Une propédeutique pour accueillir l’élection de Dieu : le MEJ


François-Xavier Le Van
Aumônier national du MEJ

Au service des jeunes dans l’Eglise, notre but au MEJ est de les éduquer et de les accompagner dans leur croissance humaine et spirituelle. Fondés sur l’Eucharistie vécue et célébrée, nous puisons notre pédagogie dans la spiritualité ignatienne : chercher et trouver Dieu en toutes choses. A la suite d’Ignace, posant notre regard sur le monde des jeunes tel qu’il est aujourd’hui, nous avons entrepris depuis l’année 2001 de revisiter notre projet éducatif, ce qui nous a conduit à un vaste chantier d’actualisation de notre pédagogie et de précision de nos intuitions. Même si les mots-clés, comme regard, relecture, choix, ouverture, expression, approfondissement de la foi, demeurent d’actualité, nous insistons davantage aujourd’hui sur la dimension sociale et ecclésiale : « faire équipe », « vivre ensemble » et « faire Eglise ».
C’est dire combien l’appel vocationnel ne peut provenir de la seule vie intérieure car la vie de tout chrétien, à fortiori celle des jeunes, comme Corps du Christ, est articulée à la fois à la société et à la communauté ecclésiale. L’enracinement dans le monde n’exclut pas ce lieu Eglise où s’écrit l’appel de Dieu, lieu où se discerne la voix et/ou la voie, lieu où la réponse s’inscrit dans un engagement pour et avec d’autres. Au MEJ, l’importance des dimensions sociale et ecclésiale se vérifie dans la vie d’équipe comme lieu propice de relecture des appels dans le monde, de discernement et d’apprentissage de réponses engageantes.
Dans la fidélité à la pédagogie ignatienne, au MEJ, nous nous donnons comme défi de prendre chaque jeune au point où il en est pour lui proposer un chemin de croissance avec d’autres. L’écoute et l’expression, le discernement de ce qui fait vivre, de ce qui fait mourir et le choix pour un meilleur engagement dans la construction d’un monde plus fraternel sont pour nous trois étapes structurantes qui préparent le jeune à entendre l’appel de Dieu à faire Alliance.

Apprendre à écouter et à s’exprimer

L’écoute n’est pas naturelle, surtout dans notre monde foisonnant. Les éducateurs d’enfants le savent bien : quand un enfant arrive à parler à son tour – ni avant, ni après – c’est qu’il a commencé à entrer dans un monde où chacun a sa place et où chacun doit respecter la place des autres pour que sa place soit respectée. Si l’écoute est l’expression du « faire équipe » de notre projet éducatif chez l’enfant, elle demeure un point essentiel tout au long du chemin d’éducation du jeune.
De même, l’expression est non moins importante au début de la croissance du petit de l’homme. L’équipe, au MEJ, est ce lieu idéal de lutte contre le mutisme et la timidité mais aussi contre le verbiage. Chaque jeune à son tour peut dire quelque chose qui le touche, après un temps de préparation qui permet de prendre du recul pour décider de ce qu’il va exprimer. Loin de vouloir enjoliver ce qui va être dit, la préparation permet de mieux entendre pour mieux rendre « dicible » ce qui fait vivre.
Dans la dimension collective de l’expression, il faut aussi citer les chants : lieu merveilleux d’extériorisation. Là où le geste, voire la danse, accompagne la parole, le corps social ou ecclésial ne sont-ils pas en construction ? Les anciens peuvent témoigner de cette belle école d’expression : lieu merveilleux où l’être se dévoile en se livrant à d’autres.
Poursuivant son parcours, le jeune apprend à écouter au-delà de ce qui est dit, non pas les intentions de l’interlocuteur mais ce qui l’anime ou l’empêche de vivre. N’est-ce pas aussi la manière d’apprendre à exprimer ce qui est essentiel ?
Pour nous au MEJ, l’apprentissage de l’écoute et de l’expression est plus qu’une aventure humaine. C’est le lieu d’une expérience spirituelle, voire sacramentelle. Le silence, d’abord physique puis intérieur, est tantôt prélude, tantôt conséquence de l’écoute et de l’expression. Car pour écouter il faut faire silence mais c’est aussi par l’écoute de l’autre que le jeune apprend à prendre distance de son expérience. Alors s’installe un silence qui lui permet de savourer les paroles de l’autre en faisant taire ses réactions superficielles. Ecouter l’autre, dans la pédagogie du MEJ, c’est écouter Dieu parler à travers l’autre ; de même, exprimer ce qui fait vivre c’est laisser transparaître la Parole, une Parole qui vient de Dieu et qui lui appartient.
Plus encore, l’écoute et l’expression sont les préludes de l’Eucharistie vécue tout en rendant le méjiste acteur dans la célébration eucharistique. Tout donner et tout recevoir, telle est la définition au MEJ de l’offrande eucharistique. L’écoute et l’expression ne sont-elles pas ces deux mouvements dont l’interlocuteur est à la fois le monde, les autres et Dieu ? Le jeune apprend à accueillir l’autre comme un don de Dieu semé en lui dans l’apprentissage de l’écoute. En exprimant ce qui l’habite, le méjiste reconnaît que Dieu lui a donné une telle grâce et qu’il est invité à lui rendre grâce en témoignant aux autres d’une telle merveille. Outre les chants du MEJ, les temps d’expression tels que le rite pénitentiel, la prière universelle ou encore tel Evangile partagé, gestué, telle offrande symbolique à l’offertoire sont autant d’occasions pour les jeunes de devenir acteurs dans la célébration eucharistique.

Discerner le chemin de mort du chemin de vie

Il va de soi que dans sa vie de tous les jours, sa prière, les célébrations auxquelles il participe, le jeune expérimente des mouvements intérieurs. Au MEJ, nous lui fournissons des moyens pour l’éveiller à ces mouvements qui l’agitent. La relecture de vie à partir des pistes spécifiques convient à tout âge. Seul change le moyen de mise en œuvre : alors que les plus jeunes s’exercent à des découpages de photos, des récits de vie, les plus âgés s’exercent au stop-carnet – écrire dans son carnet personnel, au fil des semaines, les événements marquants et les sentiments intérieurs qui en découlent. Le MEJ donne aussi aux jeunes des mots pour les exprimer à travers le partage en équipe et l’accompagnement personnel pour les plus grands.
Identifier des mouvements intérieurs, faire des corrélations avec des relations vécues ou des événements survenus, tels sont les premiers pas du discernement spirituel que le jeune fait au MEJ. Suit alors l’étape de la reconnaissance de leur origine, l’esprit de mort ou l’esprit de Vie ? Car rendre grâce pour ce qui arrive de vivifiant, c’est bien la reconnaissance que ce bonheur, cette vie, cette joie qui m’habite vient de Dieu. Parallèlement, se rendre compte que telle relation emprisonne, tel événement attriste, telle situation freine l’élan, est une prise de conscience du travail de sape de l’esprit de mort.
Cependant, l’éducation au discernement spirituel – toute importante qu’elle soit – n’est pas la finalité première du MEJ. Elle n’est qu’un moyen pour que chaque jeune puisse trouver son chemin. Qu’il soit droit ou tortueux, calme ou agité, il n’en demeure pas moins un chemin d’humanisation et d’engendrement à la vie en Dieu. C’est là que se situe l’Eucharistie, vécue dans toutes les dimensions de l’Incarnation, et célébrée dans ce croisement des sentiers humains et divins.
Au final, le discernement conduit au progrès spirituel dans la mesure où il aiguise chez le jeune le sens du combat spirituel : refuser de donner prise aux points par lesquels le mal attaque et renforcer ceux par lesquels l’Esprit vient consoler le croyant. Cela passe par des décisions et des choix.

Des petits choix au grands choix

Des petits choix qui engagent au grand choix de vie : le MEJ prépare ses jeunes à accueillir l’élection de Dieu.
Agir seul ou en équipe nécessite de la part du méjiste un choix, à partir de ce qu’il sent comme appel de Dieu. La pédagogie du choix est au cœur de la pédagogie du MEJ. Dès leur plus jeune âge dans le MEJ, les Feu Nouveau (7 à 10 ans) apprennent à poser un choix, cela s’appelle le jour J : un jour consacré ensemble à faire telle action choisie. A mesure qu’il croît, il est initié au choix en équipe d’une action qui peut durer six mois ou un an. La persévérance grâce à l’équipe éduque le jeune à la solidarité spirituelle. Quand l’un faiblit, l’autre peut prier pour lui, l’aider concrètement.
Lorsque le jeune s’approche de la fin de l’adolescence, la démarche de choix devient un chemin de discernement personnel, accompagné par un adulte. Le choix prend alors le nom de « choix apostolique » car il est souvent tourné vers la mission. Non une question de tâche à faire ou de fonction à remplir mais d’abord et avant tout une réponse spirituelle à un appel entendu et discerné au fil de l’histoire du jeune avec Jésus-Christ. Cette réponse spirituelle se décline en attitude spirituelle, en état d’esprit, en désir exprimé comme expression d’une liberté intérieure. Ces attitudes se matérialisent nécessairement dans un engagement à vivre dans l’Eglise ou dans le ralliement à une lutte en société.
Le discernement spirituel qui est le nôtre au MEJ se veut un chemin qui trouve son aboutissement dans la liberté d’entendre l’appel du Christ dans le quotidien et de répondre par un engagement dans la durée au service des autres dans le souci d’une croissance personnelle, sociale et ecclésiale.

Conclusion

L’écoute et l’expression, le discernement et le choix sont autant d’outils d’affirmation de soi dans le société et dans l’Eglise qui nous sont chers au MEJ. Fidèles à notre tradition pédagogique de prendre le jeune là où il en est, l’évolution de la culture des jeunes nous a poussé à revisiter notre projet éducatif à l’écoute de ce que sont les jeunes de notre temps et des points forts de notre spiritualité. Trois années de réflexion et de confrontation des données recueillies du terrain aux connaissances des spécialistes en pédagogique, sociologie, psychologie et théologie ont abouti à un nouveau projet pédagogique pour chaque branche. Dès la rentrée de septembre 2004 le MEJ touchera des jeunes de 7 à 21 ans, avec une pédagogie renouvelée qui prend en compte l’évolution de la jeunesse et les nouvelles donnes des sciences humaines et religieuses.