Une association d’aide psychologique


Par les Pères Jean Galy, ofm, et Henri Pérennès, sm, membres de l’Association Médico-psychologique d’Aide aux Religieux.

C’est en 1956, semble-t-il, qu’a été demandée pour la première fois par la Congrégation des Religieux une attention spéciale aux "aptitudes psychiques" des candidats, en recourant à des experts éprouvés. En conséquence, à la demande du Comité Permanent des Religieux de France, l’Association Médico-psychologique d’Aide aux Religieux (AMAR) a été fondée en 1961. Les Pères Plé, op, et Beirnaert, sj, furent chargés de la réalisation effective.

Composition et objectifs

L’AMAR est une association (loi 1901) dont les membres sont des religieux, des religieuses, des prêtres et des laïcs psychologues, médecins psychiatres ou psychanalystes.
Outre l’aide à apporter à l’accueil des candidats à la vie religieuse ou sacerdotale, l’AMAR a été sollicitée rapidement pour d’autres tâches, notamment la formation de formateurs, l’aide aux religieux en difficultés et les problèmes relationnels dans les communautés. L’AMAR continue toujours à répondre aux demandes qui lui sont faites sur ces sujets. Les services de l’AMAR sont demandés également par des congrégations de religieuses, par des prêtres, et par des séminaires diocésains.

L’AMAR a mis en place un dispositif d’accueil pour les personnes désireuses de s’engager dans la vie religieuse et/ou la préparation au sacerdoce. Ce dispositif consiste en quatre entretiens dont je voudrais faire une rapide présentation et esquisser une analyse (1).

Les personnes en cause

A - En premier lieu, bien évidemment, le (la) candidat(e) prend contact avec nous, soit à sa seule initiative avant toute entrée dans un Institut ou Séminaire, soit sur la suggestion de l’Institut ou Séminaire avec qui il (elle) a pris contact.

Ces entretiens surviennent à un moment donné de son histoire personnelle et de sa vie de croyant baptisé, au terme d’un parcours marqué par un appel, avec toutes ses composantes conscientes et inconscientes. Il s’agit de l’accueillir tel qu’il est, là où il en est.

B - Ensuite les trois personnes qu’il lui est proposé de rencontrer, sans qu’aucune d’entre elles n’ait eu au préalable d’information particulière sur le (la) candidate) qui se présente :

  • un religieux ou une religieuse de l’AMAR ayant eu des responsabilités dans la formation ou le gouvernement de leur Institut ainsi qu’une formation et une expérience de psychothérapeute. Il (elle) sera plus attentif(ve), dans l’écoute de l’histoire du (de la) candidat(e), à tout ce qui concerne sa recherche et sa rencontre de Dieu, son cheminement spirituel, les modalités de l’appel entendu et son ouverture aux autres.
  • un psychologue de l’éducation qui a une longue expérience des jeunes et tout particulièrement de jeunes candidats au sacerdoce et à la vie religieuse. Dans l’histoire du candidat, il sera plus attentif à tout le domaine du développement psychologique au plan de l’affectivité, de la sexualité, du jugement et de la maturité personnelle.
  • un ou une psychiatre-psychanalyste qui porte son écoute et sa compréhension, dans la présentation spontanée que fait le jeune de son parcours, à "son histoire la moins consciente, la plus ancienne, la plus affective concernant les premières années de sa vie" ; en d’autres termes, ce qui touche davantage les structures profondes de la personnalité.
  • le quatrième entretien consiste en une synthèse faite avec le spécialiste rencontré en premier lieu. Synthèse constituée
    • par ce qu’a perçu ou retenu le jeune de ses trois rencontres ou les questions que cela lui pose,
    • par les conclusions d’un échange entre les trois spécialistes sur ce qu’ils ont entendu de la parole ou perçu de l’attitude du (de la) canditat(e). Il s’agit de lui donner un retour sur ce que nous avons pu entendre et comprendre de sa parole, de son histoire avec quelques indications éventuelles pour le futur et la poursuite de son projet.

C - Enfin l’Institut ou le Séminaire : nous lui adressons une réponse assez générale qui comporte, en gros, rois types d’avis :
a) la Commission de l’AMAR ne relève pas de contre-indication psychologique nette pour la poursuite d’un projet d’engagement dans la vie religieuse ou sacerdotale.
b) elle relève quelques problèmes psychologiques qui gagneraient à être clarifiés avant tout engagement définitif.
c) elle enregistre actuellement des éléments de contre-indications psychologiques pour un engagement dans la vie religieuse ou sacerdotale.
Cette lettre est communiquée à l’intéressé et les termes définitifs en ont été établis d’un commun accord avec lui. La lettre lui est ensuite confiée pour qu’il la remette à son responsable. Il n’est pas donné d’autre information à quiconque sur le candidat.

Le sens de ces entretiens

Il s’agit de fournir à celui ou celle qui vient nous consulter à une période importante pour l’orientation de sa vie, un espace où il(elle) puisse, dans la vérité et la liberté dont il est alors capable, exprimer une parole personnelle sur son histoire, ce qu’il veut ou peut en dire, ceci hors de toute contrainte confessionnelle ou morale de notre part.

Les praticiens sont là pour lui offrir écoute et compréhension dans la formulation, pas toujours facile, d’une parole personnelle sur un choix qui l’engage au plus profond de lui-même. Ce n’est ni un examen ni un jugement d’expert sur la réalité ou la validité d’une vocation. Le candidat est invité à s’exprimer aussi directement et spontanément que possible : il dit ce qu’il veut et comme il le veut à chacun de ses interlocuteurs. C’est la même histoire qu’il essaie de dire et c’est pourtant trois entretiens différents qui l’amènent parfois à formuler clairement des points de son itinéraire qui lui demeuraient encore obscurs. Le but essentiel de ces entretiens est donc de permettre aux candidats de dire leur parole à des tiers non liés à l’institution où ils s’engagent ni à la poursuite ou l’abandon du projet vocationnel. Le souci des spécialistes est seulement de leur faciliter l’accès à une parole vraie sur eux-mêmes, leur histoire et leur projet actuel pour qu’ils soient plus au clair sur leur désir et puissent ainsi acquérir une plus grande autonomie dans le service de Dieu et de leurs frères.

Cela ne va pas toujours sans difficultés ou angoisses, mais beaucoup nous ont dit le positif et la satisfaction que leur donnaient, après coup, de tels entretiens et les horizons que cela leur ouvrait pour l’avenir.

L’AMAR ne se situe pas au niveau d’un jugement ou d’une décision à prendre à propos d’une vocation. Le rôle de l’AMAR est d’aider le candidat à trouver et dire sa parole, pour cela de lui dire éventuellement notre parole, mais, en aucun cas, de dire sur lui une parole à qui que ce soit à son insu.

On comprend dès lors que l’AMAR ne peut donc aider à établir des statistiques ou des profils-types, avec points forts ou faibles, des vocations d’aujourd’hui. Ce n’est ni son rôle ni sa manière de servir les vocations.

Ce qui ne nous empêche pas de constater ce qui est de notoriété publique. Le profil actuel des vocations est très différent de celui des noviciats ou séminaires des années 1950 et 60 : âge plus élevé des entrées (22 à 33 ans et plus), expérience humaine et affective plus large (études, Baccalauréat et plus, Faculté ou Ecoles Supérieures, expérience professionnelle ou chômage, armée ou Coopération, expérience de mixité, participation à des actions humanitaires), ce qui ne signifie pas nécessairement une maturité plus grande dans tous les domaines.

Parfois rencontre du Christ dans des conditions surprenantes et inattendues ou désir d’engagement radical à sa suite allant de pair avec une culture religieuse rudimentaire. Enfin, encore et toujours, étonnante capacité de générosité et de don de soi, après des années de tâtonnements, voire de "galère" et de retournements de situation.

L’Esprit est toujours au travail même si "tu ne sais d’où il vient ni où il va."

Jean Galy, ofm
H.Pérennès, sm.

Note -------------------------

(1) Secrétariat de l’AMAR : 5 avenue Pasteur - 94340 JOINVILLE-LE-PONT tél. : (1) 48 83 20 21. [ Retour au Texte ]