La tendance numérique des vocations


Manque d’unité et situations différenciées

7. Les situations sont très différenciées selon les divers pays ou régions. Le Pape Jean-Paul II, s’adressant aux participants du Vlème Symposium du Conseil des Conférences Episcopales d’Europe, le 11 octobre 1985, affirma que la première chose que l’on observe en posant son regard sur l’Europe est son " manque d’unité". Et d’ajouter : "Une analyse de la situation aujourd’hui en Europe montre, à côté de signes réconfortants de vitalité et de reprise, une crise persistante des vocations et un douloureux phénomène de défections. Les causes de ce douloureux phénomène sont multiples, et il faudra les affronter vigoureusement, surtout celles qui se rattachent à l’aridité spirituelle ou à une attitude de désaccord corrosif Dans ces milieux-là, les vocations naissent pas ".

Les communautés chrétiennes doivent souvent faire face à des attitudes ambivalentes et contradictoires. Dans le cadre d’une même nation existent des ombres et des lumières qui révèlent, d’une part, l’inadaptation des cultures traditionnelles et, de l’autre, le besoin fort de nouveaux projets d’existence humaine. Toutefois, au-delà des différences, il est possible de cerner sur le continent européen un certain nombre de difficultés et de problèmes communs qui perdurent au niveau de la pastorale des vocations. Mais un discernement attentif est nécessaire pour déterminer la complexité du phénomène des vocations tel qu’il s’est développé ces dernières années. Beaucoup se demandent si nous n’avons pas déjà dépassé la crise. Difficile de le dire. Car si, d’une part, dans certaines Eglises particulières il existe des signes très nets de reprise, de l’autre, le malaise d’une courbe descendante de vieillissement du clergé et des vocations de consécration spéciale ne cesse de se poursuivre.

Les réponses au Questionnaire aident à mieux comprendre les situations, en évitant des généralisations, surtout en ce qui concerne les données statistiques.

La population catholique en Europe

8. La population catholique est passée de 276 millions de personnes en 1978 à 287 millions en 1994, soit une augmentation absolue de 11 millions, correspondant à 4, 27%. Les progressions les plus importantes ont été enregistrées en Albanie, en Grèce, en Irlande, en Lettonie, en Lituanie et en Roumanie.

La proportion des catholiques dans les différents pays européens est particulièrement intéressante : dans l’ordre, Italie, France, Espagne, Pologne et Allemagne rassemblent 61% de la population catholique. Il s’agit de pays qui, pour des raisons historiques, ont été les plus proches de l’Eglise catholique pendant des siècles.

Variations numériques des prêtres diocésains et religieux

9. En 1994, leur nombre s’élevait à 219 000, dont 152 000 diocésains et 66 000 religieux, avec une diminution progressive par rapport à 1978, année où le nombre global de prêtres était de 251 000 (174.000 diocésains et 76 000 religieux). La diminution apparaissait être de 13%, quasiment égale pour les prêtres religieux et pour les prêtres diocésains.

Plusieurs pays d’Europe de l’Est connaissent en revanche une tendance opposée à la diminution générale : l’Albanie, la Biélorussie et l’Estonie qui, cependant, possèdent un tout petit nombre de prêtres (moins de 250), ainsi que la Lituanie, la Pologne, la Roumanie et l’Ukraine qui possèdent, au contraire, un nombre important de prêtres.

Il peut être utile de relever que les diminutions les plus importantes, et en tout cas supérieures à la diminution européenne moyenne, touchent l’Allemagne (-14 %), l’Autriche (-18 %), la Belgique (-31 %), l’Espagne (-14 %) la France (-27 %), la Grande-Bretagne (-21 %), la Hongrie (-14 %), la Lettonie (-26 %), les Pays-Bas (-34 %), le Portugal (-13 %) et la Suisse (-19 %).

En 1978 le poids relatif des prêtres de trois pays - dans l’ordre, Italie, France et Espagne - atteignait jusqu’à 55 % de l’ensemble des prêtres européens. Ce poids s’est par la suite réduit, bien que légèrement, tombant à 52 %. Au contraire, certains pays, surtout à l’Est, ont vu s’accroître leur poids au niveau européen. Il est opportun de signaler l’accroissement qui s’est produit en Pologne, passant de 7,7 % en 1978 à 11, 6% en 1994.

La tendance positive des ordinations sacerdotales

10. La situation de l’Europe considérée globalement connaît une augmentation encourageante des ordinations sacerdotales. Par exemple, les 1805 ordinations diocésaines de 1978 sont passées à 2 479 en 1994, à savoir une progression de 674, représentant 37% de plus. L’augmentation totale ne compense toutefois pas les pertes dues aux défections et aux décès (globalement 3 686 en 1994). Les nations où le nombre d’ordinations a été le plus élevé, bien que de manière irrégulière, sont la Tchécoslovaquie, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne, l’Espagne, la Roumanie, l’Ukraine.

L’important écart entre les nouvelles ordinations de prêtres diocésains et les décès, avec un excédent constant de ces derniers, explique la chute continuelle du nombre des prêtres. A ce phénomène est étroitement lié aussi l’âge moyen toujours plus élevé (par ex. environ 62 ans pour le clergé italien).

Données réconfortantes quant aux grands séminaristes diocésains et religieux

11. Le nombre global des séminaristes en philosophie et théologie (diocésains et religieux), toute l’Europe comprise, est passé de 23 915 en 1978 à 29 511 en 1994, avec une augmentation totale de 7 000 séminaristes, soit 23 % en plus. La plus grande progression a été enregistrée pour les séminaristes diocésains qui sont passés de 21 681 à 20 211, c’est-à-dire 4 530 en plus, soit une progression de 28 %. Les grands séminaristes religieux sont passés de 7 231 à 9 685, à savoir 2.454 en plus, soit 32 %.
Le nombre des petits séminaristes pris globalement pour toute l’Europe, diocésains et religieux, a enregistré une baisse continuelle : de 60 000 en 1978 à 29 000 en 1994, c’est-à-dire 31 000 de moins, équivalent à 52 %.

Ce que relève l’Episcopat espagnol à propos des petits séminaires, qui comptent 3 500 élèves, peut être très indicatif. Leur nombre a diminué pour trois raisons principales : la dénatalité (le fils unique), la spécificité mise sur la physionomie du séminaire, avec une identité plus marquée (donc non pas un collège comme les autres), la mentalité des parents qui préfèrent que leurs enfants passent leur vie en famille à cet âge-là et non pas dans un petit séminaire. Les Evêques affirment que sur les 2 000 grands séminaristes diocésains, plus de 60 % proviennent des petits séminaires et que les recteurs apprécient beaucoup la qualité et la formation de ces élèves. Les diocèses qui ne possèdent pas de petits séminaires cherchent à pallier la nécessité de préparer des pré-adolescents et des adolescents par la formule communément appelée "pré-séminaire". Un prêtre a pratiquement pour tâche de former des jeunes manifestant des prédispositions de vocation au sein de leurs familles : il les rencontre deux à quatre fois par mois pour les accompagner personnellement et en groupe. L’expérience de l’Eglise espagnole peut servir pour les pays qui se trouvent dans les mêmes conditions.

La tendance des frères religieux

12. En 1978, leur nombre en Europe était de 37 104, pour passer en 1994 à 26 141 : par conséquent, une baisse d’environ 10 000 frères, soit 30 % en moins. Au niveau territorial, des augmentations importantes n’ont eu lieu qu’en Lituanie, en Roumanie et en Tchécoslovaquie. Cependant ces pays n’ont qu’un poids relatif, si faible qu’ils ne parviennent pas à contrebalancer le déclin des autres pays. Les pourcentages des différents pays ne varient pratiquement pas durant la période concernée ; on peut toutefois insister sur une baisse plus accentuée en Autriche, en Belgique, en Irlande, aux Pays-Bas et en Yougoslavie.

Données concernant les religieuses

13. On a constaté une réduction très inégale par rapport à celle des frères religieux. Dans cette catégorie, les nations qui ont connu une augmentation sont la Biélorussie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie. On peut ajouter que ces augmentations se sont manifestées dans les tout derniers temps. L’Europe compte pratiquement 50 % des religieuses du monde entier : 422 000 par rapport aux 857 000 des cinq continents.

En 1978, leur nombre s’élevait à 546 029 pour l’ensemble de l’Europe ; en 1994, il est passé à 414 687, soit une baisse de 123 843, équivalent à 25 % en moins.

La tendance pour les novices (hommes et femmes)

14. Contrairement à ce qui se passe pour l’ensemble du monde, où depuis plus de 10 ans on enregistre une augmentation du nombre des novices (hommes et femmes), l’Europe connaît une baisse dans ce secteur. En 1994, les pays européens ont globalement accueilli 2 989 novices (religieux), alors qu’ils étaient 3 257 en 1987. Les novices (religieuses) en Europe étaient 5 263 en 1987 ; elles sont 4 824 en 1994. Nous ne disposons pas d’autres données particulières.