Le groupe "Projet" de la région Sud-ouest


Père Jean-Claude HERZOG
Vicaire général du diocèse de Bordeaux

Le témoignage que vous m’avez demandéporte sur un Service qui, à travers bien des évolutions, a déjà une longue histoire et j’en ai la charge depuis bientôt 17 ans.

Il fut fondé à la fermeture du Séminaire d’Aînés, Séminaire Saint Maurice qui depuis 1938 accueillait en Gironde des jeunes du grand Sud-Ouest, porteurs d’un projet de vocation, ayant besoin d’une mise à niveau intellectuelle avant d’entrer au Grand Séminaire. La durée des séjours était de 1 à 4 ans.

La prolongation de la scolarité au moins jusqu’à 16 ans, l’abandon du latin comme seule langue liturgique, la crise des vocations entraînèrent la chute des effectifs. De plus de 50 dans les années 50 et 60 les séminaristes de Saint Maurice se retrouvèrent a peine une vingtaine dans les années 67/73 et finalement 8 en 74... C’était la fin.

Mais l’Archevêque de Bordeaux contraint de fermer Saint Maurice voulut, avec les Evêques de la Région, que demeurent à la fois un signe et un moyen d’accueil des jeunes hommes prêts à se rendre disponibles pour le service de l’Eglise. Saint Maurice mourait, le Service Régional des Vocations d’Aînés naissait.

Les Evêques donnèrent à ce Service, confié dans un premier temps au dernier Supérieur du Séminaire, la triple mission :

  • de prendre le relais du Séminaire pour accueillir les aînés qui se présenteraient comme candidats éventuels au ministère presbytéral ou à la vie religieuse,
  • de promouvoir avec les Services Diocésains des Vocations un véritable accompagnement de ces garçons pour préparer leur éventuelle entrée en formation,
  • d’accueillir les isolés qui voudraient prendre contact et rencontrer des jeunes se posant des questions analogues aux leurs et clarifier ce projet de vocation.

Le bulletin diocésain du 13 juillet 1975 précise : "Le responsable de ce Service sera donc à la disposition des Services Diocésains des Vocations et travaillera en étroite collaboration avec le responsable S.D.V. de chaque candidat, en lien avec les Séminaires 1er cycle de la Région et les divers autres groupes de formation, le G.F.U par exemple.

Le S.R.V.A. aura pour objectif de permettre une ouverture d’esprit sur l’Eglise, le monde et ses questions :

  • d’aider chaque candidat à réfléchir sur son expérience humaine et chrétienne,
  • de discerner avec lui ce que le Seigneur attend de lui pour le service de l’Eglise et du monde.

Des rencontres, des week-ends seront donc organisés en fonction des besoins et des possibilités."

En septembre 1981, le Père Michel BOULLET, vicaire général d’Angoulême, qui avait ce service en charge depuis 5 ans fut appelé au Secrétariat de l’Episcopat. Après avoir cherché quelqu’un pour prendre le relais, les Evêques finirent par faire appel à moi et je me vis confier cette charge le 27 décembre 1981... Il me fut bien précisé que ce n’était que pour quelques temps (j’y suis encore) et que je ne ferais "que ce que je pourrais" (ça c’est vrai !).

Il y avait à cette époque 4 ou 5 week-ends par an, regroupant une douzaine de jeunes... Le Père de La Houplière, du diocèse de Poitiers, participait à ces rencontres. 4 week-ends eurent lieu cette année-là avec tel ou tel professeur de Séminaire de Poitiers ou de Bordeaux comme intervenants.

Il y avait aussi, à l’initiative des Services diocésains de la région, une session de 3 jours, début juillet, chez les Bénédictins de Belloc, au Pays Basque... Elle visait la même clientèle que les week-ends des jeunes qui les avaient suivis ou qui auraient pu les suivre s’ils avaient été connus.

Les participants étaient 7 ou 8, il y avait une vie de groupe encore marquée par la non-directivité, quelques interventions bibliques et théologiques autour des thèmes de l’appel, du ministère... quelques temps de prière et la célébration avec la communauté monastique.

Je fus très sensible à un véritable appétit de connaissance et d’approfondissement de ces jeunes chez qui l’on sentait déjà des formations chrétiennes et des expériences spirituelles assez éclatées et très diversifiées.

Je fus encore plus sensible à leur disponibilité pour parler personnellement avec un prêtre, pourvu que ce dernier manifeste qu’il était disponible pour cela et prêt à écouter.

Des propositions structurées

Au bout de deux ans, les Evêques me demandèrent, ainsi qu’au Père de La Houplière, de reprendre cette initiative en tenant compte de ces remarques et de celles des responsables diocésains et de structurer un peu plus ce temps de session et les week-ends. Nous avons donc eu à cœur :

  • d’accueillir des jeunes de 18 à 35 ans, voire plus, toujours présentés par le Service des Vocations de leur diocèse ou au moins en accord avec lui, des jeunes se posant au moins la question de la vocation en ces termes : prêtre ou religieux, pourquoi pas !
  • de faire en sorte que les week-ends s’enchaînent mais que des jeunes arrivant en cours d’année puissent s’intégrer sans trop de peine,
  • de fournir des éléments d’informations et de réflexion assez solides et nourrissants mais, ô gageure, pouvant quand même rejoindre des jeunes très divers en âge, en formation, en expérience humaine et spirituelle,
  • de laisser place au témoignage,
  • de permettre des temps d’échange et de partage entre eux,
  • d’avoir des temps de prière et de célébration communs,
  • de ménager des possibilités de rencontres personnelles avec l’un des prêtres présents.

Beau programme, tenu faut-il le dire plus ou moins bien. Tous les Evêques et tous les S.D.V. sont tenus régulièrement au courant de la vie du groupe et, en fin d’année, un rapport sur chaque participant, pouvant aider au discernement, est envoyé à l’Evêque et au responsable diocésain concerné.

Quant à la session d’été, elle s’est transformée en une retraite-session de 4 puis finalement 6 jours, permettant une expérience forte dans la durée et pas seulement en week-ends... Nous avons été amenés, dès le début, à nous rendre chez les Bénédictines, à Maumont, et nous nous y sommes trouvés si bien accueillis, si bien portés par toute la communauté que nous y allons toujours !

C’est une session, il y a donc des apports bibliques, théologiques et spirituels avec des intervenants prêtres (professeurs de séminaire, responsables S.D.V.), des moniales et un Evêque. Mais c’est aussi, et d’abord, une retraite. Deux ou trois prêtres sont là en permanence pour permettre un accompagnement proposé dès le premier jour. Chaque jour, des moments de temps personnel sont offerts et leur durée augmente au fil des jours... il y a même 24 h de désert à la fin... La prière communautaire se vit dans le groupe mais aussi avec la communauté des moniales.

Chaque année, au dire des participants, Maumont est un grand temps fort. Le recrutement se fait comme pour les week-ends par les Services Diocésains des Vocations et il y a au terme, comme pour les week-ends, un rapport envoyé à l’Evêque et au responsable diocésain de chaque participant.

Très vite, nous avons perçu qu’après avoir vécu une série de week-ends, certains jeunes avaient besoin de plus de temps et de réflexion pour mûrir et prendre une décision et qu’ils avaient besoin d’aide pour cela.

Nous avons donc prévu une 2e proposition de week-ends pour aller plus loin et soutenir la démarche de ceux qui le souhaitaient, après avoir suivi la 1ère série et/ou la retraite-session de Maumont ou une démarche analogue.

Le schéma de ces week-ends ressemble au précédent mais laisse une part plus importante aux temps personnels et à l’accompagnement.

En 1990, à la suite du Synode sur la formation des futurs prêtres, les Evêques de la Région, ne voyant pas la possibilité de mettre sur pied une année de propédeutique, nous ont demandé de repenser et d’articuler de manière un peu plus rigoureuse cet ensemble de propositions pour que soit quand même offert aux jeunes un parcours qui leur donne les points de repère essentiels. On a changé le nom du service, Vocation d’Aînés faisait référence aux origines mais faisait vieillot et ne parlait qu’aux ancêtres. On finit par adopter Service Régional des Vocations Masculines, groupe P.R.O.J.E.T. (Proposition Régionale Ouverte aux Jeunes Etudiants et Travailleurs).

C’est alors que nos propositions prirent leur forme actuelle, elles sont présentées dans les tracts que vous avez entre les mains et que je commente rapidement.

Je participe à tous les week-ends des deux propositions et suis l’intervenant de plusieurs. Les autres intervenants sont ou un professeur de séminaire ou un responsable S.D.V. Après avoir participé à 13 retraites-sessions de Maumont, depuis trois ans je me rends seulement à l’ouverture pour faire le lien avec les week-ends.

Six week-ends pour 18-35 ans

Comme je l’ai dit il s’agit d’une série de 6 week-ends pour des jeunes de 18 à 35 ans ou plus, se posant de manière plus ou moins précise la question d’une vocation au ministère presbytéral ou à la vie religieuse.

Le Seigneur appelle ? Qui est-Il ? Comment appelle-t-Il ? Dans une histoire... celle d’un peuple... celle d’une personne... Appel universel à la sainteté, appel à des ministères.

"L’accompagnement" : Accompagnement d’un homme tel qu’il est, dans son histoire... toujours ouverte.

"Parole et prière" : Baptisés : fidèles à l’écoute de la Parole, à la prière.

"Sacrements, témoignage" : Baptisés : fidèles aux sacrements qui les ont fait renaître et témoins de cette vie nouvelle.

"L’Eglise" : L’Eglise et les différentes vocations.

"Ministère et vie des prêtres" : Quelques aspects de leur vie (presbytérium, co-responsabilité, célibat, obéissance, etc.).

Participants : en moyenne, on commence à 6 ou 7 au 1er week-end et il en vient finalement entre 18 et 23, quelques-uns ne font qu’un ou deux week-ends, en général la fidélité est grande pour au moins les ¾ de l’effectif.

Ces deux dernières années, nous avons constaté une baisse sensible du nombre des participants qui n’a été que de 12-14.

Maumont - retraite-session

Voici les grands thèmes abordés : "La Parole de Dieu " : Un Dieu qui parle... qui appelle... qui envoie les hommes tels qu’ils sont... dans une histoire. "L’homme" : A l’image de Dieu, pécheur aimé et sauvé... "Le monde" : Créé et sauvé par Dieu : sa vocation. "Jésus-Christ"  : Sa personne, son mystère, sa mission... "L’Eglise" : Sacrement de Jésus-Christ au service de la vocation de l’homme et du monde. "Les Vocations"  : Dons de Dieu à l’Eglise pour la mission.

Effectifs : entre 5 - 15, le plus souvent autour de la dizaine.

Seconde proposition : 7 week-ends

Des engagements  : Suivre toute la série des rencontres (bien sûr tu peux arrêter si tu trouves que ce n’est pas ce qui te convient, mais pas venir une fois de temps en temps) - Te donner les moyens d’une vraie vie chrétienne - Avoir un accompagnateur régulier et profiter de l’accompagnement offert lors des rencontres. - Prendre ta place, même modeste, dans la vie de l’Eglise, là où tu vis. - Mener avec sérieux tes études, ta vie professionnelle ou ta recherche d’emploi.

Thèmes  : "L’Alliance et les signes de l’Alliance" Dons de Dieu à reconnaître, à accueillir, à mettre en œuvre. "Maturité humaine et spirituelle" a) sens chrétien de l’homme : affectivité sexualité b) le Seigneur appelle des hommes concrets et en devenir avec leurs richesses, leurs limites, leurs blessures...

"Le Christ" Jésus-Christ, Sauveur, vrai Dieu et vrai homme. Personne du Christ... mission du Christ... son appel.

"L’Eglise" "Les ministères dans l’Eglise" "La vie spirituelle" Vie dans l’Esprit... Différentes spiritualités, spiritualité du prêtre diocésain... combat spirituel... durée... fidélité...

"Le discernement" Ce qu’il est... les critères et le temps du discernement... Le discernement personnel et ecclésial.

4 à 10 participants. Cette année : 5.

Quel bilan pouvons-nous faire aujourd’hui ?

Je n’ai des éléments chiffrés précis que depuis 1983. En 15 ans, j’ai vu venir un peu plus de 350 jeunes sans compter quelques-uns qui ne participèrent qu’à un week-end.

50 à 60 % des jeunes qui sont dans nos Séminaires sont passés par le Service. A ma connaissance, au moins 18 ont été déjà ordonnés, j’en reconnais dans la salle. 78 sont entrés au Séminaire, une vingtaine au moins y sont aujourd’hui.

Toujours à ma connaissance, 16 au moins sont entrés dans des instituts religieux (chez les Carmes, les Franciscains, les Dominicains, les Trappistes, les Jésuites, les Marianistes, M.E.P., O.M.I., chanoines réguliers...). 2 ou 3 sont entrés dans des communautés nouvelles.

La diversité des âges reste toujours très grande. L’âge des participants va bien de 19 à 40 ans, voire plus. La diversité des formations ne est pas moins variée. Nous allons toujours du mécanicien, du tailleur de pierre, de l’horticulteur, du cuisinier, au centralien , au candidat à l’E.N.A., sans oublier l’agent commercial, l’informaticien, l’enseignant et tout la variété des étudiants.

Mais, nous avons vu ces dernières années augmenter le nombre des demandeurs d’emplois, des blessés de la vie, des jeunes aux itinéraires accidentés et marqués par des "expériences" parfois douloureuses... certaines, pas toutes, ont laissé des blessures, des fragilités... tout peut se rencontrer.

Beaucoup arrivent après avoir connu une expérience de conversion... Leur vie a changé plus ou moins radicalement à partir d’une rencontre personnelle de Jésus-Christ, qu’ils viennent de l’incroyance ou de ses marges ou qu’ils soient des "recommençants" marqués ou effleurés dans l’enfance par une initiation chrétienne mais ayant, après, tout laissé tomber.

Même ceux qui viennent d’un milieu chrétien et ont toujours suivi, participé avec plus ou moins de conviction à la vie en Eglise, ont commencé leur démarche actuelle à partir d’un événement révélateur (lecture, retraite, temps fort, pèlerinage, rencontre d’un témoin, un engagement...).

Certains, pas tous, ont participé aux différents scoutismes, à l’aumônerie scolaire ou étudiante, à l’hospitalité, à des équipes liturgiques, à des groupes de prière, à des groupes bibliques, plus rarement à la J.O.C., au M.R.J.C., aux Equipes N.D. jeunes, voire à des communautés nouvelles.

Ces jeunes sont de leur époque, marqués par l’absence d’héritage et de repères, par le pluralisme culturel et religieux, l’indifférence religieuse massive, l’individualisme, l’éclatement des familles, la banalisation des relations sexuelles et des expérience en tout genre, l’inflation du ressenti, des coups de cœur, la difficulté à s’engager, à durer, la conscience aiguë de leur fragilité qui les fait douter d’eux-mêmes, des autres, de l’Eglise... Ils sont prêts à goûter à tout, à se laisser séduire et emporter, ne serait-ce qu’un instant, par toute doctrine, toute expérience qui se présente... D’autres sont facilement tolérants et très soucieux du respect des sensibilités... mais surtout de la leur. Ils sont ainsi vulnérables au syncrétisme et à l’individualisme. Ils galèrent souvent dans une société qui ne les intègre pas même s’ils sont bardés de diplômes. L’avenir est incertain, tout paraît précaire. La dominante, c’est l’instabilité, le provisoire.

Leur expérience d’Eglise est, en général, assez faible et, dans les meilleurs des cas, limitée à celle de tel groupe, de telle communauté, de tel mouvement. Ils n’ont guère le sens de ce qu’est un diocèse, un ordre, une congrégation... que dire de l’Eglise universelle à travers l’espace et le temps.

Ils sont de cette génération qui n’a guère était éveillée à l’histoire et encore moins à celle de l’Eglise. Vatican II est pour eux aussi lointain et mystérieux que Trente et Chalcédoine... l’Action Catholique, Mgr Lefèvre,... au mieux des mots, une image.

Ils font souvent preuve d’une grande générosité, ils ont un désir vrai de se donner. Ils ont un grand souci d’authenticité, ils sont sensibles à la cohérence entre la foi, la parole et les actes, à la radicalité de l’Evangile. Ils souhaiteraient vivre l’Evangile avec audace, faire de leur vie un témoignage clair et vigoureux. Ils se disent prêts à des choix qui vont à contre courant du monde mais ils sont très vulnérables au décalage entre leur souhait et ce dont ils se sentent capables.

 

Ces jeunes désirent souvent trouver des assurances, des repères. Ils sont tentés de faire l’économie de la relecture, de la réflexion, du discernement, du combat spirituel, des médiations humaines… C’est si formidable quand dans un groupe chaleureux un texte donné fait trouver, croit-on, la réponse, quand la foi est de l’ordre de l’évidence, quand quelqu’un, au premier coup d’œil, vous dit "c’est là que Dieu te veut."

Mais quelle simplicité, quelle persévérance, quel sérieux ils manifestent quand ils se risquent sur un chemin de discernement avec un accompagnateur régulier qui aide à relire, à relier, à faire surgir le vrai désir, à exprimer les non-dits, à ouvrir les jardins secrets, à laisser l’Evangile éclairer jusqu’à ces zones ténébreuses qui sont en eux comme en tout être humain.

Devant ces cheminements et les générosités qui les motivent, on ne peut qu’admirer l’action déconcertante du Seigneur qui aujourd’hui encore ne cesse pas de se faire connaître, de toucher des cœurs, de bouleverser des vies, d’appeler et de susciter des réponses là où on ne l’attendrait pas… On ne peut pas fermer les yeux sur ces merveilles d’aujourd’hui, ni désespérer devant la dureté des temps, les petits nombres, les fragilités. Mais il faut s’offrir avec persévérance et ténacité, à l’image du semeur qui lui ne chôme pas, pour arroser et favoriser les germinations.

Je suis sûr qu’il y a beaucoup plus de jeunes qui pourraient participer à ce genre de propositions mais ils ne sont pas rejoints par elles. Il y a besoin de beaucoup d’ouvriers pour la vigne du Seigneur et il y a bien des chômeurs disponibles. Toutes les forces vives de nos Eglises particulières ont-elles assez le souci des besoins de cette vigne et celui de rejoindre ces chômeurs qui attendent ? S’efforcent-elles réellement de se décloisonner, de communiquer, de s’articuler pour mieux faire retentir la Bonne Nouvelle et relayer l’appel ?

Beaucoup, dans l’Eglise, ont fort justement conscience que l’appel est un appel du Seigneur pour le service du monde et de l’Eglise, ils redoutent des jeunes qui n’auraient qu’une conception intimiste de l’appel et qui fuiraient le monde, ses combats et ses ambiguïtés pour se réfugier dans la piété voire la sacristie.

Je suis, pour ma part, persuadé qu’il faut tout faire pour ouvrir ces jeunes aux dimensions de la vie chrétienne et de la mission qui leur échappent, pour les aider à faire, modestement mais réellement, l’expérience de l’Eglise et de sa mission dans le monde pour le monde. En même temps, il faut accepter, même si c’est regrettable, que ce ne soit qu’un point d’arrivée vers lequel il faut marcher mais en partant de là où ils sont. Leur expérience du Christ, de l’intimité avec lui, les formes de prières de célébration de sacrements qu’ils affectionnent, les grands rassemblements de l’Eglise ou les petits groupes chaleureux avec leurs ambiguïtés possibles ne sont pas à condamner, à mépriser mais à purifier, à compléter, à approfondir.

Les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus ceux de 68 ou de 80 !

Nous sommes parfois sévères pour les éducateurs, les témoins qui nous ont précédés et nous déplorons qu’ils n’aient pas toujours su lire les signes des temps ni reconnaître l’aujourd’hui de Dieu et des hommes… Méfions-nous de ne pas manquer nos propres rendez-vous avec l’histoire qui reste toujours une histoire sainte.

Je crois que malgré sa pauvreté, sa précarité, un Service comme celui que je vous présente, un parmi tant d’autres possible, n’est pas superflu même s’il est perfectible et remplaçable. Mais il est condamné à la stérilité s’il n’est pas un service de l’Eglise, s’il n’est pas suscité, porté, alimenté par toute l’Eglise et s’il ne renvoie pas à toute l’Eglise… Mais quel souci réel et concret nos communautés ont-elles des vocations ?

Ce Service est aussi un lieu où des jeunes en recherche de vocation peuvent et doivent rencontrer des prêtres. Mais quelle image du ministère donnons-nous ? Celle de gens accablés par l’âge, le poids du jour, la surcharge… La manière dont nous vivons le ministère, dont nous en parlons révèle-t-elle qu’il est pour nous, qu’il peut être pour eux, chemin d’humanité et d’accomplissement spirituel ?

Prêtres, religieux, laïcs, surtout arrivant à un certain âge, nous souffrons de ne pas avoir les successeurs, les enfants que nous aimerions avoir… La tentation peut être grande pour nous, pour toute l’Eglise de se résigner à jouer, à voir mourir, les "derniers des Mohicans" et, du coup, de renoncer à appeler, comme si l’aventure d’Abraham et de Sarah ne nous invitait pas à faire mémoire de la Promesse, au sens le plus fort du mot !

Je ne voudrais pas tomber dans le travers dénoncé par le fabuliste "mes petits sont mignons disait le hibou", mais après toutes ces années, et aujourd’hui encore, je crois que, malgré leur pauvreté et toutes leurs limites, ces propositions éminemment perfectibles et remplaçables peuvent rendre service… Au dire de beaucoup, qui en ont été les bénéficiaires, ce fut et ce peut être encore chemin pour les grâces des commencements. Je sais aussi que, grâce à lui, je suis devenu davantage prêtre et j’y trouve encore aujourd’hui, malgré d’inévitables difficultés et déconvenues, de véritables joies. Pardon d’avoir abusé de votre patience et d’avoir mal répondu à votre attente.

"Puissiez-vous (comme dirait Montaigne) faute de trouver ce que vous cherchiez, goûter au moins ce que vous trouvez".