Relecture des enquêtes


Jean Joncheray
sociologue



Je note ici quelques remarques personnelles qui, bien entendu, rejoignent les remarques notées dans les documents eux-mêmes, mais peuvent peut-être les compléter sur un point ou l’autre.
J’ai lu d’abord l’enquête « Profil des séminaristes en première année de formation en vue du ministère presbytéral », puis je l’ai comparée d’une part à l’enquête « Séminaristes 1ère année » de 2002 (1), d’autre part aux enquêtes sur les novices de première et deuxième années, hommes et femmes, en vie religieuse apostolique ou monastique, effectuée dans l’année 2003-2004. Je n’ai pas commenté toutes les données… et quand je relève tel ou tel point que je trouve significatif, je n’ai pas forcément d’interprétation à proposer…

Nombre de réponses

Le nombre de séminaristes ayant répondu en 2005 fait apparaître, par comparaison avec 2002, une baisse lente du nombre de séminaristes.

Age

Les 26-30 ans représentent un tiers des séminaristes de première année. Pour la première fois sans doute, les 25 ans et moins sont moins de la moitié de l’effectif : 45,61 %. Ils étaient encore 51,51 % en 2002. J’imagine qu’il y a des conséquences à en tirer quant au fonctionnement des séminaires : style de pédagogie en particulier, voire style de vie commune, à laquelle ces jeunes n’ont peut-être pas goûté auparavant. (Il y a 50 ans, l’immense majorité des séminaristes avait déjà vécu en internat dès leur enfance !)
Le profil des séminaristes se rapproche sans doute ainsi, de ce point de vue, de celui des novices, dont on note par ailleurs également le vieillissement (les 26 ans et moins sont en baisse et les plus âgés sont en hausse) : la moyenne d’âge étant de 32,89 ans au total (33 chez les hommes). A noter cependant, qu’il s’agit pour les novices des première et deuxième années.

Origine géographique

Le fait que huit séminaristes étrangers au moins souhaitent être incardinés en France est sans doute un fait à noter.
Quant aux départements français accueillant des séminaristes, on note une stabilité de la Seine et du Nord et, dans une moindre mesure, de l’Alsace-Moselle mais une baisse, en particulier de la Seine-Maritime, des Bouches-du-Rhône et de la Loire-Atlantique, qui sont des départements comportant des métropoles régionales.
Sur la carte des départements, on peut encore lire en filigrane les cartes anciennes de la pratique religieuse, mais c’est un peu aléatoire, car trente-deux diocèses ont seulement une entrée, et peuvent basculer facilement dans la zone sans aucune entrée, ou bien sûr, remonter…
Chez les novices, les provinces de Paris, Lyon et Rennes se détachent beaucoup plus nettement ; Lyon est beaucoup mieux placé et le Nord moins bien que pour les séminaristes, pour lesquels Lyon amorce seulement une très légère remontée.

Situation familiale

La « famille moyenne » du séminariste augmente, passant de 3,45 à 3,92 enfants. Même en tenant compte de la présence de séminaristes étrangers, l’écart se creuse avec la famille moyenne française, dont le taux de fécondité est stable, à 1,9 enfant par femme.
Chez les novices, même si la moyenne est moins forte (3,74 enfants), elle est encore nettement supérieure à la moyenne nationale.

Catégorie socio-professionnelle des parents

Même si on observe une légère remontée des agriculteurs, et une remontée (plus nette) des ouvriers, avec la baisse nette des professions intermédiaires et des employés, c’est surtout à une nouvelle remontée des cadres et professions intellectuelles supérieures qu’on assiste, remontée constante depuis 1995 (21,20 %), 2002 (32,57 %) et 2005 (38,60 %)
C’est encore plus net chez les novices où toutes les catégories sont en baisse (aussi bien chez les pères que chez les mères) sauf les cadres et professions intellectuelles supérieures, qui arrivent à 43,75 % chez les pères (et même 45 % chez les novices hommes). En comparaison, les séminaires apparaissent presque moins marqués par cette catégorie socio-professionnelle…

Niveaux religieux des parents

Père et mère sont plus pratiquants et plus engagés dans l’Eglise qu’en 2002, les non pratiquants, indifférents ou hostiles sont moins nombreux. C’est une tendance, déjà très lourde (et assez explicable, bien sûr), qui se confirme ici.
Les parents de novices sont, eux aussi, massivement catholiques. Mais c’est moins net que pour ceux des séminaristes. Il y a un peu plus de parents non pratiquants, indifférents ou hostiles (sauf chez les hommes novices).
Si je reviens sur les trois éléments que je viens de noter : nombre d’enfants par famille, catégorie socio-professionnelle des parents, niveaux religieux des parents, cela dessine un profil moyen des séminaristes assez différent, sur ces trois points, du profil moyen des jeunes de leur âge en France : famille nombreuse, catholique pratiquante et engagée, cadre ou profession intellectuelle supérieure.
Niveau d’études

Le niveau des diplômes est en légère augmentation par rapport aux enquêtes précédentes. Cela peut correspondre d’une part à une augmentation des diplômés dans l’ensemble de la population et au fait que les séminaristes de 2005 sont un peu plus âgés que leurs aînés. On peut émettre l’hypothèse qu’ils vont plus loin dans leurs études avant d’entrer au séminaire. Est-ce une des causes ou une des conséquences du vieillissement ? Je ne saurais le dire. Par ailleurs, on note aussi une nette percée des BEP. D’autre part, il aurait été intéressant de noter les filières suivies (littéraires ou scientifiques…)

Profession antérieure des séminaristes

On note aussi, évidemment, une augmentation de la durée moyenne d’activité professionnelle. Ce sont en premier lieu des professions intermédiaires qu’ils quittent pour entrer au séminaire (31,14 %), les cadres et professions intellectuelles supérieures ne venant, cette fois, qu’en deuxième position (26, 22 %), en baisse par rapport à 2002 (32,85 %). Les séminaristes seraient-ils partis moins confortablement dans la vie que leurs parents ? Avaient-ils fait un choix délibéré de ces professions intermédiaires ?

Langues étrangères

Augmentation nette de la connaissance des langues étrangères, à mettre sans doute en rapport avec l’augmentation des expériences à l’étranger. Les novices sont encore plus versés dans les langues étrangères : 70 % des novices connaissent au moins une autre langue et « seulement » (!) la moitié des séminaristes.

Age de la confirmation

Il semble se concentrer un peu plus entre 13 et 15 ans, à 43,86 % en 2005, alors qu’ils étaient seulement 37,11 % en 2002, où cela pouvait monter jusqu’à 17 ans. Est-ce une généralisation de la pratique de la confirmation souhaitée par les évêques français ?
L’étalement de l’âge de la confirmation est plus marqué chez les novices : seulement 30,8 % entre 13 et 15 ans, davantage avant et après.

Participation à des propositions du SDV

Cette participation est en baisse nette : 37,71 % en 2005, pour 59,85 % en 2002, alors qu’elle avait remonté par rapport à 1995 (47,7 %). Elle est encore plus faible pour les novices (seulement près d’un tiers).

Age du premier appel

Quelle périodisation choisir ? Faut-il relever comme significatif qu’ils sont la moitié à avoir perçu le premier appel entre 15-25 ans (en 2002)… ou le tiers entre 16 et 20 ans en 2002 ? Comment comparer ces deux éléments ?
Si je m’en tiens aux périodisations indiquées par les sous-totaux dans les deux enquêtes « séminaristes » (2002 et 2005), je note :
• une baisse des premiers appels des moins de 11 ans ;
• une hausse entre 11 et 20 ans ;
• une baisse, de nouveau, entre 21 et 30 ans ;
• et une hausse au dessus de 30 ans.
J’en conclus qu’il y a toujours des appels perçus dans l’enfance, même s’ils sont en baisse, et que les vocations des « ados » sont plutôt en hausse.

On pourrait dire aussi que les « premiers appels » sont rarement suivis d’une entrée assez proche au séminaire : 18,42 % seulement perçoivent le premier appel entre 21 et 30 ans, âge le plus fréquent où l’on entre au séminaire.
Peut-on relever des pics dans les âges du premier appel ?
Je note, en 2005, un « pic » de 29 % entre 15 et 18 ans. Ce sont 4 fortes années (9-7-7 et 8 appels).
On retrouverait ce même « pic », en 2002, moins marqué et situé entre 16 et 19 ans (22 %). Il y aurait donc un léger rajeunissement de l’âge du premier appel. En tous cas, cette remarque peut, peut-être, attirer l’attention sur l’accompagnement des jeunes de cet âge, en gros l’âge de la fin du collège et du lycée.
En revanche, pour les vocations monastiques, l’âge du premier appel a tendance à s’élever. Pour les 10-14 ans, on passe de 22,5 % à 12,5 % et pour les 15-19 ans, de 26 % à 19,64 %.

Influence sur la décision d’entrer au séminaire

On assiste à une nette remontée de la famille (qui était descendue), ce qui peut s’expliquer par le fait que les séminaristes sont, encore plus que dans les années précédentes, issus de familles catholiques pratiquantes et engagées.
Mais le prêtre est de plus en plus en première position : 66 % en 2005, pour 50 % en 2002. Les scoutismes et les communautés nouvelles restent stables et désormais à égalité (à 6,74 %). On note aussi une baisse de l’influence de l’aumônerie, de 6,6 % à 4,49 %.
Qu’un ou plusieurs prêtres aient une influence sur la décision d’entrer au séminaire, cela apparaît comme assez facile à comprendre. Cela peut aussi expliquer pour une part la raréfaction des entrées au séminaire, la rencontre d’un prêtre par des jeunes devenant de plus en plus difficile, en raison du faible nombre de prêtres et de l’écart des âges (entre les prêtres et les jeunes) qui ne favorise pas les contacts fréquents.
Cette remarque sur le fait que ce sont en majorité les prêtres qui ont une influence sur l’entrée au séminaire est confortée par l’examen des réponses des novices… pour qui la rencontre avec un(e) religieux(se), ou plusieurs, a été importante pour la décision d’entrer dans la vie religieuse. Cette réponse arrive, chez eux, en première position. La comparaison des influences réciproques est éloquente :

Séminaristes Novices
Influence d’un(e) religieux(se) 12 % 49 %
Influence d’un prêtre 66 % 21 %


Mouvements ou services d’Eglise « référence »

Le scoutisme reste en tête, suivi des communautés nouvelles, tous deux en légère hausse. Viennent ensuite les paroisses, les mouvements d’apostolat des laïcs et les aumôneries, avec la même stabilité, puis le service de l’autel, en légère hausse.
Paroisses, aumônerie, mouvements, qui n’étaient pas signalés prioritairement dans les « influences » exercées, se retrouvent ici en meilleure position, mais cependant moins cités que scoutisme et communautés nouvelles.
Il est à noter que le scoutisme et les communautés nouvelles se détachent encore plus nettement pour les novices.

Evénement d’Eglise « référence »

JMJ et pèlerinages viennent en tête de liste, tant pour les séminaristes que pour les novices. Et il y a une belle stabilité dans le classement des événements pour les séminaristes.
A noter que les retraites arrivent en troisième position pour les novices et seulement en septième position pour les séminaristes.

Engagements antérieurs ecclésiaux

Là encore, les paroisses, les servants d’autel, la catéchèse et même les aumôneries ont une place plus importante que ne le laisseraient penser les réponses précédentes.

Engagements sociaux

On n’est pas surpris que le caritatif et l’humanitaire, ainsi que le socio-culturel soient plus souvent cités que le politique et le social. Sur ces points, les séminaristes ne sont sans doute pas très éloignés des jeunes de leur génération.

Expériences à l’étranger

Elles sont en nette hausse :

2002 2005
Europe 49 % 57 %
Hors Europe 37 % 43 %

Et l’on part beaucoup moins pour les vacances : de 63 % on passe à 39 %. Là encore, des points communs sont assez clairs avec leur génération.
Les expériences à l’étranger sont encore plus importantes chez les novices : 61 % en Europe et 47 % hors d’Europe.

Sport

Pour les séminaristes, le sport passe avant la musique. Et parmi les sports, le football vient en première position.
On trouve beaucoup moins de footballeurs chez les novices. Est-ce que parce que les religieux seraient moins intéressés par les sports collectifs… ou tout simplement parce que les novices sont en grande majorité des femmes ?

Enfin, je note que parmi les aspects considérés comme les plus « appelants » dans le désir d’entrer au séminaire, un seul séminariste mentionne la vie communautaire, alors que cet aspect vient en première position (19 %) chez les novices.
L’idée selon laquelle les séminaristes se préparant à entrer dans le clergé diocésain souhaitent y vivre une vie communautaire est-elle vérifiée par ailleurs ? Est-ce une découverte qui se fait au cours des années passées au séminaire ?


NOTES
1 - Enquête publiée dans « Les vocations en Europe », Jeunes et Vocations n° 113, mai 2004, p. 137-150. [Retour au texte]