Accorder ses paroles et ses actes


Catherine Pahud
institutrice en maternelle

Au cours de ces vingt-deux années passées auprès des enfants de petite et moyenne sections de maternelle, j’ai appris plusieurs choses capitales sur l’éducation. La force de l’exemple est indispensable, mais n’est pas suffisante. Il s’agit également d’être cohérent : que l’adulte responsable sache accorder ses paroles et ses actes. Savoir être ferme et doux à la fois dans l’accompagnement de l’enfant et être vraiment en relation avec la personne qu’est l’enfant.

Lors de son entrée à l’école maternelle, l’enfant passe de la cellule familiale à la découverte de la société. L’enfant bien préparé à cette difficile étape, ayant été confronté à des petits groupes d’enfants, devrait s’adapter à l’école. Une fois cette étape franchie, vient le travail de l’enseignant : nous commençons à apprendre à nous connaître, mes trente-deux élèves et moi. Je me présente, puis chacun est amené à se présenter à son tour en disant : « Je m’appelle… » Ce premier exercice amène l’enfant à se dépasser. Il s’engage face au groupe. Il commence à faire sa place au sein du groupe. Si c’est trop dur, je m’approche de l’enfant, lui prends la main, l’accompagne en l’encourageant. Généralement, cela suffit. Si cela n’est pas suffisant, je lui laisse un peu de temps. Après deux ou trois autres enfants, je lui propose à nouveau. Si cette fois-ci il refuse encore, je lui dis que cela n’est pas grave. Il fera ce jeu le lendemain. Après quelques jours, nous faisons le jeu de « tu t’appelles… » Si l’enfant ne connaît pas les prénoms de ses voisins, il est appelé à le leur demander.

Chaque matin, depuis la rentrée, nous faisons l’appel. A l’appel de son nom, l’enfant répond : « Je suis là ! » Depuis début octobre, c’est un enfant de la classe qui fait l’appel. Pour ce faire, j’ai confectionné pour chaque enfant de la classe une carte avec, sur une face le prénom de l’enfant écrit en majuscules. Derrière, sur l’autre face, la photo de l’enfant est collée, ainsi qu’un velcro. L’enfant appelé vient chercher sa carte et la colle sur le tableau des présences. Les cartes restant dans le fond du panier sont celles des absents du jour. J’écris les noms des absents sur un cahier porté à la secrétaire de l’école, par deux responsables choisis dans la classe.

Tous les enfants ne se connaissent pas tous au bout d’un mois de classe, mais tous ces jeux les aident dans ce sens. Les enfants sont motivés à apprendre les prénoms pour pouvoir faire l’appel. Celui qui fait ce travail se sent investi d’une mission. Il le fait avec cœur. Les enfants aiment prendre une responsabilité dans la classe. Ainsi, il y a des « chefs de goûter, capables de distribuer les goûters de dix heures à leurs camarades, un « chef de poubelle des goûters », le « chef du ballon » capable d’apporter et de rapporter le ballon de la classe lors des récréations, un « chef de la cloche » qui sonnera à cloche à l’heure du rassemblement dans la cour…

Les enfants sont capables de prendre des responsabilités pour aider au fonctionnement de la vie de la classe. Ainsi, ils découvrent l’engagement et la joie dans l’accomplissement d’une tâche. Les règles de vie se créent au jour le jour, selon les événements. C’est ainsi que, même si les enfants ne savent pas lire, chaque règle est écrite sur un panneau visible de tous dans la classe. Il est important pour le groupe d’avoir ce lieu de référence commun à la classe. D’une année sur l’autre, les règles ne sont pas toutes les mêmes, même si « l’idée » est la même : respect de l’autre et du matériel, respect de son travail et de celui d’autrui…

L’accent est mis sur le fait de privilégier la parole en cas de conflit plutôt que la violence. Ainsi, celui qui enfreint la règle se voit exclu du groupe le temps de la réflexion et « mis au coin ». Il est ensuite appelé à s’expliquer sur son geste. Lorsqu’il a su exprimer pour quelle raison il avait été exclu, lorsqu’il reconnaît son geste, qu’il aurait pu faire autrement, et comment, l’enfant est invité à demander pardon, à ne plus recommencer. Il est alors réintégré au groupe. L’enfant se sait respecté et reconnu. Il voit que la relation à l’autre n’a pas été altérée puisque l’adulte lui témoigne à nouveau sa confiance. Il peut sortir de cette expérience renouvelé.

A travers ces exemples, j’ai voulu montrer qu’à l’école maternelle, un enfant de trois ou quatre ans est à la fois capable de prendre une responsabilité au sein d’un groupe, et également capable de prise de conscience sur ses responsabilités envers les membres de ce groupe. En conclusion, je dirai que pour moi, l’éducation au choix commence par l’éducation à la responsabilité.