La stabilité dans la vie monastique


un moine cistercien

Lorsqu’un moine s’engage dans la vie monastique sous la règle de saint Benoît, il prononce trois vœux : le vœu « d’obéissance », le vœu de « conversion des mœurs » et le vœu de « stabilité ». Que recouvre exactement ce dernier vœu ?

A la différence du religieux d’une congrégation active (jésuite ou frère des écoles chrétiennes…) le moine qui a fait vœu de stabilité ne peut pas être déplacé au gré d’un supérieur, car il est lié pour toujours à un monastère et à une communauté. Comme le psalmiste, il peut dire : « C’est ici mon repos à tout jamais » (Ps 131, 14). Certes, ce lien est plus avec la communauté qu’avec le lieu car, dans le cas où la communauté serait amenée à changer de lieu, pour un problème d’environnement par exemple, le moine se doit de suivre sa communauté dans son nouveau lieu.

Par contre, si pour des raisons personnelles, un moine veut changer de monastère, il devra « changer de stabilité », ce qui suppose un vote favorable de la communauté qu’il quitte et de la communauté où il désire s’établir.

Le symbole de cette stabilité est, d’une certaine manière, la « stalle » qu’occupe le moine dans le chœur de l’église, place attribuée à chacun selon son ancienneté, pour l’office divin, activité principale du moine.

Cette « stabilité spatiale » est complétée par la « permanence temporelle », autre caractéristique de la vie monastique. Cette permanence est vécue d’abord comme « régularité ». A la différence de la plupart des gens, le moine suit, à peu de chose près, le même horaire, que ce soit l’été ou l’hiver, le dimanche ou la semaine. Cette monotonie de l’emploi du temps est l’une des choses qui frappe le plus les visiteurs. « Comment arrivez-vous à tenir ainsi, trois cent soixante-cinq jours par an, sans vacances, sans possibilité de faire la grasse matinée ? »

Certes, ce n’est pas dans l’air du temps, et c’est sans doute pour cela que, ici où là, se vivent à intervalles réguliers (toutes les semaines ou tous les mois), des journées de « désert », de « solitude » ou de « rupture de rythme », durant les quelles un horaire tout différent permet d’expérimenter et d’apprécier le même écart qu’il y a entre la fête et le quotidien. Mais cela est accessoire. Ce qui permet de « tenir » dans cette régularité, sans tomber dans la routine, c’est la liturgie. Je m’explique. Extérieurement, la liturgie peut paraître très monotone et, de fait, les rites et la ritualité sont fondamentalement « répétitifs » car l’homme a besoin de repères forts. Cependant, malgré leur structure quasi immuable, les offices sont chaque jour nouveaux.

Cette nouveauté repose sur la variété des lectures bibliques. Chaque communauté a son cursus de lectures, qui lui fait lire l’ensemble des livres de la Bible sur deux, trois ou quatre ans. Variété ensuite des « prières » (oraisons ou prières liturgiques) qui sont laissées, la plupart du temps, au choix du frère désigné pour la semaine. Variété aussi des solennités, des fêtes ou des mémoires de saints célébrées, qui viennent ponctuer de notes de couleur la grisaille des jours ordinaires.

Mais la variété la plus grande et la plus riche vient de ce que l’on nomme le « temporal », avec ces temps privilégiés que sont l’Avent, le temps de Noël, le Carême et le temps pascal, marqués chacun par des textes propres (hymnes, antiennes, prières…), mais aussi par des mélodies propres que l’on attend avec impatience d’une année sur l’autre.

Voilà ce qui permet au moine de tenir, jour après jour, dans le service de Dieu.