Nouvelles paroisses : une recherche qui peut freiner la pastorale des vocations


Père Marcel Maurin
Vicaire épiscopal du diocèse du Havre et responsable du Service diocésain des Vocations

Comme dans bien d’autres diocèses, nous venons de vivre au Havre un réaménagement pastoral, suite à un synode diocésain. Au cœur des débats sont apparues quelques questions récurrentes : qu’est-ce qu’une paroisse ? Comment préparer notre église diocésaine à son avenir prochain ? Sur quelles forces vives pouvons-nous compter aujourd’hui et demain pour vivre la mission ? Dans toutes ces discussions, la question des vocations s’est posée inévitablement. Je tente ici de décrire nos questionnements tout en sachant que l’expérience est trop neuve pour en tirer toutes les conclusions.

Je dois préciser le statut de celui qui prend la parole. Prêtre du diocèse, j’ai été un des acteurs du secrétariat du synode. Un an après la fin de ce synode, je suis devenu membre du comité de pilotage du projet " nouvelles paroisses ". Toutes ces nouvelles paroisses ont été promulguées en septembre 1998. Nous avons vécu alors le changement de nombreux curés, et j’ai été nommé vicaire Épiscopal chargé de la ville du Havre. Je suis donc directement chargé de la mise en route de ces paroisses. En même temps, depuis 1995, je suis responsable du Service des Vocations. Je suis donc pleinement investi dans ces projets et il m’est difficile de prendre un recul critique face à cette expérience nouvelle du réaménagement pastoral.

Du synode aux nouvelles paroisses

Le diocèse du Havre est récent : il vient de fêter ses 25 ans en septembre 1999. Cependant, ses réalités humaines et géographiques ressemblent à celles de son diocèse d’origine plus que millénaire : celui de Rouen. Le diocèse du Havre est composé d’une agglomération urbaine de 250 000 habitants, et d’une zone de petites villes et d’espace rural de 150 000 habitants. En héritage : 173 paroisses. En 1995 ces paroisses étaient regroupées en 51 unités pastorales.

Nouvelles équipes

Bien que la perspective des nouvelles paroisses soit récente, elle s’est présentée comme une des options d’une pratique ancienne : les regroupements paroissiaux. En effet, depuis 15 ou 20 ans, les équipes épiscopales successives ont été amenées à mettre en place progressivement un regroupement de petites paroisses rurales, en fonction des prêtres disponibles. Au fur et à mesure des départs à la retraite ou de décès brusques de curés, des paroisses ont été appelées à travailler ensemble et à former communauté. Dans la plupart des cas, le curé devenait responsable de cinq à dix paroisses. Quelquefois a été mise en place une équipe d’animation de la paroisse (EAP) composée de laïcs et d’un prêtre modérateur (selon le Code de Droit canonique, canon 517, §2). Ce qui caractérise cette époque, c’est la multiplicité d’expériences différentes. On trouvait tous les modèles de fonctionnement paroissial : ici un curé omniprésent et seul décideur, là une EAP qui invitait rarement le prêtre modérateur à ses travaux. C’est de cette époque que date l’expérience des premières ADAP.

La question était moins pressante pour l’agglomération havraise. Mais les signes d’une crise future apparaissaient : de moins en moins de prêtres présents dans chaque paroisse. Finalement, nous en sommes arrivés au schéma : un prêtre à la tête d’une grosse paroisse ou d’un groupement de petites paroisses, avec quelquefois un deuxième prêtre présent dans une paroisse : soit un jeune vicaire (à mi-temps ou quart-temps), soit un prêtre retraité.

Pour dynamiser le diocèse et préciser ses orientations pastorales, l’évêque, Mgr Michel Saudreau, nous a appelés à vivre l’aventure d’un synode diocésain (1991-1995). Ce fut, entre autres, un moment important pour évaluer ce qui se passait au niveau des paroisses, et chercher une certaine harmonisation. Dans la foulée du synode, la réflexion diocésaine s’est centrée sur le projet "Nouvelles paroisses" (1996-1998).

Exprimer et clarifier les attentes

Un synode permet aux uns et aux autres d’exprimer des attentes humaines et pastorales tout comme d’entendre les questions que se posent l’évêque et son équipe épiscopale. Il se crée grâce à ces débats une conscience diocésaine. Ainsi, chez nous, bien des délégués synodaux ont pu exprimer leurs questions sur les vocations et, petit à petit, mieux définir quelques convictions. L’attente qui s’exprime immédiatement est connue : nous avons besoin de prêtres et de laïcs pour dynamiser nos projets ! Mais comment susciter et mettre en route ces acteurs pour vivre les différents aspects de la mission que précise la loi synodale ? Les personnes qui répondent à un appel, qu’elles soient laïcs, religieux, diacres permanents, prêtres, correspondent-elles, par leur charisme, aux besoins immédiats ? Les débats nous ont aidés à clarifier nos attentes et nos manières de concevoir ce que nous nommons traditionnellement "les vocations". Ainsi, un des cinq axes de la loi synodale s’intitule : " Acteurs - accepter des responsabilités dans la vie de l’Eglise diocésaine ". Et la réflexion se développe en quatre chapitres :

• situer les laïcs en responsabilité,

• assurer et soutenir les ministères ordonnés,

• développer la présence de la vie consacrée,

• accompagner les vocations.

Il s’agissait, pour la plupart des délégués synodaux, d’une ouverture aux questions vocationnelles. En effet, pour beaucoup, la question des vocations presbytérales se posait surtout en terme de négociation avec l’évêque. Il y a quelques jeunes prêtres, mais ils ne sont pas nommés dans nos secteurs paroissiaux ! Réclamons ces prêtres à l’évêché ! Certes, depuis quelques décennies les responsables pastoraux appellent des laïcs, les forment, les mettent en situation de responsabilité. Mais le pas n’était pas encore fait pour les vocations presbytérales et religieuses. Le synode a permis de rappeler que c’est l’Eglise diocésaine qui porte le souci d’une pastorale des vocations dans le respect des différents appels. Les ministères ordonnés doivent être valorisés. Pour cela il est nécessaire et d’accueillir les candidats qui se proposent et d’appeler nommément des personnes à ces ministères. En même temps, notre synode a été convaincu de la nécessité de bien définir toutes les charges pastorales nécessaires à la vie du diocèse. Ce sont les besoins de la mission qui amènent à reconsidérer la manière dont sont répartis les prêtres, les diacres et les permanents pastoraux. Nous nous sommes ainsi engagés dans un travail de redéfinition de toutes les charges pastorales.

Regards sur l’avenir

Vu la situation du diocèse, à la suite de ces débats synodaux, notre évêque a jugé nécessaire et urgent d’entreprendre une réflexion diocésaine sur l’avenir des paroisses. Comme pour le synode, la question a été portée par l’ensemble des acteurs paroissiaux et diocésains à partir d’une première consultation grand public. Nous avons essayé de ne pas prendre le problème par l’unique question du nombre de prêtres, en intitulant l’opération " Pour la mission, nouvelles paroisses ". Le document de travail proposait un certains nombres d’éléments pour réfléchir à la mission, s’interroger sur le rôle des paroisses, poser des jalons pour définir les acteurs nécessaires à cette mission paroissiale.

Pour réfléchir à la taille et au fonctionnement d’une nouvelle paroisse, notre document de travail présentait les différents éléments à prendre en compte :

• quelques signes de notre temps : regardons notre monde qui bouge. Des communautés chrétiennes s’essoufflent, d’autres font preuve d’une nouvelle vitalité, la participation des laïcs augmente.

• la paroisse d’aujourd’hui à demain : que demande-t-on à une paroisse aujourd’hui ? quelles sont ses missions spécifiques indispensables ?

• prendre en compte le monde dans lequel nous vivons : la paroisse est une réalité humaine parmi d’autres existantes. Comment prendre en compte les réalités géographiques, sociales, éducatives, économiques, politiques ?

• une nouvelle manière de faire Eglise : l’animation par les équipes. Nous avons créé des EAP (Equipes d’Animation Paroissiale) avec une diversité de figures. Il convient de mieux préciser cette collaboration prêtres-laïcs.

• les prêtres au service de la mission : regardons la réalité et les besoins pour les paroisses comme pour la vie des mouvements et services diocésains.

Pour chacun de ces éléments, notre dossier proposait quelques éléments d’analyse et posait quelques questions. C’est, évidemment, le chiffresdu nombre de prêtres du diocèse qui a attiré l’attention : en septembre 1996 : 56 prêtres en activité de moins de 75 ans ; en septembre 2005 (en projection) : 33 prêtres en activité de moins de 75 ans.

Les chiffres ne sont pas les seuls critères ! Pour tout prêtre, la question essentielle est la condition d’exercice de son ministère. Tous espèrent passer le maximum de leur temps dans des contacts, des relations, un travail missionnaire de proximité, sans oublier l’insertion dans la vie des hommes. Beaucoup redoutent un ministère qui les confinerait dans des réunions par une présence continuelle dans des commissions et de nombreuses structures, ou dans la présidence de sacrements sans connaissance des personnes et des familles. De plus, l’importance du débat autour des nouvelles paroisses ne doit pas faire oublier la nécessité de l’investissement d’un certain nombre de prêtres dans la vie des mouvements et services diocésains.

Durant ces deux années de réflexion la question qui revenait fréquemment a bien été : réalise-t-on les nouvelles paroisses parce qu’il y a mutation sociale, évolution pastorale, transformation des communautés de croyants ou parce qu’il y a un manque criant de prêtres ? L’équipe d’animation du projet a voulu insister le plus possible sur les transformations générales. Cependant, la question des prêtres a été omniprésente. Avouons qu’elle l’a été jusqu’au bout, puisque dans les dernières négociations sur le nombre de paroisses et la taille de celles-ci, la prise en compte des personnalités des futurs curés a quelquefois été importante.

Nous en sommes arrivés à créer 21 paroisses là où il y avait 51 unités pastorales. Et, malgré les prévisions optimistes en nombre de prêtres, l’équipe épiscopale a eu du mal à trouver les 21 curés. Plusieurs prêtres pressentis, qui ont entre 65 et 75 ans, se sont récusés, refusant de prendre en charge une telle entité. Ils préfèrent se mettre " au service " et donnent de bons coups de main aux nouveaux curés.

Nous en sommes dans la phase de mise en route des nouvelles paroisses. Deux journées diocésaines, en septembre 1998 et juin 1999, ont permis à tous les acteurs des paroisses (prêtres - diacres - laïcs chargés de mission) de se rencontrer, d’échanger, de relire la richesse de cette expérience, comme toutes ses limites. C’est en partie à partir de là que je peux proposer quelques réflexions.

Richesses et limites de la restructuration paroissiale

Que dire des conséquences, pour la pastorale des vocations, de cette restructuration territoriale ? Cela demanderait quelques explications sur les options pastorales mises en avant par le SDV local. Je m’en tiens à un présupposé : les appels de Dieu sont médiatisés par les membres actifs d’une Eglise diocésaine. La rencontre personnelle de Dieu à travers la prière, l’Ecriture et les sacrements est stimulée par la rencontre des hommes, et en particulier de croyants actifs, tout comme par la participation aux activités et rassemblements des communautés. Les transformations provoquées par les nouvelles paroisses permettent-elle chez des jeunes des stimulations au plan des vocations ? Je propose une dizaine de points de réflexion, pas tous de la même importance. Ce sont quelques questions pour nourrir le débat.

L‘attrait des jeunes

Un jeune ne s’engage pas pour une structure et pour faire tourner une paroisse. Il rencontre des croyants qui le stimulent, il est attiré par Jésus-Christ, il donne sa vie pour une aventure spirituelle qui ouvre un avenir ! En ce sens, les débats synodaux et surtout la préparation et la première réalisation des nouvelles paroisses n’ont pas provoqué un boum à la porte d’entrée du Service des Vocations... ni un arrêt. Les jeunes continuent à venir avec leurs questions, leur approche souvent très éloignées de nos débats institutionnels. Nous devons tout de même faire attention dans notre manière d’insister sur les restructurations paroissiales lors des annonces dominicales et autres débats publics : pour les jeunes (tout comme pour tous les chrétiens) que la vie de l’Eglise ne se réduise pas à une question de structures !

Une Eglise qui bouge

Inversement il peut être bon de parler fréquemment de cette Eglise qui se transforme, qui s’adapte pour les besoins de la mission, en fonction des évolutions sociales et économiques. L’Eglise est un corps qui bouge et qui est à l’écoute de ce monde qui change. Elle développe ainsi une dynamique, qui peut attirer de nouvelles générations. Peut-on parler ici de logique JMJ ? Localement nous avons essayer de le signifier par une fête de fondation pour chaque nouvelle paroisse. Ce fut, à chaque fois, une messe dominicale, présidée par l’évêque, où bien des forces vives de la paroisse ont pu témoigner de leur volonté de construire aujourd’hui et demain. De même, il n’est pas un week-end ou un rassemblement diocésain de jeunes où l’on n’apprenne le nom des nouvelles paroisses. Chacun s’essaye à les situer sur une carte géographique. Il y a là un certain apprentissage de la vie diocésaine, un intérêt porté à la nouveauté.

Intégrer les jeunes

Pour les jeunes rencontrés au Service des Vocations, et plus largement, dans les aumôneries et groupes de jeunes, la grande question est bien celle de leur intégration dans des communautés d’adultes. Où sont les communautés vivantes et appelantes ? Celles où il fait bon vivre ? Celles qui proposent prière et action ? La nouvelle paroisse a été valorisée comme un moyen qui va permettre ces dynamismes ! Mais elle risque de rester une entité théorique. De fait, se pose toujours la question des communautés de base, que nous appelons dans notre diocèse " relais " : la communauté dominicale du village ou du quartier avec toutes les activités qu’elle propose. C’est là que les jeunes rencontrent des laïcs convaincus et engagés, des religieuses, quelquefois un diacre, des prêtres.

De nouvelles relations

La nouvelle paroisse change le rapport des laïcs aux prêtres et cela n’est pas sans poser difficulté. Pour beaucoup, la relation personnelle à un prêtre était déjà difficile et rare. Je pense ici à tous les paroissiens réguliers ou occasionnels qui n’ont pas un engagement important. Pour tous, il faut du temps et de la disponibilité pour créer des relations. Pour un prêtre il faut une bonne dose d’attention pour repérer un jeune qui participe à la vie de l’Eglise, qui exprime difficilement une demande spirituelle, qui serait bien prêt à faire quelque chose si on le sollicitait. On sait qu’il est souvent nécessaire de relancer ces jeunes, et de prendre le temps de les accompagner dans leur recherche. A l’expérience, les nouvelles paroisses accentuent la difficulté relationnelle. Certes, il y a plusieurs prêtres dans une paroisse mais " ils tournent " : de dimanche en dimanche, ils sont dans une des communautés qui constituent la paroisse. Ils sont présents en un endroit une fois par mois. Comment voulez-vous créer des relations ? Cette plainte est fréquente chez les prêtres. Ceci accentue la séparation entre les prêtres et le peuple chrétien. S’il n’est pas dans une famille engagée dans la vie paroissiale, un jeune aura bien peu d’occasions de nouer une relation avec un prêtre.

Si les jeunes ont du mal à rencontrer un prêtre et vice versa , ils rencontrent de plus en plus de laïcs bien formés, acteurs de la vie paroissiale. Ils les côtoient d’autant plus facilement quand ce sont leurs propres parents qui sont engagés d’une manière ou d’une autre. Ils entendent parler de laïcs qui consacrent du temps à l’Eglise, qui se forment. Ils vivent les rentrées scolaires avec des célébrations d’envoi en mission de laïcs. Les nouveaux conseils pastoraux paroissiaux et équipes d’animations paroissiales sont présentés à l’assemblée dominicale, quelquefois par un vicaire épiscopal. Il y a là une nouvelle manière de faire Eglise, qui a une certaine visibilité. Tous ces actes peuvent amener des jeunes à réfléchir sur leur propre place dans l’Eglise.

Nouvelles paroisses et ADAP

Le synode puis les nouvelles paroisses ont fortement freiné dans notre diocèse la pratique des ADAP. Le synode a rappelé l’importance de la présidence de l’Eucharistie. Les communautés où il y avait facilement des ADAP ont été interrogées sur les raisons de leur pratique. La mise en route des nouvelles paroisses a provoqué de nombreux changements d’horaires de messe pour rationaliser les plannings, rassembler de trop petites communautés. Deux conséquences en découlent :

• D’une part, le rappel théologique et spirituel de l’importance de la communauté rassemblée par un prêtre. Avons-nous besoin de prêtres ? Cette question est bien plus portée par les laïcs actifs de nos paroisses. Nous en débattons : faut-il des ADAP locales ou faire quelques kilomètres pour une Eucharistie dominicale ?

• La réduction du nombre de messes a permis d’autre part d’étoffer les communautés dominicales, que ce soit en ville comme à la campagne. L’assemblée paroissiale est bien plus vivante, chantante, dynamique, entend-on dire çà et là. Petit à petit se diffuse la nouvelle de ce nouveau souffle ecclésial. Je pense qu’il y a là une condition favorable pour un appel vocationnel.

Oser mettre en route

Quand on parle de vocations, il y a toujours les deux aspects : vocations particulières et vocation générale des baptisés. Un synode puis une opération "nouvelles paroisses" sont bien des temps dynamisants pour la mise en route de baptisés. Jamais on n’a tant appelé, passé en revue les noms des membres de telle ou telle équipe, de ceux qui viennent à des groupes de formation. " A qui pourrais-je demander ? " Jamais on n’a tant provoqué de cheminements. L’exemple le plus fréquent : la jeune mère de famille qui vient pour le baptême ou la catéchèse de son enfant, qui accepte un petit service et qui, dix ans plus tard, assure de grandes responsabilités dans l’Eglise. Chaque nouvelle paroisse, c’est la mise en route d’une EAP (Equipe d’Animation Paroissiale), ces quatre ou six laïcs qui vont porter la paroisse avec le curé et les prêtres coopérateurs. Il y a bien là une dynamique vocationnelle au sens large.

Une situation nouvelle

Nous avons vécu en diocèse le passage aux nouvelles paroisses. La réflexion a été publique, les changements se sont effectués au même moment. Comme dans bien des diocèses, certaines anciennes paroisses vivaient dans une certaine autarcie sans trop prêter attention aux évolutions. Certains attendaient tout simplement que l’évêché envoie un nouveau prêtre quand l’ancien devenait défaillant. Le changement global a permis à tous de se rendre compte de la situation. Il y a les manques certains en prêtres ou en communautés religieuses. Il y a tout autant toutes les innovations pour redéfinir la place des prêtres et des laïcs. Bien des personnes découvrent de manière neuve la question des vocations. Traditionnellement, celle-ci était pour les autres ou pour Monsieur le Curé. Cela ne provoque pas immédiatement d’entrée au séminaire ou en vie religieuse, mais il y a prise de conscience générale. Nos communautés commencent à chercher à comprendre. Elles se posent des questions sur le monde des jeunes : qu’est-ce qui serait favorable pour de futures vocations ?

Quels prêtres pour demain ?

La mise en place des nouvelles paroisses accentue une interrogation sur le type de prêtres que nous souhaitons avoir demain pour faire vivre nos communautés. Notre manière de la décrire dans nos débats diocésains est d’opposer le "prêtre pasteur" au "prêtre manager". A la suite du Christ pasteur, le prêtre cherche à connaître les personnes auprès desquelles il est envoyé. Il veut avoir le temps de rencontrer, de dialoguer. Il ne veut pas célébrer des baptêmes sans un minimum de connaissance des familles. Et nous savons que, de plus en plus, les prêtres courent après le temps. En même temps, le prêtre est appelé à organiser la paroisse : mise en route d’équipes, présidence de conseils. Il est celui à qui on demande beaucoup de conseils voire d’autorisations. Il est le garant de la vie paroissiale. Sur le plan du droit, il est le responsable moral de tout ce qui se passe, particulièrement pour la gestion matérielle et financière, pour les salariés de la paroisse. Le voici manager, chef d’entreprise. Ce n’est souvent pas de cette façon-là qu’il envisageait son ministère de prêtre il y a quelques années ! De plus notre polarisation diocésaine sur les nouvelles paroisses fait passer au second plan tous les besoins presbytéraux pour les mouvements et services diocésains. Nous allons de plus en plus vers le modèle unique : le curé, qui "en plus" accompagne un mouvement ou un service.

Il y a là une question importante. Beaucoup de prêtres curés vivent mal aujourd’hui, dans ce temps de mise en route, cette tension organisateur – pasteur. La mise en route a provoqué beaucoup de questions techniques. Il a fallu réorganiser, reprendre bien des questions de gestion matérielle, harmoniser des pratiques catéchétiques ou sacramentelles. Il en résulte de nombreuses tensions. Nous sommes dans une période de recherche et de mise en place de responsables laïcs pour assurer diverses tâches pastorales ou matérielles. Les relations plus gratuites ou plus missionnaires se font rares. Bien des prêtres en souffrent. Ils renvoient une image négative, avec des discours de personnes fatiguées. Il y a là problème pour stimuler des vocations.

Cette crise a son corollaire. Quel métier de prêtre proposer à un jeune aujourd’hui ? Les modèles de prêtres sont de moins en moins diversifiés. La réalité quasi inévitable est celle-ci : au bout de 3 ou 4 ans comme vicaire (" prêtre coopérateur "), tu seras curé d’une grande paroisse. Bien des jeunes rencontrés ont de nombreuses qualités et compétences, mais pas celle d’accompagnateur d’un grand ensemble, ou d’organisateur quasi chef d’entreprise. L’Eglise en est-elle réduite à n’embaucher que des futurs cadres ? Comment former progressivement les prêtres à cette tâche renouvelée de curé ? Que proposer à des jeunes qui n’en ressentent ni le goût ni les compétences ? Cette question est particulièrement vive dans notre diocèse où depuis son origine, un jeune prêtre sur deux entre au séminaire après des études courtes, techniques, sans un bac général. C’est sur le tas qu’il développe, ou non, ces qualités requises pour être curé d’une nouvelle paroisse.

Nouvelles paroisses et vie religieuse

Il m’est plus difficile de mesurer l’incidence des nouvelles paroisses sur la vie religieuse. Il y a de ce côté-là aussi des restructurations dans les communautés apostoliques, mais elle est dûe au vieillissement de religieuses. Bien des communautés ferment pour se renforcer dans d’autres diocèses ! Les communautés, apostoliques comme contemplatives, demeurent des pôles de vitalité et de stimulation pour les paroisses où elles sont implantées. La difficulté évoquée par certaines, la chance pour d’autres, est similaire à celles que vivent tous les laïcs engagés : une nouvelle paroisse provoque à revoir les options pastorales locales, à ouvrir son horizon à d’autres chrétiens, à apprendre à travailler avec une E.A.P et un nouveau curé. Certaines ont été bousculées !

Correspondants locaux

Du côté de l’équipe du Service des Vocations, les nouvelles paroisses seront, nous l’espérons, l’occasion de mettre en place ou de re-dynamiser des correspondants locaux. Nous souhaitons qu’il y ait dans chaque Conseil pastoral paroissial une personne qui accepte de porter un peu plus la question vocation, celle qui rappelle cette dimension quand elle est oubliée (cf. la description faite dans le Petit guide du Service des Vocations). Cependant, nous nous heurtons à une limite de la mise en route des nouvelles paroisses : bien d’autres services diocésains demandent de même un correspondant paroissial. Aussi la plupart des paroisses mettent un frein à toutes ces demandes pour avoir le temps de s’organiser, et d’appeler de nouveaux laïcs.

Que conclure ? Nous sommes dans la phase de mise en route des nouvelles paroisses et il semble encore prématuré de décrire les tendances de fond.

A court terme, les restructurations paroissiales apparaissent plutôt comme un frein pour accompagner les questions de vocation des jeunes : on parle beaucoup de structures, les prêtres sont lointains et peu disponibles, l’effort pastoral se fait en direction des laïcs qui prennent des responsabilités de laïcs.

Mais, derrière toutes ces mises en route techniques, il demeure la volonté de retrouver un souffle évangélique, de donner corps à l’esprit missionnaire grâce à des communautés locales vivantes. A long terme, on peut espérer que ce souffle bousculera des jeunes dans leurs projets d’avenir. Mettre aujourd’hui plus d’hommes et de femmes dans le coup pour répondre à l’Evangile et faire Eglise devrait provoquer demain de nouveaux dynamismes dans les nouvelles générations.