Le FRATernel, une histoire d’amour


Thierry Faure
prêtre du diocèse de Versailles,
responsable du Frat Lourdes

 

C’est ainsi qu’un supérieur de séminaire définissait la vocation presbytérale s’agissant de l’histoire des jeunes hommes qu’il formait avec ce Dieu qu’ils allaient servir toute leur vie.
Peut-être faudrait-il parler d’une vocation du FRATernel depuis ses commencements avant de voir ce qu’il permet pour les jeunes qu’il rassemble, leurs animateurs et les prêtres nombreux qui y participent.

Cette véritable histoire d’amour que Dieu a tissé avec tous les participants au FRAT, se poursuivra avec tous ces jeunes attendus en avril prochain ; elle commence au début du siècle dernier. Depuis la fin du xixe siècle, des associations destinées essentiellement à l’animation et à l’encadrement des jeunes ouvriers prennent de plus en plus d’ampleur dans les paroisses parisiennes : on les appelle les patronages ou « patros ».
C’est dans ce contexte que naît le FRATernel en 1908. Cette année-là, on célèbre en effet le cinquantième anniversaire des apparitions de la Vierge à Lourdes. L’objectif de la « Colonie fraternelle » est de permettre à des jeunes garçons de quitter leur vie parisienne pour se rendre en pèlerinage à Lourdes. A l’époque, seuls les garçons pouvaient participer au FRAT.
À partir de 1928, le FRAT prend la forme d’une association pour mieux répondre aux nombreux jeunes qui souhaitent y participer. À partir de ce moment-là, un second rassemblement accueille les jeunes filles. Il faudra attendre 1978 pour assister à la naissance du premier FRAT mixte à Lourdes.

La Pentecôte 1979 voit la naissance du FRAT de Jambville destiné aux collégiens. Seuls les diocèses de Paris, Créteil, Nanterre et Saint-Denis répondront à l’appel. Il y aura 1 200 participants.
Désormais, le FRAT se déroule à Jambville pour les quatrièmes et troisièmes les années impaires, et à Lourdes pour les lycéens les années paires. En 1988, le FRAT rassemble les huit diocèses d’Ile-de-France car ceux de Versailles, Pontoise, Meaux et Évry-Corbeil-Essonne choisissent de se joindre au pèlerinage. En 1993, le FRAT connaît un véritable essor et devient l’un des plus grands rassemblements de jeunes catholiques.

Et nous voilà en 2008 où 12 000 jeunes lycéens d’Ile-de-France sont attendus à Lourdes pour fêter dignement mais sûrement le centième anniversaire du FRAT et le cent-cinquantième anniversaire des apparitions de Lourdes et ainsi contribuer à faire l’histoire de ce rassemblement « Fraternel ».


Un lieu d’éducation



La lecture de l’historique de ce rassemblement montre qu’à l’origine, le FRAT était un patronage, c’est-à-dire une œuvre de bienfaisance, d’éducation chrétienne destinée aux enfants et adolescents, et visant à leur proposer des distractions et activités pendant les vacances et les jours de congés. Puis le FRAT est devenu un pèlerinage en tant que tel.
Souvent le mot pèlerinage est associé à un voyage que l’on entreprend vers un lieu de culte pour y rencontrer, y célébrer Dieu et ses saints. Celui où se rendent les lycéens est Lourdes. Celui ou se rendent les collégiens est Jambville, le château, son parc et ses villages de tentes dispersés autour du chapiteau-église.
Pérégriner, c’est préparer sa besace, se mettre en route, cheminer, persévérer dans l’effort, savoir se reposer, ne pas perdre de vue son objectif en s’autorisant des chemins de traverses, apprendre de ceux qui marchent à nos côtés, gérer son rythme, se faire aider dans les passages difficiles, tendre la main pour assister son compagnon de route, connu ou inconnu, c’est prier, rencontrer, chanter, pour progresser, grandir, avancer et finalement arriver…

Le FRAT propose durant ces quatre jours :
  • des temps de grand rassemblement, sous Pie X ou sous le chapiteau à Jambville, avec des liturgies importantes comme la messe, la réconciliation, le sacrement des malades ;
  • des temps en groupe ;
  • des temps de carrefours et d’échanges où les jeunes sont répartis par groupes de huit avec un animateur ;
  • des temps de rencontre de témoins ;
  • à Lourdes des temps « d’espace » où ils sont invités à découvrir et à habiter le message de Lourdes ; à Jambville des temps de « village » où ils se retrouvent à plusieurs aumôneries pour célébrer, fêter, jouer…
  • mais aussi des temps de rencontre plus personnels, avec des écoutants, les prêtres ou leurs animateurs disponibles, à leur écoute ;
  • et surtout… c’est la rencontre avec le Christ qui leur est proposée !

Cette dimension de pèlerinage traduit bien l’histoire d’amour de Dieu avec les hommes et des hommes avec Dieu, une histoire qui est réponse à un appel qui nous précède, un appel qui nous mobilise à la suite ou avec d’autres, qui nous rassemble, nous déplace, nous met en route, nous transforme et nous envoie.
Le FRAT veut servir cet appel de Dieu adressé à tous ces jeunes, lui donner d’être entendu et permettre aux jeunes d’y répondre personnellement :

  • il veut avant tout servir l’humanité de ces jeunes et par eux, celle de leur génération ;
  • il veut, dans un même mouvement, servir leur vie chrétienne, encourager leur croissance spirituelle ;
  • il veut enfin les aider à grandir en sainteté, sur un chemin de bonheur voulu par le Christ.

Nous espérons qu’il porte en eux et par eux les fruits que Dieu peut en attendre et qu’il a su déployer en Bernadette durant et après les apparitions : une vraie charité en actes, humble, la joie du témoignage, une vie spirituelle renouvelée, et une participation effective à la vie de l’Église.

Une journaliste d’une grande chaîne de télévision, traversant la prairie de Jambville remplie des douze mille jeunes en temps de carrefours, répartis par groupes de huit avec un animateur, nous fait la remarque : « C’est la première fois que je n’ai pas peur au milieu de tant de jeunes ! » Et pourtant, les jeunes qui viennent au FRAT sont bien de leur temps, de leur génération, colorés et divers, bruyants aussi, vivant les mêmes réalités que les autres. L’appel de Dieu les rejoint, comme Bernadette, avant tout dans leur humanité. Nous pourrions avoir tendance à apprécier négativement le monde dans lequel ils évoluent, mais nous prenons le parti, sans naïveté, ni aveuglement, de positiver la réalité, pas tant celLe de ce monde, mais de ce qu’ils sont au milieu de ce monde, de ce qu’ils portent de qualités, de dons, de talents, et de tout ce que Dieu a déposé en eux et leur confie. Nous voulons, et c’est souvent le sens de la célébration de l’Accueil, les aider à se sentir appelés donc capables, aimés donc aimables, les faire entrer dans le regard que Dieu porte sur eux, sur les autres, sur ce monde...
Une autre dimension que veut honorer et servir le FRAT est la diversité qu’ils constituent, diversité sociologique, géographique, ethnique, et quasi-religieuse dans une même foi chrétienne… leur diversité humaine ! Les groupes, constitués au sein d’une aumônerie, d’un lycée public ou privé, d’une paroisse, d’un mouvement, rassemblent déjà pour la plupart des jeunes très divers. La rencontre des autres groupes, des « frateux » de leurs carrefours, des autres pèlerins de Lourdes, des témoins, leur permet d’apprécier la richesse de l’autre, de la parole donnée et reçue, passer de la tolérance à la bienveillance, et pourquoi pas à la communion.
De ce fait, nous voulons nous faire les relais de ce Dieu qui veut les faire grandir, chrétiens, dans cette humanité telle qu’elle est, qu’ils aiment ou qu’ils craignent, où Il veut leur ouvrir ou encourager un avenir possible, ensemble.

Le FRAT est un temps fort d’Église, qui les aide à réaliser qu’ils ne sont pas seuls, mais en nombre, chrétiens, et aussi qu’ils peuvent, avec le soutien et le modèle d’adultes, être encouragés et s’encourager mutuellement à suivre le Christ, à vivre l’Évangile, à servir Dieu comme leur prochain. Les témoins présents auprès d’eux, animateurs, prêtres, témoins rencontrés dans des temps spécifiques, ouvrent pour eux les perspectives d’une vie chrétienne, qui si elle reste souvent modeste, peut trouver par la foi, dans l’Eglise et à travers sa diversité de communautés, de mouvements, d’associations, de talents, la grâce d’une réelle fécondité.

L’enjeu est de redonner goût et force à leur foi, à leur espérance, et à leur capacité d’aimer vraiment, comme ils se découvrent ou se savent déjà aimés par Dieu.
L’Église leur propose aussi d’éclairer leur vie et leur conscience à la Lumière du Ressuscité de Pâques. Beaucoup de nos jeunes éprouvent déjà dans leur vie, des difficultés graves, de tous ordres. L’équipe d’écoutants présente durant les quatre jours, relève chaque année l’ampleur des dégâts, chez les jeunes comme chez les animateurs, dus aux situations familiales, professionnelles, sociales souvent dramatiques et inquiétantes.
À Lourdes, la mémoire de Bernadette, petite, pauvre et misérable jeune fille, la présence de tous ces pèlerins d’aujourd’hui et d’hier, dont beaucoup malades ou handicapés – y compris au sein de groupes du FRAT – venant trouver là réconfort et guérison, ouvre sur un autre monde, un monde nouveau, où rien ne fait plus obstacle à la foi, à l’espérance, à l’amour. Là, chacun a sa place, et l’autre, même différent, tellement blessé parfois, n’est plus dérangeant. A la procession aux flambeaux, le visage éclairé par la lumière faible et vacillante d’un flambeau, quelques soient ses blessures, toute personne trouve dignité et beauté, se laissant contempler comme Dieu la regarde !
L’expérience de la réconciliation célébrée dans une ambiance saisissante, du fait en particulier du nombre de prêtres présents, du sacrement des malades proposé encore cette année, de la rencontre de frères et sœurs de personnes handicapées, etc. fait entrer le mystère pascal, de manière extrêmement marquante, dans leur existence. Le fondement de notre foi chrétienne peut ainsi devenir pour eux ce rocher sur lequel ils pourront toujours s’appuyer, la lumière qui éclairera leur route, même assombrie par les difficultés rencontrées, la source qui désaltérera toujours leur soif de croire, d’espérer, d’aimer, ces trois symboles de la foi si présents à Lourdes !

Enfin par des thèmes creusés durant les quatre jours du rassemblement, nous voulons les conduire à approfondir dans leur vie chrétienne comme dans leur environnement humain ni plus ni moins que la vocation à la sainteté, ce chemin de bonheur, propre à chacun, que le Christ propose et donne la grâce de parcourir avec Lui.
La sainteté, non pas comme un état de perfection inatteignable, une destination inaccessible, une imitation parfaite des grands saints de la chrétienté mais une disponibilité à la grâce de la communion avec Dieu, de l’humilité, à la vérité sur soi, sur les autres, à la force du don et du témoignage… à la joie de la confiance, comme l’ont vécu Marie l’Immaculée, Bernadette... et tant d’autres.

Les fruits attendus sont ceux dont Bernadette a témoigné durant les apparitions et par la suite à Nevers : des actes qui induisent une charité effective, une parole, des mots qui témoignent sans peur de Celui que nous avons rencontré, qui nous fait vivre, une vie de prière qui rappelle l’importance du lien avec Celui qui nous a aimés le premier, et enfin, le goût et le désir de servir l’Église, notre Mère, où le Christ se donne et se fait reconnaître sacramentellement.

Telle est cette histoire d’amour entre Dieu et les jeunes que nous sommes heureux de servir au FRAT ; elle se poursuit inexorablement et témoigne de la vitalité de l’Église aujourd’hui, de ses fidèles, laïcs, religieux, prêtres ; elle augure de son avenir, et rend compte de l’œuvre de l’Esprit en elle, hier, aujourd’hui et demain.