La Jeunesse Indépendante Chrétienne


Jean-François Goujon
Jeunesse Indépendante Chrétienne

Vocation", "sacerdoce", "vie religieuse" : autant de termes qu’en mouvement d’Action Catholique, on rangerait volontiers au chapitre de l’histoire. Et pourtant, comme responsables de la Jeunesse Indépendante Chrétienne, nous sommes témoins d’un renouvellement certain de la question vocationnelle chez les jeunes. Quel sens donner aux questions nouvelles ouvertes ainsi ? Comment les accompagner ? Et d’abord, dans quoi s’enracine cette recherche ?

Recul des certitudes et recherche du sens

Dire que les jeunes ne vivent pas dans le même monde que leurs aînés de dix ans relève de l’évidence ! La perte des grands repères est une réalité marquante pour des jeunes situés en milieux indépendants, notamment. La remise en cause des grandes idéologies a brouillé les cartes et les principales clés de compréhension. Les jeunes ne sont plus nécessairement "militants", ni au plan politique, ni au plan associatif, ni surtout, en Eglise. En fait, des "peurs" marquent la vie des jeunes aujourd’hui. La crainte du chômage pousse beaucoup d’entre eux à des études longues et à accorder à la "valeur-travail" une place prépondérante. De même, un grand nombre ne voient pas vraiment ni où, ni sur quoi agir aujourd’hui, y compris dans leurs choix personnels, d’orientation ou de vie relationnelle. Par ailleurs, la dureté des réalités sociales touche le public des 15 à 30 ans de plein fouet, qu’il s’agisse de précarisation, de grande pauvreté ou encore du sida.

Pourtant, c’est sur ce même terreau morose que s’exprime une nouvelle recherche du sens. Les jeunes sont en recherche, ils accordent de l’importance à leur "projet de vie". Quelle qu’elle soit, ils souhaitent creuser "leur croyance" : ils apprécient le dialogue inter religieux, souhaitent échanger. Cette nouvelle recherche, même si elle prend parfois la forme d’un certain "repli" sur son identité, comporte aujourd’hui de riches possibilités d’annoncer Jésus-Christ. La question de la vocation retrouve son sens et sa pertinence, resituée qu’elle est dans un cheminement plus personnel et plus exigeant.

Des appels qui s’enracinent dans la vie

Les mouvements de jeunes ont une responsabilité vis-à-vis du cheminement des jeunes y compris dans un cheminement vocationnel. Leur mission est de permettre aux jeunes de "décrypter" les appels qu’ils reçoivent. Ils ont un rôle d’intermédiaires. La JIC insiste sur les situations concrètes vécues par les jeunes : orientation, travail, santé, vie relationnelle, etc. Elle veut leur permettre de relire leur vie, de mesurer les répercussions des choix qu’ils font sur eux-mêmes et sur d’autres, de prendre conscience de ce qui les fait agir ; d’exprimer ce qui est vital pour eux.

En équipe, ou lors d’un temps fort, les jeunes sont appelés à devenir acteurs de leur vie ou à relire ce que leur action a déjà produit. Ici une lycéenne mesurera ce que son dynamisme au sein de sa classe a permis pour le dialogue entre élèves et avec les professeurs. Là, un jeune professionnel sera relancé sur l’action à mener pour concilier sa vie de couple et les heures supplémentaires qu’il est amené à faire dans son nouvel emploi. De fait, ce sont également les jeunes entre eux qui se posent mutuellement des questions : Quelles sont les causes des situations qui nous atteignent ? Qu’est-ce qui est vital pour nous ? Quelle information nous manque-t-il pour agir ? Qu’est-ce que telle action nous a permis de découvrir, sur nous-même, sur les autres, sur le monde, sur le message de l’Evangile ? En JIC, si les adultes accompagnateurs sont en soutien de ces questions, ce sont d’abord les jeunes qui sont en position de les poser à leurs amis. Les jeunes sont les premiers apôtres des jeunes. Les jeunes s’évangélisent entre eux.

De même, ils sont appelés à devenir acteurs du projet du mouvement, donc à être en "conduite" directe de celui-ci, en conduite directe du projet apostolique. L’appel intervient donc à tous les stades du mouvement : appel à l’équipe fédérale, appel à devenir délégué d’équipe, appel à participer à telle ou telle session, appel à tenir une permanence, etc. La lettre d’appel rédigée par des jeunes pour d’autres jeunes est l’instrument privilégié par lequel des jeunes en JIC cheminent les uns par les autres. On peut aller jusqu’à parler d’une "théologie de l’appel". Une pédagogie l’accompagne : l’appel est peu à peu compris comme venant aussi d’un Autre.

La vocation des jeunes : et si elle passait aussi par les jeunes ?

En JIC aujourd’hui, des jeunes, notamment des jeunes en responsabilité dans le mouvement, se posent la question du sacerdoce ou de la vie religieuse et s’y engagent. Le mouvement prend désormais en compte cette question avec plus d’importance. Les responsables locaux seront invités l’an prochain à être attentifs aux jeunes qui se posent la question d’une vocation spécifique. Une session annuelle de discernement est désormais mise en place pour ces jeunes, afin de leur permettre de discerner davantage leurs questions. Elle aura pour but de permettre aux jeunes de réaliser dans quelle histoire et dans quelles actions menées intervient cette question de la vocation. Ce souci est porté d’abord par les jeunes, attentifs les uns aux autres. Les accompagnateurs adultes ont, quant à eux, une place de recul et de rappel des jeunes dans cette mission.

La relative recrudescence des vocations dans nos mouvements rappelle aujourd’hui la nécessité que des jeunes soient les intermédiaires de la vocation d’autres jeunes. Elle montre aussi que des lieux d’Eglise peuvent voir fleurir des vocations si ils parviennent eux-mêmes à porter du fruit dans la vie des jeunes.