Vocations et pédagogie catéchuménale


La démarche catéchuménale en vue du baptême n’est-elle pas pour nous exemple pédagogique de tout accompagnement spirituel de jeunes en recherche ? Parmi les éléments décrits par Soeur Madeleine, les "étapes" sont particulièrement importantes.
Combien de jeunes ayant sérieusement discerné leur appel s’effraient devant le langage, les modalités, les exigences trop vite exprimées par des Instituts religieux en particulier. Inviter à une démarche limitée dans le temps, à une étape, répond à leur psychologie : Il est plus facile de dire à ses amis "Je prends une année sabbatique où je vivrai en communauté avec d’autres" que : "J’entre au postulat" !

Quand il s’agit de jeunes à accueillir, quand il s’agit de l’accueil du tout-venant en paroisse, il est vrai que la démarche catéchuménale pourrait être celle qui réponde le mieux aux besoins.

Qu’est-ce que cette démarche catéchuménale ?

C’est accueillir des personnes qui sont demandeurs d’un chemin de foi et qui ont conscience qu’elles commencent quelque chose de nouveau ; elles sont à un début, à un commencement. Elles sont prêtes à y dépenser leur dynamisme mais il leur faut un chemin spécifique, une initiation. Nous retiendrons ces deux mots : Accueillir et initier.

Accueillir celui qui demande, écouter sa demande avec un a priori de confiance et répondre, en partant de l’autre, "du point où il en est", pour faire un pas avec lui.
Accueillir ? Peut-être faut-il nous interroger déjà sur nos lieux d’accueil, des lieux où on puisse facilement trouver une information, ou quelqu’un qui puisse répondre. Le lieu d’accueil, ses heures d’ouverture, permettent ou ne permettent pas l’accès d’une certaine clientèle.

Je me souviens de l’émerveillement d’un jeune adulte ayant vu à la TV des baptêmes d’adultes dans une église orthodoxe. Il désirait depuis longtemps être baptisé, mais il pensait que ce n’était pas possible. Sa joie était grande et il aurait voulu être baptisé tout de suite.
J’ai souvent entendu : "Je ne savais pas que c’était possible"..."Je ne savais pas où demander"..."J’ai essayé plusieurs fois mais je n’ai pas pu dire jusqu’au bout..." "Enfin voilà un prêtre qui a entendu dans la profondeur de ma demande". C’est vrai que trop souvent nous répondons vite et une question cache souvent une autre, plus profonde :

Combien cela coûte pour un baptême ?
Combien de temps vous demandez pour se préparer au baptême ?

Et on ne sait pas s’il s’agit d’un enfant ou de la personne qui est devant soi. Souvent il y a un écart très grand entre ce que nous voudrions dire et les questions des personnes qui osent venir... Mais combien restent avec leurs questions sans prendre le temps de faire cette démarche coûteuse de venir dans nos lieux d’église.

Il serait peut-être temps de faire comme Jésus, de "sortir" du Temple et d’aller vers les lieux publics. Jacques Guillet dit que c’est une caractéristique de Jésus. Tandis que Jean-Baptiste accueillait les foules en restant sur les bords du Jourdain, Jésus parcourt la Galilée. Il va au bord du lac pour rejoindre les pécheurs. Il se mêle aux foules ; il va manger chez Zachée. C’est Lui qui prend l’initiative de venir.

ACCUEILLIR : c’est très important.
ALLER VERS... peut-être...

Dans l’anonymat qui caractérise notre société, il est essentiel de commencer par établir une relation. Il faut nouer une relation, mettre en confiance, oser être soi-même, manifester ce qui nous anime, donner envie de nous interroger. Luc Pareydt, dans un supplément des Cahiers pour croire aujourd’hui, propose d’être "séduisant, en étant humain, simplement". "Homme, femme habitant son corps, cultivant ses goûts, osant exprimer ses richesses et ses questions".

Les personnes qui viennent à nous ne veulent pas rencontrer une administration, un organisme, un questionnaire de plus. Elles désirent rencontrer une personne vraie dans ses réactions.

Accueillir, nouer une relation, "apprivoiser", en y mettant le temps. Le temps est un facteur primordial au catéchuménat et en éducation. Rien ne se fait dans l’instantané, même si on s’est mis en route rapidement. L’enracinement, la germination, la croissance exigent du temps.

Pourtant il faut proposer une suite aux rencontres, un chemin... Une initiation
Des rencontres avec d’autres catéchumènes, avec d’autres jeunes en recherche.

- dire devant les autres ses questions, ses peurs, son désir, ses motivations, c’est à chaque fois devenir plus lucide sur soi-même et sur son projet

- écouter les autres, c’est aussi reconnaître les mêmes mouvements qu’en soi, sans doute avec des nuances et aussi des différences. Un approfondissement se fait dans la prise de conscience, dans l’expression de son moi profond


- quelquefois des conflits éclatent : quelqu’un du groupe gêne, écrase..."Je ne peux pas m’exprimer..." mais la difficulté elle-même peut éclairer des aspects de soi-même qui échappaient


- proposer une lecture d’un passage de la Parole de Dieu qui éclaire le Chemin :

Comme Abraham, je me sens appelée à avancer
Comme Joseph, je peux pardonner, me réconcilier
Comme Samuel, j’écoute ce que dit le Seigneur
Comme Job, j’ose poser mes questions à Dieu.

Au catéchuménat, nos rencontres de groupe comportent toujours une lecture de la Parole avant l’échange, pour l’orienter, après l’échange pour l’accueillir à nouveau, enrichie de tout ce que j’ai compris et dans une sorte de célébration. Cette manière de faire pouvait étonner l’un ou l’autre catéchumène, mais en réalité, j’ai constaté qu’une lecture au ras de la vie était souvent bouleversante et préparait un approfondissement à travers les expressions des uns et des autres. Alors nous découvrons que ce qui structure les personnes et le groupe c’est la Parole de Dieu.

Qu’est-ce d’autre que l’Eglise, sinon le rassemblement de ceux qui sont convoqués par cette Parole ? C’est une expérience fondatrice à faire en groupe de catéchuménat comme en groupes de jeunes chrétiens.
Très vite chaque catéchumène doit avoir un partenaire privilégié pour poser ses questions, partager ses découvertes, interroger, regarder un témoin. Appelons-le "accompagnateur" ou "initiateur" pour inventer des chemins (comme le propose L. Pareydt).

A travers les rencontres de groupe et avec l’accompagnateur, des liens d’amitié se tissent, quelquefois des conflits naissent (ils font partie de la vie). Cette expérience humaine est révélatrice d’une croissance. Le spirituel ne s’épanouit qu’à travers l’humain. L’épanouissement de l’affectivité, de l’intelligence, la confiance que l’on se fait dans le groupe, les témoignages qu’on y reçoit, les expériences proposées, les actions entreprises ensemble, participation à une chorale, animation d’une fête, découverte de la pauvreté et expérience de solidarité, etc... tout cela peut contribuer à structurer les personnes, pourvu que ce soit repris en groupe ou avec l’accompagnateur.

Des crises à traverser

Bien des catéchumènes interrompent leur chemin pendant un certain temps. Quelquefois par lassitude, à cause des difficultés quotidiennes et de la surcharge. L’accompagnateur doit soutenir ; on n’est pas seulement chrétien quand tout va bien.
Quelquefois la personne a vraiment besoin de recul. Tout change dans sa vie elle ne sait plus si elle subit l’influence de ses nouveaux amis, voire de son partenaire, ou si c’est vraiment elle qui désire le baptême. Il faut interrompre les rencontres, fixer un temps de distance, faire le point quelque temps après. Chacun doit pouvoir se décider en pleine liberté.

Des décisions qui doivent retenir notre attention

Il y a des décisions qui marquent une cohérence avec ce qu’on cherche, des décisions qui creusent un sillon, déterminent une orientation. Elles pourront être repérées comme des étapes, être célébrées liturgiquement.

Les étapes au catéchuménat

A travers les chemins personnels, nous proposons des étapes, comme des seuils à franchir, des repères sur nos routes. Ces étapes se célèbrent liturgiquement, là encore pour initier, faire découvrir que le Mystère de Dieu atteint ce qu’il y a de plus profond dans l’homme et en même temps il ne nous appartient pas, il nous dépasse. La grâce se reçoit, même s’il faut se préparer à la recevoir.

Après quelque temps de prise de contact avec le catéchuménat, on propose à la personne qui a décidé de poursuivre sa recherche, une étape liturgique : l’entrée en catéchuménat. Elle exprime sa demande devant le groupe et reçoit la signation sur ses sens, on lui remet une croix et un Evangile. Elle fait déjà partie de la famille des chrétiens.

A l’approche de son baptême, au début du carême, l’évêque appelle dans une assemblée liturgique tous ceux qui seront baptisés à Pâques et ils entendent leur nom appelé par l’évêque. Ils vont signer sur un registre. C’est ce que nous appelons l’appel décisif.

Entre le premier accueil et cet appel décisif, souvent une grande période de deux ans où le souci est d’initier à la prière personnelle et communautaire, à la vie chrétienne, à la vie liturgique, à la vie en Eglise. Même si on ne parle pas d’étape à chaque avancée, "l’accompagnateur-initiateur" doit être attentif aux progrès, aux découvertes. Que de pardons donnés au catéchuménat, quand on revoit sa vie : c’est souvent ressenti comme une libération, comme une croissance. C’est peut-être le moment de faire goûter la parabole du fils prodigue et de découvrir la bienveillance du Père.

Après avoir entendu une prédication de carême, en paroisse, une catéchumène a décidé de prendre un temps personnel chaque matin. Ce fut pour elle un seuil. Elle ne cessait de redire quelle différence il y avait à savoir des choses sur le Christ ou de les prier. C’était pour elle une expérience fondatrice.

Sœur Madeleine Gauchy
Auxiliaire du sacerdoce