Un souci de faire retentir l’appel : la JOC


Bernard Lochet
Aumônier national JOC

Depuis 1927, date de sa fondation en France, par l’abbé Georges Guérin, la JOC a toujours soutenu et nourri les projets vocationnels chez les jeunes. Si l’on consulte le dernier rapport d’orientation (1) du mouvement, on trouve dans le chapitre : « Ce que la JOC propose » un paragraphe intitulé : « S’engager dans l’Eglise (2) ». La proposition est clairement écrite : « Nous portons le souci que chaque jeune puisse se poser la question d’un tel engagement (comme prêtre, religieux (se), diacre) dans l’Eglise (3). »
Dans le guide des pratiques et statuts du même rapport d’orientation, on peut lire avec des détails plus marqués le souci concret dans un important paragraphe intitulé : « L’éveil et la conduite des vocations (4) ». Il redit l’importance de l’éveil et de l’appel aux vocations rappelées plus haut et ajoute des pratiques précises.

Tout d’abord, l’importance de poser la question est rappelée, pour que chaque jeune puisse l’entendre. Ce rappel de fond se poursuit ensuite par des moyens pratiques :
• proposer des enquêtes et faire témoigner les prêtres, religieux (ses) lors de temps forts
• garantir la présence de prêtres dans le mouvement ;
• offrir des lieux de reprise et d’accompagnement faisant droit à la discrétion requise pour les jeunes qui le souhaitent ;
• une structure est mise en place avec le nom poétique d’AVCMO (Appel à la vie consacrée et au ministère ordonné), structure qui organise, entre autre, des week-ends et donne des moyens au niveau national ;
• pour ceux qui se décident, le guide insiste sur la liberté de choix du lieu de formation tout en rappelant l’importance des GFO.
Nous avons choisi de porter notre regard sur le rapport d’orientation parce qu’il dit le mouvement dans ce qu’il se propose d’offrir aux jeunes, nous essaierons aussi par deux témoignages d’illustrer le propos et de pointer quelques questions.

« Pour que des jeunes réfléchissent à cette question, il faut qu’elle leur soit posée. »

Le mouvement, notamment par ses responsables fédéraux et nationaux, porte la question. Ils savent qu’elle est constitutive du mouvement ou finissent par le découvrir assez vite. Le fait de la porter, au moins de l’entendre rappeler par le témoignage des autres, ne manque pas de « les travailler » eux-mêmes. La vie de la JOC repose sur une dynamique d’appel et de discernement. Pour chaque responsabilité, une lettre d’appel est souvent faite qui montre le regard attentif et positif porté sur chacun. Cette dynamique d’appel a un rôle pédagogique dans l’appel du Christ.
Ainsi Nadège nous dit : « Mes responsabilités m’ont fait découvrir et accepter que Dieu avait un projet pour chacun d’entre nous et pour moi, comme j’avais des projets pour mes copains. J’ai découvert qu’en tant que fédérale, il fallait que je porte le souci d’évangélisation et d’éveil aux vocations. Pour pouvoir moi-même proposer cela, il m’a fallu réfléchir, une foule de questions me sont apparues : comment savoir le projet que Dieu avait pour moi ? Et si ce projet ne me plaisait pas ? Comment vivre l’Evangile ? »
Les raccourcis que nous livrent les quelques lignes de Nadège sont ceux vécus par beaucoup d’autres jeunes. Ainsi Matthieu, du Sud de la France : « Le choix de vie que je vais faire en septembre, en entrant au séminaire de mon diocèse, je le dois entièrement à la JOC, j’ai appris à connaître le Christ, à savoir m’engager dans ma vie, dans l’Eglise… j’ai appris à écouter les copains, à essayer de les aider, à bouger avec eux, le tout sous l’impulsion de l’Esprit. »
En plus de ceux et celles qui cherchent leur voie dans une réponse vocationnelle, nous notons l’importance que prend le mariage chez beaucoup de fédéraux et de permanents. Avoir réfléchi leur projet de vie et le sens qu’ils veulent donner à leur existence les oblige à approfondir leurs propres engagements. Je me garderai bien de dire trop vite que le mariage est une vocation, mais elle est réponse à l’appel de Dieu dans un couple.
En maintenant la question ouverte et répétée, la JOC donne du poids à l’engagement et au projet de vie. La question du sens, du service de l’autre, de l’annonce de l’Evangile prennent ici une résonance particulière. Tout cela permet aux jeunes de fonder leur vie sur le baptême. D’abord, ils en découvrent la portée et la richesse dans les responsabilités de leur engagement, mais plus encore dans les différentes formations proposées. Avancer dans sa vocation baptismale est un chantier toujours ouvert. Voir d’autres jeunes se questionner et chercher du côté des vocations spécifiques de prêtre, religieux (ses) repose forcément la question de sa propre réponse.

Proposer des enquêtes et faire témoigner

La pratique de l’enquête est répandue en JOC. Elle permet de saisir la réalité vécue, de chercher les causes et éventuellement les remèdes ou actions possibles. Ici encore nous pouvons mesurer l’impact pédagogique de la démarche. Tout d’abord il faut mettre sur pied le questionnaire, trouver les questions et les adapter aux jeunes. Ensuite il faut proposer le questionnaire et entamer le dialogue avec celui à qui il est proposé. Les jeunes qui sont les acteurs de cette mise en place sont forcément eux-mêmes interrogés et travaillés.
La méthode a l’avantage d’être discrète et peut permettre à chacun de s’exprimer librement. Elle permet surtout que la question soit posée et la démarche expliquée. Lors de soirées AVCMO, le questionnaire est prétexte ou introduction à des témoignages.
Les témoignages de prêtres, de religieux (ses), principalement, viennent en écho de la vie des jeunes en mouvement. Ils embrayent sur leurs découvertes et montrent un visage possible. Répondre à l’appel de Dieu n’est pas de la science-fiction. Le rôle du témoignage est ici le même que partout ailleurs, si ce n’est qu’il intervient à partir du terreau où l’on se trouve.
Il ne faut pas cacher que les témoignages mettent à jour bien des questions, celles des témoins d’abord et celles des jeunes. Les prêtres et laïcs qui accompagnent les jeunes posent bien souvent leurs pro­pres questions éloignées de celles des jeunes parce qu’elle partent de leur expérience spécifique. Ceci traduit le besoin de reprendre le débat sur une question qui reste vive chez des prêtres et des laïcs en responsabilité. Il s’agit des questions de disciplines du ministère qui semblent parfois un préalable à la réflexion et du rapport au pouvoir et à l’institution qui fait difficulté. Ces questions mériteraient d’être traitées pour elles-mêmes. Elles le sont parfois devant les jeunes à l’occasion d’une soirée vocation. Un permanent national du mouvement chargé du dossier rappelait la nécessité de laisser les jeunes se poser leurs questions et d’inviter les adultes à aborder les leurs entre eux !
Eveiller aux vocations oblige les accompagnateurs laïcs et prê­tres à aborder la question et à chercher des réponses ensemble pour se situer en éducateur face aux jeunes.
Ecoutons à nouveau Nadège : « Discuter avec des jeunes et des adultes qui réfléchissaient à leur vocation ou qui l’avaient trouvé, m’a aidé à poser et oser de nouvelles étapes dans ma réflexion. Devenir religieuse n’est plus seulement répondre à Dieu et m’engager vis-à-vis de Lui, c’est répondre et m’engager auprès de mes amis, des gens que je rencontre, de l’Eglise, de la société, vivre avec eux de l’amour du Christ et témoigner de sa résurrection. »
Ces soirées ou « temps AVCMO » créent un débat entre les jeunes et permettent d’aller plus loin avec les accompagnateurs ou les témoins. Ils sont rendus attentifs à la présence des prêtres et des religieuses parmi eux et à ce que signifie cette présence. Mais la germination prend beaucoup de temps, après l’amorce d’un premier contact.

Garantir la présence de prêtres

L’argument, tel qu’il se présente dans le rapport d’orientation, n’est certainement pas neutre de revendications, mais il veut aussi veiller à l’enracinement ecclésial du mouvement. Le prêtre est signe de la convocation du Christ et d’une Eglise qui se reçoit d’un autre. Penser que la présence de prêtres est appelante n’est pas faux, surtout s’ils sont invités à être appelants.
La présence des prêtres va plus loin. Elle est aussi le rappel des sacrements à célébrer et de l’Evangile à annoncer et à vivre. Le mouvement, pour une part, est de plus en plus catéchuménal et là encore la présence de prêtres semble s’imposer. Toutefois, de nombreux laïcs prennent aujourd’hui leur place dans le mouvement et nous sommes invités à retravailler la complémentarité et la place de chacun.

Les laïcs ont aussi une responsabilité dans l’appel aux vocations. Dans les fédérations, quand un jeune pose des questions, ou si l’on sent chez lui une possible question, l’échange entre accompagnateurs laïcs et prêtres est souvent fort riche et complémentaire. Des efforts sont certainement encore à faire pour fonder davantage les choses, notamment quand des laïcs se disent non compétents pour cela.
Il est urgent d’approfondir la vocation baptismale, mais aussi, pourquoi le cacher, d’articuler la collaboration prêtre-laïc qui n’est pas toujours simple. La JOC a connu, pendant fort longtemps, des aumôniers exclusivement prêtres. Le « passage aux laïcs » mérite ­aujourd’hui une réflexion nouvelle. Après ce passage rapide et étonnant, comment se fonde et se nourrit la mission des laïcs en JOC ? Cette question va de pair avec celle de la place des prêtres en JOC aujourd’hui (5).
Il serait intéressant de creuser de plus près la place des laïcs dans l’appel aux vocations, souvent ressenti, plus qu’exprimé, avec beaucoup d’acuité. On peut noter qu’elle se comprend différemment suivant les âges et les expériences ecclésiales des uns et des autres.

Offrir des lieux de reprise et d’accompagnement

Nous ne reprendrons ici qu’un seul aspect, celui de l’accompagnement personnel. Il est demandé aux jeunes d’avoir un accompagnateur personnel, notamment pour bien vivre les responsabilités et lors d’un temps de formation important (cycle de formation des aînés). Le suivi personnel a toujours été une composante forte de la proposition du mouvement, sous forme de reprise ou d’accompagnement.
Ce suivi personnel vise à reprendre toute la vie, dans toutes ses dimensions. La structuration de la personne reste la toile de fond. Si elle a pu se confondre, ici comme ailleurs, avec la célébration du sacrement de réconciliation, elle en est aujourd’hui disjointe. L’accompagnement assuré par des laïcs ne l’explique pas à lui seul, mais nous ne répondrons pas ici à la question.
L’accompagnement personnel est une chance, mais il n’est pas suffisant ; le mouvement propose deux autres moyens qui sont l’équipe de révision de vie et le cahier de militant. Il est souhaité par le mouvement d’aborder les questions de l’appel et du sens de la vie, du projet de vie, en équipe de révision de vie. La pédagogie de la JOC s’appuie beaucoup, aujourd’hui, sur le projet : pour soi, pour les autres et collectivement. L’équipe de révision de vie offre l’occasion de dire les choses et de les reprendre à la lumière de l’Evangile, dans un cadre de confiance. C’est un lieu de structuration de la personne.

Le cahier de militant n’est pas un journal intime, mais il oblige à faire un effort sur soi pour objectiver sa vie. Devant la difficulté qu’éprouvent beaucoup de jeunes à se retrouver seul et à prendre du temps pour eux mêmes dans le calme – comme ils le disent eux-mêmes, à « se poser » – écrire quelques lignes sur un cahier et pouvoir les relire, c’est avoir du grain à moudre pour la rencontre avec l’accompagnateur personnel ou la prochaine révision de vie.
Ainsi, l’accompagnement personnel vient trouver sa place avec d’autres points forts du mouvement que sont la révision de vie et le cahier de militant. C’est toute la vie du jeune qui est irriguée par les copains, les accompagnateurs et le Christ lui même.

Une structure nationale

Le permanent national chargé de l’AVCMO veille principalement à trois choses : tout d’abord que la question des vocations reste posée dans les différents temps forts et formations du mouvement. Ensuite, que différents outils pédagogiques soient à la disposition des fédérations. Enfin, il veille à l’organisation d’un week-end national si le besoin s’en fait sentir.
En fait, l’ensemble des propositions autour de l’appel aux vocations prennent le nom d’AVCMO, c’est une bonne manière de se rappeler de proposer cette démarche d’appel. Le week-end national AVCMO permet à des jocistes se posant des questions de se rencontrer.

Nadège donne un témoignage de son premier week-end : « Le meilleur moyen, pour moi, était d’aller au week-end AVCMO. J’en suis ressortie bouleversée, morte de trouille, mais libre. Mon projet personnel, il fallait que je le construise avec Lui, me laisser guider, cheminer peut-être longtemps, mais je serai heureuse si je lui fais confiance. J’ai commencé à lire régulièrement l’Evangile suite au week-end, avec l’aide des « juger » de la révision de vie, j’ai découvert que Dieu nous appelle quels que soient nos qualités et nos défauts comme Jésus avait appelé les apôtres, en prenant en compte notre vie, en nous faisant cheminer. Cela m’a beaucoup rassurée et j’ai mieux compris peu à peu l’appel que je ressentais intérieurement. Ainsi j’ai pu voir des signes dans ma vie et celle de mes copains. »
Le témoignage de Nadège dans sa force dit bien ce que permet le week-end. Bien sûr tout ne se règle pas en un week-end, il en faut parfois plusieurs avant qu’intervienne la décision de rejoindre un lieu de formation. La JOC joue ici pleinement son rôle d’initiatrice de la foi et de proposition des sacrements.

Le choix du lieu de formation

Pour ceux qui se décident, le guide insiste sur la liberté de choix du lieu de formation tout en rappelant l’importance des GFO. L’heure de l’entrée dans un lieu de formation ne marque pas la fin de l’histoire engagée avec la JOC, même si elle la met bien souvent en sommeil. Ce passage se joue à plusieurs partenaires. Le choix de la JOC est ici de laisser libre les différentes instances. Il y a le temps de la découverte et de la maturation, puis vient le temps de la formation avec d’autres outils. Les GFO (6) voulus et fondés en lien avec la JOC, jouent ici un rôle de « passeur » et de formateur. Ils sont, pour beaucoup de jeunes issus de la JOC, un moyen privilégié de continuer un discernement et d’entrer dans un processus de formation intellectuelle prenant en compte leur expérience.

Ce que nous nous proposions de traiter ici était de saisir comment la JOC pose la question du sens de la vie et précisément des vocations sacerdotales et religieuses. Elle vise surtout à ce que la question de l’appel soit entendue et que des jeunes puissent se mettre en route.

Notes

1 - Rapport d’orientation de la JOC adopté à Lourdes par le Conseil National en mai 1999. [ Retour au Texte ]

2 - Cf. chapitre 34b, « S’engager dans l’Eglise », p. 20. [ Retour au Texte ]

3 - Id., p. 20. [ Retour au Texte ]

4 - Pratiques et statuts, p. 26. [ Retour au Texte ]

5 - La rencontre nationales des adultes en JOC les 20 et 21 mars 2004 à Villejuif donnera des élé­ments sur ces questions. [ Retour au Texte ]

6 - GFO : Groupe de Formation en monde Ouvrier ; les quatre années proposées avec une vie d’équipe et des week-ends spécifiques correspondent à un premier cycle de formation vers le ministère. [ Retour au Texte ]