Regard GFO sur la JOC


Chrisophe Decherf
responsable national des GFO,
formateur au séminaire interdiocésain de Lille

 

 

Christophe répondait à la question : « Comment vois-tu l’articulation entre les mouvements et les vocations, ton point de vue de responsable de GFO ? »

L’articulation entre la JOC et les vocations spécifiques



J’ai été accompagnateur d’équipe de JOC et aumônier d’une fédération pendant quelques années. Aujourd’hui je suis formateur au séminaire de Lille (depuis six ans), et secrétaire national des GFO. Dans la région Nord/Pas-de-Calais, je participe à la commission « Appel à la vie consacrée et aux ministères ordonnés en monde ouvrier » ; une fois par an, laïcs, religieux, religieuses, prêtres engagés dans l’accompagnement en JOC ou ACE se retrouvent avec des responsables du SDV, le DDMO, pour penser l’appel dans les situations et évolutions que nous percevons, pour soutenir et quelquefois prendre une initiative. J’ai enfin la chance d’accompagner « spirituellement » un responsable du mouvement.


Une tradition pour faire entendre l’appel



Je vois dans la JOC une longue tradition d’attention à l’évolution des personnes, de repérage des charismes, d’appels à des responsabilités qui font vraiment vivre des jeunes pendant une période importante de leur vie. Parce que ces appels sont concertés, mûris, lancés suivant une procédure précise (par des responsables eux-mêmes jeunes mais susceptibles de s’interroger sur leur propre appel), ils font vraiment grandir. La personne appelée peut ensuite relire ce qui s’est opéré en elle lorsqu’elle a reçu cet appel (ou des appels successifs), les sentiments qui ont été les siens, ce qui s’est passé dans le « oui » qu’elle a prononcé, le parcours qu’elle a ensuite pu faire, et sa disponibilité à d’autres appels.
Nous constatons, dans la commission appel en monde ouvrier que déjà bien avant, lorsque des jeunes sont encore « ados » (pas encore dans une équipe de JOC ou en responsabilité en ACE, mais préparant par exemple leur baptême ou leur confirmation) il est possible de leur proposer d’écrire leur vie, et de la relire ensuite avec un adulte. Cette rencontre pourra être une première étape pour avancer. Elle permet de nommer des lieux où le jeune a été heureux et des personnes qui sont lumière pour lui ; il pourra aussi nommer ses besoins forts. L’adulte, qui prend ce temps, peut aussi être le vis-à-vis qui met devant le réel, tout en étant celui qui encourage. Il permet (c’est aussi ce qu’une vie d’équipe permet) de découvrir que des engagements tenus, seront fondateurs pour la suite de l’existence du jeune, alors même qu’il est tenté par l’inconstance, « au jour le jour ».


Ce que la JOC propose



Regardons, parmi les propositions du mouvement, ce qui permet de mûrir en vue d’un appel à une vocation spécifique. C’est vers l’âge de trente ans, aujourd’hui, que la question de l’appel au ministère ou à la vie religieuse peut être entendu. Le terrain de ces jeunes gens est encombré ; il devra être déminé ou éclairé. « La vie » consonne longtemps avec « biens de consommation ». Il faudra du temps pour que d’autres « biens » apparaissent (le service de l’autre, le sens du bien collectif), et pour qu’une « personne », Jésus-Christ, puisse remplir leur vie. Benoît XVI, dans son dernier texte sur l’espérance, indique une voie 1. Il dit, dans ce texte, qu’on peut s’être habitué à l’existence de Dieu, culturellement (il est ainsi celui qui sert les droits de l’homme), mais perçoit-on qu’il aime chacun personnellement 2 ? On peut être « informé » de Dieu, sans que cette nouvelle soit « performative », c’est-à-dire qu’elle modifie ma vie, ma confiance, mon audace. Tel est le travail ordinaire d’éducation de la JOC, notamment lors des sessions de formation qui permettent d’écrire naturellement sa prière, faire – avec d’autres – un temps d’arrêt sur sa vie, célébrer la foi de façon heureuse 3.


Responsables et accompagnateurs appellent



Un jeune arrive en formation en vue d’être prêtre, « appelé » par un autre jeune, responsable dans le mouvement, à oser ce pas . Il lui a dit que les GFO existent, et ce premier pas en a, ensuite, permis d’autres. Mais je veux aussi regarder du côté des adultes et des accompagnateurs, afin que nombreux soient ceux qui portent l’appel ; qu’ils sachent que les jeunes sont souvent vis-à-vis d’eux dans un rapport d’identification.
Le mouvement veille à ce que l’accompagnement soit diversifié. Il est bon que les prêtres ne soient pas « accompagnateurs des accompagnateurs » mais proches ; que la pluralité heureuse et appelante de figures : religieux, religieuses, laïcs mariés et célibataires, prêtres soit tenue. Une spiritualité ecclésiale et appelante est ainsi vécue ; ce n’est pas l’état de vie qui attire, mais une Église heureuse, à servir, et Jésus-Christ reconnu en des hommes et femmes équilibrés et relationnels. Ce qui les habite, leur « idéal », est fiable parce qu’il est vérifiable par leur patience, leur écoute et leur foi en l’autre. Les témoignages sont à valoriser : des séminaristes avancés dans leur formation ont de plus en plus envie de dire le bonheur qui est le leur, au-delà du cliché largement répandu qu’« être célibataire ? pas pour moi ».

Les jeunes ne cessent de nous surprendre lorsque, appelés à un pas qui ne viendrait pas d’eux-même, ils s’épanouissent dans une responsabilité (un « ministère » déjà). L’appel de Dieu passe ainsi par nos appels successifs. Ils nous bousculent aussi – tels par exemple les jeunes issus de l’immigration – dans notre façon de vivre notre foi, de l’exprimer et de la célébrer. Il est bon d’en parler pour dépasser peurs et pessimismes. C’est toujours l’heure de l’espérance !

 

Notes


1 - Recevons cela comme des tendances qu’il ne faut pas durcir, exclusives l’une de l’autre. Dans les deux points d’attention que nous relevons chez lui, nous tenons évidemment des deux voies qu’il indique.
2 - Benoît XVI, Sauvés dans l’espérance, n° 2-3.
3 - Sur la question de Dieu il me semble que les jeunes, ont pris de plein fouet le discours asséné depuis le 11 septembre 2001. Les responsables de cette catastrophe seraient les « terroristes », évidemment des islamistes qui tuent « au nom de Dieu ». Dès lors Dieu n’est pas intéressant (qu’il soit celui des chrétiens comme celui des autres), profitons du moment présent. Point. Long et permanent travail d’expression et de réflexion au fil des « permanences » JOC ou de la vie d’équipe ; poser son ressenti, ses questions, entendre celles des autres, chercher les causes et repartir plus fort, parce que rassuré.