Samaritains de l’espérance pour une Europe humaine et chrétienne


Mgr Jean-Louis Bruguès
secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique

 

Il me revient de prononcer la première conférence formelle de ce Congrès européen des Vocations. Je confierai d’abord que je trouve magnifique le titre retenu : Samaritains de l’Espérance pour une Europe humaine et chrétienne… Magnifique et impressionnant ! Mon embarras tient à plusieurs raisons dont deux l’emportent sur les autres. D’abord, savons-nous vraiment ce qu’est l’Europe et vers où elle se dirige ? La question des sources chrétiennes, agitée au cours de ces dernières années, est fort significative, car elle conduit tout droit à la question de l’identité, qui est à l’évidence une question centrale, mais que l’on feint d’ignorer. Ou bien l’Europe est, en effet, un grand marché ayant vocation à s’ouvrir le plus largement possible à des pays qui n’appartiennent pas au continent géographique : demain, la Turquie, après-demain, les pays du Maghreb. C’est la conception dite anglo-saxonne, car soutenue par la Grande-Bretagne et les États-Unis. Ou bien l’Europe est un concert de nations qu’unissent la géographie, bien sûr, mais tout autant une histoire et une civilisation communes, dans lesquelles le christianisme a joué un rôle de premier plan. Récuser les origines chrétiennes revient, en fait, à adopter la première vision : un simple marché. Ne nous étonnons pas si les peuples et les jeunes générations surtout ne manifestent guère d’enthousiasme pour soutenir un projet politique si court.

Le titre retenu pour ce congrès international contient un second mot également impressionnant : espérance. La dernière encyclique de notre pape Benoît XVI, Spe salvi, explique avec le sens pédagogique que nous lui connaissons, que l’espérance est devenue le point aveugle des sociétés sécularisées. À partir du moment où la perspective d’un au-delà de l’existence physique se trouve exclue, même au titre d’une simple hypothèse, des choix collectifs aussi bien que des choix personnels, la mort devient le scandale par excellence dont il convient de repousser l’échéance au-delà même du raisonnable : nous le voyons bien avec les débats relatifs à l’euthanasie. Dès lors, la tâche du croyant au Christ ressuscité, et donc vainqueur de la mort, se trouve aisément tracée : il est une vie supérieure qui donne à toute vie humaine sens et saveur, une vie qui nous introduit à l’éternité même de Dieu et appelée précisément vie éternelle. Voilà ce que nous sommes en réalité : des pèlerins d’éternité.

Les plus belles pages de l’encyclique sont celles précisément qui parlent de la vie éternelle (n° 10 et s.). « Le moment est venu, écrit le Saint-Père, de nous demander explicitement si la foi chrétienne est bien pour nous une espérance qui transforme notre vie et la soutient. » Est-ce seulement une « information » que nous avons reçue, parmi tant d’autres, et que nous avons laissée dans un coin de notre mémoire, submergée par des informations plus récentes ; ou bien, est-elle « performative », c’est-à¬dire capable de changer notre existence et la face du monde ?

Il n’existe pas de tâche plus urgente aujourd’hui pour notre Église que celle de redonner le goût de l’éternité. Cette conviction m’avait guidé tout au long des trois carêmes que je prêchais à Notre-Dame de Paris, de 1995 à 1998. Existe-t-il en l’homme quelque chose qui « passe infiniment l’homme », comme le soutenait Pascal, ou bien est-il à lui-même sa propre mesure, ainsi que l’affirmait déjà Protagoras ? N’est-il pas vrai que les croyants de tous les temps qui se sont pressés dans les temples de Delphes, de Louxor, d’Ayodhya, de Teotihuacan et les cathédrales chrétiennes, mais aussi les incroyants devenus si nombreux aujourd’hui, frappent tous, d’une manière ou d’une autre, à la porte de la divinité, quel que soit le nom donné à cette dernière, et répètent : « Je veux voir Dieu ? »

Si cette tâche de redécouverte de l’éternité est bien celle de l’Église entière, elle doit se retrouver au premier rang des préoccupations des prêtres et des religieux, de leur pastorale, de leur formation, de leur enseignement et de leur vie spirituelle. S’ils ne sont pas eux-mêmes ces pèlerins d’éternité que nous venons de nommer, comment pourraient-ils conduire les fidèles à eux confiés sur les chemins de l’espérance ? Samaritains de l’Espérance : le titre de notre congrès se trouve ainsi pleinement justifié. On comprend alors que la question des vocations sacerdotales n’est pas seulement cruciale pour notre Église, son gouvernement, son enseignement et sa vie sacramentelle, mais aussi bien pour l’Europe, dont l’espérance est malade et qui doit apprendre à croire en son propre avenir.

La question des vocations a fait l’objet de si nombreuses études, analyses et interprétations au cours de ces dernières décennies que celui qui, comme moi en ce moment, se trouve dans l’obligation d’en traiter, éprouve immédiatement un sentiment de lassitude. Que dire de vraiment neuf ? Comme l’observait déjà une écrivain français du XVIIe siècle : « Nous arrivons trop tard, tout a déjà été dit. »

Je ne m’appuierai donc pas sur ces travaux, même s’ils ne me sont pas tout à fait inconnus, bien sûr, mais plutôt sur ma propre expérience. Cette expérience comporte quatre volets : comme supérieur de couvents, puis d’une province dominicaine, j’ai reçu pendant des années les candidats au noviciat ; comme enseignant de théologie, j’ai été en contact pendant plus de vingt ans avec des séminaristes français et étrangers ; comme évêque d’Angers, j’ai exercé en premier la responsabilité de la politique des vocations sacerdotales dans mon diocèse ; enfin, secrétaire de la Congrégation romaine pour l’Éducation catholique (également en charge des séminaires et de la POUS), j’ai commencé à mieux prendre conscience de la diversité des situations de par le monde.

Permettez-moi d’apporter en ce moment une double précision. On a coutume de mettre sur le même pied les vocations sacerdotales et les vocations religieuses. On les englobe volontiers dans la même « politique des vocations » ; on répète à l’envi que l’Église et les évêques en particulier doivent renouveler sans cesse les appels à devenir prêtre ou religieux. En réalité, ces vocations sont de nature très différente ; il convient, par conséquent, de les distinguer avec soin. La vocation sacerdotale relève de la décision de l’Église qui a reçu le pouvoir d’authentifier, en fonction de ses besoins, les appels du Christ adressés à des hommes, généralement jeunes, à devenir « comme lui ». Elle trouve son origine dans le service du peuple de Dieu. Un évêque est donc à même de déclarer sur la place publique : « J’embauche ! », quand le besoin se fait sentir. Le peuple de Dieu qui m’a été confié a besoin de pasteurs ; je m’adresse à toi, parce que j’estime que tu as la capacité d’exercer ce ministère et je te demande : « Veux-tu devenir un ouvrier de la vigne du Seigneur ? » Si l’appel lancé était entendu par un très grand nombre et si le séminaire de ce même évêque venait à se remplir au point de devenir trop plein (un rêve !), celui-ci pourrait déclarer tout aussi publiquement : « Je ne prends plus personne. Les besoins de mon Église particulière sont couverts. Présentez-vous à d’autres évêques… » Redisons donc que la vocation sacerdotale relève du service de l’Église.

La vocation religieuse répond, elle, à une inspiration de l’Esprit. Elle est de nature charismatique. Celui qui entre dans une maison religieuse choisit d’abord un style de vie, à la manière des Apôtres et des premières communautés chrétiennes. Que cette existence comporte un service du peuple de Dieu, ne serait-ce que dans la prière d’intercession, est évident : mais ce service n’est pas premier. Ainsi s’expliquerait sans doute la très grave crise des vocations, en bien des endroits mortelle, affectant des familles religieuses organisées à partir d’une activité singulière. En d’autres termes, dans la vie religieuse, le mode d’être transcende, et de loin, le mode du faire. Le supérieur n’appelle pas ; il se contente, si je puis dire, de vérifier l’authenticité de la motion de l’Esprit chez le candidat qui frappe à la porte du couvent ou du monastère. Si le noviciat devient trop plein et les maisons surchargées, il n’a pas le droit de dire, à l’inverse de l’évêque : « Je ne peux plus vous prendre ! » Il se devra d’agrandir les bâtiments ou d’en construire de nouveaux. C’est exactement la situation dans laquelle je me suis trouvé comme prieur du couvent des dominicains de Bordeaux : l’afflux des vocations a fait que j’ai dû diviser les cellules par la moitié ; quand, j’ai voulu les diviser encore une fois, les frères m’ont assuré que ce n’était plus possible de vivre dans de telles conditions. Je me suis mis donc en recherche de nouveaux bâtiments…

La seconde observation ne surprendra personne. Les Églises occidentales, en Europe notamment, sont comme obnubilées par la baisse effectivement dramatique des vocations et le manque de prêtres. Il est bon de rappeler que les situations diffèrent grandement d’un continent à l’autre. C’est ainsi que plusieurs diocèses de la Corée du Sud ou de l’Afrique ont restreint les entrées dans les séminaires devant l’afflux massif des demandes. Les évêques européens reçoivent constamment des lettres émanant de candidats africains qui ne peuvent être acceptés chez eux. Les évêques de l’Amérique centrale venus récemment effectuer leurs visites ad limina à Rome au cours des dernières semaines, présentaient des chiffres très encourageants : le nombre des ordinations avaient été multiplié par deux ou par trois depuis une vingtaine d’années. Au Mexique et en Colombie, de nombreux séminaires affichent complet.

Dans les Églises occidentales, en revanche, la baisse des entrées au séminaire est presque partout forte, voire très forte. Des séminaires ferment, par manque de candidats ; des paroisses sont regroupées par manque de prêtres ; des diocèses voient leur avenir compromis par l’amenuisement du troupeau. L’air du temps chez nous est au rétrécissement et à la gestion économe des forces qui se réduisent dangereusement. S’il n’y a pas d’Église sans prêtre, ainsi que je l’ai proclamé dès mon arrivée dans le diocèse d’Angers, qu’en sera-t-il demain ? Ce contexte de rétraction généralisée ne favorise pas évidemment l’éclosion des vocations sacerdotales. Qui aimerait monter sur un navire que d’aucuns disent en perdition, ou du moins en route vers la mise en cale ?

Il n’existe pas de recette magique : on la connaîtrait déjà. En revanche, il vaut la peine de risquer quelques interprétations. Pour rendre compte de ce phénomène complexe, il convient évidemment de se référer à des facteurs multiples. C’est ainsi qu’on a évoqué avec raison l’assèchement du bassin traditionnel des vocations : la raréfaction des familles nombreuses et de tradition chrétienne vivant dans le monde rural. De fait, plus de la moitié des entrées au séminaire ou dans la vie religieuse, en France du moins, viennent de familles désunies, des milieux urbains et souvent universitaires. Le cardinal Lustiger avait avancé une hypothèse intéressante, mais qui mériterait d’être vérifiée techniquement : il assurait que le nombre des prêtres restait toujours en étroite corrélation avec celui des fidèles pratiquants. La baisse des vocations illustrerait alors la baisse de la pratique et plus encore l’affaiblissement de la foi. Je vous invite toutefois à regarder au-delà des explications de nature exclusivement sociologique.

Quant à moi, je reste persuadé que l’explication majeure de ce changement est à rechercher du côté de la sécularisation des sociétés européennes. Le mot est maintenant largement répandu, mais est-il compris de manière identique partout ? La sécularisation désigne d’abord un processus historique qui, né en France au milieu du XVIIIe siècle, a gagné progressivement les autres sociétés du continent, et d’ailleurs. Ce processus a franchi trois étapes : le procès intenté à un Dieu qui « avait eu tout le pouvoir et s’en était mal servi, en trompant les hommes » (vous reconnaissez là un argumentaire fréquent chez les philosophes du XVIIIe siècle) ; puis le rejet, ou la mort de Dieu, bien illustré par Nietzsche ; enfin l’avènement d’un homme-démiurge, au XXe siècle, à qui les progrès extraordinaires de la science et plus encore de la technique ont permis de prendre la place d’un Dieu désormais absent.

La sécularisation désigne aussi un état d’esprit appelé sécularisme. Il consiste à rejeter toute référence au-delà du siècle (d’où son appellation) et récuser tout fondement religieux ou métaphysique pour les normes dont la société a besoin. Cette société les tire désormais d’un « échange des paroles » à l’intérieur de la procédure démocratique. Je laisse de côté le problème fort intéressant du rôle joué par le christianisme dans cette « sortie de la religion » (Marcel Gauchet), et par suite la grande difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité éprouvées par d’autres religions, comme l’Islam, pour s’adapter à elle. La sécularisation est une invention chrétienne.

Il reste fort probable, sinon certain, que la sécularisation caractérisera encore longtemps nos sociétés et que le soi-disant « retour du religieux » relève davantage du mythe ou du fantasme que de la prévision historique. La question se pose donc de manière inévitable : comment se situer par rapport à la sécularisation ?

La thèse que je voudrais soutenir ici est qu’il existe dans l’Église européenne 1 une ligne de partage, variable certes d’un pays à l’autre, entre ce que j’appellerai un « courant de composition » et un « courant de résistance ». Le premier fait observer qu’il existe des valeurs à forte densité chrétienne dans la sécularisation, telles que l’égalité, la liberté, la solidarité, la responsabilité, et qu’il doit donc être possible de composer avec elle et de trouver des domaines de coopération. Le second courant invite au contraire à prendre ses distances avec elle. Il estime que les différences ou les oppositions, surtout dans le domaine éthique, seront de plus en plus marquées. Il propose donc un « modèle alternatif » au modèle dominant, et accepte de jouer le rôle d’une minorité contestatrice. Le premier courant a été prédominant dans l’après-concile ; il a fourni la matrice idéologique des interprétations qui se sont imposées à la fin des années 60 et durant la décennie suivante. Les choses se sont inversées à partir des années 80, notamment – mais non pas exclusivement – sous l’influence du pape Jean-Paul II. Ainsi s’expliqueraient les tensions du moment dans plusieurs Églises de notre continent.

Il ne me serait pas difficile d’illustrer la juxtaposition que je viens de décrire par de nombreux exemples. Les universités catholiques se répartissent aujourd’hui selon cette ligne de partage : certaines jouant la carte de l’adaptation et de la coopération avec la société sécularisée, quitte à prendre une distance critique vis-à-vis de tel ou tel aspect de la doctrine ou de la morale catholiques ; d’autres, d’inspiration plus récente, mettent l’accent sur la confession de la foi et la participation active à l’évangélisation. Il en va de même avec les écoles catholiques.

Il en va encore de même, pour retrouver notre sujet, avec la physionomie de ceux qui frappent à la porte de nos séminaires ou de nos maisons religieuses. Les candidats de la première tendance se sont faits de plus en plus rares, au grand regret des prêtres des générations plus anciennes, mais ils n’ont pas complètement disparu. Les candidats de la seconde tendance sont devenus aujourd’hui plus nombreux que les premiers, mais ils hésitent à franchir le seuil de plusieurs séminaires ou maisons religieuses car ils n’y trouvent guère ce qu’ils recherchent. Pendant un temps, ils ont préféré regarder du côté des communautés nouvelles ou de certains ordres anciens. Les dominicains, les carmes, certains franciscains et bénédictins ont bénéficié de cette réorientation, mais celle-ci ne manque pas de poser des problèmes : on n’entre pas dans la vie religieuse par dépit, ou parce que la formation qui y est proposée est jugée de meilleure qualité !

Des analyses précédentes et de mes expériences personnelles, je tire quelques convictions que je vous confie en guise de conclusions de cette première conférence, mais surtout d’ouverture de notre congrès.
• On n’entrera plus dans des séminaires ou des maisons religieuses où l’on respire d’abord un air de critique de l’institution 2. Ceux qui se présentent ont connu le plus souvent une forme de conversion personnelle. L’amour du Christ est indissociable chez eux de l’amour de son Église. Ils veulent sentir dans nos maisons ce même amour de l’Église, ce « sentire cum Ecclesia » qui est l’une des conditions premières de la formation du futur prêtre. Certes, cette formation implique l’acquisition de réel sens critique, dans le sens scientifique du terme, mais celui-ci ne saurait s’exercer vis-à-vis des figures que les candidats perçoivent comme constituantes, telles que celles du pape et de certains saints. En d’autres termes, ou bien nos séminaires s’ouvrent à la « génération Jean-Paul II », avec les adaptations et révisions que cela suppose, ou bien ils ne recevront plus grand monde.
• La culture chrétienne s’est effondrée dans notre vieux continent. Elle s’est effondrée dans la conscience collective de nos sociétés, mais elle s’est effondrée aussi dans la connaissance des baptisés. Les jeunes savent qu’ils ne savent pas. Cette mise à zéro leur permet de ne pas partager des préjugés négatifs qui étaient souvent la marque de leurs aînés. Ils veulent apprendre l’Église comme on parcourt un album de famille. Certes, cette histoire comporte des pages sombres que nous n’avons pas le droit d’estomper de notre mémoire, mais nos jeunes attendent d’abord qu’on leur en conte les pages heureuses. Ils ne ressentent plus les tendances à l’auto flagellation d’antan et veulent être fiers de leur famille. Ils iront là où on leur enseignera la fierté d’être chrétien.
• Je viens de parler de famille. Les plus jeunes sont sensibles à la nécessité de vivre les relations internes au presbyterium comme de vraies relations fraternelles, où l’on éprouve du plaisir à se retrouver sans crainte d’un jugement plus ou moins idéologique (cette manie de se coller des étiquettes sur le front !), où l’on partage la prière, les préoccupations du ministère, mais encore la passion d’annoncer l’Évangile. Fraternité avec les prêtres, paternité avec les évêques. Que de fois ai-je entendu les séminaristes et les jeunes prêtres se plaindre de la distance ou de manque d’intérêt (réels ou supposés) de la part de leur évêque ! Comme dans une famille où les parents se doivent à tous, mais en priorité aux membres plus jeunes, les évêques considéreront les plus jeunes comme premiers dans leur ministère de paternité. Dans une famille, ce sont toujours les parents qui s’adaptent aux enfants, et non pas l’inverse.
• La sécularisation, le croisement des cultures et des religions rendent les candidats éventuels particulièrement sensibles aux signes et aux marques soulignant l’identité. Cet attachement s’exprime de multiples manières. L’une des plus discutées est leur volonté d’observer ce que demande l’Église dans la célébration liturgique, ou dans le vêtement habituel. Que l’on ne dise pas que ces questions sont secondes. Tout ce qui touche au symbole est au contraire d’importance. Plus largement encore, ces jeunes ont besoin de clarté. Ils attendent que l’on leur annonce bien la couleur. Les familles religieuses qui reçoivent des jeunes sont celles qui ont clairement redéfini leur propos. Cette réforme – car c’en est une – est plus aisée dans la vie religieuse. L’identité du prêtre, elle, se trouve plus souvent brouillée : la perte de prestige social, la surcharge de travail, la redéfinition des responsabilités entre clercs et laïcs rendent plus malaisée que dans le passé la réponse à la question : « Pourquoi devenir prêtre ? »
• D’une certaine manière, la véritable « politique des vocations » est celle qui n’existerait pas en tant que telle. La meilleure « politique » reste celle du témoignage. Que les prêtres soient heureux d’exercer leur ministère et que cela se voit devrait suffire à assurer le relais nécessaire de l’appel du Christ. La litanie des saints qui se termine par les invocations : « Donnez-nous de nombreux et saints prêtres ! » dit très juste. Le nombre dépend de la qualité. Dans le fond, il n’y a de politique des vocations que dans la sainteté des ministres.

 


1 - Les analyses et réflexions qui suivent concernent surtout les Églises européennes occidentales. La situation des Églises de l’Est diffère en ce qu’elles se trouvent pour la plupart dans une étape de « récupération ». Toutefois, les effets de la sécularisation commencent se faire sentir aussi en Pologne, en Croatie et en Slovaquie.
2 - J’ai analysé la situation de la vie religieuse française dans un article « Au tournant d’un millénaire, la vie religieuse », Cahiers Saint-Dominique, n°268, juin 2002.