Ministères ordonnés : vocation du sujet et appel de l’Eglise


père Hervé Legrand
professeur à la Faculté de Théologie de Paris

C’est évidemment avec curiosité que les lecteurs de La Vie Spirituelle apprendront qu’il y a exactement quarante ans, leur revue a déjà traité de la vocation aux ministères ordonnés sous la plume du Père Féret [1], dans une chronique où l’essentiel de la problématique théologique était déjà parfaitement en place. Quarante ans plus tard, il aurait les mêmes raisons de se répéter. Car non seulement il ne fut pas entendu, mais on fit un solide barrage à toute discussion de son apport. Il était bien conscient de la difficulté du dossier, puisqu’il éprouva le besoin de conclure son article sur un ton quelque peu prophétique :

" Si déconsidéré que soit présentement le rôle du théologien, si inconfortable qu’il soit pour lui d’insérer son témoignage dans les problèmes de la vie de l’Eglise, c’est tout de même une obligation de dénoncer des confusions aussi graves que celles que l’on a cru devoir signaler ici [2]."

Il est très possible que ce ton ait indisposé les destinataires de sa réflexion, mais beaucoup plus probablement c’est la nouveauté, pourtant fort traditionnelle, de la théologie qu’il exposait qui explique son insuccès.

Il y a quarante ans, un diagnostic théologique de la crise

Qu’écrivait La Vie Spirituelle il y a quarante ans sur la vocation ? A l’époque, l’Eglise de France s’interrogeait déjà sur les causes du manque de prêtres : les Informations Catholiques internationales se demandaient en couverture de leur numéro du 15 juillet 1958 : " Crise des structures ? Crise de civilisation ? Crise du sacerdoce ? " Pour le Père Féret, ce sont des pistes secondaires, la cause essentielle des difficultés se trouve " dans une très grave crise de la théologie de la vocation [3] ". On y confondrait les vocations à la perfection de la charité, à la vie religieuse, aux ministères. Et surtout, on y a complètement oublié que cette dernière " procède formellement des initiatives de la hiérarchie consacrant au service commun ceux - et celles (cf. 1 Tm 3,11) - qu’elle juge aptes à ce service [4]". Pour fonder ce diagnostic, il s’appuie essentiellement sur la décision de saint Pie X d’approuver en forme spéciale la doctrine de Lahitton sur ce point [5]. Il en tire deux conclusions :

  • d’abord, selon lui, l’idée de vocation alors courante est "mythique et infantile" ; le mythe résidant dans la confusion entre le désir de devenir prêtre et l’appel réel de Dieu, qui ne peut se connaître que dans l’appel de l’Eglise, et l’infantilisme dans le fait que cette vocation ne se trouve que dans des cœurs d’enfants. A l’époque, il y a 131 petits séminaires en France et 90% du clergé en provient.
  • ensuite, cette même idée déresponsabilise les pasteurs dans le choix de leurs collaborateurs, puisqu’on a fait de la vocation on ne sait quel germe semé dans l’âme par la divine Providence. Dans cette perspective, les vocations ne manqueraient jamais, elles ne feraient que se perdre ! Pour lui, le diagnostic est tout autre et bien vu, on doit l’avouer : il n’y a pas de crise des vocations, mais bel et bien une crise de l’appel, pour traduire clairement sa pensée.

Un tel diagnostic l’amène à une mise en garde qu’il qualifie lui-même d’incisive : " L’heure n’est sans doute plus éloignée où l’aggravation de la crise du recrutement sacerdotal obligera à reconnaître la fausseté des principes à partir desquels on s’efforce présentement de la résoudre [6]. " La parole de Dieu et l’authentique tradition lui semblent receler " des richesses libératrices [7] " par rapport aux impasses qui caractérisaient (qui caractérisent toujours ?) la réflexion théologique d’alors sur les vocations.

Un débat théologique récusé

Le débat théologique que le Père Féret avait souhaité instaurer, non sans maladresse sans doute, non seulement n’eut pas lieu, mais il n’est pas exagéré de constater qu’il fut récusé par une action concertée des autorités de l’époque. La stratégie fut mise au point au Centre de documentation sacerdotale, patronné par l’épiscopat pour stimuler les vocations, et qui publiait la revue Vocations sacerdotales et religieuses.

Dès la première livraison suivant l’article du P. Féret, la revue fit habilement appel pour le réfuter à un autre dominicain, de la province de Toulouse, enseignant à Rome, le P. Benoît Lavaud [8].

Dès l’été, la XIIIe session nationale des directeurs d’œuvres des vocations, qui n’avait probablement pas adopté par hasard comme thème" La vocation sacerdotale dans la pastorale de l’enfance ", fut l’occasion pour trois archevêques et un théologien de faire barrage à une discussion que Mgr Garrone considérait comme "explosive" [9]. L’archevêque de Marseille [10] déclare d’emblée : " sans hésiter, je suis sûr qu’un vouloir d’enfant peut exprimer le vouloir même de Dieu [11] " ; et réfutant nommément le P. Féret dès sa première note, il s’en prend à ceux qui ne croient pas " à l’existence même de ce qu’on appelle une vocation d’enfant [...], je voudrais dire avec force qu’ils portent une responsabilité très lourde [12] ".

L’archevêque de Toulouse [13], sans le citer nommément [14], élabore ce qu’il appelle des " lignes sûres et des points de repère " directement contre la théologie du P. Féret qui, avec la tradition et saint Pie X, récusait le mythe d’une vocation antérieure et indépendante de l’appel de l’Eglise. En réalité, il se borne à défendre le " caractère surnaturel propre et positif d’un appel divin présupposé [à celui de l’Eglise] [ 15] ". Curieusement, il n’ouvre pas le dossier théologique au plan historique ou systématique, se contentant de raisonner par mode d’autorité : le magistère authentique des souverains pontifes lui suffit (en l’occurrence celui de Pie XI et Pie XII) ainsi que les données du Code de droit canonique alors en vigueur, surtout les canons 1533 (qui utilise l’expression "germe de la vocation") et 1534. Et là où le Père Féret diagnostiquait une conception " mythique et infantile de la vocation ", il trouve " sans aucun doute, une consistance ontologique (souligné dans le texte) de la vocation sacerdotale [16] ". Pourquoi ce germe de consistance ontologique semé par Dieu n’aboutit-il pas ? Sa réponse est celle que l’on entend encore souvent quarante ans plus tard : " Il ne faut pas chercher loin la cause : elle est dans un drame général de l’Eglise emportée au péril des temps, avec ses familles, sa pastorale, mais elle a Dieu à son bord [17]. "

L’archevêque de Chambéry tire comme première conclusion de la session qu’elle " nous a ancrés dans la conviction de l’importance des vocations d’enfants [...] Elles sont privilégiées [18] ". La session se termine par une charte intitulée : Fondements d’une pastorale des vocations auprès des enfants[19].

La revue restera vigilante sur le sujet puisqu’elle republiera, un an plus tard, une étude de H. Denis, professeur au prestigieux séminaire Saint-Irénée de Lyon. Il connaît et cite l’étude du Père Féret mais prend une position doctrinale diamétralement opposée à la sienne. Après avoir crédité les enfants de la possibilité d’une vocation sacerdotale [20], il va jusqu’à écrire : " Le caractère spécifique de la vocation sacerdotale consiste dans la volonté personnelle d’un sujet. [...] Ce qui fait que quelqu’un a la vocation sacerdotale, c’est que ce quelqu’un porte en lui une certitude de plus en plus grande et de plus en plus éclairée qu’il est fait pour le sacerdoce [21]."

Concluons ce bref rappel historique en signalant que le directeur de la revue ne prit jamais position personnellement et qu’il ouvrit ses colonnes au Dr M. Eck qui approuva, de son point de vue de psychiatre, une des expressions les plus controversées du Père Féret : " Lorsqu’il dit que la vocation de l’enfant est mythique, il emploie un mot qui a pu faire réagir, mais qui psychologiquement est parfaitement adapté si l’on veut bien se reporter à l’étude de la psychologie de l’enfant [22]. "

L’impréparation théologique face aux difficultés du dernier quart de siècle

Le Père Féret ne semble pas avoir réagi aux critiques, ou plus exactement à la fin de non-recevoir dont il fut l’objet. Il est vrai que Vatican II allait mobiliser les énergies de tous, et les siennes propres (il y fut le théologien de l’évêque de Saint Claude), pendant un certain temps. Ce concile ne s’intéressa d’ailleurs pas à la vocation au ministère et il sembla reconduire la théorie des " germes de la vocation " en utilisant cette expression, sans l’avoir jamais discutée [23], à deux reprises dans le n°3 d’Optatam Totius, en liaison avec les petits séminaires. En réalité, avec la disparition rapide de cette institution en notre pays, cette théorie se trouva tout à fait suspendue dans les airs.

En effet, comme Ch. Suaud l’a montré, dans une étude assez remarquable sur le petit séminaire de Luçon, le "plus productif" de France, la fonction d’un petit séminaire était d’inculquer la vocation en même temps que la méconnaissance des déterminismes qui la rendaient possible [24]. Une fois qu’il n’a plus été socialement possible de maintenir les petits séminaires, le nombre des ordinations a décliné dramatiquement en notre pays, où l’on compte en moyenne une ordination par an et par diocèse depuis un quart de siècle . Et la théorie que l’on avait opposée au Père Féret, tout à fait comme il l’avait prévu, ne permet plus aux pasteurs d’appeler les collaborateurs qui leur sont absolument nécessaires, comme chacun le voit, quelle que soit sa théologie ou sa perception de la réalité. En effet, puisque la vocation repose sur le volontariat d’un chrétien qui se croit appelé, s’il n’y a plus de volontaires, il n’y aura plus de prêtres. Il ne reste plus alors qu’à espérer en la divine Providence et à prier Dieu " qui ne saurait abandonner son Eglise ", tout en continuant comme on a toujours fait, mais sous une beaucoup plus grande contrainte puisque, selon le même type d’analyse, les vocations qui existent "se perdent" sous l’influence d’une sécularisation croissante, d’une plus grande incertitude doctrinale, y compris sur l’identité des prêtres, dans une atmosphère croissante de matérialisme et d’hédonisme. La seule solution est donc ascétique et dogmatique et la plus grande vertu du jour sera le courage. Le caractère absolument stérile, sinon pervers, de cette théorie est patent, car qui ne voit, d’abord chez ceux qui en sont les partisans, que moins il y aura de prêtres, et moins il y aura de vie chrétienne ?

Pour un retour à la théologie traditionnelle de la vocation aux ministères

Une innovation quasi contemporaine : la primauté donnée à l’initiative des sujets Selon le langage populaire contemporain "on a la vocation" et "on se fait prêtre". Ce n’est évidemment pas là le langage des liturgies d’ordination, y compris d’après Vatican II, qui expriment encore aujourd’hui la tradition bimillénaire. Ce n’est pas le futur diacre, prêtre ou évêque qui demande sa propre ordination ; mais c’est l’Eglise qui est bel et bien le sujet de cette demande :

" Père [dit à l’évêque l’archidiacre, ou celui qui en tient lieu] la sainte Eglise vous demande d’ordonner diacre / prêtre / évêque un tel. "

L’ordinand n’est que le sujet de l’acceptation de l’ordination. La prière de l’Eglise ne fait aucune mention de son éventuel désir personnel d’être ordonné. Voilà qui est en fort contraste avec le langage canonique : là où le pontifical de Paul VI se garde bien d’utiliser ces termes, le Code de 1983 désigne couramment les ordinands comme "aspirants" ou "candidats" aux ordres [25]. Ses prescriptions vont dans le même sens, puisqu’au canon 1036, l’ordinand diacre et prêtre doit demander par écrit à son évêque " d’être admis à recevoir cet ordre. " C’est là une innovation de la Congrégation des Sacrements datant de 1931, prise pour des raisons purement disciplinaires [26].

Puisque cette évolution vers l’initiative, sinon vers la primauté du sujet dans la vocation est si récente, il est au minimum permis de se demander, malgré l’évidence commune qu’elle semble avoir pour elle - souvent encore aujourd’hui comme il y a quarante ans - s’il s’agit là d’un progrès doctrinal ou d’une innovation sans titre réel, témoignant d’une trop grande adaptation de l’Eglise à l’individualisme et au subjectivisme contemporains, nous conduisant de surcroît dans une impasse.

Pour notre part, nous voudrions montrer ici que d’autres équilibres sont non seulement légitimes mais fructueux. Rien, en doctrine, ne les interdit et beaucoup recommanderait leur mise en œuvre pastorale.

L’appel par l’Eglise, critère de la vocation aux ministères

Pour toute la tradition la vocation au ministère, de la part de Dieu, coïncide avec l’appel de l’Eglise. La Tradition Apostolique d’Hippolyte, document liturgico-canonique de l’Eglise romaine des années 218, prescrit sobrement : " Que soit ordonné comme évêque celui qui a été élu par tout le peuple " (Trad. Ap., 2). Les évêques de Rome du Ve siècle, comme saint Célestin et saint Léon rappellent cette norme avec vigueur : il faut respecter le désir de l’Eglise d’avoir un tel comme évêque [27]. Quoique la pratique ait connu bien des vicissitudes, le droit écrit de l’Eglise conservera cette norme jusqu’en 1917 [28].

Les textes de la Tradition relatifs aux ordinations sont absolument silencieux sur le désir du sujet d’entrer dans le ministère [29]. Et pour cause : les ordinations peuvent être faites, pendant le premier millénaire, contre le gré de ceux que l’on ordonne, et le législateur s’attend même à ce qu’il en soit ainsi [30]. Pour le droit de l’époque, et bien après, de telles ordinations sont "valides", sans le moindre doute, mais pas celles que l’on fait en ne respectant pas le désir de l’Eglise [ 31]. Car c’est à travers le désir de l’Eglise (et non du sujet) que l’on croit discerner la volonté de Dieu, d’où le proverbe bien connu " Vox populi, vox Dei[32] ".

La meilleure preuve de l’inexistence d’une vocation au ministère, insufflée pour ainsi dire directement par Dieu préalablement et indépendamment de l’appel de l’Eglise, se trouve dans la spiritualité de la fuite devant l’ordination qui se situe aux antipodes de la "culture de la vocation " [33].

Formellement, on en est resté, dans la doctrine officielle, à cette conception de la vocation comme appel de Dieu, médiatisé par l’Eglise et non par la conscience personnelle jusqu’au début de ce siècle. Ainsi le concile de Trente reconduit la position classique selon laquelle la vocation n’est pas une réalité que le sujet puisse discerner et à laquelle il pourrait avoir le moindre droit ; le critère d’appel au presbytérat réside dans la nécessité pour l’évêque de pourvoir ses églises [34]. Le Catéchisme dit du concile de Trente reprend cette doctrine et énonce fermement que la vocation n’est pas autre chose que l’appel de l’Eglise :

" Ceux-là seuls sont appelés par Dieu qu’appellent les légitimes ministres de l’Eglise. Voici comment Dieu parle des présomptueux qui s’ingèrent et qui s’introduisent d’eux-mêmes dans ce ministère : " Je n’envoyai point ces prophètes et ils couraient" (Jr 23,21 ) [35]. "

En 1912, la querelle Branchereau-Lahitton donna à saint Pie X l’occasion de réaffirmer la doctrine traditionnelle sur ce point. Il vaut la peine de reproduire en entier le texte de la commission cardinalice qu’il approuva en forme spécifique [36] : " Cette Commission, après avoir mûrement examiné les arguments de l’une et l’autre thèse, a prononcé dans sa réunion plénière du 20 juin dernier, le jugement suivant :

L’ouvrage de l’excellent chanoine Joseph Lahitton, ayant pour titre La vocation sacerdotale, ne doit en aucune façon être réprouvé. Tout au contraire, il faut le louer dans la mesure où il affirme que :

1°) Nul n’a jamais aucun droit à l’ordination antérieurement au libre choix de l’évêque ;

2°) La condition qu’il faut examiner du côté de l’ordinand, et que l’on appelle vocation sacerdotale, ne consiste nullement, du moins nécessairement et en règle ordinaire, dans un certain attrait intérieur du sujet ni dans une invitation du Saint-Esprit à embrasser le sacerdoce ;

3°) Au contraire, pour que l’ordinand soit légitiment appelé par l’évêque, rien de plus n’est exigé de lui que l’intention droite unie à l’idonéité qui se trouve (reposita) dans les dons de la grâce et de la nature, manifestée par la probité et une doctrine suffisante, qui donne un espoir fondé qu’il pourra aborder avec droiture les charges du sacerdoce et en observer saintement les obligations

Tout cela mérite une louange très particulière " [37].

Ainsi la position de Branchereau, qui soutenait une conception de la vocation comme germe divin préalable à l’appel de l’Eglise (et expression d’une prédestination qui rendait coupable et périlleux d’y résister [38]), semblait nettement récusée. Pourtant, ce fut elle qui l’emporta rapidement avec Pie XI, le décret de la Congrégation des Sacrements de 1931 que nous avons cité [39], puis Pie XII [40]. Telle est la position commune en France qui empêche d’entendre le Père Féret. Il faut pourtant noter avec humour que le chassé-croisé avec la position ancienne [ 41] n’est pas allé jusqu’au bout puisque les mêmes personnes qui admirent le jeune homme qui déclare sa vocation presbytérale n’hésiteraient pas à montrer du doigt le vicaire général qui laisserait transparaître sa "vocation" épiscopale : dans le premier cas avoir la vocation est admirable, dans le second, c’est manifester de l’ambition ou de l’inconscience (alors que, dogmatiquement, le statut de la vocation aux trois ordres est évidemment identique). On notera aussi que le droit n’a pas été modernisé sur toute la ligne : ainsi, les Constitutions des Frères Prêcheurs prévoient toujours que les religieux y sont ordonnés en vertu du vœu d’obéissance [42].

En conclusion de ce bref parcours, on peut donc affirmer en toute sécurité doctrinale qu’il n’y a aucune prescription sur la doctrine traditionnelle. Malgré les apparences [43], aucun chrétien ne se voit reconnaître de droit à l’ordination et la position traditionnelle, rappelée par saint Pie X, est toujours la plus sûre et surtout, loin de constituer une théorie abstraite, elle offre beaucoup de ressources, qui n’ont rien d’utopique dans la situation actuelle. C’est ce qui nous reste à voir.

Légitimité doctrinale de la pratique de l’appel

Revenons au diagnostic du P. Féret d’il y a quarante ans : une "théologie" de la vocation n’ayant guère de fondement traditionnel a pour effet de déresponsabiliser les pasteurs (et les chrétiens) en les mettant dans l’impossibilité d’appeler les collaborateurs (les ministres, entre autres les prêtres) dont ils ont besoin. Un tel diagnostic est bien plus évident aujourd’hui qu’alors. Faute de candidats pour la prêtrise, l’âge moyen des prêtres français (soixante-dix ans) est plus qu’alarmant. On ne saurait minimiser cette réalité en constatant par ailleurs, ce qui est exact, que la fin du curé résident ne fait que traduire la fin de la France rurale. Car la situation est encore beaucoup plus grave dans la France urbanisée. Que devient la pastorale quand, pendant un quart de siècle, on a en moyenne et régulièrement, une ordination par an et par diocèse et que les entrées dans les séminaires continuent de baisser chaque année, très légèrement, il est vrai ?

Depuis un quart de siècle on n’a cessé pourtant d’investir, et de la meilleure manière, dans la formation des candidats ayant la vocation. N’est-il pas temps de faire ce que rien n’interdit et que tout recommande, à savoir de mettre en œuvre une pastorale de l’appel ? Elle est, en effet, souhaitable et possible ; moyennant de réels apprentissages nécessaires de la part de tous, elle devrait être fructueuse.

Une pratique d’appel est souhaitable

La conception, actuellement encore dominante, de la vocation comme suspendue à la manifestation d’un désir, que le sujet discerne difficilement à travers sa psychologie [44], entraîne les effets suivants :

  • Il se présentera normalement une certaine proportion de candidats qu’il faudra décourager.
  • On est prisonnier de la séquence où, dans les faits - quoiqu’il en soit de la spiritualité professée simultanément - la personne des ministres l’emporte sur l’objet du ministère [45]. On n’a pas l’évidence que le service de l’Evangile et la construction de l’Eglise soient les critères décisifs en ce domaine [46].
  • On est handicapé pour mettre en rapport, comme il le faudrait, les besoins du service de l’Evangile avec les personnes et les ressources qui existent effectivement localement et qui seraient en mesure de correspondre à ces besoins, moyennant formation évidemment. Pourtant tel est le devoir le plus traditionnel des évêques. Hippolyte disait déjà qu’il leur appartient de " distribuer les charges [47] ".
  • N’est-il pas également paradoxal (et doctrinalement incohérent avec l’ecclésiologie de communion redécouverte à Vatican II [48]) que l’Eglise locale se trouve dessaisie de toute responsabilité effective dans le choix de ses pasteurs (ou dans la détermination de leur statut), alors que, dans la liturgie, elle demeure le sujet de la demande de leur ordination ?

En tout cas, puisque en plus de tous ces inconvénients, l’Eglise n’a plus, avec cette "théologie" de la vocation, la possibilité d’avoir les ministres qui lui sont nécessaires, il pourrait être souhaitable de revenir à la pratique de l’appel [49], puisque rien ne s’y oppose théologiquement.

Une pratique d’appel au diaconat ecclésialement fructueuse

Le mouvement se prouve en marchant, dit-on. Depuis vingt ans, l’Eglise de France a appris à pratiquer l’interpellation. Derrière ce mot, qu’on peut ne pas aimer (ne sent-il pas un peu sa gendarmerie spirituelle ?), se trouve la redécouverte de l’appel. Ainsi pour le diaconat, la plupart des diocèses de France, un peu réticents à l’expérience, devant les candidatures spontanées au diaconat permanent, ont mis sur pied des procédures demandant réflexion et savoir-faire, qui se sont révélées capables de susciter les diacres que les évêques souhaitaient ordonner pour le service de l’Evangile [50]. Cet apprentissage a porté ses fruits, puisqu’à deux reprises, en 1994 et 1996, on a ordonné plus de diacres que de prêtres en France. Il n’est pas isolé, ayant été mené à bien dans nombre d’autres secteurs de la vie de l’Eglise : pour la désignation des permanents d’Action catholique depuis longtemps déjà, puis surtout, et à grande échelle, pour les catéchistes sur lesquelles on a exercé bien souvent de douces pressions au départ car elles étaient loin d’être initialement candidates ou volontaires, mais aussi pour les animateurs liturgiques et tant d’autres [51]. Au bout d’une vingtaine d’années, à condition d’avoir réfléchi sérieusement à cette pratique dans les diocèses et mis en valeur sa pertinence et sa cohérence pastorale, si l’on n’a toujours pas de prêtres en nombre suffisant, on se dira peut-être dans le corps de l’Eglise : mais pourquoi n’appellerions-nous pas des chrétiens au presbytérat de la même manière ? En effet, rien ne l’interdit, et bien des choses le recommanderaient. Mais surgit alors l’objection : " Mais ça ne peut pas être pertinent pour eux, puisqu’ils sont mariés ! " L’objection est de taille et elle doit être traitée de façon théologiquement responsable.

Nécessité des apprentissages pour une pratique d’appel au presbytérat

Les pièges sont nombreux ici. Le plus grave consiste probablement à penser que l’abolition du célibat est inéluctable puisqu’il est devenu plus évident que naguère, pour la quasi-totalité des fidèles, " qu’il a été imposé par une loi dans l’Eglise latine à tous ceux qui se présentent aux ordres sacrés ", selon les termes mêmes de Vatican II (Vie et ministère des prêtres n°16). Tout en énonçant des convenances entre le célibat et le ministère, le dernier concile n’en fait pas moins l’éloge des prêtres catholiques mariés orientaux " dont le mérite est grand ", et il " exhorte avec toute son affection les hommes mariés qui ont été ordonnés prêtres à persévérer [...] dans le don total [on remarquera l’adjectif] et généreux de leur vie au troupeau qui leur est confié [52]. "

Beaucoup donc pensent qu’à force d’en parler, l’ordination d’hommes mariés se fera, puisqu’il n’existe aucun obstacle dans notre foi à son encontre. Un décret du Pape y suffira et les besoins pastoraux y conduiront. Il y a là une double illusion : pas plus qu’un état, l’Eglise catholique ne peut se réformer par discours ou par décret, même dans des domaines où le Seigneur nous a laissés libres.

Les discours n’y suffiront évidemment pas, comme le montrent trente ans de discussions et de publications. On sait aussi que de nombreuses conférences épiscopales à travers le monde ont demandé l’ordination de chrétiens mariés, ayant fait les preuves de leur vie chrétienne, durant le pontificat de Jean-Paul II, comme durant celui de Paul VI. En vain [53]. De fait la décision dépend du Pape en personne qui se l’est expressément réservée.

Mais un décret du Pape y suffira-t-il ? Il y a lieu d’en douter car cette loi représente dans l’histoire de l’Eglise d’Occident un tel achèvement, au terme de huit siècles de combats de toutes sortes, que c’est désormais une valeur enracinée dans la tradition de l’Eglise qu’on ne saurait donc percevoir avec justesse comme suspendue à un décret du Pape - dont personne ne sait s’il viendra ou ne viendra pas [54] - qui ne saurait produire de fruits que s’il a été préparé avec suffisamment de profondeur spirituelle.

Est-ce à dire que les évêques et les chrétiens qui estimeraient chrétiennement souhaitable d’aller en ce sens, se trouvent dans une totale impuissance ? Pas du tout, si la voie des discours est infructueuse pour eux et si celle des décrets leur est inaccessible, il leur reste la voie royale des apprentissages, la seule, au demeurant, où leurs responsabilités théologiques, spirituelles et pastorales soient engagées devant Dieu et devant l’Eglise.

La voie des apprentissages

Les apprentissages sont à distinguer soigneusement des expériences qui n’ont guère leur place dans l’Eglise, en tout cas pas dans le domaine de l’appel aux ordinations. Un apprentissage est réussi dans l’Eglise quand tout le corps social s’est doté de nouvelles capacités de jugement spontané et d’action lui permettant de faire fructifier la tradition au contact des données inattendues de l’histoire et d’en relever les défis, selon l’Esprit de Jésus. Face aux défis que notre Eglise doit probablement relever, les apprentissages apparaissent principalement de trois ordres.

Apprentissages théologiques

En premier lieu, le retour à une conception vraiment traditionnelle et dogmatiquement équilibrée de la vocation, bien différente de l’actuelle subjectivisation par laquelle elle s’est trop adaptée à notre culture, car ce n’est pas ainsi qu’on respecte le mieux la liberté du sujet, et d’ailleurs vainement puisque cela a redoublé les impasses... On n’y insistera plus puisque l’essentiel de la réflexion a porté sur ce point. Cet apprentissage est bien en cours dans l’appel au ministère ordonné de diacre, qui a été instauré dans les diocèses français [55], à quelques notables exceptions près. L’on pourrait aussi, facilement, valoriser le fait qu’il n’y a pas de vocation ou de candidature à l’épiscopat, ce qui pourtant aurait été cohérent. Enfin l’appel aux ministères non-ordonnés, devenu si familier, constitue un apprentissage, analogique certes, mais de grande importance pratique parce que de grande étendue.

Mais là ne s’arrêtent pas les apprentissages théologiques nécessaires et souhaitables. Le retour à la tradition, sur ce point, appelle en effet la redécouverte de l’articulation entre tous et quelques-uns, voire un seul, si familière à l’Eglise du Nouveau Testament et œcuméniquement si importante [56]. Celle aussi d’une ecclésiologie de communion, au moins naissante, où le Pape (un) collabore avec le collège des évêques (quelques-uns), où l’évêque (un) collabore le presbyterium (quelques-uns) et avec son Eglise (tous) par la réactivation que Vatican II a demandée d’une vie synodale et de conseils [57]. L’avenir des ministères ordonnés a manifestement partie liée avec la reviviscence des Eglises locales, redevenant sujets de droit et d’initiatives [58].

Autre chantier d’apprentissage qui paraît aller de soi : l’appel aux ordres de chrétiens mariés exige d’aller de pair avec un profond renouveau des attitudes catholiques vis-à-vis de la sexualité et de la famille, dont on prendra la mesure en évoquant les réticences que peuvent susciter les seuls conseils que l’Ecriture donne pour le choix des épiscopes [59].

Résumons-nous : en tous ces apprentissages théologiques, sans lesquels d’éventuels changements dans la discipline ne sauraient être fructueux, qu’est-ce que l’Eglise aurait à perdre ? On voit en revanche qu’elle aurait beaucoup à y gagner, que l’on ordonne ou non, un jour, des chrétiens mariés.

Apprentissages institutionnels

Développer une pratique d’appel suppose aussi des apprentissages institutionnels, en premier lieu dans le domaine de la formation. Une chose est de former de futurs prêtres au sortir du lycée ou après quelques années de vie étudiante et professionnelle, autre chose sera de former des chrétiens à temps partiel puisqu’ils conserveraient leur vie de famille et une certaine activité professionnelle. A travers les différentes écoles de formation aux ministères que les diocèses ont développées, de manière diversifiée, il est possible de mesurer réalistement le chemin à parcourir.

De même, un tel clergé sera vraisemblablement plus coûteux, car il ne pourra pas, probablement, consacrer plus de temps que les diacres actuels à son activité professionnelle. La politique budgétaire des diocèses a déjà sérieusement bougé en fonction des permanent(e)s de pastorale rétribué(e)s. L’effort devra être continué. De même, ce clergé sera habituellement moins mobile que l’actuel (par exemple à cause de la profession de l’épouse et de la scolarisation des enfants). Là encore, il faudra apprendre.

L’intérêt de l’apprentissage institutionnel est aussi qu’on ne substitue pas un modèle à un autre, qu’on ne détruit pas l’ancien pour susciter le nouveau. Mais un peu à l’image des ingénieurs des Ponts et Chaussées, on s’efforce de ne pas interrompre la circulation sur les voies anciennes en construisant de nouvelles routes : en l’espèce une telle image est fallacieuse, comme si de jeunes prêtres choisissant le célibat en vue du ministère pouvaient devenir des figures archaïques... alors qu’ils constitueraient une telle grâce. Mais elle peut indiquer la nécessité de conjuguer institutionnellement "du neuf et de l’ancien".

Devenir capable de différencier les formations proposées ; apprendre à intégrer le temps partiel dans les services et ministères ; ou à collaborer entre partenaires de statuts différenciés, au plan financier et au plan familial ; ou à gérer la mobilité et ses difficultés, ce sont là autant d’apprentissages institutionnels auxquels nos Eglises locales n’ont rien à perdre et tout à gagner, mais sans lesquels un changement de discipline serait périlleux, et pas seulement infructueux.

Apprentissages spirituels >

Développer une pratique d’appel suppose aussi de nombreux apprentissages spirituels. Le premier apprentissage sera probablement de progresser du spiritualisme de certaines théories (car la pratique est plus saine) vers une véritable pneumatologie. Postuler que la vocation aux ministères puisse se discerner dans un solipsisme spirituel (dans le dialogue intime avec le Christ, et sans doute avec un père spirituel) semble indissociable de la théorie selon laquelle la vocation au sens théologique existerait préalablement à l’appel de l’Eglise et indépendamment de lui. Mais cela se peut-il ? Non, car la vocation au ministère n’est pas à proprement parler une grâce pour la personne ordonnée (concernant son salut et l’orientation de sa vie chrétienne dont la source se trouve formellement dans le baptême et la vie théologale), mais c’est une grâce pour l’Eglise : il s’agit " de mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ " (Ep. 4,12) [60]. Autrement dit une vocation au ministère se discerne en Eglise et non dans un colloque singulier (quel que soit l’interlocuteur). Il ne peut en être autrement puisque l’Eglise est le peuple de Dieu, le corps du Christ, le temple du Saint Esprit et que l’ensemble des dons du Saint Esprit ne se trouve que dans l’ensemble de l’Eglise. Seule une pneumatologie insuffisante (quoi qu’il en soit de l’exégèse qui ne le permettrait pas plus) permet de faire de l’appel de Samuel un modèle exemplaire de la vocation au ministère ordonné [61].

En cohérence avec ce qui précède, il faudra aussi approfondir notre conception de la liberté spirituelle : en ce domaine, comme dans tous les autres, elle est bien plus une liberté de consentement qu’une liberté d’initiative. L’innovation du Code de droit canonique de 1983, avalisant il y seulement dix-sept ans, le vocabulaire de la candidature, là où celui de 1917 ne voyait encore que des "aspirants" aux ordres [62], s’éloigne par trop d’une tradition spirituelle (et même canonique !) ininterrompue, pour espérer être théologiquement reçue. On ne peut se contenter de dire qu’après tout l’Eglise ne fait que susciter des candidatures : c’est la posture même de la candidature qu’il faut confronter avec la justesse de la tradition spirituelle, sans qu’on doive nécessairement aller jusqu’à évoquer le pélagianisme à cette occasion.

Des apprentissages spirituels tout aussi importants s’avèrent nécessaires au seul constat que, depuis huit siècles notre Eglise n’ordonnant plus de clercs mariés, elle devra nécessairement beaucoup apprendre pour former spirituellement des prêtres mariés et trouver des façons de nourrir spirituellement leurs épouses et de se préoccuper, au même registre, d’enfants soumis à des pressions familiales et sociales spécifiques... Mais s’il est sans doute difficile d’apprendre des prêtres catholiques mariés [63], un tel apprentissage n’est-il pas déjà en cours s’agissant des diacres ? Au contact de ces derniers, il est probable que des déplacements se font déjà en faveur d’une plus juste appréciation de la sexualité et de la vie de famille : autre champ important de la spiritualité où des approfondissements sont nécessaires.

Chacun le sait, beaucoup reste à faire dans ce domaine. Pourquoi se le cacher : combien de catholiques, à la perspective que nous évoquons, n’auront-ils pas des réactions spontanées du genre : " ce sera une voie plus facile " (sic !), "un sacerdoce fonctionnel", ou ne craindront-ils pas que l’on s’engage vers "un sacerdoce au rabais", ou "de seconde zone" ? Quand ils ne penseront pas que tout cela est illusoire : " Voyez les protestants, ils ont des pasteurs mariés, mais qu’est-ce que cela change ? Les vraies questions sont ailleurs [64]. "

Il est vrai qu’une réforme peut être en elle-même absolument insuffisante et n’en être pas moins nécessaire. Il est vrai aussi qu’en mettant en œuvre une théologie de l’appel à des chrétiens qui en auraient les aptitudes, certes plus juste que la théologie de la vocation actuellement répandue [65], on se crée de nouveaux problèmes. Mais y a-t-il véritable spiritualité sans soumission au réel, c’est-à-dire sans humilité ? Quand, pendant soixante-cinq ans [66], la pastorale mise en œuvre se révèle de plus en plus inefficace, est-ce une authentique attitude spirituelle de renvoyer la responsabilité de son échec à la seule conjonction des "malheurs des temps" et de notre "fidélité à la volonté de Dieu" [ 67] ? Comment être si sûr de la volonté de Dieu ? Comment exclure une possible paresse intellectuelle et quelques faiblesses théologiques et spirituelles pour comprendre et notre temps et la volonté de Dieu ?

CONCLUSION : Théologie, spiritualité et vie de l’Eglise

La réflexion que l’on vient de proposer à l’occasion de la lecture d’un article vieux de quarante ans - et qui, sur le fond, ne fait guère que le répéter - montre les limites évidentes de la théologie pour aider l’Eglise à se frayer un chemin dans des temps nouveaux. Mais est-elle inutile pour autant ?

La théologie est précieuse dans la mesure où elle rend libre. Elle montre que l’impasse où nous semblons nous être engagés ne provient ni de l’Ecriture ni de la tradition - même avec un t minuscule, mais d’une histoire récente où l’on a absolutisé comme vérité théologique un moment d’histoire sociale qui va, en gros, de la fin de la Révolution française au milieu du XXe siècle. Elle ne fait pas que libérer le jugement ; elle permet aussi d’acquérir quelques assurances concernant la pastorale [68]. Ce qui semblerait pastoralement fructueux apparaît également comme ce qui est le plus assuré en théologie systématique et au plan œcuménique [ 69]. Mais c’est aussi le plus traditionnel : on espère l’avoir montré, il y a plus de richesses dans notre tradition qu’on ne l’imagine ordinairement, plus de ressources latentes, personnelles et communautaires, dans nos Eglises locales qu’il n’apparaît au premier abord. Rien n’interdit et tout recommande de les mettre en œuvre, au lieu de se laisser aller au découragement car l’avenir, pour l’essentiel, est entre nos mains, pour peu que nous acceptions d’entrer dans ces processus d’apprentissages théologiques, institutionnels et spirituels qui n’ont rien d’utopique, et sans lesquels les discours resteront des discours et les décrets, anciens ou nouveaux, resteront stériles. Surtout que ces apprentissages seront positifs en tout état de cause !

Rien ne contraint "à faire ce que l’on a toujours fait" et à croire que l’on échappera à la stérilité de la répétition, à condition de "prier plus" et de "se sacrifier plus". S’il y avait là une impasse, la théologie traditionnelle nous en délivrerait...

Mais la théologie, et particulièrement l’ecclésiologie, répétons-le, a ses limites. D’une part, l’ecclésiologie n’est pas l’Eglise, pas plus que la sociologie n’est la société, ou l’éthique n’est la morale vécue ; d’autre part le registre décisionnel n’est pas (heureusement !) celui des théologiens. Ces derniers doivent respecter les orientations des pasteurs, mais ils ne sont pas pour autant exonérés, dans le respect de la diversité des charismes et des ministères, d’exposer le résultat de leur recherche aux pasteurs et autres fidèles [70] ; au minimum en privé, si les pasteurs estiment un débat public inopportun sur les sujets abordés.

En tout ceci les enjeux spirituels sont importants, ce qui peut justifier que La Vie Spirituelle s’y intéresse par deux fois en quarante ans. Il serait fâcheux, en effet, que théologie et spiritualité aillent chacune son chemin [71]. La spiritualité, qui a heureusement cessé de se confondre avec l’ascèse, comme naguère, ne peut non plus se confondre avec l’immédiateté de l’expérience religieuse par delà les différentes médiations du savoir.

L’avenir passe évidemment par la conjonction des deux. L’histoire de l’Eglise au XXe siècle l’a montré aussi bien négativement que positivement.

Addendum

Le précédent article, publié par La Vie spirituelle (décembre 1998), connaît ici une seconde édition. Tout en y ajoutant quelques notes ou en les complétant, on a conservé la forme initiale du texte pour en faciliter la discussion. On la commence avec les membres du Service National des Vocations sous forme d’addendum sur des questions que nous les remercions d’avoir soulevées. C’est une manière d’exprimer notre disponibilité à prendre part à une réflexion nécessaire sur un sujet préoccupant.

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De toutes les enquêtes dont on dispose, il semble ressortir que l’appel a été majoritairement entendu dans l’enfance, très tôt, souvent entre 8 et 12 ans. La théologie peut-elle l’ignorer ?

Les théologiens n’ont aucune raison d’ignorer la réalité. Les témoignages recensés n’ont rien de surprenant. Ils ne révèlent qu’une seule chose : en exprimant un tel désir à cet âge, ces enfants voulaient nouer, plus ou moins consciemment, une relation affective valorisante avec un adulte (une mère, un prêtre, etc.), que celui-ci accueille positivement cette expression ou non. Mais ce désir ne peut être, comme le Dr Eck l’a écrit, qu’une réalité infantile sans rapport avec la réalité de la vocation au ministère : entre 8 et 12 ans le consentement au célibat ou l’exercice de la responsabilité pastorale sont franchement inimaginables, dépourvus de contenu ; un tel désir est "mythique" selon les termes appropriés du Dr Eck. Il ne saurait y avoir d’analogie, à cet âge-là, entre le désir d’être prêtre et celui d’être médecin, car le travail à faire sur ce soi à l’âge adulte sera dans l’un et l’autre cas qualitativement trop différent.

Ces "vocations" sont un phénomène humain très familier aussi dans l’espace bouddhique où de très jeunes enfants sont persuadés d’être une réincarnation de Bouddha (avec souvent des réussites remarquables : qu’on pense à l’actuel dalaï-lama !) et surtout embrassent la vie monastique par centaines de milliers dès la plus tendre enfance. Ce phénomène est bien connu en Occident également : que l’on pense à saint Thomas d’Aquin mis à huit ans au Mont-Cassin pour en être l’abbé. Plus près de nous, l’analyse de Ch. Suaud, cité supra (note 24), a montré que le petit séminaire pouvait aussi inculquer la vocation en dissimulant (au sens social) les conditions objectives de cette inculcation, le sujet étant persuadé de répondre à "sa" vocation. Vis-à-vis de ce passé qui englobe aussi, pour une bonne part, le recrutement du haut clergé d’Ancien Régime, particulièrement à la Curie romaine [72], il faut conserver un regard historique et même ethnologique, en se gardant bien d’un jugement moral ou théologique dont nous sommes incapables, car on l’a bien montré, la vocation au sens théologique réside dans l’appel de l’Eglise à une personne adulte considérée comme apte et requiert le consentement de cette dernière. En revanche légitimer théologiquement un discours sur l’authenticité de vocations d’enfants au ministère serait, dans notre société occidentale, franchement dangereux pour les personnes (cf. supra note 41) et ne manquerait pas de nuire gravement à la crédibilité d’une Eglise réduite à influencer des enfants parce qu’incapable de mobiliser des adultes pour l’Evangile. Prendre appui sur des désirs infantiles serait faire preuve, dans la société française, d’un grave manque de réalisme pastoral et tout autant d’un manque de sagesse théologale.

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Certes, le désir ne peut être constitutif de la vocation, mais si l’on ne prend pas appui sur lui, ne risque-t-on pas la "fonctionnarisation", la professionnalisation du ministère ? D’autre part, des vocations ne sont-elles pas nées, au cours de l’histoire, du mimétisme, du désir de suivre des exemples particulièrement entraînants évangéliquement ?

Cette réflexion est importante : entre êtres humains d’abord, entre chrétiens aussi, les phénomènes d’identification constituent un stade nécessaire dans la constitution d’une personnalité autonome ; au plan collectif, c’est ce qui permet la transmission des valeurs. Telle est, en principe (car les "modèles" ne sont pas toujours transposables), la sagesse qui préside à la vénération des saints. On imagine mal par exemple l’Occident chrétien sans la figure d’un saint François d’Assise. C’est vrai de la figure des pasteurs : saint François de Sales ou saint Vincent de Paul inspirent toujours.

Mais on se gardera bien de confondre ce dynamisme d’identification qui fait partie, avec ses réajustements, de toute éducation avec la vocation au ministère en son sens théologique. Clarifions encore ce point : l’obligation faite aux futurs ordonnés par la Congrégation des sacrements en 1931 de jurer sur les saints Evangiles qu’ils ressentent être appelés par Dieu et qu’ils en sont sûrs (cf. supra note 26) présuppose une théologie de la vocation difficilement conciliable avec celle de saint Pie X. L’une et l’autre ne produisent pas les mêmes effets. Celle de 1931 manque de tout fondement, se révèle aussi dangereuse pour les personnes que pour l’affrontement des situations pastorales. Celle de saint Pie X est en revanche potentiellement fructueuse à tous égards.

Bien sûr que le risque de fonctionnarisation ou de professionnalisation n’est pas partout chimérique (le statut de fonctionnaires de l’Etat des pasteurs dans quelques unes des Eglises luthériennes établies illustre au moins marginalement le danger), mais dans les pays catholiques latins, n’est-ce pas plutôt l’amateurisme dans la formation qui est la menace ? Cette menace est d’autant plus grande que la spiritualité des prêtres est moins fondée dans le baptême (la foi, l’espérance et la charité) et se trouve déportée sur la grâce de l’ordination comprise comme nouvelle identification au Christ et nouvelle source de grâce théologale, comme en témoigne une masse de documents et publications, dites de spiritualité sacerdotales, et même des Dogmatique comme celle de Schmaus (citée supra note 71). A ces dérives, il serait évidemment insatisfaisant d’opposer un véritable professionnalisme. Mais, tant que la spiritualité sacerdotale ne sera pas développée à partir de son objet même, n’assure-t-on pas de l’avenir à une telle dialectique malheureuse ?

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L’idée d’apprentissage est certes une bonne idée, réaliste et prudente à première lecture. Mais n’est-ce pas une "fausse bonne idée" ? Lèvera-t-elle tous les problèmes ? N’est-ce pas une solution trop rapide à des problèmes conjoncturels, qui ne manquera pas de faire surgir de nouvelles impasses et déjà des divisions dans l’Eglise ?

La question posée est celle de l’action dans une histoire. L’Eglise doit vivre dans une histoire où il lui faut affronter les changements. A-t-on véritablement le choix entre changer et ne pas changer ? L’expérience, acquise dans le passé, est-elle même utile dans un contexte à bien des égards nouveau ? Oui, à condition d’être plus créatrice que répétitive.

Cette question est intéressante aussi parce qu’elle manifeste qu’il n’y a pas de solution entièrement satisfaisante en elle-même, ni pouvant satisfaire tout le monde. Dans l’Eglise catholique, ce n’est pas aux théologiens, mais au gouvernement pastoral de donner les orientations de ce genre. Ce qui revient aux théologiens, c’est d’aider à préparer les dossiers. Sur le point précis qui précède, quelle que puisse être la diversité des positions théologiques, l’apport de la théologie est simplement de montrer que si nous étions dans une impasse (il y a consensus sur l’extrême gravité de la situation, mais sur l’impasse ?), ce n’est pas pour des raisons doctrinales : la tradition a d’autres équilibres que ceux que nous connaissons, il y a en elle, comme dans les Eglises locales, plus de ressources que celles auxquelles l’on fait appel. Les corrections de trajectoire qui sont possibles ne sont pas seulement fidèles à la tradition et pastoralement fructueuses, elles ont en plus pour elles d’être dogmatiquement équilibrées et d’être œcuméniquement heureuses.

Beaucoup plus empiriquement il n’y a là qu’une proposition d’enrichissement pour tout le corps de l’Eglise. Ces apprentissages n’obligent pas à passer ensuite à d’autres étapes ; mais il est vrai que si on ne les pas parcourues, on ne pourra progresser. En tout état de cause les parcourir nous rendra meilleurs catholiques [73].

Notes

1 - H.-M. Féret , " Vocations ", La Vie Spirituelle, n°446, janvier 1959, p. 64-72. Vivant à l’étranger entre 1958 et 1961, cet article m’avait échappé jusqu’à maintenant bien que j’aie eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises en consonance avec son contenu. [Retour au Texte]

2 - Ibidem, p. 72. [Retour au Texte]

3 - Ibidem, p. 64. [Retour au Texte]

4 - Ibidem, p. 68. [Retour au Texte]

5 - Nous citons cette décision in extenso infra, note 36. [Retour au Texte]

6 - Ibidem, p.72. [Retour au Texte]

7 - Ibidem, p.70. [Retour au Texte]

8 - Ibidem, avril 1959, p. 3-18. Il en a repris l’essentiel dans " L’élément divin de la vocation divine au sacerdoce ou à la vie religieuse selon Pie XII dans la Constitution Sedes Sapientiae ", Angelicum 37 (1960) 281-306. [Retour au Texte]

9 - G.-M.Garrone, " Pour une théologie de la vocation dans la théologie de l’Eglise ", Vocations sacerdotales et religieuses (désormais Vocations), n° hors-série, mars 1960, p. 107. [Retour au Texte]

10 - Marc Lallier, licencié en droit, ancien supérieur du petit séminaire de Paris et connu pour sa pédagogie auprès des scouts, avait été évêque de Nancy avant d’être transféré à Marseille (et plus tard à Besançon). Sa contribution s’intitulait Le fait et la pastorale des vocations d’enfants. [Retour au Texte]

11 - Vocations n°208, p. 7. [Retour au Texte]

12 - Ibid. p. 11. [Retour au Texte]

13 - Gabriel-Marie Garrone, ancien supérieur du séminaire d’Annecy, coadjuteur puis archevêque de Toulouse, futur cardinal et futur préfet de la Congrégation des Etudes et Séminaires, titulaire de deux doctorats romains (théologie et philosophie) et d’une licence de philosophie de Grenoble, passait probablement pour l’un des meilleurs hommes de doctrine parmi les évêques.[Retour au Texte]

14 - Sans doute moins par dédain que souci de le protéger, car le P. Féret avait été interdit d’enseignement par Rome au moment de l’affaire des prêtres-ouvriers.[Retour au Texte]

15 - Art. cit., p. 109. [Retour au Texte]

16 - Ibidem, p. 114. [Retour au Texte]

17 - Ibidem, p. 119. [Retour au Texte]

18 - Vocations, n°208, p. 4. Louis-Marie de Bazelaire, ancien supérieur du séminaire de Nancy, archevêque de Chambéry depuis 1947, deviendra co-président de la Commission du clergé et des séminaires en 1961 avec Mgr Garrone. [Retour au Texte]

19 - Ibidem, p. 32. [Retour au Texte]

20 - H. Denis, " Caractère spécifique de la vocation sacerdotale ", Vocations, n°211, juillet 1960, p. 21 : " La nier, écrit-il, c’est refuser l’originalité propre de la vocation sacerdotale et de la vie religieuse, rappelée par le pape dans Sedes Sapientiae ". [Retour au Texte]

21 - Ibid. p. 16-17 (Les italiques sont dans l’original). [Retour au Texte]

22 - Dr M. Eck, " Réflexions sur la psychiatrie et les vocations ", Vocations, n°207, juillet 1959, p. 51.[Retour au Texte]

23 - La lecture des Acta Synodalia permet de l’affirmer, aussi il ne paraît pas que l’on doive suivre G. Lefeuvre affirmant : " Le concile a légitimé la notion de germe de la vocation ", La vocation sacerdotale dans le second concile du Vatican, Paris, Téqui, l978, p. 208. On serait plus près de la réalité en remarquant qu’il ne s’est pas prononcé sur ce point. [Retour au Texte]

24 - Ch . Suaud, La vocation, Paris, éditions de Minuit, 1978, p. 10. [Retour au Texte]

25 - Le vocabulaire des canons 233 § 2 ; 234 § 2 ; 235 § 1 et 1016 implique que les sujets décident ; ils sont appelés expressément "candidats" aux canons 289 § 1 ; 1025 ; 1028 ; 1031 § 2 ; 1034 § 1 ; 1036 ; 1039 ; 1051, 1 ; 1052 § 1-3 ; et " aspirants " aux canons 236 ; 1027 ; 1032 § 1,3 ; 1034 § 1. [Retour au Texte]

26 - Pour éviter des réclamations ultérieures de la part de celui qui prétendrait ne pas s’être engagé librement au célibat en connaissance de cause, un serment sur les saints Evangiles est requis de tout ordinand. Selon un formulaire dont la fin est particulièrement étonnante, il doit jurer qu’il se présente : " libre de toute pression, violence et crainte, le désirant spontanément et le voulant de pleine et libre volonté car j’expérimente et je ressens que je suis réellement appelé par Dieu (cum experiar ac sentiam a Deo me esse revera vocatum) ", Acta Apostolicae Sedis 23 (1931) 127. On peut difficilement concevoir une plus grande conformité avec le subjectivisme contemporain que l’on critique sévèrement par ailleurs.[Retour au Texte]

27 - Pour le premier " qu’on n’impose pas au peuple tel évêque dont il ne voudrait pas. Le consentement et le désir du clergé, du peuple et de la curie locale doivent être obtenus ", Lettre 4, 5 (PL 50, 434) ; le second prescrit " celui qui doit présider à tous doit être élu par tous ", Lettre 10, 6 (PL 54, 634) ; même doctrine dans Lettres 14, 5 (PL 54, 673) et 167, 1 ( PL 54, 1203).[Retour au Texte]

28 - Pour l’histoire des élections épiscopales en Occident cf. J. Gaudemet, Les élections dans l’Eglise latine des origines au XVIe siècle, Paris, Fernand Lanore, 1979. Pour la pratique actuelle de ces élections en Occident, cf. J.L. Harouel, Les désignations épiscopales dans le droit contemporain, Paris, PUF, 1977. Les vicissitudes qu’a connues récemment le diocèse de Coire ont familiarisé les catholiques français avec cette institution élective. On pourra aussi voir notre essai " Le sens théologique des élections épiscopales d’après leur déroulement dans l’Eglise ancienne ", Concilium n°77, 1972, pp. 41-50. Pour l’élection des curés, cf. D. Kurze, Pfarrerwahl im Mittelalter, Cologne, Böhlau Verlag, 1966. (Cette élection persiste toujours par exemple dans le diocèse de Saint-Gall.) [Retour au Texte]

29 - Une enquête sur les commentaires de l Tm 3,1 " celui qui désire l’épiscopat désire une bonne chose ", réalisée systématiquement à partir de la Biblia Patristica montre un silence total sur la bonté du désir de l’épiscopat : pour eux, l’assertion de l’auteur de l’épître porte sur la bonté intrinsèque du ministère épiscopal. Il en est de même des commentaires plus tardifs, examinés par Y. Congar, " Ordinations invitus, coactus de l’Eglise antique au canon 214 ", Revue des Sciences philosophiques et théologiques 50 (1956) 169-197, ici p. 189-190. Telle est encore l’exégèse de saint Thomas, In I ad Tim., c. 3, lect 1. [Retour au Texte]

30 - Ainsi, la Novelle de Léon en 489 dit à propos du futur évêque : " Seul le refus qu’il se croit obligé d’opposer milite en sa faveur. Assurément il est indigne du sacerdoce, à moins qu’il n’ait été ordonné malgré lui ", Code de Justinien, 1,3,30,4 et 5. [Retour au Texte]

31 - Deux dossiers historiques, facilement accessibles, ont paru sur le sujet quelques années après l’essai du P. Féret : P.-H. Lafontaine, Les conditions positives de l’accession aux ordres dans la première législation ecclésiastique (300-492), Ottawa, 1963, p. 71-100 ; Y.Congar, " Les ordinations invitus, coactus..." art. cit. supra note 29, repris dans Droit ancien et structures ecclésiales, Variorum Reprints, Londres, 1982. On ne connaît, avant les luttes christologiques, aucun évêque qui se soit déclaré désireux de l’épiscopat. Innombrables sont en revanche les saints évêques ordonnés contre leur gré : Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome en Orient par exemple ; en Occident, Martin de Tours, Paulin de Nole, Germain d’Auxerre, Sidoine Apollinaire à Clermont. Furent ordonnés prêtres sous la contrainte Paulin (à Barcelone), Augustin, Jérôme, Paulinien son frère, etc. Encore au second millénaire Grégoire VII écrit à l’archevêque de Lyon d’ordonner l’évêque de Macon élu sous la contrainte (PL 148,318).[Retour au Texte]

32 - " La voix du peuple est la voix de Dieu. " Après avoir rappelé la nécessité de l’élection qui implique la " comprobatio par les suffrages du peuple et l’acclamation qu’ils en sont dignes " (PG 68, 780), voici ce que dit saint Cyrille d’Alexandrie de celui qui voudrait s’introduire de lui-même dans le ministère ordonné : " Ceux qui s’arrogent une telle charge courent les plus grands dangers et périls : que meure, dit-on [= la Loi], quiconque y serait entré de lui-même, s’il n’y a pas été élu par le suffrage divin ", Ibidem, 848.[Retour au Texte]

33 - Saint Grégoire de Nazianze (Oratio II, PG 35, 408-413) et saint Jean Chrysostome (Sur le sacerdoce, 1,3 ; Sources chrétiennes 272, p. 73 sv.) par exemple ont écrit chacun une apologie de la fuite devant l’ordination et, selon la Règle de saint Pacôme (Vita Pacomii 24, PL 73, 224), cela constitue une obligation formelle pour les moines. D’où l’expression bien connue, venue jusqu’à nous, " les moines doivent fuir les évêques autant que les femmes ", sous-entendu parce que ceux-là pourraient les ordonner.[Retour au Texte]

34 - Se référant à Chalcédoine qui frappe de nullité les ordinations absolues (can. 6), Trente prescrit des critères objectifs pour l’ordination : " Nul ne doit être ordonné qui, au jugement de son évêque, ne soit utile ou nécessaire à ses églises ", Session 23, can. 16 (Alberigo, pp. 1522-1524). [Retour au Texte]

35 - Catéchisme du concile de Trente, Pars IIIa, de ordine 3, trad. française par Dassance, Paris, 1910, t. I, p. 741. [Retour au Texte]

36 - Cette qualification signifie que la décision en question n’est plus celle du Saint Office mais celle du Pape, " qui entend donner ainsi une décision rigoureusement et universellement obligatoire, mais sans prononcer un jugement définitif et absolu sur la question ", cf. Choupin, Valeur des décisions doctrinales... 2e éd. Paris 1913, p. 78. [Retour au Texte]

37 - Acta Apostolicae Sedis 4 (1912) 485 (notre traduction). Le P. Féret avait publié ce texte in extenso. [Retour au Texte]

38 - On en trouve déjà une expression de la vocation comme prédestination chez Massillon : " Il n’est qu’une destinée qui soit la nôtre [...] c’est la voie unique du salut [...] Vous n’avez pas choisi la situation et le ministère que Dieu vous destinait dans le corps mystique de son Fils. Il ne peut donc que vous regarder comme un membre monstrueux qui est hors de sa place (et plus loin pour ceux qui se sont placés d’eux-mêmes dans le lieu saint). Vous êtes l’anathème du Ciel et le scandale de la terre ", Sermons de M. Massillon, évêque de Clermont, Carême, Paris, 1769, t. second, p. 138 et 141. [Retour au Texte]

39 - cf. supra note 26. [Retour au Texte]

40 - R. Darricau, " Un débat sur la vocation au début du siècle : l’affaire Lahitton (1909-1912) " dans La vocation sacerdotale et religieuse en France aux XVIIe-XIXe siècles, Angers, Université d’Angers, 1979, p. 65-77 montre la défaite de Lahitton auprès des éducateurs du clergé. Ces positions ne sont pas clairement prédestinationistes, encore que M. Sauvage (art. " Vocation ", Dictionnaire de Spiritualité, 1992, p. 1102.) en trouve un écho dans la position de Pie XII enseignant : " Celui que Dieu n’appelle pas, sa grâce ne le meut ni ne l’aide " ; on peut même dire qu’elle est insinuée dans la suite du même paragraphe, cf. " Sedes Sapentiae ", AAS 48 (1956) 357 ; Documentation catholique, 3 (1956) 853.[Retour au Texte]

41 - Il ne sert à rien de se dissimuler le chassé croisé qui s’est instauré à l’époque contemporaine : au premier millénaire une ordination faite contre le gré du sujet mais à la requête de l’Eglise connaît ses pleins effets ; mais si elle avait été faite à la demande du sujet, contre le gré des chrétiens, elle aurait été sans effets. Aujourd’hui une ordination du dernier type (on en connaît des exemples) est certainement valide, tandis qu’une ordination contre le gré du sujet est certainement invalide. [Retour au Texte]

42 - Cf. le formulaire significatif qui y est prescrit au provincial pour l’appel aux ordres : " Notre ordre ayant été fondé pour le salut des âmes, sachant que tu as été proposé par le conseil de ton couvent et que tu as les qualités requises, nous te faisons précepte, au nom de la sainte obéissance, pour que tu te présentes devant l’évêque de X, à qui je demande humblement de t’ordonner... " Liber Constitutionum, Rome 1984, formulaire n°10. On remarquera que l’équilibre traditionnel y est conservé : on y mentionne dans l’ordre les besoins du ministère, les aptitudes du sujet, l’appel objectif au nom de l’obéissance. Nulle évocation en revanche du sentiment du sujet d’être appelé ou de son désir d’être ordonné. [Retour au Texte]

43 - L’apparence se trouve dans la dernière partie du canon 1026 du Code de 1983 : " Il est absolument interdit de contraindre quelqu’un, de quelque manière et pour quelque raison que ce soit, à recevoir les ordres tout comme d’écarter de leur réception quelqu’un de canoniquement idoine. " Le canon est à rapprocher du canon 1030 : " A moins d’une cause canonique, même occulte, l’évêque propre ou le supérieur majeur compétent ne peut interdire l’accession au presbytérat aux diacres qui sont ses sujets et qui s’y destinent, restant un recours juridique selon le droit. " L’innovation doctrinale du nouveau canon 1026 a consisté à remplacer l’expression "état clérical" (qui n’implique la réception d’aucun ordre) par la formule "réception des ordres". Mais on doit noter que l’idonéité canonique doit être déclarée par le supérieur légitime, si bien que l’innovation ne peut avoir que des inconvénients pratiques mais pas doctrinaux. De surcroît, l’intention du législateur est ici que les diocèses "riches en vocations" puissent en céder à d’autres et non pas directement d’introduire un "droit" à être ordonné. [Retour au Texte]

44 - Cet aspect des choses a peu retenu l’attention pendant longtemps, jusqu’au jour où les autorités romaines en charge des processus de laïcisation se sont alarmées du nombre de prêtres justifiant leur demande parce que leur mère "avait eu la vocation pour eux". Sur cet unique aspect de la question on peut voir, par exemple, A. Godin, Psychologie de la vocation. Un bilan. Paris, Le Cerf, 1975, p. 47. Bibliographie d’ensemble par le même " Psychologie de la vocation ", Dictionnaire de Spiritualité, 1994, p. 1157-1168. [Retour au Texte]

45 - Nous sommes redevable de cette formation au diagnostic que formule sur l’ecclésiologie catholique le dogmaticien luthérien de Lund, Per Erik Persson ; cf. à ce sujet L.-M. Dewailly, " La personne du ministre ou l’objet du ministère ", Revue des Sciences philosophiques et théologiques 46 (1962), pp. 650-657. Nous avons vérifié ce diagnostic dans toutes les traductions catholiques francophones d’Ep. 4,11. A l’heureuse exception de la traduction liturgique, toutes (Crampon, Osty, Maredsous, Liénart, Bible de Jérusalem) transforment le texte de Paul pour qui les ministres sont des dons faits aux autres chrétiens, pour centrer indûment l’attention sur la personne des ministres et leur ontologie (" il a donné aux uns d’être apôtres, aux autres d’être prophètes, etc. "), alors que Paul centre les ministres, sur autrui et sur leur tâche... [Retour au Texte]

46 - Sans pouvoir juger si les démarches répétées des Conférences épiscopales étaient toujours fondées lorsqu’elles liaient l’avenir de l’Evangile en leur pays à la possibilité d’appeler des chrétiens mariés au presbytérat, on peut être gagné par cette impression concernant la requête de la Conférence des évêques d’Indonésie, qui connait les difficultés que l’on sait, cf. infra note 53. [Retour au Texte]

47 - Présente dans le rituel de l’ordination d’un évêque chez Hippolyte (Trad. Ap. 3), l’expression figure toujours dans la prière d’ordination des évêques actuels, au moment où on leur impose les mains. [Retour au Texte]

48 - " L’ecclésiologie de communion est le concept central et fondamental dans les documents du concile ", Rapport final voté par les Pères du synode extraordinaire de 1985 pour le 20e anniversaire de la clôture de Vatican II, DC 83 (1986) 39. [Retour au Texte]

49 - Peut-être même cela va-t-il se révéler nécessaire par exemple dans l’Eglise d’Italie, pour des raisons tout à fait objectives, d’ordre démographique, puisque la natalité y est de 1,2 par femme, depuis une génération, surtout qu’un enfant sur deux est une fille. Est-il plausible de trouver assez de candidats pour un presbytérat célibataire dans une population constituée statistiquement de fils uniques ? [Retour au Texte]

50 - L’Eglise locale de Rome en fait autant depuis un quart de siècle. En témoignent les Prime norme per l’attuazione del diaconato nella diocesi di Roma : " Du moment que l’appel au ministère surgit du don de l’Esprit dans et pour l’Eglise, il est normal que la communauté ecclésiale contribue, à travers ses différents charismes et ministères, à la désignation des chrétiens à présenter et à proposer à l’évêque, à qui revient le jugement définitif " (n° 7). [Retour au Texte]

51 - Sur ce type d’appel on peut voir une réflexion théologique dans H. Legrand, " Le rôle des communautés locales dans l’appel, l’envoi, la réception et le soutien des laïcs recevant une charge ecclésiale ", La Maison-Dieu n°215, 1998/3, 9-32. [Retour au Texte]

52 - Vie et ministère des prêtres, § 16. On sait aussi que, grâce à Pie XII, les pasteurs déjà mariés, venant à l’Eglise catholique d’autres confessions, peuvent y exercer le ministère tout en continuant leur vie conjugale : cela s’est encore vérifié lors de la nouvelle ordination des quelques dizaines de prêtres ayant quitté l’Eglise anglicane quand elle a admis l’ordination presbytérale des chrétiennes. [Retour au Texte]

53 - Retenons pour son caractère exemplaire, une seule de ces tentatives, celle de la conférence locale des évêques lors de la visite de Jean-Paul II en Indonésie, le pays musulman le plus peuplé au monde, où l’Eglise est très dynamique, ayant multiplié le nombre de ses fidèles par quatre en dix ans. Alors qu’ils sont 5 millions, ils ont moins de prêtres que les 400 000 catholiques japonais : 90 % des 7 000 stations n’ont pas de messe le dimanche. Aux évêques qui demandaient de pouvoir ordonner certains catéchistes bien préparés, le Pape a répondu qu’il ne fallait pas " qu’ils s’écartent des normes valables pour l’Eglise universelle en recherchant des solutions alternatives insatisfaisantes et fausses ", Herder- Korrespondenz 44 (1990) 485. Au récent synode sur l’Océanie, plusieurs évêques ont repris la même suggestion, cf. N. Klein, " Römischer Zentralismus und die Ortskirchen ", Orientierung 63 (1999) 41-43. [Retour au Texte]

54 - La décision prise le 4 mars 1998, sur ordre du Saint-Père, par le Cardinal Secrétaire d’Etat d’expulser de Pologne tous les prêtres catholiques orientaux (légitimement) mariés est significative dans son extrême sévérité (cf. The Tablet, 1 August 1998, p.1013, qui rapporte la protestation des évêques grecs-catholiques). Non seulement Vatican II avait fait l’éloge de ces prêtres mariés, comme on vient de le rappeler, mais il avait aussi, dans son décret Orientalium Ecclesiarum, § 5, déclaré " solennellement que les Eglises d’Orient ont le droit et le devoir de se gouverner selon leurs propres disciplines particulières ". L’argument canonique (?) selon lequel ces prêtres exerceraient leur ministère sur le territoire du patriarcat d’Occident paraît d’autant plus faible que les frontières de la Pologne ont trop varié historiquement pour qu’on puisse leur contester d’être chez eux. De plus, sortant des catacombes où le stalinisme les avait jetés pour revenir à la communion catholique depuis sept ou huit ans, il leur est très difficile de faire belle figure devant l’Église orthodoxe. Cette sévérité, qui n’a pas manqué d’être réfléchie, fait-elle prendre la mesure de l’attachement de l’Eglise romaine à la loi du célibat ecclésiastique ? Ce n’est pas évident puisque la mesure semble avoir été rapportée au cours de 1999, cf. " L’Église gréco-catholique ukrainienne provoque le retrait d’une décision de la curie romaine portant préjudice à sa tradition ", Istina 44 (1999) 278-286. On y reproduit le décret, sans donner la date de sa révocation : ce second décret n’a pas été publié aux Acta Apostolicae Sedis, pas plus que le premier. [Retour au Texte]

55 - Mais il faut maintenir la plus grande clarté sur la spécificité de ces diacres dont on est tenté de faire des aides aux prêtres défaillants, quand certains, hélas, ne voient pas en eux un cheval de Troie susceptible d’aider à changer le statut social des prêtres ; à ce point de vue, la fréquente ordination de diacres devenus veufs, certes canoniquement légitime et peut-être même pastoralement indiquée localement, n’en mérite pas moins réflexion car elle induit dans le grand public catholique l’idée que seul leur mariage les empêche d’être prêtres. On pourra voir qu’il en est autrement dans H. Legrand, " Le diaconat dans sa relation à la théologie de l’Eglise et des ministères. Réception et devenir du diaconat depuis Vatican II ", Diaconat au XXIe siècle (sous la dir. d’A. Haquin et Ph. Weber), Paris, Le Cerf, 1998, pp. 13-41. [Retour au Texte]

56 - Ainsi la Déclaration de Lima Baptême, Eucharistie, Ministère (1982), émanant de la Commission Foi et Constitution, dont l’Eglise catholique est membre à part entière, en arrive à la conclusion que : " Le ministère ordonné devrait être exercé selon un mode personnel, collégial et communautaire. La reconnaissance de ces trois dimensions est sous-jacente à une recommandation faite par la première conférence mondiale de Foi et Constitution à Lausanne en 1927 : " Dans la constitution de l’Eglise primitive, on retrouve, et la charge épiscopale, et les Conseils des Anciens, et la communauté des fidèles. Chacun de ces trois systèmes d’organisation ecclésiastique (épiscopalisme, presbytérianisme, congrégationalisme) a été accepté dans le passé durant des siècles, et est encore pratiqué aujourd’hui par d’importantes fractions de la chrétienté. Chacun d’eux est considéré par ses tenants comme essentiel au bon ordre de l’Eglise. En conséquence, nous estimons que, sous certaines conditions à préciser, ils devront prendre simultanément leur place respective dans l’organisation de l’Eglise réunie. " (n°26) - Déjà dans son Dialogue avec Anselme de Havelberg, le métropolite Nicétas de Nicomédie développait cette perspective (PL 188, 1218-1219 ; voir notre traduction dans Initiation à la Pratique de la Théologie, t. III, p. 284-285). Dans un tout autre contexte dans son Apologie de la Confession d’Augsbourg (1531), Mélanchthon dont on vient de célébrer le cinquième centenaire de la naissance, argumente comme suit, à propos du ministère du Pape, qu’il se représente comme n’ayant aucun compte à rendre à qui que ce soit (anypeuthynon) et comme si son ministère permettait à un seul de s’identifier à l’Eglise en tant que telle : " Nos adversaires voudraient peut-être que notre Eglise soit définie ainsi : elle est une monarchie extérieure dont la suprématie s’étend sur la terre entière, et dans laquelle le pontife romain doit avoir un pouvoir anypeuthynon que personne n’a le droit de discuter ou de juger (...). Or, dans l’Eglise telle qu’elle est définie par le Christ, par les prophètes et par les apôtres (...) il ne faut pas appliquer aux pontifes ce qui revient à l’Eglise véritable. [Non est transferendum ad pontifices quod dicitur de ecclesia.] ", Apologie de la Confession d’Augsbourg, n°188, dans A. Birmelé, M. Lienhard, La foi des Eglises luthériennes, Paris, Ed. du Cerf, 1991, p. 159. - On a développé la cohérence pastorale et œcuménique de cette articulation théologique " un/tous/quelques-uns " dans H. Legrand, Le rôle des communautés locales... art. cit. supra, note 51. [Retour au Texte]

57 - Quand seule la moitié des diocèses français a célébré un synode (un seul en a convoqué deux), peut-on parler d’apprentissage commencé ? Mais déjà, on les accuse d’accoucher seulement de souris, probablement même dans cette moitié des diocèses qui n’en ont jamais expérimenté. [Retour au Texte]

58 - Nous avions déjà développé ce point dans notre contribution à l’Initiation à la Pratique de la théologie, t. III, Paris, Le Cerf, 1993, pp. 268-273. En privant les conférences épiscopales du magistère authentique que le canon 753 leur accordait, le motu proprio Apostolos Suos de l’été 1998 restreint certes cette perspective mais ne la bloque pas. [Retour au Texte]

59 - Dans des sociétés où l’on se marie de moins en moins (avec 32 % des français en âge d’être mariés et qui ne le sont pas, sommes-nous si éloignés des 48% de suédois dans la même situation ?) et où l’on divorce de plus en plus, on vit de plus en plus seul (à Paris, un foyer fiscal sur deux est une personne seule), choisir les prêtres exclusivement parmi les célibataires est-t-il le plus judicieux ? Ou bien, dans le contexte qui est le nôtre, est-ce que la seule prescription de l’Ecriture au sujet du choix des ministres : " Que l’évêque soit le mari d’une seule femme [….] sachant bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission [etc.] " (1 Tm 3, 2-7) ne retrouve pas une singulière actualité et pertinence ? [Retour au Texte]

60 - On voudra bien se rapporter à la note 45 supra : ce n’est pas par hasard que sont habituellement erronées les traductions catholiques du verset précédent, centrant les ministres sur leur propre personne et leur propre être. C’est l’indice d’un déficit spirituel sérieux. [Retour au Texte]

61 - En revanche, des pasteurs réformés qui se sentent appelés avant tout au ministère de la Parole peuvent se reconnaître dans cette figure biblique. Avant leur ordination, ils sont significativement appelés "proposants". Il est très probable, sans que nous soyons en mesure d’en apporter actuellement la preuve directe, que la conception de la vocation à la manière de Branchereau a des racines calvinistes. Calvin, à la différence de Luther, enseignera qu’il y a " une vocation secrète, dont chaque ministère doit avoir le témoignage en sa conscience devant Dieu et dont les hommes ne peuvent être témoins " Institution chrétienne (1560), IV, 3,11. Ainsi que l’exprime un théologien calviniste contemporain, " une élection bien conduite se borne en fait à ratifier ou confirmer la décision préalable du Saint-Esprit ", ainsi F. Wendel, Calvin, sources et évolution de sa paensée religieuse, Paris, PUF 1950, p. 231. La vocation extérieure (élément public) consiste dans la reconnaissance des aptitudes et des grâce que l’Esprit a déposées dans l’élu : l’ordination étant probablement une consécration de la personne au service de Dieu. On verra en ce sens A. Ganoczy, Calvin théologien de l’Eglise et du ministère, Paris, Le Cerf, 1964, p. 302-305 et J.-J. v. Allmen, Le saint ministère selon la conviction et la volonté des Réformés du XVIe siècle, Neuchâtel, 1968, pp. 43-54 (la légitimation des ministres). [Retour au Texte]<

62 - Canon 972. [Retour au Texte]

63 - Deux obstacles à cela : le contexte social d’Europe centrale ou du Proche-Orient où ils vivent est éloigné du nôtre, et il y a peu de bibliographie disponible en français. Signalons cependant l’excellent numéro spécial de Proche-Orient chrétien (5 rue Roger Verlomme, 75003 Paris) qui a consacré sa livraison de 1994 à ce dossier : Prêtres mariés dans les Eglises orientales catholiques (351 pages). [Retour au Texte]

64 - Cette évocation d’un " ailleurs " que l’on ne prend jamais la peine d’analyser représente une stratégie d’évitement bien connue ; elle dispense de mettre à plat les problèmes réels et d’élaborer des solutions de sagesse chrétienne, qui nous apprend que l’on ne peut gagner sur tous les tableaux à la fois : toute bonne solution ayant ses inconvénients et son prix qu’il convient d’évaluer. [Retour au Texte]

65 - Le récent (1992-1994) et volumineux article " Vocation " du Dictionnaire de Spiritualité s’intitule encore " Sacerdoce et vie consacrée ", ce qui montre que d’élémentaires clarifications systématiques n’y sont pas faites. La perspective historique, si importante dans ce dossier, n’y est pas non plus honorée. [Retour au Texte]

66 - En effet, les ordinations baissent inexorablement depuis 1936, le pic des années 1947 - constitué d’ordinations retardées du fait de la captivité des prisonniers de guerre - n’étant pas significatif d’une courbe descendante régulière. [Retour au Texte]

67 - Quarante ans après, beaucoup restent au schéma "explicatif" proposé par l’archevêque de Toulouse, cf. note 17 supra. [Retour au Texte]

68 - Pour autant nous n’affirmons pas un rapport de consécution entre pastorale et théologie : une vie chrétienne correcte peut s’accommoder, à certains périodes, d’une théologie très médiocre. [Retour au Texte]

69 - Ceux qui voudraient le vérifier peuvent se rapporter à H. Legrand, Initiation à la pratique de la théologie, Paris, Le Cerf, t. III, 1993, 3e édition. [Retour au Texte]

70 - Le Code de droit canonique, canon 212 § 2 et 3 protège ce droit : " Ils ont le droit, et parfois le devoir, de donner aux pasteurs leur opinion en ce qui touche le bien de l’Eglise, et de la faire connaître aux autres fidèles ". [Retour au Texte]

71 - Un chapitre mériterait grande attention, celui de la spiritualité sacerdotale, longtemps restée insuffisamment enracinée dans le baptême comme le prouve une Dogmatique aussi classique que celle de Schmaus qui écrit au § 284 (5e édition, Munich 1957) que l’ordination confère " une communion plus profonde avec le Saint-Esprit, une participation renforcée à la vie divine de la Trinité et […] une augmentation de la grâce sanctifiante ". [Retour au Texte]

72 - C. Weber, Senatus divinus. Verborgene Strukturen im Kardinalskollegium der frühen Neuzeit (1500-1800). Frankfurt-Bern, Peter Lang 1996, a fait une analyse très documentée des stratégies qui ont permis à l’aristocratie italienne de s’emparer du collège cardinalice et de ses revenus ; le prix à payer fut cette "folie collective" (p. 68), partagée aussi par la noblesse catholique dans le reste de l’Europe, consistant à " sacrifier ses propres fils à la divinité " (p. 73). Même s’il n’appartient pas à l’historien de porter un tel jugement moral, sa démonstration sur trois siècles est impressionnante, comme le reconnaît la longue et élogieuse recension publiée par la Rivista di Storia della Chiesa in Italia, 53 (1999) pp. 204-207. [Retour au Texte]

>73 - P.S. : On pourrait se demander aussi si la réflexion théologique proposée ne pourrait pas intéresser les services de vocations au-delà de la doctrine. Deux exemples. Ne gagnerait-on pas : 1) A diversifier vocation religieuse et vocation ministérielle, vocations diaconales et presbytérales ? 2) A veiller sur les messages transmis par l’illustration des documents, porteuse d’une théologie qui s’imprime dans les esprits beaucoup plus efficacement que l’écrit : trop souvent alors que la grâce de l’ordination est une grâce pour l’Eglise, pour autrui, l’illustration montre des hommes seuls, ou en position de célébration en l’absence d’assemblée. Comme si la vocation presbytérale était une vocation monastique, voire érémitique ! [Retour au Texte]