Un Service des Vocations au Forum des Métiers


Le Père Jean-Paul James, responsable du Service des vocations du diocèse d’Ille et Vilaine, nous livre son expérience de présence au Salon de l’Etudiant, à Rennes, il y a tout juste un an.

Les 27, 28, 29 janvier 1994, les Services des Vocations de Saint Brieuc, Vannes, Nantes et Rennes, ont participé au Salon de l’Etudiant à Rennes. Ce Salon, organisé tous les ans, par la revue l’Etudiant, a accueilli 65 000 visiteurs. Il était destiné à tous les jeunes de 16 à 25 ans, et plus particulièrement aux jeunes de Terminales.

Le stand "Métiers d’Eglise" était petit - 9 m2, pour des raisons de coût - mais il n’est pas passé inaperçu !

L’existence de ce stand a été possible :
grâce à l’expérience d’autres S.D.V. ayant réalisé la même opération dans leur région (Orléans, Poitiers, etc...),
grâce à la collaboration entre S.D.V. de la même région,
grâce à la collaboration entre S.D.V. et le Service "Chrétiens-Médias" de Rennes,
grâce à l’accord et au soutien du Conseil Episcopal de Rennes.

Pourquoi vouloir être présent à un Forum des Métiers ?

Ce Salon est une manifestation importante de la région. La majorité des 65 000 visiteurs sont des jeunes, accompagnés de leurs professeurs et se déplaçant, par classe entière, sur le temps scolaire. C’est un des lieux où s’expriment les attentes, les désirs des jeunes pour un futur métier, où se vit la recherche d’une profession.

Pour que les possibilités d’une vocation religieuse, sacerdotale, missionnaire ne disparaissent pas de l’horizon conscient des jeunes, nous avons voulu être présents à ce Salon. En effet, comment envisager une vocation quand on n’en a pas entendu parler ? Les lieux possibles pour répercuter l’Appel ne sont pas si nombreux ; celui-là nous a paru en être un, même s’il se situait en dehors de l’Eglise, et si les "Métiers d’Eglise" n’étaient pas des métiers comme les autres.

Intérêt trouvé par les animateurs du stand

Après le Salon, les trente-cinq animateurs du stand "Métiers d’Eglise" ont dit l’intérêt de cette initiative. L’équipe d’animateurs était composée de prêtres, séminaristes, religieux, religieuses, missionnaires, laïcs permanents en pastorale, personnes mariées, moine... Nous avions choisi également de parler de la Coopération.

* Pour beaucoup, notre présence au Salon a été vécue comme une démarche missionnaire. Bien sûr, l’Eglise était déjà là par l’intermédiaire des établissements de l’Enseignement Catholique, présentant leur filière de formation. Mais, à travers le stand "métiers d’Eglise", il s’agissait d’une présence plus explicite :

  • "Présence en un lieu où il y a des jeunes (et pour cause !) et en un lieu non-ecclésial." (un séminariste)
  • "...contente de rejoindre les jeunes sur ce Salon, à une étape de leur vie. Pour moi, c’est sortir des institutions ecclésiales, des mouvements d’Eglise pour aller vers... les jeunes. J’espère que notre présence a montré ou fait sentir que l’Eglise est au cœur du monde et qu’elle appelle des hommes et des femmes à son service." (une religieuse)
  • "J’ai vécu ce moment comme un service, une mission ; car, dans un lieu où on s’interroge sur le choix d’un métier, je me demandais comment répercuter la question du sens : un métier pour quoi ? pour qui ?" (une enseignante)
  • "Il s’agissait surtout d’échanger avec les jeunes sur ce qui faisait leur vie, leurs joies, leurs difficultés mais aussi leur dire une parole d’Espérance. Tout cela a fait grandir ma foi car je me redisais que la parole de Jésus est vraie : ’l’Esprit Saint vous inspirera ce que vous avez à dire’..." (une jeune laïque)

* Nous avons aussi cherché à mieux faire connaître les différentes vocations dans l’Eglise :

  • "Bonne initiative que de témoigner de la foi dans une place publique ; si on ne disait pas en quoi consiste la vie de l’Eglise, les jeunes n’en sauraient rien ; la plupart d’entre eux ne connaissaient pas l’Eglise." (un jeune prêtre)

    Les demandes d’information ou les discussions sur les vocations spécifiques n’étaient pas les plus importantes :
  • "on peut être frustré de n’avoir pas plus parlé de vocations... Mais cette présence peut réveiller chez certains un appel enfoui : je me souviens d’un jeune qui tournait autour du stand et qui, en fin de compte, attendait qu’on vienne le voir, qui voulait parler de son aumônerie, de ce qu’il y faisait... Discussion qui aboutit à la question : comment être prêtre ?" (un séminariste)

Des jeunes bienveillants, des adultes qui encouragent

Pendant le Salon, nous avons recueilli les réactions des jeunes à notre présence : nous avions choisi de distribuer des tracts, pour entrer en contact avec ceux qui passaient devant le stand. Près de 10 000 tracts ont été ainsi distribués.

  • La réaction des jeunes ? bienveillante, pas d’hostilité ni d’ironie, mais de l’étonnement à nous voir là. Ils arrivaient en groupes, prenaient le tract, puis certains revenaient, seuls ou à deux, pour bavarder. Occasion pour les jeunes :
      • de se présenter : "Je suis croyante", de dire leurs engagements, de dire leur joie de nous voir : "L’Eglise vient vers nous".
      • de questionner sur le sens de la vie, sur la façon dont l’Eglise comprend le monde moderne : beaucoup d’échanges autour de la vie professionnelle (des jeunes élèves d’école de commerce s’interrogeant sur les pratiques des Entreprises). Je me souviens d’une longue discussion avec des élèves d’une école de Marine marchande sur la morale sexuelle et l’Eglise.
  • Lorsqu’il y avait moins de monde, des échanges sur la foi chrétienne avaient lieu avec les exposants ; ou des demandes de renseignements :"Pour la première fois depuis que l’école existe (dix ans) des élèves sont venus me demander l’ouverture d’une aumônerie. A qui m’adresser ?" (un directeur d’école de commerce) Le samedi, des parents accompagnent leurs enfants pour s’informer. En voyant notre stand, réaction d’une maman : "Nous ne choisissons pas pour eux !" Des responsables des CDI (Centres de Documentation et d’Information) d’établissements catholiques sont venus chercher des documents ; des directeurs de collèges catholiques, en nous voyant, ont envisagé d’inviter les Services de Vocations dans leurs établissements.

Comment parler de vocation à des jeunes qui viennent chercher une idée de métier ?

Le stand animé par les S.D.V. s’était donné comme nom : "Métiers d’Eglise". Le nom était mentionné par une petite pancarte, en haut de chaque stand. L’expression "Métiers d’Eglise" a fait l’objet de critiques de la part de quelques-uns, qui auraient préféré appeler le stand "Vocations" ou "Services d’Eglise". Nous avions choisi ce nom, prenant acte de ce que, dans ce lieu, la recherche des jeunes était bien le choix d’un métier et d’une filière de formation. Nous en avons tenu compte également dans les fiches, présentant chacune des vocations spécifiques, et constituant un dossier remis à tous ceux qui le demandaient. Qui dit métier, dit compétence, dit aussi apprentissage. Par exemple, un descriptif des tâches exercées par le prêtre, ou de sa formation était donné sur la fiche le concernant.

1. Un métier pour quoi, pour qui ?

Qui dit métier dit ministère : les deux mots ont même racine. Le métier est aussi un service de l’homme.
C’est un peu la question du sens qui nous a servi de point de départ. Dans un dossier paru peu avant le Salon, l’aumônier national des étudiants évoquait la difficile question des choix d’avenir à faire, et citait un étudiant en fin d’études : "Je suis diplômé, j’ai la possibilité de choisir l’exercice de mon métier d’ingénieur... mais cela ne répond pas à une question plus fondamentale que je me pose depuis un certain temps sans avoir eu la possibilité, jusqu’ici, de la prendre au sérieux : que vais-je faire de ma vie ? quel sens lui donner ? depuis les classes "prépa", je suis pris dans un engrenage et c’est maintenant que je sens le moment venu de réfléchir autrement" (1)

Au bord des allées, une question sur deux panneaux, reproduite également sur les tracts : "Un métier, pour quoi ? un métier pour qui ?". Question que nous destinions à tous : tous n’étaient pas chrétiens, tous ne s’arrêteraient pas au stand, mais tous pouvaient entendre la question. A ceux qui étaient intéressés, les animateurs donnaient des informations sur les aumôneries d’étudiants, lieux possibles d’une relecture de ses choix.

2. Une référence explicite au Christ

Pour autant la foi n’est pas le simple écho du sens que les jeunes donnent à leur vie ; elle est don de Dieu ; elle est accueil de l’inattendu de Dieu ; elle est rencontre personnelle avec le Christ.

En préparant le stand, nous avions à l’esprit l’intervention de Mgr Thomas, au Congrès des Vocations à Lourdes, en 1991, et en particulier sa façon de définir la vocation chrétienne : "Tous les fidèles du Christ sont des hommes et des femmes qui peuvent et doivent dire : j’ai le grand bonheur de suivre la plus haute vocation, dont Dieu est la source permanente, dont je suis le premier bénéficiaire, et dont l’humanité a le plus grand besoin...". Et un peu plus loin : "Le disciple du Christ joue un rôle capital dans le monde qui peut penser de lui : cet homme, cette femme constitue pour les autres un signe de Dieu ; il pose la question de Dieu et de la foi ; il est lumière qui éclaire, levain, sel ; il est utile et reconnu ; sa vie est tout entière réponse à une vocation" (2).

A l’intérieur du stand, deux panneaux et deux phrases illustrées par des visages de religieuses et de prêtres :

  • Etre, dans le monde, un signe visible de la présence du Christ
  • Ce qui m’attire, ce n’est pas tant une fonction qu’une personne : le Christ ! Deux phrases prononcées par des jeunes, lorsqu’avec le service Chrétiens-Médias, nous réfléchissions à la façon de présenter le stand.

Une vidéo, passant en permanence, donnait à voir des images de communautés monastiques, de religieuses apostoliques, ainsi que de prêtres.
Dans le dossier remis à ceux qui le réclamaient, nous avions également choisi d’y reproduire une prière, celle de Charles de Foucauld : "Père, je m’abandonne à toi...".

3. Accueillir chacun et témoigner

Animateurs du stand, nous avons entendu la question de journalistes : "Est-ce parce qu’il n’y a plus beaucoup de prêtres ou de religieuses, que vous faites du marketing ?" . Occasion pour nous de rappeler que nous ne venions pas pour recruter, que nous n’avions aucun bulletin d’inscription dans un séminaire ou un noviciat. Notre mission se limitait à faire connaître ; à Dieu d’appeler...

Les éventuels visiteurs n’étaient pas, pour nous, des clients potentiels dont nous avions besoin pour faire marcher l’entreprise "séminaire" ou "noviciat", comme pouvaient l’être les jeunes s’informant près des écoles de commerce.
Nos "métiers" ne proposaient pas non plus de plan de carrière, ni de grilles de salaires. Les fiches rédigées pour chacune des vocations n’entretenaient pas l’ambiguïté à ce sujet. Exemple : pour la fiche "prêtre diocésain", une question : "Comment devient-on prêtre diocésain ? Cette vocation est le fruit d’un appel reçu de Dieu et de l’Eglise..."

Pendant toute la durée du salon, par ailleurs, il y avait possibilité de rencontrer un prêtre, ou un(e) religieux(se). Certains séminaristes ont eu à témoigner de leur vocation.

Parmi les animateurs au stand, des prêtres, religieux, religieuses ; ils témoignaient par leur présence de deux états de vie possibles ; certains plus âgés étaient témoins que "suivre la vocation de disciple du Christ, c’est entrer dans la durée, en vivant selon sa nature profonde... tout en se rendant utile aux valeurs dont l’humanité a le plus besoin" (3).

Beaucoup de jeunes, sensibles aux valeurs de solidarité aux pays plus pauvres, sont venus demander des informations sur la Coopération : comment faire pour partir à l’étranger ?"Avant de commencer à travailler, je souhaite apporter mon savoir, mes connaissances à d’autres dans le tiers monde" (un étudiant). Et parfois, ce souhait d’une expérience dans un pays du tiers monde a débouché sur la question : "Comment être prêtre ?"

Et l’impact sur les médias ?

Il a été très important. Pour l’équipe de préparation, c’était une surprise. Nous n’étions pas les premiers en France à réaliser un tel projet. Et pourtant, les médias nationaux ont répercuté l’événement. La publicité faite sur notre présence a accru le nombre de visiteurs au stand.

Le Service des Vocations avec Chrétiens-Médias avait rédigé un communiqué de presse, envoyé à tous les journalistes locaux susceptibles de venir au Salon. L’Agence France-Presse en a fait l’objet d’une dépêche. Et presque aussitôt les médias ont voulu nous rencontrer.

D’abord la radio (locale, nationale...) puis la presse écrite : le journal régional Ouest-France a rédigé plusieurs articles à cette occasion (présentation de notre projet, interview de certains des animateurs sur place, réaction des jeunes...), et au salon, la télévision (régionale et nationale...).
Quelques titres d’articles disent ce que les journalistes ont retenu : "L’Eglise s’expose au Salon de l’Etudiant : un stand modeste pour dire que l’Eglise sait être présente dans le monde" (La Croix, 1/1/94) "Au Salon de l’Etudiant, le stand des métiers d’Eglise fait un tabac" (L’Evénement du Jeudi, 3/2/94). "Religieuse, prêtre, moine, coopérant... Métiers : l’Eglise au Salon de l’Etudiant" (Ouest-France, 21/1/94). Le Journal télévisé de France 2 a rendu compte de notre présence ; cela a eu pour conséquence une invitation à une émission "La Tête de l’emploi" sur M6.

Pourquoi un tel impact médiatique ? Sans doute, la dépêche de l’A.F.P. et peut-être l’originalité ou la relative nouveauté de la démarche : le fait pour l’Eglise de se trouver dans un lieu où habituellement on ne la rencontre pas. Certains des journalistes ont demandé le témoignage sur la vocation de l’un ou l’autre : des séminaristes ont été sollicités, une religieuse, un permanent pastoral.

On ne peut rendre compte de cette initiative, sans évoquer le rôle irremplaçable des monastères de la région : ils étaient informés du projet, et les Services des Vocations ont sollicité leur prière pendant la durée du Salon.

Dieu seul sait ce qui a été semé dans les cœurs des jeunes ou des adultes. A nous de faire connaître, à Dieu d’appeler...

Jean-Paul James
responsable SDV de Rennes

Notes --------------------------------

(1) in Aumôneries et vocations, dossier de la Mission Etudiante, Sept. 1993, p. 3 (2) Mgr Thomas, "L’engagement des chrétiens dans la pastorale de toutes les vocations", in Jeunes et Vocations, janvier 1992, pp. 52-53. (3) Mgr Thomas, ibid., p. 52 [ Retour au Texte ]

(2) Mgr Thomas, "L’engagement des chrétiens dans la pastorale de toutes les vocations", in Jeunes et Vocations, janvier 1992, pp. 52-53. [ Retour au Texte ]

(3) Mgr Thomas, ibid. p. 52. [ Retour au Texte ]