L’Europe des vocations se tourne vers l’avenir


La contribution du Congrès : l’échange des dons vocationnels

82. L’intérêt et l’attention notoires portés par les Evêques des nations européennes à l’événement que constitue ce Congrès sont importants ; ce dernier est considéré comme un rendez-vous de grâce. La rencontre entre les Evêques et les agents de la pastorale des vocations des Eglises du continent est considérée comme un moment propice devant être vécu dans la communion de l’Esprit où convergent de nombreuses expériences, cheminements et attentes, peut-être même excessives.

C’est en particulier la singularité de ce Congrès qui est mis en évidence, car il reflète le visage chrétien de l’Europe. Mais tout autant parce que la réflexion porte sur un thème qui conduit à regarder vers l’avenir, avec des préoccupations certes, mais aussi avec espoir : l’Europe des jeunes, car c’est à eux qu’il faut penser en parlant de vie comme de vocation et de prophétie pour l’Eglise et pour le monde.

On remarque en outre un sain réalisme en considérant l’Europe des jeunes : si, d’une part, on ne se cache ni les risques ni les ombres qui pèsent sur le monde des jeunes à cause d’une culture du subjectivisme exaspéré, de l’autre, on répète qu’il faut que l’Eglise sache accueillir les jeunes et discerner les signes de grande nouveauté et d’espérance. L’insistance est mise sur la confiance qu’il faut faire aux jeunes et sur les valeurs dont ils sont porteurs.

Par conséquent, la contribution du Congrès est surtout considérée dans une perspective d’échange. D’où l’importance d’adopter une attitude d’écoute et d’attention à l’importante diversité des vécus ecclésiaux et de foi, des expériences vocationnelles, en sauvegardant la singularité des diverses nations avec leur passé de croix et de grâce.

Organismes permanents au service des vocations

83. Dans le but de favoriser l’échange, une proposition va dans le sens de la constitution d’organismes permanents ayant l’aval des Conférences Episcopales Européennes, afin de faire connaître les réflexions et les expériences du Congrès aux différentes Eglises particulières...

Les tournants pour l’avenir : une Eglise de ministères pour la mission

84. Le réalisme veut que l’on prenne acte que la période actuelle constitue un tournant où se mêlent la présence d’aspects de caducité et de passé, et des germes prometteurs pour l’avenir. En vérité, les statistiques au niveau presbytéral et à celui des congrégations religieuses révèlent un processus évident de vieillissement qui n’est pas contrebalancé par les nouveaux apports de vocations.

Le discernement pastoral requiert de tous les Evêques et de tous les Supérieurs Majeurs le courage de préfigurer une autre image d’Eglise : moins cléricale et avec une plus grande participation des laïcs. Ceci se réalise déjà dans de nombreuses oeuvres de promotions humaines, dans les écoles, mais aussi dans les communautés chrétiennes traditionnellement confiées aux prêtres. Que l’on pense aux ministères laïcs, à ce qu’on appelle les "unités pastorales" (plusieurs paroisses dans une zone) confiées in solidum à des prêtres et à des laïcs. Toutefois, si les signes de déclin sont présents dans de nombreux Presbyterium et familles religieuses, le courage de vivre positivement ce tournant en regardant l’avenir avec confiance ne manque pas, un avenir qu’il faudra construire avec la collaboration de tous ; et en particulier en y impliquant les jeunes.

Le radicalisme évangélique comme prophétie

85. Il existe une certaine tendance à proposer aux jeunes un Evangile "sine glossa" à travers le témoignage renouvelé et dynamique des personnes consacrées. Tous affirment l’urgence de surmonter la pathologie de la fatigue chez les prêtres et chez les religieux, en redécouvrant à l’intérieur de leur appel les raisons d’un visage pascal.

C’est en particulier dans le "radicalisme évangélique" que l’on trouve le message le plus fort à crier, par l’annonce et la vie, contre les vents croisés de la sécularisation, et surtout comme alternative à la culture malade du sexisme exaspéré, vécu à une dimension. Le radicalisme évangélique doit être présenté sous ses aspects positifs comme voie vers la sainteté, comme unique et véritable possibilité de réalisation humaine authentique dans une perspective évangélique.

Miser sur les éducateurs

86. En second lieu, on reconnaît que le futur de l’Eglise et de la société, ainsi que de la pastorale des vocations, ont particulièrement besoin de nouveaux éducateurs dans le contexte de la nouvelle évangélisation. Nous constatons en effet la faiblesse de nombreux lieux pédagogiques (groupe, communauté, patronage, école et surtout famille). Pour que ces lieux redeviennent efficaces du point de vue éducatif, la présence de figures spirituelles comme points de référence sûrs est nécessaire ; de même que des guides spirituels motivés, solides et limpides. D’où l’engagement des Eglises particulières à former des formateurs.

La pastorale des vocations dans la pastorale ordinaire

87. Enfin, un solide effort est requis pour que la proposition entre dans la pastorale ordinaire. Tout d’abord parce que la foi est une anthropologie fondée sur la christologie et qu’elle est donc structurellement vocationnelle ; c’est le don d’une façon d’être dans l’Esprit face au Seigneur de la vie et de l’histoire.

En outre, la pastorale ordinaire, dans la mesure où elle rend explicite sa dimension vocationnelle, retrouve de grandes motivations pour une revitalisation : car elle requiert la primauté de l’Esprit sur les aspects extérieurs, elle attire l’attention sur la primauté de la personne par rapport aux choses à faire, elle oriente tous les ministères vers l’essentiel en concentrant l’attention sur la formation des nouvelles générations, elle fait redécouvrir la vie comme don, comme "être pour" dans une perspective libératrice et fascinante surtout pour le monde des jeunes.

Construire l’espérance

88. L’espérance est le secret de la vie chrétienne et le souffle absolument nécessaire sur le front de la mission de l’Eglise et, en particulier, de la pastorale des vocations. Comme chacun le sait, les jeunes ne considèrent pas la vie principalement sous l’aspect de la vérité, mais comme une expérience intéressante, désirable. Ce n’est qu’à travers l’intérêt et la passion pour la vie qu’ils peuvent découvrir le sens et la vérité profonde de leur être comme réponse à un projet de Dieu. Le fil conducteur de la vie comme vocation selon un grand dessein qui la dépasse s’appelle espérance.

Par conséquent, l’appel et l’attente qui proviennent d’un peu partout doivent être accueillis de façon explicite : aujourd’hui, pour former les jeunes et leur faire retrouver la passion de la vie, il faut devenir "samaritains de l’espérance". Il faut donc la régénérer chez les prêtres, les éducateurs, les familles chrétiennes, les familles religieuses, dans les instituts séculiers ; en somme chez tous ceux qui doivent servir la vie aux côtés des nouvelles générations. L’espérance exige que l’on fasse de la place à ce ministère de fait à l’intérieur de l’Eglise connu sous le nom de "ministère de l’encouragement", motivé évangéliquement, surtout à travers la parole sûre du Seigneur ressuscité : "Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde " (Mt 28, 20).

Attentes et interrogations des communautés ecclésiales

89. Ce dernier Chapitre (le chapitre IV de la seconde partie) n’entend pas élaborer à l’avance des perspectives qui pourraient être définies durant le Congrès ; mais il expose une interprétation des attentes ou des problèmes qui ressortent de l’analyse de la situation des vocations à l’intérieur de nos Eglises. Ces attentes peuvent cependant être traduites en dix questions assez présentes dans nos communautés ecclésiales et surtout chez les agents pastoraux. Ces points résument les préoccupations fondamentales de la pastorale des vocations.

1. Quels sont les points faibles, mais surtout quelles sont les potentialités des dernières générations sur lesquelles greffer des itinéraires de foi sérieux et la proposition de vocation ?

2. Quelles expériences apparaissent comme étant plus appropriées, dans le cadre des nombreuses expériences enregistrées dans cette dernière décennie, pour stimuler la demande et la réponse de vocation devant le Seigneur de la vie ?

3. Quelles sont les difficultés et les opportunités pour préfigurer une Eglise plus charismatique et ministérielle capable de mettre en valeur, dans la communication, toutes les vocations pour l’unique mission ?

4. Quelles options pastorales faut-il mettre rapidement en oeuvre pour que la communauté chrétienne puisse devenir un terrain fertile de nouvelles vocations ?

5. Quels sont les meilleurs itinéraires et ceux qui sont les plus féconds sur le plan des vocations que l’on entend mettre en oeuvre à l’intérieur de nos communautés ?

6. Prier pour les vocations est une pratique courante : mais quelles sont les conditions pour que la prière éduque à une culture des vocations ?

7. Que signifie aujourd’hui miser sur les éducateurs ? Quels formateurs pour une pastorale des jeunes et des vocations ?

8. Quels sont, du point de vue pédagogique, les aspects les plus urgents pour une proposition correcte de la vie comme vocation ? (annonce, proposition, discernement, accompagnement).

9. Quels instruments de participation peuvent êtres utiles dans nos Eglises d’Europe pour favoriser l’échange, l’étude et le caractère significatif d’une pastorale des vocations pour les jeunes ?

10. Quel sursaut ou saut de qualité estime-t-on nécessaire pour sortir du gué de la crise ou de la lassitude, surtout au niveau de la pastorale des vocations ?

Suggestions et propositions pour la préparation et la tenue du Congrès :

1. Le désir de célébrer le Congrès dans une atmosphère de prière près de la tombe des Apôtres a été exprimé, ainsi que le souhait de voir le programme favoriser des contacts personnels et une rencontre "coeur à coeur" avec le Saint-Père (France).

2. Il peut être utile d’apporter au Congrès tout ce qui fait l’objet d’étude et de réflexion lors de séminaires ou de congrès nationaux (par ex. la France du 23 au 25 octobre 1996 organisera un Congrès sur les vocations à Lourdes, animé par le Cardinal Danneels). Leurs conclusions serviront au Congrès européen).

3. Les conclusions du Congrès devront ensuite être appliquées. Il a été suggéré de favoriser les contacts entre les organismes et les mouvements qui s’occupent de pastorale des vocations (Grèce).

4. Il est bon que le Congrès offre des études et du matériel et tout ce qui peut aider à la formation des responsables (Grèce). Il est également souhaité que les actes du Congrès soient publiés et envoyés aux Supérieurs Majeurs qui, à leur tour, les porteront à la connaissance des Provinces religieuses.

5. En vue d’une bonne préparation du Congrès, il a été suggéré de favoriser à tous les niveaux ecclésiaux l’information sur les finalités, les contenus et la méthodologie du Congrès.

6. En plus de l’organisation des rencontres spécifiques en vue du Congrès, il serait bon d’insérer une "communication" spécifique sur les contenus du Congrès dans les différentes rencontres et les différents congrès sur le thème des vocations organisés au niveau national, régional ou diocésain pendant sa période de préparation.

7. La proposition a été faite d’inviter et d’héberger les Responsables des vocations des pays de l’Est aux différentes rencontres d’étude qu’organisent les Eglises occidentales à travers leurs organismes, ainsi que l’envoi des textes élaborés.

8. Le "Document Final" qui naîtra des travaux du Congrès représente déjà en soi une contribution significative et décisive pour un développement de la pastorale des vocations au niveau européen. La naissance d’un "organisme unitaire" pour la pastorale des vocations est souhaitable afin que les différentes Eglises nationales trouvent un "lieu permanent" d’échange, de confrontation et de communication d’expériences.

Rome, 8 septembre 1996, Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.

Pio Card. LAGHI, Président
José SARAIVA MARTINS, Arc. TH. de Tuburnlca, Vice Président