Une Eglise appelée et appelante


Mgr Albert ROUET
Evêque de Poitiers

La pastorale des vocations n’est pas une spécialité. Car la vocation constitue le cœur de la vie chrétienne, par conséquent, elle représente le contenu de toute pastorale. " Dieu nous a sauvés et appelés d’un saint appel... en vertu de son propre dessein ", écrit Saint Paul (2 Tim l, 9). On peut résumer une bonne part des écrits pauliniens par le thème de l’appel. Car " la révélation du mystère enveloppé de silence durant une éternité de siècles " (Rm 16, 25) fait apparaître, par le message de l’Evangile, que l’Eglise - celle que Dieu convoque - unit les hommes qui " sont appelés par Dieu à la communion de son Fils " ( 1 Co 1, 9). Les chrétiens sont donc " les appelés de Jésus Christ " (Rm 1, 6). La vocation définit l’Eglise. Aussi toute organisation de la pastorale des vocations qui n’est pas d’abord au service de la nature profonde de l’Eglise, me semble frappée de stérilité, quelle que soit par ailleurs la qualité du dévouement des personnes.

De la spécialité à l’oubli

Une fois par an, les séminaristes de mon diocèse passent un week-end dans un secteur pastoral. J’ai été très frappé par le fait suivant : un samedi après-midi, les séminaristes rencontraient les chrétiens actifs d’un Secteur (Conseil pastoral, Mouvements, Aumôneries...). Après l’exposé du travail en secteur, un temps de carrefours devait permettre aux séminaristes de questionner les acteurs de la pastorale. En fait, c’est l’inverse qui s’est produit : les chrétiens ont profité du temps d’échange pour demander aux séminaristes comment était née leur vocation, ce qu’était la vocation, quelles études étaient exigées... Voilà donc des chrétiens engagés qui ignoraient tout de la vocation sacerdotale.

Autre fait : promenant son petit-fils, un grand père passe devant l’endroit où se tient le séminaire interdiocésain de premier cycle, et il lui dit : " Tu vois, ici, il y avait un séminaire ! " Il ne savait même plus qu’il y avait encore des séminaristes en ce lieu.

Le peuple chrétien a perdu le sens de la vocation. Qu’il s’agisse du prêtre diocésain, de religieux ou de religieuses et de diacres permanents, la vocation est devenue une histoire individuelle, une décision intime, en parallèle souvent, en marge parfois, de la vie des communautés. Bien entendu, toute vocation est personnelle. Mais, désaccouplée de la vie ordinaire du peuple chrétien, elle devient une aventure intérieure dont la sincérité subjective tient lieu d’authenticité ecclésiale. De cette tendance, les indices fourmillent.

Certains séminaristes ne supportent pas qu’on leur dise : " Si vous devenez prêtres un jour... " Cette conditionnelle leur apparaît comme une suspicion à l’encontre de leur engagement. Parmi eux, beaucoup ignorent la vie concrète de leur église locale, bien qu’ils aient fréquenté les nouvelles communautés les plus diverses. Plus attachés à l’évolution de leur projet personnel qu’à leur insertion parmi les diacres, les religieuses ou les laïcs, ils redoutent les responsables laïcs avec lesquels ils devront travailler. Ils les redoutent comme autant de concurrents de leur future identité sacerdotale. Tous ne réagissent pas ainsi, certes. Mais il faut reconnaître qu’un séminaire loin du terrain forme des futurs prêtres en parallèle de la formation donnée par un diocèse aux diacres permanents, aux laïcs engagés dans la pastorale et aux ministres reconnus. Des journées diocésaines de diacres, de catéchistes, de Mouvements et même des vocations, peuvent ainsi se dérouler sans la présence d’un séminariste.

Dans ces conditions, le Service Diocésain des Vocations fait tout ce qu’il peut avec courage et fidélité. Mais ce type de fonctionnement augmente encore sa spécialisation. Il l’isole de la vie habituelle du diocèse. En le considérant comme un Service parmi d’autres, il est sensé s’adresser ainsi à ceux qui se sentiraient concernés et non plus à la vie habituelle d’une Eglise, quels que soient par ailleurs les efforts consentis pour les soirées, les journées, les sessions sur la vocation.

A mes yeux, la véritable difficulté est ailleurs : elle gît dans le fait que le peuple chrétien lui-même ressent la vocation comme une donnée exceptionnelle et non plus comme le fondement même de l’Eglise qu’il constitue. Une exception, c’est pour les autres. Les fidèles désirent les vocations, ils prient pour en obtenir, ils attendent des ministres surgis d’on ne sait où, mais, en tout cas, les racines de l’appel lui restent comme étrangères. On constate depuis longtemps que faire venir d’ailleurs des prêtres, loin de relancer les vocations, stérilise au contraire un terrain puisqu’on se demande pourquoi stimuler des vocations locales, si existent au loin de probables réserves sacerdotales.

La question des vocations pose celle de la nature même de l’Eglise. On ne saurait traiter l’appel aux vocations sans un rappel qui fasse redécouvrir la constitution profonde de l’Eglise. Il me semble qu’aujourd’hui deux nouvelles difficultés renforcent l’oubli d’être fondamentalement " les appelés de Jésus Christ ".

S’adapter, ou repartir à l’origine ?

Toute société - et l’Eglise en est une - comprend des structures et un fonctionnement. La structure concerne son organisation objective : pour l’Eglise, il s’agit entre autre des paroisses. Le fonctionnement touche à la mise en œuvre de la structure, au type de relations entre les composantes.

L’évolution du monde rural en particulier, l’existence de nombreuses paroisses minuscules, obligent à modifier les structures pour tenir compte de la réalité. Seulement, modifier les structures, par exemple en regroupant des paroisses, ne dit rien du fonctionnement. Ou plutôt, on garde le même type de fonctionnement dans de nouvelles paroisses qui sont simplement moins nombreuses que les anciennes, mais plus grandes.

Ce système fournit la preuve qu’on peut fonctionner avec moins de prêtres ; de toute façon on ne peut faire autrement. L’appel au ministère presbytéral s’effectue ainsi pour remplacer les anciens ou pour pallier une récession dont le point final est peut-être le retour à la paroisse unique avec l’Evêque. Tout cela n’est pas motivant et encourage plutôt certains séminaristes à désirer une petite cure tranquille qui n’existe plus, ou à suivre plus un projet personnel qu’à s’insérer dans la vie du peuple chrétien.

Plutôt donc que les structures, c’est le fonctionnement qu’il s’agit de modifier. Sans quoi, chercher à appeler au sacerdoce d’autres que des célibataires risque bien de n’être que de faux modernisme, dans la mesure où le rôle dévolu au prêtre restera encore dans le même type de fonctionnement.

Il y a beaucoup de laïcs engagés : heureusement ! C’est un progrès considérable, encore qu’il faille rester lucide sur les limites de ces adaptations. Bien des laïcs continuent d’aider le prêtre. Le fonctionnement leur délègue des tâches spécialisées : liturgie, catéchèse, caritatif... Le point décisif, c’est à dire l’unité de la prise en charge, leur échappe. Les laïcs sont amenés à travailler à l’échelle d’un secteur qui n’est pas à la mesure de leur emprise habituelle. Tout concourt donc à renforcer le rôle habituel du prêtre, si ce n’est qu’il travaille un plus large espace, plus vite et davantage. Prêtres et laïcs s’usent dans cette contradiction de structures modifiées avec le maintien du même fonctionnement. Il me semble que cette contradiction sclérose l’appel aux vocations, car la véritable nouveauté qui serait incitatrice réside plus dans le fonctionnement que dans les structures.

En réalité, en gardant un même cadre, on a subi de plein fouet l’obsession du nombre. Bien entendu, le nombre de prêtres importe, mais il ne faudrait pas qu’il cache d’autres innovations et empêche de penser. J’estime urgent de revenir à la question première : qu’attend-on d’un prêtre ? De même, qu’attend-on de religieuses apostoliques ? et des Mouvements qui ne trouvent plus d’aumôniers ?

Il nous faut opérer un retour à l’origine pour répondre à ces questions. Il ne s’agit pas de revenir à l’archéologie ; on ne réécrit pas l’histoire. Mais l’origine ne se trouve pas au terme d’études historiques qui ne livrent que des reconstitutions. L’origine actuelle, vivante, découle des sacrements qui façonnent le chrétien : baptême, eucharistie, confirmation, puisque c’est en cet ordre qu’ils sont vécus depuis longtemps.

Faute de cette base, on en reste au plan des conséquences. Vouloir une Eglise au cœur du monde, servante des pauvres, proche des gens et en dialogue, représentent des objectifs évangéliques, donc indispensables. Mais ces orientations ont-elles encore besoin de prêtre ? Sur quoi s’appuient-elles pour n’être pas seulement des devoirs moraux mais exprimer authentiquement la nature même de l’Eglise ? Le prêtre est-il uniquement du domaine des moyens, des mises en œuvre ou, plus essentiellement, relève-t-il de la nature de l’Eglise ?

Il est clair que son ordination dépasse les fonctions à remplir et attache un homme à ce qui constitue l’Eglise. Alors l’appel au ministère presbytéral doit se situer au cœur de l’appel du Christ qui convoque l’Eglise à l’existence. Comme c’est précisément cet appel qui est trop oublié aujourd’hui, il faut donc revenir à lui.

Réentendre l’appel fondateur :

La première Epître de Saint Pierre définit le baptême comme " la demande à Dieu d’une bonne conscience par la résurrection de Jésus Christ " (3, 11). Une demande, donc un appel. Un appel qui répond à l’appel du Christ adressé, de la part de Dieu à tous les hommes qui l’invite à vivre avec lui. Il s’agit d’un appel " à la communion de son Fils " (1 Co 1, 9). C’est dire que le point le plus intime par lequel Dieu touche un homme, le nom secret qu’il lui donne (Ap 2, 17), est en même temps l’acte qui introduit dans la communion de l’Eglise. Le plus intime est le plus ecclésial. Greffé sur le Christ, devenu un même être avec lui (Rm 6, 5), le chrétien entre dans l’unique Corps du Christ. Chacun est " pour sa part, membre les uns des autres " (Rm 12, 5). Le Christ est le cœur qui réunit ses membres et leur donne l’impulsion pour que chacun mette en œuvre son charisme pour le bien de tous.

On pourrait en conclure qu’est ici premier le charisme personnel et que les indispensables médiations du corps, ces structures relationnelles (Ep 4, 16), disparaissent derrière l’épanouissement désordonné des charismes. Ceci n’est pas, car le baptême n’arrive pas sur une table rase, vide de tout organisme. Le baptême intègre à un corps qui existe déjà, qui nous précède : celui du Christ. Quand l’Eglise accueille un homme, celui ci la reçoit. Elle lui est donnée, mais à faire vivre, à déployer en toute direction.

La communion est première, parce que la voix du Christ devance son troupeau. Entrer dans l’Eglise consiste à se mettre au service de la " charité qui édifie " (1 Co 8, 1), retrouvant ainsi le seul commandement de s’aimer les uns les autres. L’appel au baptême conduit à vivre en frères. Par conséquent ce baptême pose à tout chrétien la même question : Comment vas-tu vivre en frère ?

De là découle le fait que la première urgence ne repose ni dans le nombre de prêtres, ni dans l’adaptation de structures, mais bien dans la manière dont les chrétiens vont manifester leur communion. Le style de regroupement des chrétiens, leur conversion à des communautés locales, à taille humaine, constituent donc la recherche prioritaire pour que l’appel qui les fait chrétiens apparaisse bien comme un appel à la vie fraternelle.

Les difficultés actuelles ne seront pas résolues par des aménagements de structures, mais par un retour à cet appel premier et une adhésion à son dynamisme, donc par une conversion à l’appel reçu. La situation présente doit être interprétée dans la foi et à partir d’elle.

Tout cela est bien connu. Il est cependant nécessaire d’en tirer deux conséquences.

• La première est que, pour sortir de l’obsession du manque de prêtres, il convient de placer d’abord la manière dont les chrétiens veulent se réunir et échanger entre eux à partir des sacrements fondateurs.

• La seconde conséquence rappelle que la foi est confiance. Or il n’y a pas d’appel sans confiance. Ces deux remarques méritent plus d’attention.

Au nom du manque de prêtres, on justifie nombre de réformes structurelles. On pourrait presque dire que ce manque justifie tout. Ce point de vue est particulièrement néfaste, car il indique que la norme à garder reste celle d’hier : un prêtre par paroisse, petite ou non ; un aumônier par équipe... C’est donc bien une structuration contingente (le nombre de paroisse au début de ce siècle) qui détermine le manque ou le plein. Il est exact, en ce cas, que modifier les structures, change la mesure et allège le manque. Dans un nouveau cadre, le manque est atténué. Mais cela ne donne pas une vocation de plus.

Les laïcs, dans un fonctionnement qui perdure, aident ou remplacent. Il effectuent une mission vicariale en attendant des jours meilleurs. Or il n’y aura pas de vocation sans un " appel d’air ", c’est à dire sans garder un espace ouvert où créer du neuf. Le manque actuel n’est pas récession, il est une grâce, celle de pouvoir façonner un nouveau visage de notre Eglise. Cette ambition suppose la confiance, c’est-à-dire de croire que chacun, par les sacrements reçus, peut apporter quelque chose de neuf à l’Eglise.

Dans l’organisation habituelle, souvent cette confiance fait cruellement défaut. Les chrétiens " manquent d’air " pour inviter et appeler. Ce sont ces jeunes qui ne sont jamais invités - ou si exceptionnellement - à venir animer la liturgie. Ce sont ces deux personnes trop dévoués qui, depuis dix-sept ans, géraient catéchèse et liturgie sans jamais avoir appelé quelqu’un pour les assister. C’est cette famille qui avait mis la main sur la paroisse et y faisait tout... On pourrait multiplier des exemples. Tous proclament : " Les autres ne savaient pas ". Les autres ne donnent rien parce que les places sont prises : manque d’air. On ne croit pas que Dieu, Lui, fait confiance. Alors les places sont prises, les fonctions remplies, les charges tenues. On n’a besoin que de successeurs : ce n’est pas très appelant.

Une Eglise en état d’appel

L’Eglise appelle parce qu’elle est appelée. L’appel qu’elle reçoit la traverse et s’adresse aux autres. L’Eglise est une immense voix, une symphonie de noms. Elle interpelle par l’échange et le dialogue. C’est dire qu’existe toujours en elle un manque : le contraire de tout avoir, l’opposé du plein. Parce qu’elle manque, sa pauvreté signifie qu’elle vit de la confiance. Mieux : qu’elle vit la confiance.

Le premier effort consiste à rendre les chrétiens conscients de leur appel, non seulement en le leur disant, mais en leur faisant vivre, eux-mêmes, leur propre appel. Il s’agit par conséquent de reconnaître les dons que l’Esprit donne à chacun pour le bien de tous, ce qui suppose évidemment une structure appropriée mais qui suive et ne précède pas l’appel.

La véritable question consiste à savoir ce qui est nécessaire à l’Eglise pour qu’elle vive comme Eglise du Christ. C’est communautairement que les chrétiens sont fidèles à l’évangile, car seule la multiplicité des dons accordés à chacun symbolise l’inépuisable richesse de Dieu. Le Christ a appelé des personnes bien avant d’établir des fonctions. La pénurie actuelle, rendant chacun indispensable, évitera l’utilisation usante des personnes dans la mesure où elle oblige à tenir compte des charismes fondateurs de l’Eglise.

Ceux-ci sont au nombre de trois. Il faut que la foi soit annoncée aux jeunes et aux adultes, que la prière soit assurée et la charité exercée. Or, de fait, des personnes, un peu partout, ont en elles de quoi accomplir ces missions, non point comme une charge imposée de l’extérieur, mais comme l’expression de ce qu’elles ont de plus intime. L’appel à ces charges constitue une reconnaissance confiante de ce qu’elles sont.

Il suffit ensuite de bien objectiver les tâches, de diviser les responsabilités selon les possibilités de chacun (on a encore trop en tête l’image du prêtre permanent). Alors, les chrétiens s’appellent les uns les autres pour constituer des équipes. Chacun est responsable d’en appeler d’autres, les charges devant être assumées pour un temps fixé.

En quinze mois, dans mon diocèse, près de 3 000 personnes se sont ainsi engagées. Un prêtre du diocèse parle de " culture de l’appel ". Cette culture rend chaque chrétien responsable pour sa part de la circulation de l’appel. Appeler devient un bien commun d’une Eglise. Cette conception entraîne plusieurs conséquences.

En premier, il importe que l’origine et la nature de l’appel soit très clair. Il faut donc une conscience diocésaine pour appeler à un ministère diocésain. Vivant la communion dans leur équipe de base, découvrant la paroisse future comme communion de communautés, les chrétiens découvrent leur diocèse comme une église locale en communion avec les autres églises. C’est la communion qui est appelante. Or, le nivellement par les médias, les généralisations mondiales, la faiblesse des moyens, tendent à atténuer la conscience d’appartenir à un diocèse. Il en résulte la tentation d’être prêtre "en soi", catéchiste de programmes généraux, en dehors du peuple où l’on vit, avec son histoire concrète et sa situation réelle. Dans ces conditions, arraché à sa terre, l’appel se condense sur un idéal individuel. ll se raréfie d’autant, faute d’incarnation existentielle.

Ensuite, la formation dans une " culture de l’appel " n’a pas d’abord une fonction technique, si utile qu’elle soit. Elle cherche avant tout à conformer au Christ une personne avec ses aptitudes et dans un cadre humain précis. Cette conformité au Christ rend plus priant, plus enseignant, mieux aimant. C’est elle qui est indispensable et qui commande les apprentissages spécialisés. La formation à la vie de l’Eglise passe nécessairement par une conversion à entendre cet appel qui constitue le Corps du Christ.

Troisièmement, l’appel au ministère presbytéral s’intègre à cette démarche. Des laïcs le comprennent qui, eux-mêmes appelés, veulent se charger de l’appel aux ministères ordonnés. Ils découvrent en effet que, si le prêtre n’est pas le factotum d’une communauté, s’il n’est pas obligatoirement le fondateur, il lui reste une mission vitale : celle d’enraciner l’appel en sa source, l’envoi du Fils pour relier le monde au Père. Le manque de prêtre oblige à s’interroger de plus en plus précisément sur leur rôle. Sans doute le modèle du prêtre qui va apparaître sera moins celui d’un gestionnaire d’un groupe de chrétiens, que celui qui nourrira leur foi en les aidant à relire leur action, qui rassemblera dans la communion par les sacrements et celui qui relancera l’ardeur missionnaire parce que, donné à sa communauté, il est le signe de l’Autre et des autres.

 

Enfin, la vocation des religieuses apostoliques - excellent exemple de rareté des vocations - appellera moins à faire des choses qu’à rendre présentes au plus près des chrétiens les exigences du baptême. La vie religieuse dit aux communautés que l’ardeur de la foi conceme tout chrétien, que cette question indiquée par la vie en communauté, touche le style de vie même des incroyants, car elle signifie la radicalité des valeurs chrétiennes de l’existence. Il ne s’agit pas de faire voir par une visibilité d’exception, mais de témoigner de la joie de l’évangile, par le partage communautaire des vœux.

L’heure de la confiance

Appeler en un temps de richesse ne demande que de continuer ce qui existe, en s’adaptant peu à peu. Mais appeler en une période de pénurie exige davantage. Cet appel en temps de pauvreté demande justement de commencer par consentir à la pauvreté comme lieu d’espérance et de créativité. Prenons le temps d’entendre le sens de cette pauvreté. Un désir trop impétueux d’avoir nombre de vocations empêche d’entendre la patience de Dieu. Dieu ne force pas l’histoire, il la rend féconde. Il passe par l’humilité des chemins de l’appel et par la discrétion des médiations. Il montre la source de tout appel en son Fils, l’Envoyé.

Plutôt que de se plaindre, il me semble vital de revenir à la joie de croire, à cette gratuité de l’appel puisque " c’est par grâce que Dieu nous appelle " (2 Tm 1, 9). C’est l’heure de la confiance. Car le jour où l’on a saisi la gratuité de l’amour qui nous est donné, sa forme même nous pousse à communiquer l’appel. Tous sont responsables de l’appel dans la logique de celui qu’ils ont reçu. Œuvre de confiance.

Cette responsabilité ne prendra sa pleine dimension que dans l’articulation des différentes vocations : presbytérale, diaconale, religieuse, ministères laïcs. C’est bien ce fonctionnement dans la charité, médiatisé par des tâches précises, qui reconnaît à chacun sa place indispensable et la fécondité évangélique que lui accorde l’Esprit. Ainsi le Christ édifie son Eglise, " organisant les saints pour l’œuvre du ministère, en vue de la construction du corps du Christ " (Ep 4, 12).