La vie religieuse, une parole de confiance


Echos du rassemblement national des religieuses apostoliques de moins de 45 ans

Après le Synode sur la vie consacrée et sa mission dans le monde et l’Eglise, une question reste posée : "La vie religieuse apostolique a-t-elle un avenir ?"

A Paris, les 24 et 25 septembre 1994, nous étions près de 800 religieuses, issues des diverses Congrégations apostoliques en France. Avec une centaine de Supérieures Majeures, nous avons essayé de tracer des chemins d’avenir. Le journal La Croix relatait cet événement en parlant de la "sérénité des jeunes sœurs". Conscientes d’être le "petit reste", il nous est possible de vivre un choix serein. En connaissance de cause, nous nous sommes engagées dans nos Instituts respectifs, sachant bien que la vie religieuse apostolique n’aura plus le même visage à l’avenir, mais c’est ensemble, dans la confiance, avec nos sœurs aînées, que nous façonnons ce nouveau visage.

Le triple objectif du rassemblement

Cette rencontre a été suscitée par la Conférence des Supérieures Majeures -pour permettre aux sœurs des jeunes générations de dialoguer entre elles et avec les Supérieures Majeures - pour vivre un temps fort en Eglise - pour discerner ensemble les enjeux de la Vie religieuse apostolique et inspirer les décisions d’avenir dans nos Instituts.

Dialoguer, partager

Pour relire notre vie religieuse apostolique dans sa réalité communautaire et missionnaire, quatre "portes d’entrée" nous étaient proposées. Il s’agissait de regarder :

  • comment nous communiquons
  • comment nous nous rapportons à la vie, à la création
  • comment nous vivons les relations hommes/femmes
  • comment nous vivons les réalités socio-économiques.

Chacune de nous était invitée à partager une expérience concrète en lien avec ces thèmes. Ces échanges nous ont permis de cerner en quoi la vie religieuse est aujourd’hui "Parole de Confiance". Ils ont aussi révélé notre diversité : diversité due aux âges (les 25/30 ans ne réagissent pas comme les 40/45 ans), diversité de conceptions de la vie religieuse, diversité plus foncière qui reflète les aspirations de l’humanité d’aujourd’hui. A noter au passage la recherche d’une cohérence de vie à l’intérieur de nos communautés où le partage des expériences, l’accueil des différences, la gestion des tensions... construisent la communauté fraternelle, fondée sur l’Amour du Christ.

Vivre un temps fort en Eglise

Pour mieux comprendre comment notre vocation s’articule avec celle des autres chrétiens, dans la mission de l’Eglise, nous avons rejoint des communautés chrétiennes de la région parisienne pour un partage fraternel (paroisse, équipe d’Action Catholique, conseil pastoral, équipe d’aumônerie...). Ce temps fort a été signifiant pour chacune. Il montrait bien que la vie religieuse, n’est pas une vie à part dans l’Eglise, et il exprimait en acte notre désir de collaboration et de proximité avec les hommes et les femmes de notre temps. Bâtir des projets, confronter nos questions, nos aspirations... est source d’enrichissement mutuel. L’accueil gratuit et combien fraternel nous interpelle. Renouvelées par cette expérience de la "veillée éclatée", nous avons célébré l’Eucharistie, présidée par Mgr Jordan. Cette Eucharistie ravivait en nous la conviction qu’ensemble, communautés paroissiales, communautés religieuses, dans le respect de nos diversités, nous construisons et nous sommes l’Eglise.

Discerner ensemble

Pour inspirer les décisions en perspective de l’avenir, nos convictions, propositions, questions ont été rassemblées en un dossier. Il a servi de base de travail à l’Assemblée générale de la Conférence des Supérieures Majeures qui a eu lieu en novembre. Ouvrons ce dossier :

  • Il nous semble indispensable de redéfinir pour aujourd’hui la vie religieuse apostolique, dans sa pertinence, dans ses aspects prophétiques. Revenons à l’Essentiel, à la Source.
  • Il y a urgence et nécessité de réorienter ou de fonder de nouveaux projets, en collaboration avec d’autres partenaires pour servir les exclus de nos sociétés, pour entendre la quête spirituelle de nos contemporains et y répondre au mieux. A nous d’être créatives, à nous de risquer ce "être avec".
  • Nous vivons proches et marquées par les réalités de ce monde, mais nous voulons rester cohérentes avec nos engagements religieux ; d’où l’importance pour nous de trouver des "lieux" de parole, de discernement pour éclairer nos choix et favoriser une fidélité responsable.
  • Dans un monde de confusion, manquant de repères, notre manière de vivre les relations dans la mixité peut faire "signe" et devenir chemin de fraternité qui annonce le Royaume.
  • Une requête : que la Conférence des Supérieures Majeures, au nom des religieuses apostoliques, prenne plus souvent la parole sur les grands problèmes de société, comme cela s’est fait à propos des femmes de Bosnie. - Quelle suite donner à ce rassemblement ? Continuer à dialoguer, pourquoi pas en régions ou dans nos diocèses ?

Une parole de confiance

Dans nos Congrégations, la "parole" des jeunes sœurs est parfois noyée dans un ensemble. Ne sommes-nous pas une minorité ? Il peut être difficile à des Supérieures Majeures de percevoir les orientations nouvelles prises par les jeunes générations, de repérer la différence vécue par les plus jeunes sur le terrain. Ce temps de dialogue a été favorable à toutes. La confiance réciproque est une chance, elle nous permet d’exister davantage, d’exprimer nos aspirations, nos peurs, nos difficultés... Les Supérieures Majeures ont pu sentir nos enthousiasmes, les dynamismes qui nous poussent, même si "le petit nombre ne peut agir que comme un ferment dans la pâte". Plus que jamais le moment est venu d’unir nos forces pour préparer l’avenir. Nous avons commencé par "raviver le don que le Seigneur a déposé en nous". Au cœur de notre vie fondée sur le Christ, nous sommes envoyées aujourd’hui vers les autres pour être "Parole de confiance" qui suscite le meilleur, le beau, le vrai, qui réveille les sèves endormies, qui console, réconforte, secoue parfois..."Parole de confiance" qui dit une Espérance et révèle Celui qui habite nos vies.

Sœur Christiane Gitter
SDV Strasbourg
Au nom des "jeunes" participantes à ce rassemblement