairement que les jeunes, de façon très nette, n’approuvent pas le sacerdoce des femmes.

Leur vision du sacerdoce

Comment les jeunes qui entrent au séminaire considèrent-ils le sacerdoce ? A la demande « Qu’est-ce que le sacerdoce ? », ils ont répondu à 68 % « un service » tandis que 19 % l’affirment comme un privilège.

Où voudrais-tu travailler dans le futur ?
• 36 % se voient engagés en paroisse ;
• 12 % veulent travailler dans les pastorales spécialisées ;
• 8 % voudraient se consacrer à la catéchèse ;
• 5 % voudraient se consacrer à la recherche ;
• 8 % voudraient partir en mission ;
• 5 % sont prêts à se consacrer au service de la charité ;
• 2 % opteraient pour le service administratif du diocèse.

A la question : « Quelles qualités et capacités devrait avoir un prêtre aujourd’hui ? »
• 92 % ont répondu qu’il devait être pieux ;
• 90 % la capacité de parler en public et la constance ;
• 79 % la patience ;
• 75 % l’humilité.
Il y a encore d’autres caractéristiques qui ne sont pas sans signification : la santé, l’esprit d’initiative, le goût du beau, l’aspect extérieur et une belle allure.

A la question : « As-tu observé chez les prêtres quelque défaut que tu voudrais éviter comme futur prêtre ? », 69 % ont répondu oui et 29 % non. Parmi les défauts, ont été indiqués :
• 26 % le matérialisme et l’avarice des prêtres ;
• 17 % la fierté, la présomption et l’arrogance ;
• 16 % les vices liés au contact avec les gens ;
• 10 % le manque d’engagement ;
• 7 % le formalisme et la routine.
Les autres défauts – moins de 5 % – sont : l’hypocrisie des prê­tres, le manque de compétence, le style de vie immoral et mauvais.
Les futurs prêtres considèrent de façon très positive les progrès de la technique. 92 % des candidats entendent utiliser la technologie informatique dans leur travail pastoral.

Le regard des éducateurs sur les candidats.

Pour élargir le regard sur les candidats, il a été demandé aux recteurs de séminaires d’envoyer leurs observations sur les nouvelles caractéristiques émergeant du comportement des candidats.

Une vision personnelle du ministère

Le problème qui ressort le plus souvent de ces rapports est le fait que le clerc a sa propre vision du sacerdoce et ses propres priorités (toujours motivées par le bien des gens et celui de l’Eglise). De là découle la difficulté à accepter les habitudes et les traditions de la vie ecclésiale. Et apparaissent souvent de façon évidente un manque d’adhésion et même une certaine insubordination par rapport à la vision du sacerdoce exprimée par les supérieurs. A cela s’ajoute un relativisme excessif dans la compréhension du vœu d’obéissance qui est souvent mis en évidence dans la règle de vie en communauté.

Des fragilités

Un phénomène sans aucun doute nouveau est le nombre, toujours plus grand, de candidats provenant de familles où les parents sont séparés ou mariés seulement civilement, ou encore de familles souffrant d’alcoolisme ou d’autres pathologies. Selon les recteurs, ces candidats sont caractérisés par une personnalité « en morceaux », une immaturité émotionnelle et des problèmes relationnels. On note également leur désarroi et leur division intérieure. Beaucoup de ceux qui entrent aujourd’hui au séminaire ne le font pas parce qu’ils veulent devenir prêtres, mais parce qu’ils ne savent pas quoi faire de leur vie. Alors ils essaient de chercher, et c’est peut-être le séminaire, peut-être l’université qui pourra leur donner une réponse.

Une recherche de confort

Un autre comportement caractérise ceux qui entrent au séminaire : une attitude typique de la société de consommation définie par les recteurs comme la recherche du confort et comme une aspiration au sacerdoce dans cette forme de vie.
Le rêve du futur prêtre est une paroisse pas trop grande, sans difficultés pastorales particulières : le désir est d’avoir beaucoup de temps libre ; la peur la plus grande est au contraire d’être confronté à l’enseignement de la religion dans les écoles secondaires. L’aversion à l’égard de ce travail vient du fait qu’il est difficile, donne peu de satisfactions et n’est guère apprécié des jeunes. De plus en plus souvent entrent au séminaire des candidats qui savent pas vivre. Jusqu’à ce jour, quelqu’un a toujours tout fait pour eux. Ils ne savent pas travailler et s’occuper d’eux-mêmes. En ce qui concerne la plupart des fils uniques, pour les choses élémentaires, nous devons par exemple les préparer à partager une chambre avec quelqu’un.

Des difficultés devant l’engagement

Emerge toujours davantage le manque de constance dans la réalisation des tâches entreprises, que ce soit dans le travail ou dans un engagement communautaire. Un autre phénomène nouveau est l’aversion envers le sacrifice et la crainte devant une décision définitive.
Toujours plus nombreux sont ceux qui demandent une période de réflexion avant de recevoir l’ordination diaconale ou presbytérale. La tendance à allonger les délais avant de prendre les décisions importantes découle plus, selon les formateurs du séminaire, de la crainte d’assumer une responsabilité et d’un manque de maturité psychique et émotionnelle.

Les éducateurs disent que, de plus en plus souvent, les candidats au sacerdoce ont eu des relations sexuelles avec des jeunes filles. Ils ne constituent pas l’exception, à savoir que le candidat est touché dans sa vie par la culture des jeunes ou qu’il a parfois absorbé de la drogue. Beaucoup de jeunes sont dépendants d’internet et des moyens de communication contemporains.

Et quels sont les phénomènes positifs ?

Ils ont une expérience positive de l’Eglise : beaucoup de candidats ont participé à des pèlerinages ou sont membres de mouvements religieux, de groupes de servants d’autel.
La religiosité de ceux qui entrent au séminaire semble être plus grande mais assez superficielle et émotive. Cette sorte de vie spirituelle doit se transformer dans la vie communautaire. Ces candidats sont caractérisés par un grand radicalisme et une volonté de sacrifice. Ils recherchent l’authenticité et le contact individuel.

Conclusion

La question est maintenant de savoir s’il y a de « bons » candidats au sacerdoce. La vocation est un don, un cadeau pour l’Eglise concrète, pour la communauté concrète. Le Seigneur Jésus les a appelés dans une ambiance concrète, dans une famille concrète. Nous savons qui ils sont. L’évolution dépend dans une large mesure de la façon dont ils vivent la formation au séminaire.