En Belgique


La fondation du Centre National des Vocations en Belgique

Alors qu’il prêchait une retraite aux Frères des Ecoles Chrétiennes au Canada, l’abbé René Cattoir fut appelé à fonder et diriger le Centre National des Vocations. En 1963, il fut ainsi placé à la tête d’une équipe qui devait mettre en œuvre cette nouvelle initiative pastorale des évêques de Belgique, à laquelle s’étaient associées l’Assemblée des Supérieurs Majeurs et l’Union des Supérieures Majeures (1).

L’élargissement de la terminologie vocationnelle, due au Concile Vatican II, met en valeur la préséance de la vocation baptismale sur la vocation ministérielle ; ceci a bien des conséquences : crise d’identité dans le clergé et la vie religieuse, raréfaction des engagements... Avec le souci de faire connaître la nouvelle ecclésiologie et de préparer l’avenir, le chanoine Cattoir mit sur pied différents congrès nationaux :

  • en 1965, sur la "complémentarité des vocations" : décloisonner les vocations, pour les retrouver complémentaires, au sein du Peuple de Dieu ;
  • en 1967, le Congrès aboutit à la création du Séminaire cardinal Cardijn, à Jumet ;
  • en 1968, la vie religieuse s’étant, elle aussi, revivifiée à la lumière du Concile, il s’avérait nécessaire de repenser la vocation à la Vie religieuse.

Le chanoine Cattoir a été, chaque année, l’animateur de la réflexion et le promoteur des équipes de réalisation de la Journée Mondiale de prière pour les Vocations, instituée dès 1963 dans l’Eglise universelle. Pour élargir la réflexion et l’information, il lança la revue Echo en 1972, qui en est aujourd’hui à son 115ème numéro.

A travers tout ce travail pastoral qu’il anima au Centre, le chanoine resta surtout attentif aux jeunes. C’est ainsi qu’avec une équipe enthousiaste et dynamique, il mit en œuvre les sessions d’été pour les jeunes qui se sentaient "saisis par Jésus de Nazareth". Il a toujours eu le souci d’aider chacun à répondre à l’appel que Dieu lui réserve. Et pour donner une place toute particulière à la prière pour les vocations, il créa, en 1976, le "Monastère invisible" qui s’adresse plus spécialement aux personnes âgées, aux malades et handicapés. Aujourd’hui encore, nous bâtissons sur les "fondations" qu’il a mises en place.

Début de la pastorale des vocations

En créant en 1963 ce Centre National des Vocations, les évêques de Belgique, les Supérieurs Majeurs et les Supérieures Majeures répondaient aux vœux exprimés par le Congrès mondial des vocations ecclésiastiques (1960).
Le CNV recevait une double mission : mener directement une action nationale pour le service des vocations et aider (directement ou indirectement) les diocèses et les congrégations dans leur action particulière. Son rôle n’est donc pas de régir ou de remplacer les réalisations pastorales particulières, diocésaines ou autres ; il est voulu, au titre de service, pour les aider par une coordination et une animation enrichissante.
L’équilibre de sa structure où se retrouvent les délégués responsables des diocèses, de l’A.S.M.B., l’U.R.B., l’U.R.C., du C.I.M. et des laïcs, veut susciter une large collaboration, tout en garantissant le maintien de son rôle propre et le contrôle de ses orientations. Le directeur du CNV est détaché à mi-temps pour cette pastorale des vocations ; le travail en équipe aide à la pleine efficacité du Centre. Travaillant en référence au Conseil national et en étroite collaboration, cette équipe se partage les responsabilités concrètes de l’institution : administration, réflexion, élaboration et rédaction des instruments de pastorale, documentation, contacts, visites, animations... Précisons quelques aspects de ce travail :

  • Coordination : mise en commun des initiatives, expériences, projets des diocèses, des congrégations et du laïcat (voir revue Echo) ;

  • Animation, par la recherche théologique, sociologique et pastorale, et par la divulgation de ces recherches. Cette stimulation doit se faire par des contacts avec les diverses instances responsables de la pastorale des vocations ;

  • Information et diffusion : information sur tout ce qui existe ou se réalise dans l’étude du problème des vocations ou dans la pastorale générale ; documentation concernant les diocèses, les congrégations, les instituts séculiers, et toutes les vocations particulières.
    Diffusion d’un matériel adéquat pour la pastorale des vocations et l’animation spirituelle qui l’entoure. Ainsi, le CNV aura de plus en plus à jouer un rôle de sensibilisation dans le monde de la presse, la radio et la télévision, les paroisses, les mouvements, les centres scolaires (matériel didactique, dossier de catéchèse, montage audiovisuel...), le bulletin trimestriel Echo : la revue devra livrer à tous des expériences valables dans le renouveau des ministères et de la vie religieuse, dans une réflexion aussi sur les perspectives d’avenir.

Que faire alors ? Comment répondre au défi ?

Si des facteurs positifs existent bien, pourquoi donnent-ils si peu de réussites ? S’il y a eu si peu de vocations, n’est-ce pas que les facteurs négatifs l’emportent sur les éléments positifs ? "Il est urgent que la pastorale des vocations de l’Eglise s’applique résolument et en priorité à reconstituer la ’mentalité chrétienne’ engendrée et soutenue par la foi" (2). Il s’agit à présent d’entreprendre une véritable évangélisation pour présenter le vrai visage du Père et de l’homme, afin que toute vocation soit vécue dans sa vérité. Par quels moyens ? C’est là toute la question !

1 - Le premier conseil est d’être des témoins de l’espérance.
C’est le thème que le CNV a développé cette année 1993 pour la célébration de la Journée Mondiale de prière pour les Vocations. Relisons donc la parole de Jérémie : "Je vous réserve un avenir plein d’espérance" (Jr 11, 29), et c’est Dieu qui parle ! Les jeunes ont besoin d’espérer. Les jeunes n’entreront pas dans ce qui est en train de mourir ; ils entreront là où vit l’Espérance. Suis-je donc témoin d’espérance ? Certes, les choses ne vont pas comme nous le voudrions, mais vivre l’espérance est la grande forme actuelle de l’abnégation : "Dans le christianisme, la Croix annonce toujours la Résurrection" (cardinal Suhard).

2 - "Sommes-nous des priants ?"
C’est une deuxième question à nous poser. Le Seigneur dit : "La moisson est abondante, priez donc le Maître de la moisson" (Mt 9,38). Le chemin du cœur ne passe pas par la tête ! Curieuse manière de s’exprimer, sans doute, mais réalité profonde. Ainsi va la prière, fleuve qui coule au long de la vie, en des contrées diverses, qui creuse son lit en toutes sortes de terrains. Il baigne, à mesure de son cours, et façonne des paysages nouveaux, inconnus et contrastés. C’est l’eau qui fait le fleuve ; il ne l’invente pas ni ne la fait surgir lui-même ; elle lui vient toujours d’ailleurs. La source n’est pas le fleuve : mystère des sources dont on ne voit que l’effet, comme le souffle de l’Esprit, dont "on ne sait ni d’où il vient ni où il va" (Jn 3,8). Pourquoi ne serions-nous pas tous parmi ces priants ? Une des bonnes choses du CNV, c’est ce "Monastère invisible" dont nous avons parlé : manière de faire prier les personnes, surtout malades ou trop âgées, pour agir encore en faveur des vocations (3).

3 - Soyons attentifs aux adultes.
Les jeunes ont besoin du témoignage des adultes et des aînés ; il faut créer des communautés en ce sens. Les familles, en tant que "bonne terre", doivent fournir des conditions favorables pour la naissance des vocations ; elles sont le premier séminaire dans lequel les enfants acquièrent le sens de la piété, de la prière et l’amour de l’Eglise (4). Les laïcs (enseignants, catéchistes, éducateurs, animateurs) ont aussi leur rôle à jouer : plus ils approfondiront leur vocation, plus ils pourront reconnaître le caractère irremplaçable de la vocation et de la mission sacerdotales, diaconales ou religieuses. Les prêtres, diacres, religieux et religieuses, sont eux-mêmes en question : il est capital de convertir nos communautés et de nous convertir nous-mêmes, pour que nos communautés soient vraiment "crédibles" et interpellantes, c’est-à-dire qu’elles posent question. Les jeunes rencontrés au cours d’une retraite, ces dernières années, me surprennent par leur façon de juger les lieux où ils sont accueillis : l’accueil fraternel est fondamental, et notre largeur de vue aussi. Il faut que les jeunes puissent discuter avec nous, même si les points de vue sont très différents. Et ces jeunes ont besoin de notre "tendresse" : ils ont besoin de sentir beaucoup d’amitié, d’affection et d’écoute ; ils ont à se sentir aimés. Ainsi, la manière de les accueillir est très importante ; ceux et celles qui sont sûrs de leur identité attirent les jeunes, "heureux d’exprimer leur charisme propre avec une fraîcheur et une ferveur renouvelées".

4 - Ne pas nous isoler, mais nous situer dans une pastorale d’ensemble ; nous écouter, nous aider, prendre au sérieux ce qui se fait aujourd’hui ; favoriser les grands mouvements dans l’Eglise (de moins en moins de "petites chapelles"). Il faudra que ceci soit perçu par les jeunes, qu’ils sachent vraiment que nous sommes fraternellement unis. Nous avons besoin de travailler de plus en plus pour une Eglise, avec toutes les communautés d’Eglise.
Dans les moyens pastoraux qui sont à notre disposition, pour jeunes et adultes, les retraites sont fort importantes. Il n’est écrit nulle part qu’il faut être prêtre pour donner une retraite ; des frères, des religieuses, des laïcs donnent aussi d’excellentes retraites. Mais, là encore, il faut enrichir notre concept de vocation, en le sortant d’une vision intimiste pour l’ouvrir à tous les ministères et si possible garder contact ensuite avec les retraitants. Nombre de vocations ne sont-elles pas perdues, faute d’accompagnement personnel ? Il y a là une grâce qui nous est donnée, ne la négligeons pas.
Une phrase de Jean Paul II, très forte, peut secouer le peuple de Dieu tout entier : "Les vocations sont la preuve de la vitalité spirituelle de l’Eglise, et la condition de cette vitalité". Il y aura donc des vocations dans la mesure où les communautés chrétiennes seront revitalisées et où nous-mêmes vivrons de Dieu. Vivre et faire vivre ; donner "visage" aux différentes vocations ; dépasser l’aspect "institution-Eglise" pour entrer dans ce que nos frères d’Orient appellent le "mystère" de l’Eglise ; revaloriser le célibat consacré, libre et volontaire - réalité qui n’est pas toujours comprise de nos jours , même en milieux chrétiens : le célibat "à cause du Royaume des cieux" est une question d’amour, et l’amour ne relève pas du rationnel. Enfin, oser poser des préalables pour la foi ; Mgr Huard a dit un jour : "La difficulté de parler vocation est l’indice d’une crise plus profonde, qui touche la communication de la foi, elle vient de la pauvreté des options religieuses".

Les jeunes sont là, partout en quête de sens, en besoin de certitudes fortes ; ils sont disponibles pour le meilleur, assoiffés de valeurs. Et des lieux où souffle l’Esprit existent : Taizé, Lourdes, Paray, maisons de spiritualité, petites communautés ferventes, Foyers de charité. La grâce passe, y compris en faveur des vocations.

"Vienne le temps où le peuple chrétien, dans toutes ses composantes, ne percevra plus le service des vocations comme un service à part, exigé par la seule "survie de l’institution", mais bien comme ce qu’il est : un service d’Eglise, exigé par la nature même de l’Eglise." (Hippolyte Simon).

Jacques Henrotay,
directeur du CNV-Belgique

Notes

1) Aujourd’hui en deux branches : Union des Religieuses de Belgique et Union des Religieuses Contemplatives (URB et URC) [ Retour au Texte ]

2) Les vocations dans Pastores dabo vobis (Jean Paul II) n° 37 [ Retour au Texte ]

3) Pour tous renseignements, contacter le CNV, av. Zénobe Gramme, 116 - B 1030 Bruxelles [ Retour au Texte ]

4) Messagers de la joie, card. Godfried Danneels, pp.35 et 36 [ Retour au Texte ]