La Confirmation : six ans de ministère


Mgr Jean-Paul Jaeger, évêque de Nancy et Toul, commence ce numéro en nous décrivant les enjeux de la confirmation et la façon dont elle lui permet de rencontrer les jeunes dans son diocèse.
C’est la lettre d’Hombeline qu’il a choisi de nous partager à la suite de son article.

Jean-Paul Jaeger
Evêque de Nancy & Toul

Bref rappel historique

La " Lettre des évêques aux catholiques de France " décrit parfaitement le cadre dans lequel est généralement célébré aujourd’hui le sacrement de la confirmation. Au plan théologique, nous rejoignons nos frères orientaux. Nous affirmons qu’une saine logique voudrait que les sacrements de l’initiation soient administrés dans l’ordre suivant : baptême, confirmation, eucharistie. Dans la plupart des cas, cette chronologie est respectée pour l’initiation des adultes. Cette pratique a disparu depuis longtemps en ce qui concerne les petits enfants, voire les enfants en âge scolaire. Les uns et les autres communient au Corps du Christ avant d’être confirmés. Les aînés se rappellent cependant et mouvements, après le parcours catéchétique habituel qui conduit à la profession de foi.

Il faut immédiatement noter le nombre modeste de jeunes qui répondent alors à l’appel qui leur est adressé. Beaucoup d’entre eux ne suivent pas jusqu’à son terme l’itinéraire catéchétique "normal". Une deuxième catégorie d’adolescents et leurs familles considèrent qu’ils en ont terminé avec la formation chrétienne après les années dites "obligatoires". C’est donc en effectif restreint que des garçons et des filles vont persévérer dans l’approfondissement de leur foi et la marche vers la confirmation. Tout n’est pas perdu pour autant puisque dans le cadre du lycée ou des études supérieures, des adultes reprennent, de fait, un chemin momentanément interrompu et demandent à recevoir le sacrement de confirmation. Une démarche identique peut également se produire au moment du mariage, de la naissance et du baptême d’un enfant, de la catéchisation du premier-né. D’autres événements de la vie marquent un rendez-vous de la Providence et d’un enfant de Dieu. Il m’est arrivé à deux reprises de confirmer des personnes âgées de plus de quatre-vingts ans !

Il est inutile de revenir ici sur les raisons qui expliquent la quasi disparition de la confirmation du champ spirituel de la plus grande partie des jeunes catholiques français. Elles sont à l’origine de l’étalement de la célébration sur l’éventail des âges. La désaffection d’un sacrement d’initiation qui contribue à construire et fortifier "l’être chrétien" suffit à elle seule à justifier un vigoureux appel à l’évangélisation. Ces rappels permettent de comprendre comment est accueillie, préparée et célébrée la confirmation. Le contexte culturel, l’absence de racines profondes, l’effacement d’un terreau familial chrétien marquent la perception de ce sacrement. La théologie n’y trouve pas entièrement son compte. Les exigences pastorales demeurent. La question de l’adéquation de ces deux réalités de la vie de l’Eglise reste ouverte.

La pratique dans le diocèse.

De nombreuses voies conduisent des jeunes à demander le sacrement de confirmation. Nous ne pouvons pas sous-estimer l’influence positive de familles qui ont à cœur d’aider leurs enfants à persévérer dans la foi, à grandir et à demeurer des Pierres Vivantes de l’Eglise. Nous négligeons peut-être trop le soutien que l’Eglise leur doit. Si leur nombre s’est raréfié, elles demeurent une réalité humaine et spirituelle fondamentale dans l’annonce de l’Evangile, la transmission de la foi et l’appel aux diverses vocations ! J’admire, pour ma part, ces familles où l’on marche ensemble vers la confirmation de l’un de ses membres.

Dans le diocèse de Nancy, la majorité des confirmands appartiennent à des groupes territoriaux. Ils sont nés dans des paroisses, dans un doyenné. Là, ils se renouvellent avec une certaine régularité. Les aumôneries de collège et de lycée proposent régulièrement la confirmation et contribuent à sa préparation. Les mouvements de jeunes orientent également vers ce sacrement. Sans aucune exception, ils appellent leurs membres à se poser la question de la confirmation. La réponse est laissée à la liberté de chacun. Dans une ville universitaire, la mission étudiante propose chaque année cette étape de l’initiation chrétienne. Sans clore la liste, il faut évoquer l’enseignement catholique qui met à profit son cadre institutionnel pour appeler et préparer à la confirmation.

Je dois plus que mentionner le catéchuménat des adultes qui, pour des raisons évidentes, verra s’étendre sa mission. Outre l’accueil et la formation des catéchumènes qui, dans la même célébration, reçoivent le baptême, la confirmation et l’eucharistie, un nombre croissant de fidèles que la terminologie contemporaine qualifie de "recommençants" suivent un parcours qui les mène à la confirmation. A ces circuits connus et répertoriés s’ajoute le bon vouloir du Saint-Esprit qui suscite çà et là des désirs dont il a seul le secret.

A de multiples voies de proposition de la confirmation répond la diversité dans la formation. Il n’est pas facile de rassembler des jeunes et des adultes que les études ou le travail a dispersés. Une heureuse variété préside à la mise en place des groupes et à leur itinéraire. Certains préfèrent le travail régulier. D’autres optent pour les temps forts. S’ajoutent des retraites, des passages en abbayes. Des préparations sont très étalées dans le temps et peuvent durer jusqu’à quatre ans. D’autres sont plus denses dans le rythme et ramenées à deux ans. Elles recourent à des instruments existants ou font l’objet de constructions originales. Elles associent souvent des laïcs, des religieux, des religieuses et des prêtres. A chaque fois que possible, des confirmés des années précédentes collaborent au cheminement de leurs cadets. Pour développer la prise de conscience de l’appartenance à une Eglise plus large que tel groupe particulier, la formation conjugue le travail restreint à un groupe limité à la rencontre avec d’autres jeunes. Des jeunes du Mouvement de la Jeunesse Rurale Catholique (MRJC) par exemple, se retrouvent entre eux pour certains échanges et rejoignent ceux d’une paroisse ou d’une aumônerie de collège. Ils seront habituellement rassemblés dans la même célébration.

La lettre et la rencontre

Même s’il ne s’agit pas d’une règle universellement appliquée, les confirmands adressent généralement une lettre à l’évêque. Le contenu varie très fort d’un groupe à l’autre, d’un individu à l’autre. Le texte peut se limiter à quelques lignes et à une demande polie du sacrement. Il peut, à l’inverse, comporter plusieurs pages très personnalisées.

Je garde très précieusement ces lettres. Certaines sont bouleversantes. Des jeunes s’ouvrent très librement et en toute confiance d’épreuves et de difficultés dont on ne suppose pas l’intensité qu’elles peuvent prendre si tôt ! Je noterai simplement la fréquente référence aux drames familiaux. La séparation ou la mésentente des parents engendrent des blessures dont on ne soupçonne pas toujours la profondeur. Il est étonnant de constater à quel point quelques-uns ont déjà fait prématurément l’expérience de la souffrance en eux-mêmes ou dans leur environnement immédiat. Des adolescents expriment volontiers leur difficulté d’être chrétiens. Ils savent qu’ils sont le petit nombre et pressentent le prix à payer pour affirmer leur foi. Ils font souvent l’épreuve de la dérision. Ces lettres prennent volontiers un ton familier et direct. Le tutoiement n’y est pas rare. Des jeunes font part de leur incompréhension par rapport à certaines orientations morales. Ils reprennent en cela l’écho qui leur parvient par les médias.

L’expression de la foi est facilement très affective. Elle retient du Christ, le frère aîné généreux, proche, miséricordieux, sensible à toutes les détresses. Les rédacteurs se déclarent prêts à marcher à sa suite. Au sens le plus pur du terme, la dimension humanitaire de la vie de l’Eglise retient l’attention et séduit. Les mots de "solidarité", de "tolérance", "d’accueil" reviennent fréquemment. C’est souvent le temps de formation qui va mettre en lumière le mystère pascal, la dimension trinitaire de la vie chrétienne, le mystère de l’Eglise, le poids de la Parole de Dieu, la vie sacramentelle et la mission.

J’aimerais nouer un contact plus suivi à partir de ces lettres. Il me faut en lire plusieurs centaines chaque année. Je n’ai pas encore trouvé de méthode susceptible de permettre une réponse personnalisée. Tout en sauvegardant l’anonymat, je manifeste au cours de la célébration l’intérêt que j’ai pris à la lecture et je fais quelques citations. Je souhaiterais mieux utiliser ce contact privilégié. En fonction du contenu, j’écris quelquefois à l’intéressé. Il m’est arrivé de lui proposer une visite à l’évêché. Je garde un contact régulier avec quelques confirmés.

Je réponds volontiers à l’invitation d’un échange dans les jours et les semaines qui précèdent la cérémonie. Je laisse alors aux accompagnateurs le soin d’organiser l’après-midi ou la soirée. Ils prévoient toujours un moment de libres questions. Elles touchent à la confirmation elle-même, à l’Esprit Saint. Elles suscitent un témoignage personnel de la part de l’évêque. Les jeunes sont avides de connaître son histoire, ses aspirations, ses goûts, ses lectures. Je suis souvent interrogé sur mon itinéraire, ma vocation, mes questions et mes doutes. Viennent également les interrogations sur les problèmes moraux évoqués dans les lettres, les drames de la société.

Bien avant les Journées Mondiales de la Jeunesse, j’ai pu mesurer l’intérêt que portent nos cadets à une forme d’enseignement. Il est bien accueilli dans la mesure où il est rendu accessible par un exposé vivant et un langage adapté. J’ai été maintes fois surpris de recevoir des remerciements et de m’entendre dire en ces termes ou en d’autres, analogues : " On ne nous a jamais dit cela... Nous n’avons pas entendu parler de l’amour comme vous l’avez fait ". Sans doute mes interlocuteurs ne sont-ils pas immédiatement disposés à mettre en pratique l’enseignement de l’Eglise. Force est de constater qu’il retient l’attention et l’intérêt !

La célébration

Les célébrations sont souvent belles et soigneusement organisées. Si elles font place à l’originalité, elles respectent le rituel. Je souhaite que soit laissée place à la libre expression réservée au témoignage, ou à la façon de vivre la foi. Comme je serais heureux que les confirmands puissent avec autant de simplicité et de conviction, répéter à leurs amis de classe, d’études ou de travail, ce qu’ils déclarent devant l’assemblée des fidèles ! Je tiens en revanche à ce que les jeunes proclament leur foi avec les mots de l’Eglise universelle, manifestant qu’ils reçoivent un don qui les dépasse. Leur propre foi sera toujours plus grande et mystérieuse que la formulation qu’ils pourront en donner. Il n’y a donc pas lieu de redouter des mots dont le sens n’est pas parfaitement élucidé. Après l’onction, je réserve un mot particulier à chacun. Cette attention touche les jeunes au point que certains refusent de confier à leurs parents ce que je leur ai dit. Il n’est pas rare de m’entendre répéter plusieurs années après ce que j’ai tout simplement murmuré ce jour-là.

Il me faut ici évoquer la confirmation des jeunes handicapés. Nancy est un centre important de la santé. Plusieurs institutions accueillent des handicapés légers ou profonds. Des équipes merveilleuses les initient à la vie chrétienne. Sauf réelle impossibilité, je ne délègue pas la faculté de confirmer dans ces maisons. Je tiens à manifester aux confirmands et à leur famille mon attachement et ma présence de pasteur. Ces célébrations constituent pour moi de réels traits de lumière dans mon ministère. Les moments où il faut parfois passer par l’humilité et la pauvreté tant on se sent démuni devant le handicap m’apportent force et confiance. Je reçois toujours des lettres de gratitude de la part de familles. Il est des circonstances où nous ne pouvons vraiment compter que sur l’Esprit Saint !

Après ?

Il n’est pas toujours facile d’évacuer de la tête de jeunes l’idée que tout est accompli après la confirmation. Pour certains, le fait d’être allé plus loin que d’autres suffit. Il faut alors faire confiance à Celui qui donne la croissance. Nous n’avons pas droit de regard sur les carnets de rendez-vous de Dieu !

En quantité non négligeable, des jeunes retiennent l’appel à la mission. La perspective d’une vocation spécifique a été évoquée dans la plupart des cas dans la préparation, toujours lors de la célébration. Oui, parmi ces confirmés se lèvent celles et ceux qui poursuivent ou prennent la route des disciples. De leurs rangs sortent des volontaires pour collaborer à la mission de l’Eglise. Quoi qu’on dise, leur nombre n’est pas négligeable. J’aimerais sans doute retrouver quotidiennement les confirmés dans les champs de l’apostolat. Ils ne sont pas absents. Toutes les formes d’engagement sont évoquées lors de la célébration.

Tous garderont certainement l’image d’une Eglise qui leur a consacré du temps, les a écoutés et les a formés. Ils sauront qu’elle les a appelés et les a associés à sa mission. Ils savent le prix qu’ils ont aux yeux de cette Eglise qui, par le ministère de l’évêque, leur a transmis le don de l’Esprit Saint. Viendra le temps qui ne nous appartient pas où le Seigneur Lui-même, dans l’Eglise de Jésus-Christ, ravivera un don qu’Il n’a jamais repris. Telle est notre espérance.

 

Ma vie de chrétienne "responsable" commence maintenant

Monseigneur,

Je m’appelle Hombeline, je suis en classe de 1ère ES (Economie et Sociale) au lycée. J’ai toujours habité près de Nancy, entourée de ma famille : mes parents, tous deux catéchistes à la paroisse et mes deux frères, en études de droit et en études de Sciences. J’ai dix-sept ans.

Comme vous l’avez certainement compris, ma famille et tous ceux qui sont autour de moi tiennent une grande place dans mon cœur. J’ai grandi avec eux, c’est avec eux que j’ai partagé mes joies et mes peines, mes certitudes et mes doutes, c’est avec eux que je partage ma vie. Le partage, ce sont mes parents qui me l’ont appris, avec d’autres, ainsi que la solidarité, le service, le sourire... Ils m’ont aidée à "grandir", à passer du stade "petite boudeuse-coléreuse" au stade "souriante et serviable", à passer ce que l’on appelle souvent "la crise d’adolescent".

Mes amis (filles et garçons) m’apportent aussi beaucoup chaque jour que je passe parmi eux. J’ai appris à être tolérante : même si mes parents me l’avaient appris avant, rien ne vaut la mise en pratique. J’ai appris à regarder avec le cœur et non plus avec les yeux. J’ai appris à avoir le moins de préjugés possible, à me faire un avis propre à moi-même.

J’ai beaucoup d’amis car je fais beaucoup de rencontres avec les Guides de France, les colonies de vacances, les camps, le Festival International de Chant Choral de Nancy. Certaines rencontres nous suivent tout au long de notre vie, et avec d’autres personnes, on perd contact. Mais chaque personne a son importance dans ma mémoire, dans mon cœur, car elles m’ont appris des choses que je ne connaissais pas. On a à apprendre de chaque personne. J’ai évolué au sein de la musique, qui est une de mes principales activités extra-scolaires, ainsi que les arts plastiques. Pour moi, ce sont des moyens d’expressions très importants car j’ai souvent du mal à trouver les mots justes pour exprimer mes sentiments, comme s’il n’en existait pas.

Pour ce qui est de ma vie en Eglise, je ne sais pas trop comment m’exprimer. Peut-être parce que j’y ai toujours vécu, j’ai découvert la vie avec l’Eglise. J’essaie de donner le meilleur de moi-même, en animant les messes avec quelques groupes mais pour ma part, je pense que la vie d’Eglise ne peut pas se vivre seule. Nous sommes ensemble ; tous les chrétiens, nous formons une unité.

Et la vie de l’Eglise, nous la vivons tous les jours, dans chaque geste, chaque acte... Ce n’est pas seulement être chrétienne à la messe ou dans les réunions (...) mais aussi avec mes amis qui n’ont pas de religion ou qui en ont une différente de la mienne. C’est pour tout ça que je désire être confirmée. J’ai, encore une fois, des difficultés à trouver les mots justes pour m’exprimer, mais je vais faire de mon mieux.

Ma vie de chrétienne "responsable" commence maintenant, même si on continue à me guider (nous avons tous besoin d’être guidés tout au long de notre vie, mais avec relâchement au fur et à mesure du temps qui s’écoule), je me sens chrétienne par mes actes et mes réflexions. Etre chrétien pour un jeune, aujourd’hui, n’est pas toujours facile, mais faisable. Pas toujours facile car le regard des autres n’est pas très agréable, mais la tolérance aide à surmonter ce petit rien. Je me répète, mais, être chrétien c’est être chrétien tous les jours dans ses actes, ses paroles, ses pensées...

Salutations respectueuses.

Hombeline