Témoignages de diacres


Moi diacre ? Tu rigoles !

Bertrand Révillion
diacre du diocèse de Versailles, journaliste

« Dans ce monde des médias où se côtoient journalistes et artistes, l’Evangile pourrait être davantage proposé. Pourquoi ne deviendrais-tu pas diacre, envoyé par l’Eglise au beau milieu de ce monde de la presse écrite et de la télévision ? » Un jour, un ami m’a posé cette imprévisible question. Je lui ai ri au nez : « Moi, diacre ? Tu rigoles ! »
A quoi bon, me disais-je, recevoir une ordination pour témoigner de ma foi dans mon métier ? Et surtout à quoi rime cette « cléricalisation » des laïcs ? Je n’avais, je l’avoue, pas une très bonne image de certains diacres apparemment surtout préoccupés d’enfiler une aube le dimanche et de « jouer les vicaires » ! Mais pouvais-je écarter d’un revers de main la demande que me formulait mon Eglise ? J’ai donc accepté de participer, avec ma femme, à un « groupe de discernement ». Je craignais de me retrouver avec quelques enfants de chœur poussés en graine et autres bedeaux confits en dévotion. J’en fus pour mes frais ! Autour de la table, ce soir-là : un infirmier d’hôpital, un assureur, un employé administratif et un ingénieur. La vie, la vraie !

J’ai alors commencé à entrevoir que l’intuition des Pères du Concile avait quelque chose de prophétique. Quelques années plus tard, au soir de mon ordination, un journaliste « en vue » qui, comme d’autres confrères, avait tenu à être là, m’a fait cette confidence : « Je ne suis pas certain de croire en Dieu mais je suis profondément touché que ton Eglise te délègue auprès de nous... »

En « recréant » le diaconat et en ouvrant ce ministère à des hommes mariés (et on l’espère, demain, à des femmes !), Vatican II a ouvert une porte sur le monde. L’Eglise en France - où se célèbre chaque année désormais autant d’ordinations diaconales que presbytérales - comptera bientôt deux mille diacres.

Ceux-ci, le plus souvent engagés dans le mariage et la vie professionnelle, sont présents dans de nombreux secteurs de la société : le monde médical, social, syndical, l’univers de l’entreprise, de l’armée, de la politique, du commerce... Dans l’épaisseur du quotidien, ils essaient de témoigner de l’espérance du Christ. Non pas en se mettant « à part », mais en vivant toutes les dimensions de la vie des hommes et des femmes auxquels ils sont envoyés. Les diacres - qui ne sont en rien des « superchrétiens » ! - partagent tous les aspects du quotidien des hommes : les bonheurs et les difficultés de la vie conjugale et parentale ; les joies et les blessures de la vie professionnelle ; leur prière est habitée du tumulte du monde dont ils partagent les inquiétudes et les espoirs. Comme « ministres ordonnés » - on dit que les prêtres, comme pasteurs de la communauté, et les diacres, comme serviteurs de la charité, sont « les deux mains » de l’évêque - les diacres tentent de vivre l’annonce de l’Evangile à la charnière entre l’Eglise et le monde. Au monde, ils essaient de dire l’Eglise ; à l’Eglise, ils viennent dire les échos du monde.

La posture, souvent, est délicate : le diacre doit être « bilingue ». Il lui faut à la fois parler la langue de la culture contemporaine et celle de l’Eglise, être un « passeur » entre des « planètes » qui se connaissent peu, et qui, parfois, se suspectent. Le diacre doit vivre « aux frontières », compagnon fraternel à la fois de ceux qui croient au ciel et de ceux qui n’y croient pas. Le diacre a pour mission en effet de rappeler qu’une Eglise « entre soi » n’est pas l’Eglise du Christ ! Redire qu’il n’y a pas d’eucharistie possible sans lavement des pieds, pas d’agenouillement devant l’autel sans agenouillement devant l’homme...

paru dans Panorama n° 404



Fidélité et engagements

Pierre Guinand
diacre du diocèse de Saint-Etienne


Pierre Guinand, marié à Monique, est agent EDF. Il a quatre enfants et six petits-enfants. Il a été ordonné diacre sur la paroisse Saint-Timothée-en-Forez
le 23 avril 2005.

C’est l’histoire d’une redécouverte. Il y a quelques années, Pierre Guinand retrouve le chemin de I’Eglise. Entré dans la vie professionnelle comme apprenti puis salarié dans une grande entreprise, il s’est engagé syndicalement. Peut-être un peu déçu par la fidélité des hommes à leurs idéaux - il reste discret sur ces raisons - il prend au bout de quelques années du recul sur ce militantisme. Et redécouvre, en Jésus et dans l’Eglise, de profonds ferments de fidélité et d’engagement auprès des plus pauvres et des plus démunis... et cela fait tilt en lui. « Pendant dix à quinze ans, j’étais assez loin de I’Eglise. J’ai constaté que si je m’en étais éloigné pendant quelques années, c’était surtout par ignorance de sa doctrine que j’ai redécouverte aujourd’hui. Si elle porte une attention à tout homme sans exception, elle a une priorité envers les plus petits, les handicapés, les migrants, les plus faibles comme toute l’action de Jésus. C’est à ce moment que j’ai retrouvé le chemin de l’Eglise à travers Jésus. Le seul qui était vraiment resté fidèle c’était bien lui. Le Christ m’a remis dedans. »

Un Christ qui prend une forme bien humaine pour l’appeler vers le diaconat. En effet, c’est une animatrice en pastorale, responsable de la catéchèse, qui l’interpella alors, lui remettant dans le même temps un numéro spécial de Fêtes & Saisons sur le diaconat. L’idée fera son chemin en lui. Deux ans plus tard, le Père Jean-Mathieu Barbier, curé de la paroisse, redouble l’appel en lui demandant d’y réfléchir. II dit oui.
Aux termes de cinq années de discernement et de formation, avec sa famille derrière lui en soutien actif, il situe bien humblement sa mission dans la continuité de sa vie de baptisé. « J’ai encore mieux compris que nous étions l’Eglise et qu’il était de notre responsabilité de baptisés qu’elle soit et demeure une Eglise servante. Comme diacre il sera de ma mission d’être serviteur à l’exemple du Christ, mais aussi de ma responsabilité de rappeler fraternellement à la communauté que c’est également la sienne. »

Il a fait beaucoup de catéchèse et d’aumônerie mais entre aussi en contact avec les associations La Passerelle et Anticyclone : « une mission auprès de ceux qu’il faut remettre debout, les plus démunis. »
Marqué par son expérience de catéchiste, il se questionne aujourd’hui sur la meilleure façon pour l’Eglise de reprendre contact avec les gens du seuil. « Comme tous les baptisés, on est la parole de l’Eglise. Mais comme diacres on a plus une charge au niveau du service de la parole, au service liturgique mais aussi et surtout au service de la charité. Dans le regard des gens on reste un peu laïc bien que l’on soit ordonné et, à ce titre, on est un peu comme des passerelles pour essayer de reprendre contact. »
Il souhaite ardemment que l’Eglise du troisième millénaire reste ouverte au monde et à ses réalités « en essayant de toujours redresser l’Homme ». Et pour lui, comme diacre mais aussi comme homme peut-être. Tout simplement, « garder la fidélité et rester au service du monde ».

paru dans Chrétiens en marche (diocèse de Saint-Etienne) n° 456, 22 mai 2005



Jean-Michel, l’Eglise t’appelle

Jean-Michel Bichot
diacre du diocèse d’Annecy



D’où je viens, et qui suis-je ? Mes racines et mon enfance se situent dans le département des Deux-Sèvres, dans une petite commune du bocage vendéen. Mes parents exploitaient une ferme, je suis né en 1949 et l’aîné d’une famille de six enfants.
Aujourd’hui, je suis marié depuis trente ans, et avec mon épouse Marie-Paule, nous avons eu cinq enfants. Un premier petit-fils (ou fille) est annoncé(e) pour début septembre !
Ma vie professionnelle est actuellement tournée vers le monde de l’informatique, et plus particulièrement vers tout ce qui touche aux réseaux et aux télécoms, et je suis également intervenant (enseignant avec le statut de vacataire) à l’IUT d’Annecy-le-Vieux. Etant employé dans une société de services ayant plusieurs sites en France et à l’étranger, je suis un habitué (malgré moi) des déplacements, des halls de gare, des aéroports, des nuits trop courtes, des tête-à-tête avec la table du restaurant, etc. C’est en 1985 que nous sommes venus habiter en Haute-Savoie (mutation) et nous nous sommes installés à Poisy, proche banlieue annécienne.
Au niveau de la paroisse, j’accompagne un groupe de jeunes (15-22 ans) depuis 1986. Les jeunes ont grandi, se sont renouvelés, mais moi je redouble tous les ans !

Il y a maintenant douze ans, c’était à Pâques 1992, que l’appel au diaconat permanent m’a été adressé. Sur le moment j’ai cru à une farce... Ce fut un choc ! Pourquoi moi ? Un dimanche de Pâques pas tout fait comme les autres, et qui ne laisse plus en paix. Rien ne sera plus comme avant.
Huit années à avancer comme un âne, un pas en avant, un pas en arrière, voire davantage, à lire un passage de l’Evangile : « Viens, suis-moi... », « Lâche les amarres et avance au large... » Ces quelques mots ont fini par me convaincre que l’appel me concernait réellement. Depuis plusieurs années je rencontre des jeunes et ensemble nous discutons beaucoup, mais est-ce suffisant ? Qu’est ce que l’Eglise attend de moi ?
Par rapport à cet appel, certains étaient dans la confidence. La raison pour laquelle je ne voulais pas trop en parler était la suivante : préserver ma liberté de décision sans avoir un poids trop lourd sur les épaules.
Il y a quatre ans, en acceptant cet appel, je me suis tout d’un coup senti soulagé, serein et bien dans ma tête, dans mon corps... bien dans mes baskets... J’ai même retrouvé le sommeil ! Je me disais qu’il me fallait faire confiance, que la peur est la plus mauvaise des conseillères... Lorsque l’on s’engage dans le mariage, sait-on où cela va nous mener ?

Mais au fait à quoi ça sert un diacre ? Quel est le rôle, la mission du diacre ?
Pour moi, il est clair que cet engagement n’a pas pour but de pallier le manque de prêtres, ni de les suppléer, mais bien d’être un signe de l’Eglise vivante et présente dans la société. L’image du passeur, un pied dans l’Eglise, un pied dehors pour faire le lien entre le dedans et le dehors, me plaît bien. L’Eglise ne se vit pas en comités isolés, ou à l’occasion de célébrations, mais elle se doit d’être présente partout et d’atteindre le plus grand nombre. D’ailleurs, pour constituer l’équipe d’accompagnement, j’ai choisi des personnes issues de mon entourage professionnel (pas forcément catho), des personnes du quartier (pas forcément catho), des jeunes, et des personnes de la paroisse. C’est avec cette équipe que nous avons cheminé ces dix-huit derniers mois pour confirmer ou infirmer mon oui.
Le diacre est rattaché directement à l’évêque, c’est lui qui donne la lettre de mission le jour de l’ordination. Le diacre ne dépend pas du curé de la paroisse, mais il n’en est pas moins vrai qu’il vit dans une paroisse et qu’il est invité à participer à la vie même de la paroisse, comme chaque baptisé.
En ce qui me concerne, mon premier engagement c’est bien mon mariage, et ma famille. Le diaconat, même s’il n’est pas secondaire, restera second ; c’est bien là une chose à laquelle je suis très attaché, et devrai rester vigilant. Je suis également conscient qu’il me faudra apprendre à dire non, car le piège est tout prêt : si le curé n’a pas le temps, on va demander au diacre pour un baptême, pour un mariage, une sépulture, il fera ça très bien ! Certains n’ont même pas attendu l’ordination pour demander un service !!!

En acceptant le diaconat, je ne suis pas un surhomme et ne cherche pas un titre honorifique. Je suis comme chacun d’entre nous avec toute mon histoire, avec mes fragilités, avec mes limites. Je n’ai rien fait d’extraordinaire. Ce que je souhaite vivement c’est que mes relations avec toutes celles et ceux que je connais, et avec tous les autres, ne soient pas modifiées ou altérées. Jésus en choisissant ses apôtres les a appelés dans leur condition humaine, là où ils étaient : ce n’était ni des stars, ni des gens remarqués. Il a suffi d’un appel : « Viens et suis-moi... avance au large... en eau profonde... jusqu’à perdre pied... n’aie pas peur ! »
Ce dont je suis convaincu, c’est de l’immense patience de Dieu, car par delà tous mes atermoiements, II est toujours là, présent comme un ami qui m’encourage et me soutient.

paru dans La Page de Saint-André (diocèse d’Annecy), octobre 2004



Pour l’annonce de l’Evangile, le service des hommes et de l’Eglise

Jean-Yves Baudry
diacre du diocèse de La Rochelle


Le 28 novembre 2004, Mgr Georges Pontier ordonnait diacre permanent Jean-Yves Baudry, en la cathédrale Saint-Pierre de Saintes.


Jean-Yves, qui es-tu ?

Marié avec Annie depuis trente et un ans, agriculteurs. Et, selon la belle expression d’une pauvre indienne, « Dieu nous a donné » huit enfants, dont un que nous avons adopté. Si bien qu’un de nos enfants, petit, nous dit un jour : « Est-ce que nous aussi on a été adoptés ? » Deux sont encore étudiants, et une de nos filles perpétue la tradition familiale de coopération, au Burkina. Ordonné à 58 ans, ce n’est plus très jeune ! C’est aussi l’âge moyen des diacres permanents en France. Dieu m’a attrapé, en prenant son temps, et c’est bien ainsi, pour ce qui nous concerne, car élever une grande famille est une aventure qui demande déjà beaucoup, surtout pour la maman !
Nous continuons cette aventure de la parentalité, en étant depuis dix ans famille d’accueil ou « assistants familiaux » avec la garde permanente d’enfants en difficulté. Elever les enfants des autres, c’est un métier qui nous fait découvrir bien des misères cachées de notre société, et le travail anonyme et difficile de beaucoup de travailleurs sociaux.


Peut-on dire que le diaconat est une « vocation » ?

Au sens d’un « appel », oui. Précédé de divers engagements et responsabilités, il prend ses sources très loin, à des moments de notre histoire personnelle et de couple que nous ne soupçonnions pas et qui, relus et partagés, permettent de dire au bout du compte : « Tu étais là, Seigneur... me voici, qu’en moi soit faite ta volonté... » C’est alors un abandon confiant entre les mains de Dieu.


Comment devient-on diacre ?

Justement, un jour sur notre chemin habituel, dans les préoccupations du moment, quelqu’un nous lance : « Eh toi là-bas, viens voir ; venez voir... Accepterais-tu de réfléchir au ministère diaconal ? » C’est cette lettre d’interpellation, reçue dans le courrier du matin, sans qu’on s’y attende, qui déclenche une démarche de réflexion, discernement et formation sur cinq ans, vécue avec d’autres « interpellés » au niveau régional. Pour aboutir à l’appel définitif de l’évêque que lui seul prononce au nom de l’Eglise.


Que retiens-tu de ce temps de formation ?

Un temps exigeant, d’avancée spirituelle et d’humanité. L’apprentissage d’un nouveau regard à travers les thèmes théologiques abordés dans le « programme ». Des intervenants de grande qualité. Une vraie fraternité entre nous, de situations extrêmement variées. Un temps vécu - pour ce qui nous concerne - dans une diaconie réelle par Annie qui restait souvent « de garde » à la maison.


Comment as-tu vécu cette ordination ?

D’abord il a fallu, plusieurs mois auparavant, préparer cette cérémonie, et dans les plus petits détails : c’est plus compliqué qu’un mariage ! La mise au point des textes, des chants, des gestes liturgiques a demandé un grand nombre de participants (un bon groupe de femmes et des gens loin de l’Eglise...) Cela a été, je crois, une réelle « liturgie » (action du peuple), « œcuménique » (de la terre entière), que nous avions voulu belle, simple et signifiante. où chacun avait sa place.
Beaucoup de gens nous ont dit avoir été touchés. Quelque chose (Quelqu’un ?) leur avait parlé. Dieu s’est partagé ce jour-là, et a accepté nos pauvres offrandes, nos deux tourterelles et le vin qui résume tout.
Pour ma part, je m’en étais remis complètement à l’Esprit Saint. Heureusement, car jusqu’au dernier moment il a fallu « gérer » l’ordinaire et les imprévus, comme de passer deux heures, la veille, aux urgences de l’hôpital avec un enfant !
L’assemblée entière m’a vraiment porté par sa présence, ses chants... Parmi les moments les plus forts pour moi, il y a eu le consentement d’Annie : « Oui, je l’accepte, dans le oui de notre mariage... » La prière litanique pendant la prostration, avec Annie à genoux à mes côtés : là, on est vraiment petit, seul avec Dieu : j’entendais chanter comme dans le lointain... l’imposition des mains par le Père Pontier que j’aime appeler « successeur des apôtres et père des pauvres »...


Quelle est ta mission, donnée par l’Evêque ?

Le Père Pontier m’envoie, en lien prioritaire avec les services diocésains, auprès des personnes ayant un handicap pour veiller à ce que la tendresse de Dieu les touche, et pour ouvrir la communauté chrétienne à ce que les handicapés nous disent de Dieu. Evidemment, ma mission première reste - comme pour tout diacre permanent - le service auprès de ma famille et dans mes relations de travail, en étant signe du Christ serviteur.


Comment vis-tu ce diaconat nouveau ?

Comme un vin nouveau ! Plutôt bien, avec cette grâce de l’ordination, qui m’accompagne désormais, et dont je découvre les parfums, aussi divers qu’inattendus ! Dans le relationnel avec les gens : un baptême, quelques mariages prévus, une célébration d’obsèques, une prière avec les chasseurs, un dialogue au téléphone avec J.M. perdu sur sa route, une conversation avec cette maman qui souffre... et l’écoute des rencontres relatées par Annie.


L’ordination a-t-elle changé quelque chose ?

Incontestablement. Je suis perçu autrement, bien que n’ayant pas changé d’aspect ni de vêtement ! Je m’amuse quand - en aube - des gens ne me connaissant pas me servent du « Mon Père », ou quand on apprécie le fait d’avoir « deux prêtres » pour dire la Messe ! La promotion du diaconat reste encore à faire quarante ans après Lumen Gentium !
Ma perception des gens a aussi changé : ils sont le visage du Christ et ils me disent, en ce moment précis où je les regarde et les écoute, quelque chose de Dieu.


Quelles sont tes relations avec les prêtres ?

Les prêtres de Pons m’accueillent une fois par mois à déjeuner. Cette convivialité régulière permet de nous ajuster quant à la pratique dans la liturgie des sacrements et à ma place en tant que diacre dans tel ou tel cas. Accueilli comme un frère, c’est pour moi l’occasion d’exprimer ce qui fait ma vie de diacre marié, de père et d’agriculteur pas encore à la retraite !


Comment arrives-tu à équilibrer ton emploi du temps ?

C’est une question essentielle, à laquelle il faut veiller : prendre tout le temps qu’il faut pour prier, laisser à d’autres ce qu’ils peuvent (doivent) faire, se garder pour l’ordinaire de la journée et... ne pas empiler les réunions ! Se promener et faire des cabanes dans les bois le dimanche après-midi !


En conclusion ?

Le diaconat ne peut se « dire », il se vit, à la manière d’un tissu sur le métier. Je souhaite que des hommes mariés, de toutes professions, se laissent toucher par l’interpellation, et que des épouses puissent accepter de vivre cette radicalité de l’Evangile dans le diaconat de leur mari, vécue déjà dans la diaconie du sacrement de mariage reçu ensemble.

paru dans Semailles (diocèse d’Angoulême) n° 216, mai 2005



Si je n’avais pas été appelé...

Nicolas Fabre
diacre du diocèse de Luçon

Si je n’avais pas été appelé, je n’aurais jamais pensé à être diacre. Je me souviens assez précisément de la façon dont nous avons reçu, Geneviève et moi, l’appel à suivre un chemin pour devenir diacre.
Nous ne nous y attendions pas du tout. Nous avions des engagements dans la paroisse et la vie associative à Mareuil (Chorale, OGEC, animation des chants, MRJC). Avec les activités des enfants, notre emploi du temps était bien rempli et nous n’avions pas envie de rajouter d’autres choses.
Aussi, lorsque deux membres du conseil de paroisse ont demandé à nous rencontrer ensemble, Geneviève et moi, nous nous disions : « Si c’est pour faire une activité de plus, on refusera, parce qu’on est assez chargés comme ça. » Et en même temps, nous étions heureux d’accueillir ces deux personnes que nous aimions bien. C’était à la maison, Geneviève se souvient encore de la date, le 13 mars 1997. Après quelques échanges de nouvelles sur nos activités, l’une d’entre elles nous fait la demande pour laquelle elles étaient envoyées : « La commission diaconat du conseil de paroisse a pensé que Nicolas pourrait devenir diacre. »
Il y a eu quelques secondes de silence... Il y avait beaucoup de délicatesse dans leur demande, on les sentait un peu gênées de nous déranger dans notre vie. J’ai eu un peu de mal à réaliser cet appel qui ne venait pas d’elles seules, mais de l’équipe du conseil de paroisse. J’ai aimé la façon dont elles nous l’ont transmis, parce qu’elles vivaient aussi, en même temps que nous, un moment important. Cette demande les engageait aussi un peu.


Comment avons-nous réagi ?

Il nous a fallu un peu de temps pour réaliser. Il y avait à la fois un peu de peur pour l’avenir, et en même temps une certaine joie d’être appelé à servir l’Eglise d’une autre manière. Je crois que ce qui nous a le plus touchés, c’est le fait d’être appelé par des personnes de notre paroisse. Cela signifiait pour nous quelque chose de fort de notre intégration dans Mareuil, et aussi quelque chose de fort de notre appartenance à l’Eglise que nous aimons et dans laquelle nous vivons. Après une dizaine de jours, nous avons pris des moyens pour comprendre plus concrètement ce qu’était le diaconat. Notre première démarche a été de rencontrer Jean-Marie Careil et son épouse Claude pour leur en parler. Puis d’autres personnes, appelées comme nous, et tout aussi dérangées que nous. Il faut un peu de temps pour laisser descendre au fond de soi une demande qui engage aussi loin. Il est important de laisser du temps pour répondre à un appel.
L’année suivante, avec cinq autres couples du diocèse, nous avons pris un temps de réflexion et d’information sur ce qu’est le diaconat, et ce vers quoi nous nous engagions. Nous avons fait le choix de rentrer en formation en octobre 1998.


A notre tour d’appeler…

Lorsque l’on rentre en formation diaconale, on commence par former une équipe d’accompagnement. Et là, c’était à notre tour d’appeler des personnes pour nous accompagner durant les trois années de formation. C’est une étape importante. Nous souhaitions que ce groupe soit le plus ouvert possible sur le monde dans lequel nous vivons, sur nos lieux de vie les plus proches. Choisir chacun des membres en pensant à lui, à la façon dont il va accueillir la demande, à la place et au rôle qu’il aura dans l’équipe, c’est une démarche qui nous engage, et qui nous met en marche avec eux.
Souvent, la première réponse est : « Est-ce que je serai capable ? » Je crois que c’est une peur naturelle. Je pense au témoignage d’Hubert, qui s’est posé la même question pour le diocèse d’Agen. Merci Hubert de te poser les mêmes questions que nous, et surtout merci pour ta réponse.


Alors, « Appeler, pour quoi faire » ?

Bien souvent, les personnes que l’on rencontre pensent que les diacres sont appelés parce que nous manquons de prêtres, et qu’il faut bien trouver des solutions pour les remplacer. C’est vraiment une idée fausse. Les ministères sont bien différents. Je suis très heureux de voir que le diaconat se développe (treize personnes en cheminement dans notre diocèse). Mais ce n’est pas pour combler un manque. Que nous soyons prêtres, diacres ou laïcs, nous ne sommes pas appelés pour combler un manque. Nous sommes appelés pour nous mettre en route, et pour mettre en route avec nous ceux qui sont autour de nous. Peut-être avons nous à changer certaines idées, et orienter notre regard d’une autre manière.
Et si le Synode était l’occasion d’avoir la joie d’appeler... ou d’être appelé ?

paru dans Vocations Vendée, mars 2005