Le discernement, au noviciat et en amont


La demande qui m’a été faite est celle d’un témoignage réflexif. Je vais donc commencer par me présenter, en me situant du point de vue de l’accompagnement des vocations et en même temps des liens que je peux avoir avec les Services des vocations, Service régional des vocations féminines et Service National des Vocations. Je suis religieuse auxiliatrice - une congrégation de spiritualité ignatienne. Depuis quatre ans, je suis chargée du noviciat et ai accompagné six novices, entre vingt-six et trente-six ans. J’enseigne également à tiers de temps la théologie et la spiritualité au Centre Sèvres.

Sylvie Robert
religieuse auxiliatrice

Dans mon institut, je suis responsable aussi de la candidature : quand une personne se pose la question de la vie religieuse de manière suffisamment forte pour envisager d’entrer au noviciat, qu’elle nous connaît déjà un peu, que nous la connaissons déjà un minimum, qu’elle a pu aller voir ailleurs, dans d’autres congrégations, et que cela l’a confirmée dans le désir d’entrer chez nous, que nous pensons que la question peut se poser sérieusement, nous lui proposons l’entrée en candidature. Il s’agit d’une étape de connaissance mutuelle et de discernement, de durée variable, avec un lien régulier avec une communauté, en général sans séjour durable en communauté, un accompagnement spirituel par une auxiliatrice, une retraite ignatienne, plus ou moins longue selon les cas. Ma responsabilité, c’est de vérifier si c’est le moment pour quelqu’un d’une entrée en candidature, de voir avec la provinciale le lieu et les conditions précises de cette candidature. Je n’accompagne pas moi-même les candidates mais suis en lien avec l’accompagnatrice de la candidate pour veiller au bon déroulement de la candidature ; je vois la candidate au moment où elle en vient à demander à entrer au noviciat.
Je rencontre aussi des jeunes - ou moins jeunes - qui se posent la question de la vie religieuse et qui me sont envoyées par des prêtres ou religieux et religieuses que je connais ; parfois ces jeunes sont passés par un SRVF ou SDV.
J’accompagne également des retraites de jeunes, hommes ou femmes, en particulier pour un choix de vie.
Parmi les jeunes femmes qui sont entrées récemment au noviciat ou qui sont venues me voir pour faire connaissance avec la congrégation, que ce soit mûr ou non, très peu avaient été en lien avec un SDV ou SRVF - à peu près 10 % de la totalité de celles que j’ai vues. Sur celles qui sont entrées, une sur trois était passée par une « équipe de recherche » du SRVF.
Quant à moi, j’ai peu l’expérience des liens avec les SDV : je n’ai jamais participé à leurs activités ; j’ai une fois ou l’autre pris contact, de moi-même, avec tel ou tel responsable de SDV sans que j’aie senti que cela suscite un réel intérêt ou une quelconque suite ! Il ne m’est jamais arrivé d’être sollicitée pour un témoignage, un éclairage, un accompagnement.

J’ai pris la question qui m’a été posée en termes de liens entre instituts religieux et SDV et de mes attentes éventuelles par rapport aux SDV à partir de mon lieu principal de travail et d’observation - le noviciat - et du discernement qui s’y fait. Mais je ne peux faire abstraction de ce que la rencontre de personnes venues me voir explicitement pour une question posée en terme d’appel à la vie religieuse a pu me faire observer. Cela m’a conduite à me demander quel genre de discernement était nécessaire en amont de l’entrée au noviciat ou même de la candidature ; c’est dans ce cadre que je situerai le type de service que peuvent, parmi d’autres, rendre des SDV.

Le discernement au noviciat

Le noviciat, période essentielle de discernement

Je n’hésiterai pas à dire que le noviciat est une - est la - période essentielle de discernement d’une vocation. En effet, c’est un temps où l’accent est mis sur l’expérience spirituelle, où tout est mis en œuvre pour cela. Or seule l’expérience spirituelle peut être le lieu d’un discernement. J’entends ici par expérience spirituelle cette rencontre du Christ, cette relation avec lui où il devient véritablement quelqu’un en même temps que se fait la naissance du sujet qu’il rencontre. Une consistance nouvelle est donnée à mon existence en même temps qu’à la sienne pour moi ; c’est la rencontre de deux libertés, avec ce que cela a d’unifiant, mais aussi de rude : pas d’expérience spirituelle sans que l’on ne soit touché au plus vif de soi-même. Pour reprendre l’expression de Dominique Bertrand, se vit alors « l’épreuve de la réalité de Dieu dans toute la réalité de l’homme ». Dans le noviciat tel que nous le vivons, la retraite des trente jours d’exercices spirituels joue un rôle central comme lieu d’expérience de relation au Christ, à laquelle préparent les trois premiers mois et dont la suite du noviciat vérifie l’incarnation dans la durée et toute la profondeur de l’existence.
Le noviciat est également un temps d’expérimentation de soi-même dans la manière de vivre de l’institut : vie communautaire, connaissance des sœurs, apprentissage de la manière de vivre les vœux, la mission, l’unité de son existence. Il ne s’agit plus de connaître de l’extérieur la vie auxiliatrice, mais de s’éprouver et de se laisser éprouver du dedans, de se laisser connaître en situation. Rien ne remplace cela.
Pour cela, le noviciat met dans des conditions propres : l’entrée marque un pas décisif ; elle plonge dans le bain de l’institut : les novices vivent la vie de l’institut, non pas en passant ni en gardant leurs lieux de vie ailleurs - elles apprennent l’institut comme lieu de vie et se livrent au travail d’osmose que cela permet. L’entrée est toujours de l’ordre d’un plongeon vigoureux. La rupture marquée à ce moment-là, par rapport au travail, aux relations antérieures, au mode de vie précédent, joue un rôle capital de révélateur de la disponibilité et du désir, des attachements et de ce qu’il y a à travailler ; elle met vraiment en conditions de se centrer véritablement sur le Christ.
Le dispositif du noviciat est fait pour permettre le discernement : mise en place de la prière, retraites, alternance des expériences qui jouent comme autant de mises en situation d’expérimentation, relecture de vie, accompagnement très suivi par la responsable du noviciat, une fois par semaine, en ayant préparé le rendez-vous sur la base de ce qui se vit dans la prière et dans l’ensemble de l’existence. La durée du noviciat (pas moins de deux ans, pas plus de deux ans et six mois), la pédagogie, dans sa progression et son contenu (non pas des enseignements mais des apports en lien avec l’expérience vécue ou à vivre et qui ont pour but de faciliter l’engagement dans cette expérience et sa relecture), tout est au service de l’expérience et du discernement qu’elle permet.

L’enjeu du discernement au noviciat

Si quelqu’un est admis au noviciat, c’est qu’il semble que seule l’expérience du noviciat peut vérifier si la vie religieuse dans l’institut est bien le chemin où Dieu l’appelle à déployer toute sa vitalité pour son bonheur et celui d’autres. Et l’enjeu de fond du discernement au noviciat est bien celui-ci : est-ce que la novice devient plus vivante, descend au fond d’elle-même jusqu’à la source de vie ? Est-ce qu’un travail de fondation s’opère, qui dégage une vitalité au contact des autres et pour d’autres ?

Les lieux décisifs

Quels sont alors les lieux humains et spirituels décisifs ?
Le premier, c’est bien sûr une relation personnelle, vivante avec le Christ, tant dans la prière que dans l’ensemble de l’existence. Si cette relation est authentique, elle s’incarne : la personne entre dans un plus grand réalisme dans son rapport à elle-même, à l’institut, à la vie religieuse, à l’ensemble de l’existence, dans une relation personnelle et vivante au Christ.
Pour cela, sont révélatrices la disponibilité de fond aux propositions qui sont faites au noviciat et la capacité à en tirer profit, et une résonance personnelle à ce qui fait la vie religieuse à la manière de l’Institut, dans toutes ses dimensions - l’accompagnateur est alors témoin et bénéficiaire d’interprétations renouvelées, inédites, pleines de fraîcheur de la tradition de l’institut.
Une évolution positive dans la durée alliée à la perception comme à l’acceptation que le chemin de conversion et d’intégration n’est pas fini au noviciat, un certain bonheur, même traversant des crises, un désir et une détermination à avancer sont des signes qu’il est possible de s’engager.
La relation aux pairs - et pour cela l’accueil des novices de l’année suivante - et la relation à la responsable de noviciat me paraissent des postes d’observation fort importants ; la liberté intérieure profonde et le décentrement de soi sont des critères décisifs.
Tout cela pourra conduire à s’interroger sur le type de discernement qui est nécessaire en amont. Mais auparavant, il me paraît nécessaire de s’arrêter sur quelques observations faites à partir des personnes rencontrées ces dernières années, sur la base d’une question qu’elles se posaient d’un choix de vie religieuse pour elles.

Quelques observations sur les « demandes »

Je change ici de poste d’observation : il ne s’agit plus du noviciat, mais des rencontres, bien plus nombreuses que les entrées au noviciat, de personnes qui sont venues me voir parce qu’elles pensaient à la vie religieuse.

Du point de vue de l’avancée du cheminement

Il me semble qu’il y a grosso modo deux « catégories » de personnes : celles chez qui la question de la vie religieuse se présente sur la base d’une expérience spirituelle forte ­- ce qui ne veut pas forcément dire qu’il y ait appel à la vie religieuse - ; celles chez qui je ne sens pas, à ce qu’elles disent, une expérience de rencontre du Christ à ce point décisive que la question soit posée sur un bon arrière-fond. Dans ce dernier cas, il peut souvent s’agir d’une difficulté à vivre pleinement son humanité, mais ce n’est pas toujours le cas. Quoi qu’il en soit, il est important de repérer si cette expérience spirituelle forte est présente ou non.

Du point de vue des « profils » et parcours antérieurs

Là encore, deux groupes se dessinent. Certes, il y a ce que j’appellerais - sans le moindre jugement - des parcours assez « classiques », c’est-à-dire relativement proches des générations antérieures qui sont entrées (milieu chrétien pratiquant ou non mais éducation chrétienne, situation familiale un peu stable, évolution au sein du christianisme sans trop aller voir ailleurs, demande d’entrée sans qu’il y ait eu d’autre expérience d’engagement auparavant).
Mais les types de profils et de parcours autres sont aujourd’hui plus nombreux. Bien des personnes présentent des situations et parcours antérieurs « atypiques » - il nous faut laisser ce terme entre guillemets parce que la multiplication des parcours « atypiques » est elle-même un fait d’aujourd’hui - il n’y a pas deux parcours analogues ; c’est de plus en plus vrai ; peut-on établir même une « typologie » étant donné cette diversité ?
L’âge peut en effet, pour une orientation de vie, être élevé - allant jusqu’à plus de quarante ans. Il peut y avoir eu une première orientation ou appartenance, un engagement ou une expérience interrompue : passage par un ou plusieurs noviciats ou postulats ou liens étroits ou même engagement avec des congrégations ou communautés nouvelles ; concubinage ou divorce, avec ou sans enfants, veuvage.
Ou encore, c’est un choc personnel qui a pesé sur l’évolution humaine et a pu retarder la possibilité d’un engagement (problème de santé, épreuve familiale ou affective, accident) ; cela peut avoir entraîné ou non l’engagement dans un travail psychologique de fond, en cours ou à reprendre. Ou bien il peut y avoir eu un déracinement culturel choisi personnellement. Il n’est pas rare non plus que la première expérience spirituelle véritable ait été faite tardivement (après vingt-cinq ans au moins), ou que se présentent des personnes qui sont encore néophytes ou « recommençantes ».
Il faudrait signaler en outre quelques « itinérances » : le passage par d’autres aires religieuses (bouddhisme par exemple), ou la fréquentation de groupes New-Age - ou encore des relations sexuelles plus ou mois épisodiques ; parfois même un passage par la drogue ou l’alcoolisme.
Il est évident que tout cela peut s’expliquer par de nombreux éléments de notre contexte, socioculturel autant qu’ecclésial, qui font que les parcours sont plus longs avant une décision et plus sinueux. Du point de vue ecclésial, dans la mesure où nous ne sommes plus en chrétienté, l’expérience spirituelle peut surgir beaucoup plus tard, par des voies moins habituelles ; on peut vivre un certain temps sans avoir eu l’occasion de savoir ce qu’est la vie religieuse et de pouvoir même se poser la question d’y entrer. En outre, la situation des congrégations religieuses féminines apostoliques, dont le nombre est disproportionné dans une situation qui n’est plus de chrétienté, parmi lesquelles certaines n’ont pas une spiritualité suffisamment forte ou bien n’ont pas vu entrer de jeunes depuis longtemps, ou bien le succès de certaines fondations nouvelles avec les risques possibles de séduction et certaines carences dans le discernement pour les entrées font qu’il a pu y avoir des « erreurs d’aiguillage », plus ou moins graves.
L’explication est une chose ; elle ne suffit pas à dire comment le discernement à mener peut s’en trouver modifié.

Le discernement requis en amont

En abordant la question du discernement en amont de la demande d’entrée au noviciat, je regarderai le discernement dont on a besoin, me semble-t-il, mais aussi, en un second temps, les moyens qui s’offrent pour le faire.

Le discernement

Bien évidemment, la question essentielle est celle-ci : y a-t-il vraiment appel à la vie religieuse ? Est-ce le moment d’entrer dans l’expérience d’un noviciat ? La personne est-elle en mesure de vivre cette expérience et d’en tirer profit ? Pour cela, quels me semblent être les points d’attention indispensables ?

Une expérience spirituelle forte
Le tout premier discernement, c’est celui de la présence ou non d’une réelle expérience spirituelle forte. Rien ne peut se faire s’il n’y a pas eu une rencontre vraiment personnelle et personnalisante du Christ.
Comment en repérer la présence ? Tout d’abord en faisant confiance à ce que l’on « sent », de la même manière que nous sentons et reconnaissons que Dieu nous touche, nous atteint. Une expérience spirituelle se reconnaît par résonance : c’est avec l’expérience d’avoir soi-même été saisi par la relation au Christ que l’on sent une expérience de cet ordre chez l’autre. Non qu’il s’agisse de projeter sa propre expérience ou de guetter la similitude, ou de récupérer à son profit ce que vit l’autre ! Mais simplement parce que cette dimension, cette nappe d’expérience est en nous vivante. De ce lieu-là, nous pouvons entendre si la personne qui s’adresse à nous est vraiment saisie par le Christ, autrement que de manière sentimentale, abstraite, idéale, immature, et si c’est bien le Christ qui l’attire et non une personnalité, une émotion esthétique dans la liturgie, un idéal de soi, etc.

L’expérience nous fait repérer quelques « clignotants » significatifs ; c’est le contenu de ce qui est dit : l’expérience faite peut-elle se dire de manière précise et nette, comme décisive, mettant en premier la force de la rencontre du Christ et de l’attrait pour lui plus que le désir de trouver sa place, l’attrait pour telle congrégation ou tel type de service ? C’est aussi la manière dont la personne dit ce qu’elle a vécu et son désir : toute expérience spirituelle forte est toujours surprenante et modeste à la fois. « Je ne sais pas comment... voilà ce qui m’est arrivé... » Sont alors présents à la fois étonnement et engagement de tout soi-même : je sens vivre la personne quand elle parle ; et je la sens conduite, ne prenant pas les choses en mains, y compris dans l’entretien lui-même. J’entends une parole personnelle, incarnée, qui suscite vraiment l’écoute.
Il me semble de notre responsabilité, si nous ne sentons pas cette expérience spirituelle comme décisive, de le dire, délicatement, mais réellement. On n’entre dans la vie religieuse sur rien d’autre que sur une expérience spirituelle forte.

A partir de cette expérience spirituelle forte
Lorsque cette expérience spirituelle forte est présente, les parcours que j’ai appelés « classiques » et les parcours « atypiques » ne requièrent pas exactement le même discernement.
Dans le cas de parcours « classiques », il nous faut prêter attention à la vie de prière, à l’engagement de la personne dans son humanité, à ses engagements sociaux, professionnels, ecclésiaux, à sa liberté dans les relations, à sa connaissance effective de la vie religieuse, à sa connaissance intérieure d’une spiritualité, à ce qui a fait « tilt » dans la rencontre d’une congrégation, à la liberté laissée par ladite congrégation.
Dans le cas des parcours plus « atypiques », il y a en outre à être particulièrement attentif à l’équilibre affectif de la personne, à son rapport à son histoire, à son propre passé - comment se fait-il que la décision n’ait pu se prendre plus tôt ou que le parcours ait été sinueux, et comment la personne le vit-elle ? - à sa possibilité d’intégration dans un corps religieux - pourra-t-elle, avec le poids des habitudes acquises, vivre les vœux et la vie communautaire ? Quelle souplesse a-t-elle ? Comment sa propre histoire, déjà plus ou moins longue et structurante, pourra-t-elle n’être ni niée ni trop pesante pour que la personne puisse poursuivre sa structuration en une tout autre terre que la sienne ? Pour mener ces discernements, quels sont les lieux et les moyens qui s’offrent ?

Les lieux et moyens du discernement

Prenons d’abord les choses par le fond ! Et c’est dans ce cadre que j’aborderai ensuite le type de service que peuvent rendre les services des vocations.

Accompagnement spirituel et retraites
Je constate que chaque fois qu’il y a eu, avant l’entrée au noviciat ou la candidature, un bon accompagnement spirituel, tout se passe mieux ! Contre-épreuve : les carences ou faiblesses en matière d’accompagnement, du côté de la personne accompagnée ou du côté de l’accompagnateur, se ressentent toujours et ressortent sous une forme ou l’autre. L’accompagnement spirituel, ce n’est pas la conversation familière, gentille, voire affective ! Ce dont on a besoin, c’est d’un accompagnement réel, précis, attentif à la vitalité humaine et spirituelle de la personne, qui lui permette de regarder vraiment ce qu’elle vit, le réel de son existence, avec ses ombres et ses lumières, avec sa croissance et ses combats, et de nommer tout cela devant quelqu’un pour pouvoir prendre les décisions qui conviennent pour épouser le mouvement de la vie.
Plus la situation est complexe, plus cet accompagnement est nécessaire et doit être aussi vigoureux que fin et avisé, intégrant aussi la perspective d’un appel éventuel à un travail psychologique.
C’est en tout cas dans l’accompagnement spirituel régulier que peut se vérifier s’il y a expérience spirituelle ou comment elle peut se faire, si l’humanité de la personne est en place, quelle est sa docilité à se laisser conduire par l’Esprit dans son réel propre.
Une retraite accompagnée de cette manière peut être l’occasion d’une véritable expérience spirituelle ou déceler la résistance à cette expérience et les raisons du blocage. C’est un moyen de voir si la question de la vie religieuse repose bien sur une rencontre personnelle avec le Christ, demeure à ce feu, se situe sur ce fond. Une telle retraite n’est pas nécessairement d’emblée une retraite dite de « choix de vie » : pour vivre une telle démarche il faut en effet des préalables, notamment une expérience de la prière personnelle, de l’écoute de Dieu dans sa vie concrète.
Mais cela ne suffit pas sans un autre arrière-fond.

Un horizon qui reste ouvert
Il n’est pas possible qu’un discernement se fasse dans de bonnes conditions si la question, à peine posée, est déjà considérée comme résolue. Le discernement demande un minimum de jeu. En conséquence, tout ce qui peut favoriser l’ouverture d’une question ou d’un projet est bénéfique. C’est au moins l’ouverture à d’autres vocations possibles, à d’autres congrégations. Toute fixation est mauvais signe. La rencontre de couples, la découverte d’autres communautés que celle à laquelle on pense peuvent favoriser cette ouverture. Parfois, ce seront des expériences fortes de service, en France ou à l’étranger, ou de travail, de relation qui feront ouverture ou diront s’il y a ouverture. Cette ouverture de l’horizon est indispensable. Elle n’est pas contradictoire avec un autre élément.
La connaissance concrète de ce qu’est la vie religieuse
Il m’arrive de rencontrer des jeunes femmes qui portent une question posée en termes de vocation religieuse, mais ne savent pas bien en fait ce que recouvre la vie religieuse, ni dans le plus concret ni comme expérience spirituelle. A fortiori ne savent-elles pas ce que ce genre de vie peut faire pour elles et en elles ! Tant que le projet demeure dans les nuages, sans une confrontation au réel, il a peu de chances d’aboutir et risque bien de manquer de contenu.
En conséquence, comment les SDV et SRVF peuvent-ils être une aide dans le discernement des vocations ?

Les services que peuvent rendre SDV et SRVF

Des lieux de maturation et d’ouverture
L’expérience prouve que les services des vocations peuvent offrir des lieux de maturation humaine, ecclésiale, spirituelle à des personnes qui cherchent leur chemin. L’intérêt de ces lieux est qu’il est possible d’y aider quelqu’un à évoluer sans barrer d’emblée la question ou la déclarer nulle et non avenue alors même qu’elle n’est manifestement pas mûre. Le jeune y est pris à partir de sa question, pris au sérieux là, ce qui permet une confiance sans laquelle il ne peut avancer. Ces services offrent un espace de liberté : les fréquenter n’est pas de l’ordre d’un engagement avec un institut, ils permettent la rencontre d’autres jeunes ou moins jeunes qui se posent des questions analogues, sont en lien avec ou attirés par d’autres spiritualités, d’autres congrégations. La vie d’équipe y joue un rôle important. Tout cela est au service de l’ouverture de l’horizon que je mentionnais plus haut.
Mais cela ne veut pas dire pour autant que ces services aient à tout prendre en charge.

En complémentarité
Tout le discernement ne peut se faire dans ces services. En premier lieu parce qu’il y a des personnes pour lesquelles ce n’est pas dans un lieu explicitement orienté vers la recherche de sa vocation chrétienne que les choses se feront. Certains jeunes ont déjà d’autres lieux ecclésiaux forts, où ils sont accompagnés personnellement, d’autres désirent chercher de manière plus discrète, sans dire qu’ils participent aux activités d’un service des vocations, d’autres encore se sentent trop âgés ou ont un parcours trop complexe pour ne pas avoir besoin d’autre chose.
Dans bien des cas « atypiques », des séjours en communauté, à titre d’expérience, et en étant suivi de près, sont des lieux essentiels de discernement. Il y a, de toute façon, un discernement qui appartient à la congrégation en même temps qu’à la personne. Les services peuvent aider à repérer si l’expérience spirituelle est réelle ; ils ne peuvent assurer à eux seuls les conditions pour qu’elle se fasse : rien ne remplace initiation à la prière et retraites.
D’autres formules existent, qui sont aidantes, l’expérience le prouve : certains centres proposent un week-end destiné aux jeunes femmes qui pensent à la vie religieuse et qui les aide à voir comment faire un choix libre (Manrèse : « Repères pour choisir ») ; au sein d’une même spiritualité, est parfois proposée une série de trois week-ends dans l’année, très ouverts, auxquels il est possible de participer en totalité ou séparément, pour découvrir la vie religieuse à la manière de cette spiritualité (« La vie religieuse ignatienne : un chemin pour moi ? »). Des propositions comme celles de la Délégation Catholique à la Coopération ou des Jeunes Volontaires Européens offrent des lieux d’expérience humaine forte très favorable à faire mûrir un discernement.
Il nous faut sortir d’une perspective qui risque parfois de rester encore concurrentielle ou englobante. En outre, il nous faut veiller à certaines conditions.

 

Deux points d’attention majeurs
Si l’accompagnement est une pièce maîtresse pour le discernement d’une vocation, accompagner est une vrai « métier », qui demande une formation. Se faire accompagner suppose d’y être vraiment ouvert, de s’y ouvrir. A-t-on suffisamment d’accompagnateurs ? Et d’accompagnateurs vraiment formés pour ce type de discernement ? Et lorsque l’on demande ce service à quelqu’un, quel lien assure-t-on ensuite entre services et accompagnateurs ? Cette vigilance sur la qualité de l’accompagnement est capitale.
Une deuxième perspective est indispensable à tenir et à développer : c’est celle d’une meilleure connaissance mutuelle entre tous – en particulier une connaissance plus approfondie de la vie religieuse par les responsables des services des vocations, et réciproquement, pour les religieux, de la vocation presbytérale.

Bref, nous avons encore du travail à faire ensemble, dans le respect du travail que fait l’Esprit en divers lieux !