Une formation théologique au 3ème millénaire


Pierre Berthoud
doyen de la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence

Une mission

La Faculté Libre de Théologie Réformée d’Aix-en-Provence [ 1 ] est la plus jeune des facultés protestantes françaises. Elle a ouvert ses portes en 1974 alors que les Eglises historiques, en particulier réformées, traversaient une crise profonde. Des pasteurs, des théologiens et des fidèles issus des Eglises réformées, pensant qu’il était urgent de renouer avec l’héritage théologique et spirituel de la Réforme, ont eu la vision d’une Faculté réformée confessante. Son enseignement, rigoureux et en prise avec l’actualité contemporaine, se situe dans la continuité des textes symboliques de la Réforme [ 2 ] et de l’Eglise primitive [ 3 ], et reconnaît la pleine autorité de la Bible, Parole inspirée de Dieu. La mission de la Faculté consiste donc à instruire des hommes et des femmes en vue d’annoncer l’Evangile au sein d’un monde qui se meurt faute d’espérance et de contribuer au renouveau des Eglises touchées par des courants de pensées plus ou moins opposés à l’Evangile, et contradictoires. Aujourd’hui, dans une société marquée par la déchristianisation, le relativisme de la pensée et de l’éthique et par des dialogues inter-religieux diffus, cette mission n’a rien perdu de son actualité.

Un ministère

Le ministère principal de la Faculté est de former des pasteurs. Cependant, le Conseil des professeurs a été amené dernièrement à réfléchir au développement et à l’approfondissement d’autres secteurs, tels l’évangélisation et l’implantation d’Eglises, la nouthésie (l’accompagnement pastoral), la catéchèse et l’éducation chrétienne. Il s’agit d’offrir une formation cohérente et diversifiée à la fois théologique et professionnelle sans pour autant renoncer à sa qualité spirituelle.

Le programme des études prépare les étudiants à la Licence, à la Maîtrise et au Doctorat en Théologie ou en Sciences religieuses. Normalement, la formation se fait sur place, mais depuis quelques années elle peut se poursuivre à distance. Avec la réduction des activités professionnelles, nombreux sont ceux qui se sentent poussés à parfaire leurs connaissances bibliques et théologiques. C’est ainsi que la Faculté contribue aussi à l’équipement de fidèles qui souhaitent servir Dieu dans l’Eglise et le monde, sans pour autant exercer un ministère à plein temps. Un programme de formation permanente (un an) est en plus offert à cet effet.

Une autre tâche consiste à contribuer au rayonnement de la foi chrétienne réformée dans le monde. En plus de la formation théologique, la Faculté gère les Editions Kerygma (66 titres actuellement disponibles dont la quasi-totalité des commentaires du Nouveau Testament de Jean Calvin) et la Revue Réformée (5 numéros par an). Elle a tissé un réseau important de relations avec des institutions sœurs et considère un dialogue œcuménique loyal et rigoureux comme essentiel au rapprochement authentique des chrétiens appartenant à des Eglises différentes.

Depuis vingt-cinq ans, la Faculté a formé 233 étudiants (dont 48 femmes) venant des cinq continents. Ils travaillent dans environ 22 pays et 55 départements de la France. 180 exercent un ministère pastoral, dont une centaine dans les Eglises de la Fédération Protestante de France. Voici le témoignage d’un pasteur d’une Eglise réformée en France : " Arrivé très jeune à la Faculté, j’y ai reçu une formation que je pourrais qualifier d’intégrale. Plus de vingt ans après, je mesure encore le bénéfice de ce que j’ai appris : une lecture de la Parole de Dieu et du monde qui doit moins aux modes passagères qu’à la crainte respectueuse et reconnaissante qu’il convient d’avoir envers Dieu. "

Profil des étudiants

La majorité des étudiants sont issus d’Eglises Réformées, soit en France soit à l’étranger. Plus d’un tiers provient d’Eglises indépendantes, soit évangéliques, pentecôtistes ou adventistes. Ce sont pour la plupart des communautés nouvelles. Indépendante de toute union d’Eglises, la Faculté d’Aix-en-Provence, de par son identité réformée et résolument évangélique, contribue ainsi au rapprochement de familles protestantes différentes. Quelques étudiants catholiques et orthodoxes se sont aussi inscrits.

Par ailleurs, environ un tiers des étudiants sont étrangers, en provenance principalement d’Europe et d’Afrique francophone. Les Eglises africaines sont en pleine expansion et le besoin d’un enseignement théologique et pastoral est énorme. Aussi des professeurs se déplacent-ils régulièrement en Afrique afin de contribuer à la formation des cadres (pasteurs, anciens, évangélistes, diacres) des nouvelles communautés ecclésiales. Ajoutons que la moyenne d’âge des étudiants est plus élevée que par le passé. Ils ont donc soit un acquis académique, soit une formation professionnelle. Environ 15 % sont des femmes et plus de la moitié sont mariés.

La motivation des étudiants

La motivation des étudiants est diverse.

• Les uns arrivent à la Faculté pour se préparer en vue d’exercer un ministère précis, en particulier pastoral.

• D’autres viennent en vue de parfaire leurs connaissances bibliques et théologiques. Ils proviennent souvent de jeunes Eglises. S’ils sont au clair sur leur vocation chrétienne, ils ne savent pas à quel ministère le Seigneur les appelle. Cette question se clarifie au cours de leurs études.

• Enfin quelques étudiants sont en recherche. Ils s’engagent dans une démarche qui peut les conduire à mettre leur confiance en Jésus-Christ, Seigneur et Sauveur. Ce cheminement peut les conduire par la suite à l’exercice d’un ministère au sein d’une Eglise.

Si la vocation intérieure ou personnelle est le plus souvent à l’origine d’un ministère pastoral ou autre, il est essentiel que celui-ci soit confirmé par l’Eglise. Il importe donc que les étudiants soient accompagnés pendant leurs études non seulement par les professeurs, mais aussi par leur Eglise locale. C’est en vue d’un ministère ecclésial qu’ils poursuivent des études. Le mûrissement d’un ministère se fait aussi bien en Faculté qu’au sein de l’Eglise locale. Les stages pratiques et diversifiés contribuent aussi à consolider une vocation et à préciser les contours d’un ministère. Dans certaines Eglises, telles l’Eglise Réformée de France ou l’Eglise Réformée Evangélique, la commission des ministères joue un rôle important dans la reconnaissance et la confirmation d’un ministère, parfois au détriment de celui de l’Eglise locale. Voici comment une étudiante perçoit ses études aujourd’hui :

" Les études de théologie que je poursuis à Aix apportent un fondement théorique et pratique solide qui nourrit ma foi. Les relations privilégiées entre étudiants et professeurs me donnent confiance et joie. Ces études dépassent même mes attentes. Elles élargissent mon regard sur le monde, et elles appellent une constante exigence de cohérence entre ma vie personnelle et ma foi. "

Les débouchés

Si la plupart des étudiants deviennent pasteurs ou aumôniers (± 65 %), les autres s’engagent dans des ministères variés tels l’enseignement théologique ou universitaire (philosophie, psychologie), la charge de bibliothécaire, la traduction et la diffusion de la Bible, la promotion de la lecture de la Bible, la catéchèse et la formation biblique, les éditions, l’éducation chrétienne, le diaconat, les œuvres sociales, les services hospitaliers (infirmier(e)s, psychologues, accompagnants des mourants).

Une vision globale

A la veille du troisième millénaire, l’Eglise de Jésus-Christ se trouve devant un double défi : annoncer la bonne nouvelle du salut à tous ceux qui désespèrent de trouver un sens à leur vie ; édifier et équiper les chrétiens afin qu’ils soient capables de rendre un témoignage pertinent et efficace au sein de la cité. Pour ce faire, il est crucial de se laisser saisir par la vision globale que déploie la foi chrétienne et qui s’articule autour des quatre pôles : création, faute, rédemption et restauration.

Ce renouvellement, qui puise son inspiration dans l’Evangile, est à la fois individuel et communautaire, familial et socio-culturel. L’espérance du salut, loin de nous arracher au monde, nous invite à vivre au sein de la cité des hommes tout en étant à l’écoute de la parole de Dieu. On y trouve sagesse, justice et bienveillance. Des lieux d’étude, de réflexion, de débats et de prière sont indispensables à la réalisation de cette démarche. L’équipe qui œuvre à Aix-en-Provence cherche modestement et sans doute maladroitement à répondre à cette attente en formant des hommes et des femmes équipés pour assumer pleinement leur ministère au sein de l’Eglise et en vue de l’avancement du règne de Dieu (Ep. 6, 10-20).

Notes

1 - Pour l’année académique 1999/2000, 80 étudiants sont inscrits, sans compter les auditeurs libres. Il y a 7 professeurs, 5 professeurs associés ou chargés de cours, une bibliothécaire et un secrétaire général. [Retour au Texte]

2 - Tels la Confession de Foi de la Rochelle, texte encore aujourd’hui reconnu par les Eglises réformées françaises, le catéchisme de Heidelberg, etc. [Retour au Texte]

3 - Symbole des Apôtres ou de Nicée. [Retour au Texte]