Symphonie des vocations pour la mission


Thierry Anquetil,
responsable de l’Ecole de la foi

 

L’Ecole de la foi pour jeunes témoins, située à Coutances en Normandie, accueille chaque année, depuis dix-huit ans, des garçons et filles, étudiants et jeunes professionnels, entre 18 et 30 ans, pour vivre neuf mois à temps plein une « école de vie baptismale ».

 


En ce début du mois de juillet, un certain nombre de faire-part ornent le coin prière de mon bureau : celui d’Hugues, de Christophe, ordonnés prêtres au mois de juin : ils ont fait respectivement l’Ecole de la Foi pour jeunes témoins il y a sept et neuf ans. Il y a celui d’Anne-Cécile : elle était présente à l’Ecole il y a cinq ans et elle recevra bientôt, avec Jean, le sacrement du mariage, tout comme Laurent (quinzième année de l’Ecole) et Marie qui se sont mariés ce week-end. J’aperçois aussi celui d’Annabel qui fera profession monastique chez les Trappistines en Dordogne à la fin de l’été : elle était là il y a neuf ans. Marie-Renée, elle, (première promotion), nous a annoncé qu’elle recevra à la rentrée prochaine la consécration des vierges pour le service de son Eglise diocésaine. Quant à Alexandre (neuvième année), ordonné prêtre récemment dans la société des Missions étrangères de Paris, il part bientôt comme missionnaire au Japon.
Lorsque les jeunes arrivent, j’aime leur dire que dans « Ecole de la Foi pour jeunes témoins » ce qui est important c’est « pour jeunes témoins ». En effet, suivre le Christ, ce n’est jamais pour se mettre à son propre compte, c’est toujours pour répondre à une demande, à un appel en vue de servir. Mission et vocation ne se rejoignent-elles pas ? L’une et l’autre sont intimement liées : vouloir mettre les jeunes dans une perspective missionnaire, c’est du même coup les placer dans une dynamique de vocation, de toutes les vocations.
Un visiteur, dans un rapport aux évêques de l’Ouest qui l’avaient mandaté, décrivait l’Ecole de la Foi comme “une Ecole de formation qui apprend aux jeunes à vivre leur baptême pour servir l’Eglise”. C’est précisément la finalité de l’Ecole de la Foi : former des jeunes pour qu’ils épanouissent leur vocation baptismale, et qu’ainsi ils deviennent capables de témoigner au monde de la joie de vivre, de croire et de servir.
Les moyens mis en œuvre ont trouvé un fondement dans l’Ecriture : « Ils se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières […] ils rendaient témoignage à la résurrection du Seigneur Jésus » (Ac 2, 42. 4, 33). Prière, enseignement, vie communautaire, mission : ces quatre piliers, sans cesse réactualisés dans la pédagogie mise en œuvre, structurent et orientent la vie de l’Ecole à l’instar de toute vie chrétienne, de toute vocation.
Nous pouvons en parler séparément, mais c’est par l’interaction de ces piliers que se fait la formation à l’Ecole, au fil des jours. La mission réactive le besoin de formation, la formation purifie la représentation de Dieu, et par là même la relation personnelle à Dieu. Ce qui est contemplé dans la prière et la liturgie est objectivé par l’enseignement et l’étude et se vérifie dans une joyeuse vie fraternelle empreinte de simplicité et de pardon. Peu à peu s’unifie la vie des jeunes, orientés vers la mission.
A partir de là se créée une véritable dynamique vocationnelle au service de la mission de l’Eglise dans lequel nous repérons les trois objectifs de l’Ecole : se connaître, se former, se donner.



Se connaître



« Pars d’où tu es, sinon tu n’arriveras nulle part. » Cette maxime empruntée à saint François de Sales invite d’abord à faire preuve de réalisme. Ainsi, pour entrer dans une dynamique de croissance, il s’agit d’abord d’apprendre à accueillir, avec réalisme, sa propre histoire pour y reconnaître les traces de Dieu et découvrir qu’elle est une « histoire sainte ».
Pour cela, nous nous appuyons sur une pédagogie de la relecture et du témoignage. En effet, les jeunes présents à l’Ecole de la Foi sont invités chaque trimestre à partir une semaine en mission d’évangélisation ; ils y rencontrent divers groupes de jeunes auxquels ils témoignent des passages de Dieu dans leur vie. En préparant toutes ces rencontres au long de l’année, les jeunes s’approprient de plus en plus cette « histoire sainte », et s’ils s’aperçoivent de la présence de Dieu avec eux, ils découvrent aussi qu’avec Lui, ils en sont les auteurs et non pas les spectateurs ! Leur vie a du prix, elle est unique et singulière. Ils sont appelés à y mettre du sens, dans l’ordinaire du quotidien !

« Pars d’où tu es, sinon tu n’arriveras nulle part » : la vie en commun devient ce creuset où les illusions que l’on peut avoir sur soi cèdent rapidement devant la réalité des tensions, voire des affrontements mutuels, qu’il s’agisse d’accueillir les dons et les talents d’autrui et de soi-même, ou d’accepter limites et pauvretés. Chacun, petit à petit, prend conscience de sa singularité et de la singularité des autres dans la différence : telle a un don pour le chant, tel sait faire la cuisine, telle a une imagination créatrice débordante, tel dépanne tout ce qui relève de l’électricité, etc. Par l’attitude de bienveillance que chacun s’efforce d’avoir a priori envers l’autre, les jeunes sont appelés à se mettre en chemin pour oser être eux-mêmes, et à faire les pas nécessaires pour que la communauté se construise et que tous et chacun s’édifient mutuellement.
La réunion communautaire hebdomadaire est ce moment privilégié où chacun apprend à dire et à se dire devant les autres afin de grandir dans une liberté intérieure et de poser des choix personnels. Ainsi dans une vie commune empreinte de confiance et de respect, tous peu à peu accueillent les valeurs et acceptent les limites de chacun et s’aident à acquérir une meilleure autonomie. Cela fait une communauté où chacun est précieux, et découvre qu’il a réellement une place : la sienne.
Pour bien vivre avec les autres, il importe aussi de bien vivre avec soi-même. Chaque jour les jeunes disposent de deux heures de temps personnel : temps de solitude où chacun est appelé à mûrir ses choix en fonction de son projet de vie. Si l’on apprend à être dépendant dans l’ordre de la charité fraternelle, il s’agit ici d’apprendre à être autonome dans la liberté de répondre à ce qui est bon pour soi, afin qu’un jour chacun puisse dire, quelle que soit sa vocation : « Me voici Seigneur »…



Se former



Si la prière des heures, l’oraison quotidienne ainsi que l’eucharistie célébrée chaque jour sont des invitations à entrer plus en avant dans la relation avec Dieu, il importe que cette relation soit éclairée, nourrie par une recherche de la vérité, au-delà d’une expérience sensible. La foi a ses raisons. A cette génération privée ou insuffisamment nourrie de l’aliment vital de l’intelligence de la foi, et désireuse de vivre la mission de l’Eglise, il importe de fournir un enseignement qui lui révèle la vérité du mystère de Dieu et la vérité de l’homme. Les jeunes de l’Ecole ont donc quatorze heures de cours par semaine, dans quatre domaines : Bible et théologie de base, philosophie et anthropologie, vie spirituelle, animation et formation à la mission. Ils ont aussi deux travaux écrits à effectuer au cours de l’année, avec espression orale.

L’enseignement reçu les invite à découvrir, à apprendre et à s’approprier les mots justes pour mettre à distance leur propre expérience humaine et spirituelle. Ce faisant, ils sont mieux à même de la comprendre et de faire œuvre de sagesse et de discernement pour orienter leur vie quotidienne à la lumière de l’Evangile au service de l’Eglise.
D’ailleurs, à l’issue d’une année, nombreux sont les jeunes qui disent avoir découvert l’Eglise de l’intérieur, et plus spécialement la réalité de l’Eglise diocésaine (la leur) que peu de chrétiens peuvent appréhender dans son ensemble. Ils découvrent qu’elle est réellement un corps communautaire et vivant où chacun joue sa partition, bien plus qu’une juxtaposition de personnes ayant une tâche dans l’Eglise. L’implantation de l’Ecole de la Foi favorise cette découverte ; Coutances est une petite ville épiscopale où les personnes des services diocésains sont proches et facilement accessibles : « A force de se voir et se revoir, on se reconnaît comme faisant partie d’une même famille. » Ainsi à travers les personnes rencontrées dans les insertions pastorales hebdomadaires, à travers la diversité des témoins du jeudi soir impliqués dans la vie de l’Eglise diocésaine et/ou dans la vie de la cité, les jeunes touchent du doigt mille façons d’être témoin de l’Evangile dans le monde. Les semaines d’animation pastorale dans les diocèses sont aussi un lieu où les jeunes expérimentent concrètement la complémentarité des personnes et des charismes pour le succès de la mission
Oui, il importe que l’Eglise diocésaine se donne à voir, à toucher par les jeunes. L’Ecole de la Foi est un des lieux où ils peuvent expérimenter la diversité et la richesse du peuple de Dieu incarné dans une Eglise locale, une Eglise où se vit la communion, pour que puisse se vivre la mission dans les diverses missions au service de tous les hommes.



Se donner



La vie chrétienne est une « vie-pour », elle trouve son accomplissement dans le don de soi. A l’Ecole, les jeunes en font l’apprentissage dans la vie communautaire, qui implique nécessairement le don de soi. Mai plus particulièrement, c’est dans le pilier de la mission qu’ils expérimentent la joie du don de soi.
• Chaque semaine ils participent à l’animation d’un groupe, le plus souvent une équipe de jeunes – un groupe de catéchèse en 4e, une équipe MEJ –, la visite des personnes âgées dans une maison de retraite ou bien l’accueil des familles qui viennent visiter les prisonniers. Cette insertion permet aux jeunes de s’inscrire dans une fidélité et une durée où ils doivent faire preuve de créativité, de pédagogie afin de répondre à la mission qui leur est confiée.
• Chaque trimestre, l’Ecole, à la demande de lycées, de paroisses, d’aumôneries, se rend dans un diocèse pour une semaine d’animation pastorale. Durant cette semaine, les jeunes se mettent au service du lieu qui les accueille. Le plus souvent ils vont à la rencontre de jeunes dans des classes de lycée partageant ainsi la foi qui les anime.
• Enfin, les jeunes animent ou participent durant l’année à l’animation de différents temps forts, aussi bien pour des enfants, des adolescents que des lycéens et des étudiants.
Les jeunes de l’Ecole font déjà l’expérience de la dynamique du don de soi dans la vie communautaire qui appelle à aller jusqu’au bout de l’amour. Aller jusqu’au bout est un leitmotiv que l’on entend à l’Ecole de la Foi, aller jusqu’au bout d’un service à faire, jusqu’au bout d’un projet à réaliser, jusqu’au bout d’un dossier à terminer et à rendre à temps… aller jusqu’au bout de l’année !
La mission est l’autre lieu de croissance de l’amour qui donne. En donnant tout ce qu’il a et ce qu’il est dans la mission, chacun découvre en soi, révèle et développe le meilleur de lui-même. Sa confiance en lui-même grandit, il ose aller de l’avant, prêt à s’engager dans d’autres missions avec d’autres partenaires-frères en Église. On peut dire que l’Ecole de la Foi, en créant une dynamique au service de la mission, favorise l’éclosion et la maturation de toutes sortes de vocations.

Relecture de la vie, accompagnement spirituel, enseignements, découverte de la singularité de chacun dans la diversité, longs temps de prière personnelle et communautaire, autant de moyens mis en œuvre pour permettre à chacun de trouver son centre de gravité dans la diversité des personnes, des situations, des vocations au service de l’Eglise. Oui, il importe que les jeunes trouvent des lieux de confiance et d’échange, où ils puissent, en toute liberté, se laisser apprivoiser par le désir de se donner, où ils puissent porter en leur cœur la question d’une vie à donner au Christ et à l’Eglise pour l’annonce de l’Evangile. L’Ecole de la Foi pour jeunes témoins a l’ambition d’en être un.

« La pastorale des jeunes requiert de la part des accompagnateurs, persévérance, attention et invention… pour accompagner les jeunes, leur transmettre l’enseignement chrétien, partager avec eux des temps fraternels et de loisirs, afin qu’ils deviennent missionnaires. Je souhaite que les diocèses se mobilisent toujours davantage pour cela, même si vous êtes dans des périodes difficiles. Que les adultes fournissent aux jeunes les moyens concrets de se retrouver pour vivre et pour approfondir leur foi, les formant à l’étude, à la méditation de la Parole de Dieu et à la prière personnelle, et les appelant à se conformer toujours davantage au Christ. Il convient aussi de les aider à s’interroger sur leur existence et sur leur projet de vie, afin qu’ils se rendent disponibles aux appels du Seigneur à une vocation spécifique dans l’Eglise. » (Jean Paul II, visite ad limina des évêques des provinces de Bordeaux et Poitiers en février 2004).


Ecole de la Foi
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