Maillon dans la longue chaîne des serviteurs


Françoise VERDONNET
responsable du Service des vocations d’Annecy

Pourquoi moi ?Lorsque pour la première fois j’ai été sollicitée pour faire partie d’un groupe vocation, j’ai dit " oui " spontanément. Sans connaître vraiment de quoi il s’agissait. J’ai dit " oui " parce que le mot "vocation" m’a toujours attirée. Il évoquait pour moi un certain bonheur, le bonheur de réaliser pleinement sa vie. N’étant pas une chrétienne "de souche", j’ai été bien étonnée de découvrir que ce mot résonnait souvent mal aux oreilles de certains !

Mes premiers pas dans le service ont confirmé mes intuitions en même temps qu’ils les approfondissaient, en me permettant d’approcher l’immense richesse des différentes vocations, et la question du sens à donner à nos vies.

Plus tard, si j’ai accepté la responsabilité du service c’est parce que je m’y suis sentie appelée : bien des fois j’ai eu le vertige en me disant : " Pourquoi moi, il y en a tant de meilleurs... ? ". J’ai décidé alors de répondre à la confiance que me faisaient les responsables de l’Eglise d’Annecy et de répondre à Celui qui ne manquerait pas de me donner le courage et l’audace de remplir ma mission. En franchissant ce pas, j’ai eu conscience d’entrer pleinement et librement dans une aventure, celle de mon baptême.

Une aventure ...

Ma participation au SDV m’a permis de découvrir ma vocation de baptisée. Je pensais que cela était réservé aux prêtres, aux religieux... Me savoir moi aussi appelée par Dieu, appelée à aller plus loin que je ne peux l’imaginer, a été une véritable révélation. J’avais pas mal d’engagements en Eglise avant d’entrer au SDV, mais jamais je n’avais eu la chance de découvrir cette dynamique du baptême. Je vis encore aujourd’hui de cette découverte et j’en vivrai sûrement encore demain !

A travers ce service j’ai appris à connaître l’Eglise, à l’aimer, à avoir l’envie de la faire grandir parce que j’en suis membre à part entière. Le service des vocations est au cœur de l’Eglise. En lui résonnent les réussites, les questions, les avancées, les difficultés. Cette mission oblige à la réflexion, et ceci dans bien des domaines. Comment faire une pastorale des vocations sans se poser la question de notre monde, des jeunes d’aujourd’hui, du fonctionnement de l’Eglise ? Un recul est sans cesse nécessaire, une relecture dans la foi et l’intelligence qui ne permet pas de s’installer dans les certitudes et la routine. Nous sommes sans arrêt dans la nécessité de vérifier le bien-fondé de notre travail. J’avoue que ce dynamisme donne saveur à mon travail et à toute ma vie, il est source de créativité, de mouvement.

Je ne pense pas ressortir indemne de ce passage au SDV, il est profondément constructeur de toute ma personne. Pourtant quelquefois le découragement me guette. Heureusement que je peux m’appuyer sur l’équipe diocésaine et particulièrement sur le prêtre avec lequel je travaille étroitement. Sa présence de prêtre authentifie mon baptême, il permet que jamais je ne prenne à mon compte le travail réalisé, il me renvoie sans cesse au Christ. J’ai la chance aussi de vivre en amitié avec lui et d’être en totale vérité. D’une manière générale, je trouve que le SDV est un lieu où il est aisé d’être soi-même, sans fard, avec ses limites et ses richesses !

Un service difficile...

Cette mission est rendue difficile à cause de l’indifférence ou de l’incompréhension de bien des chrétiens et de l’image négative qu’ils ont des vocations, image bien longue à faire changer malgré nos efforts. Je suis étonnée de voir des personnes très engagées refuser de parler de l’appel et ne se sentir en rien responsable des vocations. Les silences polis sont souvent très éloquents ! Je souffre de constater parfois que, si ce service n’existait pas, il ne manquerait pas à beaucoup. Dans un monde marqué par la réussite, ce n’est pas facile de parler de la force du signe, du service, de la gratuité, et ceci même en Eglise ! Ces difficultés obligent à revenir à la source, à plonger dans l’Evangile, à devenir humble, à accepter que notre travail, nos " réussites " se comptent en petits pas.

En ce sens, c’est un lieu privilégié de questionnement spirituel.

Puiser à la source...

Comment durer, comment tenir sans revenir à temps et à contre-temps à l’Evangile pour y puiser des forces pour la route. Personnellement j’ai besoin des autres pour vivre ma foi. Je sens bien que sans eux je me laisserais vite aller... à la facilité, au découragement. De rencontrer des prêtres, des religieux, me permet d’approfondir ma propre vocation de femme, de chrétienne. Ils me redisent l’importance de la prière et me renvoient à ma propre vocation. En ce sens, ma vie de famille est marquée par mon engagement et vice-versa. Cette place de ma famille est, pour moi, le lieu de ma vocation première. J’apprends à dire " non ", parce que j’estime complètement incohérent de parler vocation si je ne vis pas d’abord la mienne. S’il y a parfois des périodes de tension, j’arrive à garder un certain équilibre entre ma vie de famille et ma mission.

J’ai l’intuition que, lorsque viendra le temps du bilan de ces années au SDV, je pourrai dire " merci " ! Merci pour ce que cette responsabilité m’aura permis de vivre et " d’être ". J’ai le désir que d’autres vivent cette aventure, en continuité avec ceux qui nous ont précédés.

Ce sentiment d’être un maillon dans la longue chaîne " des serviteurs " me remplit de fierté et d’humilité.