Les Fondations pour un monde nouveau


Denis Jacob

Eveiller chaque jeune à sa vocation dans le monde et dans l’Eglise : voici une phrase qui pourrait servir de slogan et de programme aux responsables et animateurs des Fondations pour un monde nouveau (Fmn), tant la problématique de l’éveil à la vocation est centrale dans leur pratique pédagogique, depuis plus de vingt ans.

En effet, les Fondations pour un monde nouveau sont nées en 1974 à partir d’un groupe de jeunes adultes (la Communauté Chrétienne de Formation - CCF). Fait significatif, la première publication de leur fondateur ne s’intitulait-elle pas "La CCF et l’émergence des vocations" ? Dès 1983, une activité spécifiquement destinée aux 14-18 ans se développait. Jusqu’à aujourd’hui, la formation et l’évangélisation des jeunes constitue l’une des activités principales des Fmn, toujours en direction de deux publics considérés chacun dans sa spécificité : les 14-17 ans ; les 18-30 ans.

Pourtant, par rapport à d’autres mouvements d’éducation et de formation chrétienne de la jeunesse, les Fmn n’ont pas la réputation de fournir les séminaires ou les instituts religieux.

Place centrale de la question vocationnelle et relative rareté des "vocations"..., cet article tentera d’éclaircir ce paradoxe, en cherchant à expliciter de quel travail vocationnel nous parlons et comment nous y éveillons les jeunes.

Tout homme, toute femme a une vocation

L’un des aspects spécifiques de la pédagogie vocationnelle des Fmn est qu’elles traitent toujours de la vocation au sens le plus large : celui d’un appel adressé à toute personne qui veut bien le recevoir, à faire de sa propre vie une aventure à construire, un chemin parmi les hommes, en inventant la réponse la plus appropriée à son histoire et au contexte dans lequel il souhaite répondre. Les Fmn visent avant tout un public de jeunes qui ne fréquentent pas les structures classiques de l’Eglise, mais qu’une soif de vivre (qui, souvent, ne sait pas dire son nom) anime et met en "quête". "Réussir sa vie" et "Chercheurs de sens" sont les titres des rencontres ouvertes destinées à initier, chez les jeunes, ce chemin de découverte de soi, des autres et de Dieu. Ces intitulés dévoilent un programme, une orientation.

"Réussir sa vie"
Durant une semaine, il s’agit d’introduire des 14-17 ans à la réalité, à la pratique de l’espérance. L’adolescence, étape difficile de recomposition de la personnalité, de la recherche de nouveaux systèmes de valeurs, est souvent synonyme de difficultés relationnelles. La relation est donc au coeur de la pédagogie de ces camps : oser la rencontre en vérité, quitter des masques, se risquer dans une activité inconnue. Voilà la route proposée par les animateurs (ils ont entre 18 et 25 ans, et sont encadrés par des adultes), aux jeunes invités pour sortir de leur "bulle" et découvrir la vie qui est en eux. La pédagogie favorise l’expérimentation, à travers des témoignages, des petits groupes de partage, des ateliers créatifs et sportifs. La relecture d’expérience clôture chaque journée : elle marque les étapes (aspirations à la vie, difficultés et souffrances, ma liberté... Quelle responsabilité ! ) qui aideront le jeune à s’ouvrir à sa vie intérieure, aux autres et à Dieu manifesté en Jésus-Christ.

"Chercheurs de Dieu"
Pour les 18-30 ans, le même cheminement de fond est proposé, puis la pédagogie met davantage en valeur les questions spécifiques de cette tranche d’âge, plus préoccupée de son insertion dans une société concrète, avec ses richesses et des impasses. Ce sont des "témoins", reconnus dans leurs domaines de compétences, qui ouvrent les journées du forum, autour de thèmes tels que "la ressource humaine", "le défi des relations", "s’engager". La problématique que traverse le forum est celle de l’engagement : comment découvrir et exploiter les richesses qui sont les miennes, pour les mettre au service de la construction d’une civilisation où l’homme soit premier ? Sur ce chemin de questionnement, à l’heure où s’opèrent les grands choix de vie, Jésus-Christ est présenté comme celui qui peut nous introduire à la vraie fécondité, à la vie en abondance, pour le Royaume de son Père.

Donner ce que l’on porte

La prise de responsabilité constitue un autre élément clé de la pédagogie de ces rencontres : il s’agit, dès le premier jour, que chacun soit engagé d’une manière concrète dans un service d’où dépend, pour une part, la réussite de la rencontre. Les animateurs donnent l’exemple, puisque tous les postes-clé" du camp sont tenus par des jeunes, secondés par des adultes garants. Cette pédagogie de l’engagement porte des fruits notables : en effet, les jeunes souffrent de manière presque générale d’être insuffisamment responsabilisés par un milieu éducatif qui les surprotège. Ceci induit un double phénomène de doute latent sur soi et sur sa valeur propre, et de peur du monde. L’un des reflets les plus fréquents fait par les jeunes après quelques années de cheminement dans les Fmn est celui-ci : "Vous m’avez aidé à croire en moi. Cela a été possible grâce à la rencontre de Dieu et grâce à des personnes qui ont misé sur moi."

Une expérience qui ouvre un chemin

Les temps forts ne constituent qu’une introduction : à leur issue, un cheminement sur deux années est proposé aux jeunes plus localement. Il s’agit d’enraciner l’expérience vécue grâce à des thèmes de formation, et de donner à l’expérience de foi sa dimension proprement ecclésiale.

Déjà les camps et les forums, où partages et célébrations se conjuguent, donnent le ton d’une cellule d’Eglise vivante où l’Esprit est à l’oeuvre et transforme les existences (Il n’est pas rare d’assister à des spectaculaires "transformations"). Mais cette expérience ne prend sens que dans la durée, au long des week-ends et camps (dont un, aux alentours de Noël, prend la tonalité d’une retraite d’approfondissement spirituel). Le jeune part ainsi effectuer un "aller/retour" entre son milieu de vie et le groupe fraternel, il grandit en confiance, passe des obstacles, découvre dans une de lecture régulière ses préférences, ses aptitudes. Plusieurs, en devenant "animateurs" et en recevant une formation spécifique dans ce sens, s’initient à la parole en public, à la conduite de groupes. Cette école de la responsabilité en pousse plusieurs à rechercher des professions orientées vers le potentiel humain et sa valorisation. Les jeunes qui souhaitent vivre à plein temps peuvent bénéficier d’une école dénommée le CIRFA (Centre International de Recherche et de Formations Appliquées - école supérieure technique privée).

Vocation - vocations

On l’aura compris : la visée des Fmn s’inscrit résolument dans la perspective ouverte par le Concile Vatican II. Il n’y a qu’une vocation dans l’Eglise, celle de notre baptême, qui nous fait héritiers du Père par le Fils. Cet héritage nous rend constructeurs d’un Monde Nouveau, où que nous soyons. Il s’agit de revitaliser le tissu chrétien dans son ensemble, à partir de personnes ayant fait l’expérience du salut et de l’engagement à la suite du Christ. Celles et ceux qui ressentent l’appel spécifique à une vie apostolique peuvent approfondir ce questionnement lors de week-ends sur ce thème ; parfois, la communauté les encourage à rejoindre d’autres lieux d’Eglise où leur appel pourra trouver un terrain d’incarnation (c’est ainsi que quelques jeunes issus des Fmn ont rejoint, ces vingt dernières années, des ordres aussi divers que le Carmel, la Compagnie de Jésus ou les Soeurs de Mère Teresa, ainsi que les séminaires diocésains).

Enfin, les Fmn proposent à des jeunes qui désirent vivre un engagement apostolique à plein temps dans un état de vie "laïc", un chemin d’engagement originel nommé "permanence". Cet engagement est précédé de trois années de stage où sont articulés temps de formation et mise en situation sur le terrain, dans des activités diverses (évangélisation, conduite de communautés, service, etc.), typées par leur profil vocationnel. Une soixantaine de permanents des Fmn exercent à présent une activité en France.