Groupe Ministère Presbytéral


Père François Boiteux
responsable du Service Diocésain des Vocations de Besançon

Début des années 80

  • Création de l’Ecole des Ministères pour la formation des laïcs en responsabilité, des diocèses de Belfort-Montbéliard et Besançon.
  • L’année suivante, premiers appels en vue du Diaconat. Une quinzaine d’hommes, accompagnés de leurs épouses, engagent une première étape de discernement.
  • A la suite de ces deux initiatives interdiocésaines, sont proposées à de jeunes hommes adultes de 18-30 ans six rencontres en G.M.P. : Groupe Ministère presbytéral, dont l’animation est confiée à une équipe de prêtres aux âges et ministères diversifiés, une laïque consacrée et un couple.

Trois initiatives complémentaires qui s’inscrivent dans la même dynamique ecclésiale de l’appel : laïcs, diacres et prêtres en communion avec leur évêque participent, chacun selon sa vocation particulière, à la mission de l’Église. L’appel n’est pas isolé. Le renouveau du ministère diaconal, l’heureuse participation de laïcs appelés de plus en plus nombreux à recevoir une lettre de mission diocésaine induisent une réflexion renouvelée sur le rôle et la spécificité du ministère presbytéral. Le contexte est favorable car porteur d’un élan communautaire.

Appeler, interpeller

Pour les ministères ordonnés, diacres et prêtres, c’est l’évêque qui appelle après avoir pris avis de la communauté chrétienne. Cet ultime appel prend racine, naît en terre communautaire. La communauté chrétienne participe à cet appel par sa fonction d’éveil et d’interpellation initiale : sans elle, l’appel reste sourd.

Préparer le terrain

Qui est en relation de proximité, en contact effectif avec des jeunes ? Qui, dans nos communauté, est en lien avec eux ? Ils sont les premiers concernés par ce projet d’inviter des jeunes à participer au G.M.P.

La première tâche de l’équipe d’animation du G.M.P. consiste à nommer les acteurs en pastorale jeunes, à les inviter à se retrouver pour leur présenter le projet et partager leurs expériences : De quelle manière portent-ils déjà le souci de l’appel au ministère presbytéral ? Quelles réactions rencontrent-ils chez les jeunes ? Quelles sont leurs réticences, leurs difficultés ? Comment accueillent-ils ce projet G.M.P. ? Et entendent-ils y collaborer ? Cette prise de parole est une étape importante pour que aumôniers scolaires et universitaires, permanents de services et mouvements, animateurs de confirmation, soient partie prenante de la démarche. Sans eux, le projet ne peut avoir de suite.

Depuis 1998, les équipes de coordination pastorales sont associées à cette démarche d’interpellation. Cet élargissement est lié à l’évolution de la pastorale jeunes qui prend corps dans les doyennés. En diocèse, nous sommes invités à faire Eglise avec les jeunes, c’est une des trois orientations diocésaines qui visent à rendre les communautés davantage attentives à ce que vivent les jeunes générations, à porter un autre regard sur elles. Quelle place tiennent les jeunes baptisés en paroisse et dans la cité ? De quelle manière expriment-ils la foi aujourd’hui ? Interroger les adultes sur l’appel au ministère ouvre un espace de dialogue et d’échange sur les vocations, la place et le rôle du prêtre. Libérer la parole sur l’appel permet l’expression de non-dits, dédramatise progressivement cette question "tabou", peut opérer quelques déblocages, faire prendre conscience du chemin de conversion qu’il reste à parcourir ensemble pour réveiller nos communautés, les rendre moins frileuses, plus libres en "osant proposer". Les chrétiens réalisent vraiment que l’appel au ministère presbytéral ne leur est pas étranger, mieux, qu’ils y sont associés dans leurs relations avec les jeunes.

Constituer le groupe

Attentifs à ce que sont les jeunes avec qui ils vivent, équipes de coordination et animateurs de pastorale jeunes proposent aux animateurs du G.M.P. quelques noms de jeunes qui pourraient éventuellement être intéressés par cette proposition. L’équipe G.M.P. constitue le groupe et s’inquiète ensuite de repérer la personne la mieux à même de contacter le jeune, une personne de confiance qui sache avant tout faire preuve de tact et discrétion, qui soit informée du projet, libre dans sa relation pour ne pas faire pression sur son interlocuteur et respecter sa décision de répondre ou non à ces rencontres. De préférence, quand cela est possible, un membre de l’équipe G.M.P. rencontrera lui-même celui qui est pressenti.

Un questionnement provocateur

Cette méthode d’interpellation est, au fil du temps, de plus en plus délicate : en quinze années de pratique, il faut prendre la mesure des changements de mentalité, des évolutions culturelles et psychologiques. Elle surprend et peut même "déstabiliser" car elle provoque un questionnement inhabituel sur les choix fondamentaux et le sens à donner à sa vie, un questionnement si rare, provocateur.

Cette démarche ne laisse pas non plus l’interpellant indifférent ! Elle l’oblige à risquer le premier pas, à entrer dans une relation particulière avec l’autre, à soigner cette rencontre que l’on ne peut envisager n’importe comment, à vaincre ses propres appréhensions pour devenir un humble serviteur de l’appel, ce qui n’est pas le service le plus simple. Il éveille notre propre mémoire, touche notre histoire personnelle, renvoie à la manière dont chacun a répondu et répond aux appels de l’autre, de l’Eglise, fonde et détermine ses propres choix dans la liberté. Il nous interroge sur notre disponibilité à écouter et surtout entendre ce qui bouscule nos projets et chemins tout tracés. Cette démarche peut avoir une vertu thérapeutique, elle peut être chemin de guérison intérieure. S’étant fait à l’idée d’être les "derniers des Mohicans" jusqu’à ce que mort s’ensuive, quelques prêtres demeuraient silencieux, atones et résignés, pour ne pas dire fatalistes. Poser la question à un jeune, c’est déjà croire et témoigner que l’avenir est possible, que l’espérance en soi n’est pas morte et que ce que l’on vit soi-même a un sens, vaut le coup d’être partagé.

L’appel est porté en Eglise

Porter avec d’autres, souvent des laïcs proches collaborateurs, cette responsabilité d’interpeller, aborder ce sujet en équipe brise un certain isolement. Ensemble, en Eglise, est partagé ce souci. Ce n’est plus l’affaire d’un groupe spécifique, soucieux de se reproduire lui-même.

Il faut être prêt dans le dialogue à accueillir les réactions des jeunes. Ce qu’ils expriment d’une façon directe traduit une certaine image du prêtre et de l’Eglise. Ce miroir reflète leur vision du ministère. Cette photographie instantanée et subjective exprime leurs attentes profondes, leurs espoirs de réforme, leurs peurs d’être manipulés, leurs sens aigu de la liberté, leurs disponibilité à vivre l’Evangile ; elle nous interroge sur nos pratiques d’accompagnement. Entendre cette parole, l’accueillir avec bienveillance et courage, c’est accepter de se laisser questionner sur ce que l’Eglise donne à voir et penser, ses pratiques, son image.

Quitter les sentiers battus

L’Esprit Saint s’exprime par la bouche des baptisés. Les générations nouvelles nous poussent à quitter les sentiers battus, à faire preuve d’audace pour relire nos pratiques et les réactualiser régulièrement, à nous sensibiliser à l’évolution des mentalités et comportements, à demeurer nous aussi en mouvement, à ne pas nous attacher à la forme, et à ne jamais confondre la fin avec les moyens. En quinze ans de pratique du G.M.P., il a fallu réformer nos propositions en tenant compte plus spécialement de l’évolution de la pastorale jeunes, non pas en concurrence avec les nombreuses propositions qu’elle a su initier mais en synergie, en complémentarité avec elles ; coordonner davantage nos initiatives, réfléchir et travailler ensemble, au service des jeunes, de leur croissance humaine et spirituelle.

L’appel au ministère ne peut être le domaine réservé d’un groupe spécifique, "spécialisé". Il est là comme signe, témoin d’une dimension à s’approprier, chacun.