Proposer la Bonne Nouvelle aux jeunes


Olivier Fröhlich

Aujourd’hui, l’attention aux jeunes est plutôt à la mode dans l’Église "occidentale". De nombreux diocèses créent ou développent leur service de pastorale des jeunes ; les communautés chrétiennes, à travers leurs conseils, se posent régulièrement la question de la place qu’elles réservent aux adolescents. Au niveau de l’Église universelle, les Journées Mondiales de la Jeunesse soulignent à l’envi cette préoccupation. Elle n’est pourtant pas dénuée d’ambiguïté. Les sociologues des religions constatent que les mouvements religieux s’intéressent de manière particulière à la jeunesse, gage de pérennité de leurs traditions. Cet intérêt de l’Église pour les jeunes viserait-il seulement à assurer la relève ? De fait, on entend nombre de chrétiens s’interroger : "Où sont les jeunes ? On ne les voit plus à la messe." Ce n’est pas faux ! Mais l’objectif pastoral n’est pas de "ramener les jeunes à l’église". Vouloir les assimiler, les faire entrer dans nos manières de vivre la foi est une impasse. Aujourd’hui, on se rend compte concrètement que c’est un échec ; mais - et c’est plus grave - on risque aussi de perdre toute espérance : ce n’est pas que les générations qui nous suivent ne croient plus, elles croient différemment.

Mais alors, pourquoi cet intérêt pour les jeunes ? On l’aura compris, il n’est pas question de critère de rentabilité. Si l’Église s’intéresse aux jeunes, c’est au nom des jeunes eux-mêmes, et au nom de la Bonne Nouvelle qui la traverse : Nous croyons que l’Évangile peut aider chacun à "être" ou, mieux, à "devenir", et qu’il doit être offert à cet âge particulier qu’est l’adolescence comme un chemin qui peut aider à grandir humainement et spirituellement. Cette orientation fondamentale posée, nous expliciterons les objectifs d’une pastorale des jeunes. Nous nous laisserons ensuite guider par Philippe et l’eunuque éthiopien pour aborder la transformation de nos images de Dieu. Nous pourrons alors, à la fin de ce parcours souligner ce que l’on attend des accompagnateurs adultes.

Une Bonne Nouvelle pour les jeunes

Au nom des jeunes

Aborder le monde des jeunes en pastorale, ce n’est pas viser un public-cible, comme peuvent le faire les publicitaires ; c’est prendre le risque d’une rencontre. Et pour qu’une rencontre soit féconde, il faut entrer en dialogue, accueillir chacun les richesses de l’autre, mais aussi risquer de l’interpeller. Mais qui sont-ils, ces jeunes dont on parle tant ? Il ne s’agit pas de faire une longue analyse sociologique, mais de donner quelques clés indispensables pour comprendre cette période particulière, et parfois déconcertante, de la vie qu’est l’adolescence.

Éternelles adolescences

Une des caractéristiques de notre société occidentale contemporaine, c’est l’allongement de la période de l’adolescence. Elle commence plus tôt, les premiers "symptômes" apparaissent souvent dès 11-12 ans, avec la puberté (1). Et elle a tendance à se prolonger beaucoup plus tard, au-delà des 25 ans selon certains psychologues. Tony Anatrella parle des "adulescents", ces jeunes adultes qui restent largement marqués par de nombreuses caractéristiques de l’adolescence, notamment parce que les rites traditionnels de passage à l’âge adulte - comme le mariage ou l’entrée dans la vie professionnelle - sont diffus, retardés, voire même abandonnés.

Histoire de crustacés

Pour comprendre ce qui se joue durant ces années, Françoise Dolto utilise une belle image : l’adolescence est marquée par le complexe du homard. "Les homards, quand ils changent de carapace, perdent d’abord l’ancienne et restent sans défense, le temps d’en fabriquer une nouvelle. Pendant ce temps-là, ils sont très en danger. Pour les adolescents, c’est un peu la même chose. Et fabriquer une nouvelle carapace coûte tant de larmes et de sueurs que c ’est un peu comme si on la "suintait". Dans les parages d’un homard, il y a presque toujours un congre qui guette, prêt à le dévorer. L’adolescence, c’est le drame du homard ! Notre congre à nous, c’est tout ce qui nous menace, à l’intérieur de soi et à l’extérieur, et à quoi bien souvent on ne pense pas." (2)

L’adolescence est le temps du passage de l’enfance à l’âge adulte, temps de transformations physiques, psychologiques et sociales, souvent difficile à vivre. Cette période de la vie n’est pas "un long fleuve tranquille" : l’apparition de la puberté et les changements corporels s’accompagnent de profondes remises en question et d’une recherche d’identité parfois douloureuse. C’est un temps de mal-être qui peut s’exprimer par des comportements inattendus, parfois difficiles à décrypter et à accepter pour l’adulte. Les adolescents d’aujourd’hui sont-ils plus difficiles que ceux d’hier ? Beaucoup le prétendent. Méfions-nous pourtant des appréciations subjectives. Déjà Socrate, au Ve siècle avant notre ère, notait que "notre jeunesse aime le luxe. Elle a de mauvaises manières, méprise l’autorité, n’a aucun respect des personnes âgées. Les enfants d’aujourd’hui sont de vrais tyrans. Ils ne se lèvent pas de leurs sièges lorsque les parents entrent dans la pièce. Ils s’opposent à eux, parlent lorsqu’on ne leur demande rien, dévorent à toute vitesse leur nourriture et tyrannisent leurs maîtres et professeurs." Voilà un texte d’une étonnante actualité, qui peut nous amener à relativiser bien des jugements contemporains ! Je ne pense pas, pour ma part, que les adolescents actuellement soient plus difficiles que leurs aînés, mais probablement vivent-ils dans une société qui rend l’adolescence plus malaisée à vivre qu’auparavant.

Société en mutation

Soulignons, sans volonté systématique, quelques traits de cette société qui connaît des évolutions tout aussi rapides que radicales. Nous y découvrirons l’un ou

Les jeunes Occidentaux vivent dans une société de consommation. Certains peuvent accéder à de multiples biens matériels, tandis que d’autres sont exclus de cette frénésie d’achats. Les uns comme les autres risquent d’y voir le seul chemin vers le bonheur. La publicité, omniprésente, sait utiliser les images de rêve pour toucher leur sensibilité.

C’est aussi toute appartenance à un groupe social qui est en jeu. Les vêtements, par exemple, sont un élément-clé d’identification à l’adolescence : sans pouvoir d’achat, des jeunes risquent toujours d’être exclus de certains groupes. Comment les aider à aller au-delà des apparences pour construire de vraies relations et découvrir la vérité des personnes ?

Des modes de communication nouveaux ont pris une place essentielle dans la vie des jeunes en l’espace de quelques années. En Belgique, de nombreux adolescents dès 12 ans reçoivent un téléphone portable, c’est devenu un classique parmi les cadeaux de communion. Beaucoup ont accès à Internet et utilisent massivement le courrier électronique. La communication devient pratiquement instantanée et mondiale ; de plus, les courriels, SMS et autres texto font redécouvrir cet intermédiaire qu’est l’écrit - un écrit qui se dégage de toute convention littéraire ou orthographique. Mais la communication peut-elle exister sans conventions ?

C’est tout leur rapport au temps qui est transformé : nous sommes dans la civilisation du zapping, où tout apparaît comme immédiat et éphémère. La peur de l’avenir - entretenue par ces fléaux que sont le chômage, le terrorisme... - est réelle (3). Comment les aider à vivre leurs passions et leurs engagements sur le long terme ?

Ils sont marqués par une (pseudo-)culture érotisée. La sexualité est banalisée ; le corps humain est largement utilisé, par les publicitaires notamment. Mais ce corps jeune, remodelé, que reflète la publicité est-il bien ce corps qu’habitent les jeunes au quotidien ? De nombreux adolescents qui se sentent mal dans leur peau ne peuvent y trouver un modèle épanouissant.

Les relations humaines connaissent des évolutions significatives. Les lieux de socialisation traditionnels (travail, mouvements, quartier, école...) perdent de leur force. L’on s’y côtoie toujours, mais sans nécessairement construire un "vivre ensemble" : on vit à côté des autres, mais plus avec les autres. Le modèle familial, lui aussi, se transforme (4). Mais la famille reste une valeur essentielle,, parfois idéalisée, malgré les difficultés qu’elle connaît.

Ces transformations ont pour conséquence une certaine insécurité affective, qui ne va pas sans fragilités. Les jeunes recherchent des lieux chaleureux et expriment leur besoin de relations conviviales. L’Église est-elle capable de répondre à cette attente ?

Notre société vit à l’heure de la mondialisation, mais le monde n’est pas pour autant devenu le "village global" que certains prédisaient (5). Au contraire, les inégalités et les divergences de points de vue ne sont que plus visibles. Les médias et les réseaux de communication n’ont pas créé une culture universelle, ils n’ont fait que souligner l’éclatement de la société.

On le voit à travers ces quelques flashes trop rapides, il devient de plus, en plus difficile de construire du sens pour beaucoup de nos contemporains. Comment en irait-il autrement pour les adolescents, qui traversent une période cruciale de leur évolution personnelle ?

Pour les jeunes

Une pastorale des jeunes a donc pour responsabilité d’accompagner des adolescents depuis la sortie de l’enfance jusqu’à leur entrée dans l’âge adulte. Si l’on veut réellement pouvoir les respecter dans leur cheminement, il faut promouvoir une pastorale distincte pour les jeunes - distincte, cela ne signifie ni opposée, ni séparée, mais une pastorale qui a une méthodologie propre.

Trois motifs nous semblent justifier ce besoin d’une approche spécifique :

* elle s’adresse à des jeunes, qui vivent une période tout à fait particulière de leur existence (le complexe du homard) demandant à être accompagnée de manière appropriée ;
* elle doit accorder une place essentielle à la maturation humaine et sociale - beaucoup de choses se jouent à cet âge-là, à travers les relations, les études...
* le monde des jeunes a son vécu propre, son vocabulaire, sa culture, et il faut donc une certaine inculturation pour s’adresser à eux.

Que cherchez-vous ?

Le début de l’évangile de Jean nous suggère une mise en route (Jn 1,35-42). Jean-Baptiste fait connaître Jésus à deux de ses disciples, qui vont le suivre. Ils feront ensuite partager leur découverte à d’autres, qui eux aussi se mettent à la suite du Christ. C’est le début d’une longue chaîne de témoins qui continue aujourd’hui.

Tout commence par une question. "Que cherchez-vous ?" demande Jésus (v. 38). Ce sont les premiers mots du Christ dans l’évangile de Jean. C’est une question, pas une réponse. Et une question par laquelle, d’emblée, le Christ s’intéresse à ses interlocuteurs.

C’est le début de tout accompagnement des jeunes. On ne peut commencer qu’en s’intéressant à eux, à ce qui fait leur vie, à leurs joies et leurs peines, leurs rêves et leurs désespoirs, leurs engagements, leurs amours et leurs amitiés, leurs questions et leurs angoisses... On ne peut que commencer par une question ; toute réponse ne sera acceptée que si elle est portée avec eux.

Nous touchons là le cœur d’une démarche pastorale : elle doit partir de l’écoute, une écoute portée par une vraie sympathie, sans jugement. Elle est témoignage d’un Dieu qui s’intéresse à l’homme. Cette écoute est le point de départ d’une vraie rencontre.

S’intéresser à quelqu’un, c’est lui donner une existence, c’est montrer qu’il est important à mes yeux. À l’âge des remises en questions, des doutes sur soi-même, il est essentiel que le jeune ait, pour se construire, des regards positifs posés sur lui, des gens qui lui signifient qu’il est " intéressant ".

Pour les adultes, cela exige de se décentrer de soi-même pour rejoindre le jeune dans son cheminement d’adolescent : ne pas partir de nous, de nos expériences, de nos savoirs, mais partir des besoins et des possibilités des jeunes que nous voulons accompagner. Or, nous avons souvent tendance à penser la pastorale à partir de nos idées, nos préoccupations, nos pratiques d’Église.

Nous ne devons donc pas commencer par inviter les jeunes dans nos églises, mais il faut aller là où ils sont, les rencontrer là où ils vivent, où ils parlent, et nous intéresser à eux, gratuitement.

Alors, on peut leur lancer une invitation, celle de l’Évangile. "Venez et vous verrez", dit Jésus (v. 39). Quelques mots qui en appellent à la curiosité de ces deux hommes. Il leur donne envie de découvrir son pays natal, sa terre d’origine, sa parenté avec Dieu. Une curiosité saine est toujours liée à une ouverture d’esprit et à un élargissement de notre horizon. Ce qui commence pour les disciples, c’est un chemin avec le Christ. C’est petit à petit, sur ce chemin parcouru ensemble, qu’ils découvriront celui qui a aiguillé leur curiosité. Le chemin sera long, parfois jalonné d’échecs. Le Christ aura régulièrement besoin de patience et de pédagogie pour introduire ses disciples au mystère de sa personne. Mais le temps du chemin approfondit chaque jour la relation qui le lie à ses apôtres : c’est là que se jouera l’essentiel, la reconnaissance de celui qui donne sa vie pour ses amis.

L’accompagnement des jeunes doit avoir le même mouvement : s’intéresser à eux, les inviter à parcourir un chemin, sur cette route entrer en relation avec le Christ et découvrir ce Dieu qui marche à nos côtés.

Au nom de l’Évangile

Ceci m’amène à mon second point de départ, c’est l’Évangile, une Bonne Nouvelle tellement belle que nous ne pouvons nous empêcher de la partager. "Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile", s’exclame l’apôtre Paul (1 Co 9,16).

Dieu veut le bonheur de l’homme

Beaucoup de jeunes sont habités par la question du bonheur. Elle est de tout temps, mais elle prend un relief particulier dans notre société marquée par une crise du sens. Puis-je être heureux ? Certains y répondent en vivant à corps perdu l’instant présent : on consomme, on achète, on fait la fête... D’autres se laissent habiter par le désespoir. Peu de nos contemporains voient dans la démarche de foi une réponse à leur quête d’épanouissement.

Et pourtant, au cœur de l’expérience chrétienne, il y a la découverte de ce Dieu qui nous aime et qui veut le honneur de l’homme et de la femme : "La femme oublie-t-elle son nourrisson, oublie-t-elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ? Même si celles-là oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas !" (Is 49,15) Tout l’évangile est une invitation au bonheur : en saint Matthieu, Jésus commence son enseignement par ce mot, 9 fois répété, "heureux !" (Mt 5,3-12).

C’est cette Bonne Nouvelle qui nous fait vivre, qui fait vivre nos communautés, que nous voulons offrir aux jeunes. Comme un cadeau, comme un sourire offert, comme une invitation au bonheur...

Car nous savons bien que le bonheur de cette découverte de Dieu n’est entier que s’il est partagé. "Nous vous écrivons cela pour que notre joie soit complète", souligne l’apôtre Jean (1 Jn 1,4 ; cf. 2 Jn 12). Notre joie... Celle du messager de Bonne Nouvelle comme celle de celui qui l’accueille : c’est la joie d’un émerveillement partagé.

Croix du Seigneur, passions des jeunes

Comment découvrons-nous ce dessein de Dieu pour l’homme ? Au nom d’un souci, somme toute bien légitime, de rendre le message chrétien audible, une bonne partie de la catéchèse a utilisé le langage des " valeurs chrétiennes ". Osons dire qu’il est temps d’abandonner ce discours, volontiers moralisant qui n’a rien d’une bonne nouvelle (au sens premier du terme) pour retrouver ce qui fait la force du message évangélique.

Au cœur de la foi chrétienne, il y a l’expérience pascale, expérience de mort et de résurrection. Si on parle d’un Dieu qui aime l’homme, on ne peut faire l’impasse sur cet amour qui se donne jusqu’au bout : " Avant la fête de la Pâque, Jésus sachant que son heure était venue, l’heure de passer de ce monde au Père, lui, qui avait aimé les siens qui sont dans le monde, les aima jusqu’à l’extrême." (Jn 13,1)

L’amour de Dieu pour les hommes va jusqu’au don de la vie, jusqu’à la mort, car l’amour est plus fort que la mort. Quel renversement de nos valeurs ! Le chant des Béatitudes témoignait déjà que la quête du bonheur ne passe pas par les richesses ou le pouvoir, ou par l’illusion d’un monde sans souffrance.

Si l’Église fait mémoire de la croix du Christ et de l’espérance de la résurrection, elle peut aussi faire mémoire du tragique des croix de nombreux hommes - et des croix de nombreux jeunes. Car ils sont nombreux à être blessés par cette société, meurtris par un monde scolaire qui les humilie, par une cellule familiale douloureuse ou inexistante, par l’exclusion de la consommation effrénée s’ils n’ont pas d’argent. Il y a aujourd’hui nombre de jeunes exclus de la fête (6) - familiale, scolaire, professionnelle, amoureuse... ecclésiale aussi. L’invitation à la vie et au bonheur ne sera vraie que si elle s’inscrit dans cette réalité concrète.

Une Bonne Nouvelle pour les pauvres

Nous retrouvons là le cœur même de l’acte d’évangélisation : "la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres" (Mt 11,5 ; cf. Lc 4,18). Le critère déterminant, nous dit l’Évangile, c’est l’annonce aux pauvres.

Nous devons d’abord apprendre à écouter, à ouvrir notre cœur et nos oreilles aux cris des pauvres. Comme le Dieu d’Israël qui se révèle à Moïse avec ces mots : "J’ai vu la misère de mon peuple en Égypte et je l’ai entendu crier sous les coups de ses oppresseurs. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer." (Ex 3,7-8a)

Ces jeunes blessés et démunis devront être au cœur de notre préoccupation pastorale. Il n’est pas aisé de les rencontrer, parce qu’ils sont souvent les plus éloignés de la vie de l’Église, parce que nous ne pouvons pas compter sur leurs parents pour les accompagner dans leur recherche de foi, parce qu’ils entrent difficilement dans une démarche structurée. Mais que la Bonne Nouvelle soit annoncée aux pauvres doit être un critère important en pastorale des jeunes, comme dans toute pastorale.

Proposer l’Évangile

Nous croyons profondément que la Bonne Nouvelle est un chemin qui peut aider des jeunes à grandir humainement et spirituellement et à trouver bonheur et épanouissement dans leur vie. "Je te propose aujourd’hui de choisir ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur (...) Choisis donc la vie !" (Dt 30,15.19) C’est ce qui nous pousse à en être les témoins.

Comment proposer cette Bonne Nouvelle ? La dynamique d’une pastorale des jeunes n’a pas de souci de récupération ou de relève ; au contraire, elle doit s’ouvrir à la liberté du semeur.

La liberté du semeur

Sortir

La parabole du semeur (Mc 4,3-9) est éloquente. Elle s’ouvre avec ces mots : "le semeur sortit pour semer" (v. 3). Si l’on veut répandre le grain de la Parole, il convient, avant toute chose, de sortir. Sortir de nous-mêmes, de nos idées toutes faites, de nos habitudes.

Témoigner de l’Évangile auprès des jeunes, c’est avant tout sortir - et Dieu sait si les jeunes aiment bien "sortir" ! - pour ensemencer un terrain nouveau, inconnu. Sortir, c’est quitter un lieu pour un autre. On risque toujours de vouloir proposer aux jeunes ce que l’on a soi-même apprécié, ce qui nous a marqués. Mais aujourd’hui, la société - et le monde des jeunes en est comme un miroir grossissant - a profondément changé. Soyons réalistes : les occupations, les attentes, les moyens de communication des jeunes sont aujourd’hui très différents. Ce que nous leur proposons doit l’être aussi. Il faut faire le deuil, sans peur, sans nostalgie, d’une situation révolue. L’avenir sera tout autre - il nous appartient de l’écrire aux couleurs de l’Évangile.

Générosité du semeur

Une fois sorti, à pied d’œuvre, le semeur va jeter du grain à pleines poignées, sans lésiner, à tel point que son grain se répand un peu partout. Il ne nous semble ni très économe de ses précieuses semences, ni très efficace, ce semeur aux gestes larges. Mais il nous fait appréhender la dynamique du semeur d’Évangile sur la terre des jeunes. Il s’agit de semer largement, sans souci d’efficacité ou de rentabilité - qu’elle soit immédiate ou à long terme. Ne pas se soucier d’abord du terrain, de sa réceptivité, mais semer, parce que j’ai du grain à partager, et qu’il ne peut rester au fond d’un silo.

Que se serait-il passé si le semeur s’était découragé après le troisième terrain ? On pourrait comprendre sa lassitude : jusque-là, tous ses efforts sont vains, asséchés, étouffés. Mais il continue à semer, malgré les échecs, confiant dans l’avenir. Beaucoup d’adultes qui accompagnent les jeunes risquent le découragement, quand ils voient le grain semé avec enthousiasme rester, apparemment, sans fruit. Mais ils ne doivent jamais oublier que l’essentiel reste invisible à leurs yeux, comme le rappelle le renard au Petit Prince de Saint-Exupéry.

Confiance du moissonneur

Semer, c’est aussi faire confiance. Une fois le grain tombé en terre, il disparaît à nos yeux. L’essentiel de la germination va se faire dans le secret de la terre. "Il en est du Royaume de Dieu comme d’un homme qui jette la semence en terre : qu’il dorme ou qu ’il soit debout, la nuit et le jour, la semence germe et grandit, il ne sait comment." (Mc 4,26)

Notre présence pastorale auprès des jeunes ne doit pas s’évaluer en termes d’efficacité, mais en termes de fécondité. Il nous faut adopter l’attitude du semeur de l’évangile, qui sème largement, puis va dormir pendant que le grain germe.

Ce détachement prend une importance essentielle avec des adolescents, avec qui nous devons aussi avoir une attitude d’éducateur : si nous voulons éduquer à la liberté, favoriser une réelle maturité, la prise de distance est indispensable. Le détachement est aussi libérateur pour nous : pas de course à l’efficacité ; oublions le nombre comme critère pastoral. Prenons le temps d’être, d’écouter, de vivre avec. À l’image du Christ, qui s’intéresse profondément à l’homme, à tout homme.

Objectifs d’une pastorale des jeunes

En faisant nôtre l’attitude du semeur, nous voici libérés de toute préoccupation de rentabilité pastorale. Nous, pouvons maintenant appréhender plus justement une présence d’Église au monde des jeunes.

Un but : rencontrer le Christ

Une pastorale des jeunes exige avant tout de s’intéresser à chaque jeune, au nom du Christ, qui vient partager les joies et les peines de l’humanité. Elle se donne pour tâche d’accompagner les jeunes dans leur maturation humaine et leur croissance spirituelle. L’un et l’autre se répondent : nous croyons que la rencontre du Christ est libératrice et peut aider à construire son identité.

Notre responsabilité est de permettre aux jeunes de rencontrer le Christ et de vivre une expérience spirituelle qui conduise au bonheur. Nous voulons donner le goût de Jésus-Christ aux jeunes, car nous croyons que ce goût du Christ peut donner aussi le goût de vivre. "Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur", chante le psalmiste (Ps 34,9).

Une pédagogie d’éveil progressif

La pastorale des jeunes doit être ouverte à tous les jeunes, dans la diversité de leurs chemins, dans le respect de ce qu’ils sont - même si cela semble déroutant. Dans un document stimulant (7), Yvette Chabert propose une pédagogie d’éveil au goût, avec la métaphore du repas. Il faut que cette pédagogie soit flexible, adaptable, personnalisée.

* Goût de l’apéritif gratuit pour le plus grand nombre, à entrée et à sortie libre : un accueil inconditionnel, une porte toujours ouverte.
* Goût de mets divers, proposés à la carte, à picorer selon soi-même, sans ordre forcément cohérent : des activités proposées, où les jeunes vont venir puiser, selon leurs attentes : une célébration dans un camp, les JMJ, un week-end de retraite...
* Goût du plat du jour, plat du mois, plat du trimestre, fidèlement consommés : petit à petit, proposer une démarche plus cohérente, qui s’inscrit dans la durée et qui permet un engagement.
* Goût du menu complet pour un petit nombre.

La plupart d’entre nous ont pris l’habitude du menu complet, bien sûr. Et nous sommes parfois déconcertés face à ceux qui viennent picorer dans les plats, ou qui se contentent de l’apéritif. Mais c’est l’ensemble qui forme une vraie pastorale des jeunes. On peut donc dire que la carte offerte aux adolescents doit être variée, dans les propositions comme dans les approches.

Il faut d’abord être avec les jeunes, cheminer avec eux, partager leurs joies et leurs difficultés - sans la moindre velléité de récupération. Tous les lieux de rencontre des jeunes sont importants, même ceux qui semblent pastoralement peu rentables. Cela demande, bien entendu, du temps et de l’énergie ! Il faut ensuite offrir des lieux aux jeunes qui veulent aller plus loin. Nous devons organiser des espaces et des temps de rencontre et de ressourcement ; il est essentiel qu’existent des lieux d’une proposition explicite de la foi - tout en respectant le rythme et les questions des adolescents : temps de partage et d’approfondissement de la Parole ; apprentissage du silence et de la prière ; initiation aux sacrements (eucharistie et réconciliation notamment).

La diversité au service de l’unité

Ce choix de la diversité signifie notamment que nous choisissons de soutenir des pédagogies différentes et des approches diverses - dans la mesure où elles acceptent de s’écouter et d’être complémentaires. Nous ne sommes pas dans une logique d’affrontement, et nous voulons œuvrer à une meilleure connaissance : mouvements de jeunesse, groupes paroissiaux de cheminement, nouveaux mouvements... tous ont des richesses à partager.

Dans cette perspective, nous choisissons aussi d’articuler les temps forts et le quotidien. Des moments forts, des activités exceptionnelles, des grands rassemblements peuvent aider à redonner souffle à nos activités habituelles. Ils peuvent aussi susciter de nouvelles initiatives : de nombreux groupes de prière, par exemple, sont nés après un voyage à Taizé. Ils marquent particulièrement les jeunes, qui savent en même temps bien les situer à leur juste place : comme la Transfiguration, il s’agit d’un moment bref, qui donne du relief au quotidien de nos vallées. À nous d’apprendre à les relier à l’ordinaire des jours, sans craindre que les jeunes nous échappent.

La pastorale des jeunes est spécifique, mais pas séparée ; elle ne peut pas se concevoir de manière isolée. Elle doit résolument se situer dans une perspective globale ; elle doit permettre aux jeunes de goûter tout ce qui fait la vie de l’Église, avec ses richesses et ses pauvretés. L’Église revêt de multiples visages qu’il faut apprendre à découvrir. C’est en effet essentiel, pour les jeunes, de savoir qu’ils ne sont pas seuls, que d’autres cheminent avec eux et rencontrent les mêmes hésitations et les mêmes enthousiasmes. La foi chrétienne se vit d’abord comme une expérience partagée avec d’autres.

Devenir acteur de sa communauté

La communauté fraternelle est donc un lieu indispensable pour une vie chrétienne. Spontanément, on pourrait dire que cela rejoint l’expérience des jeunes qui aiment vivre en groupe. Mais l’un et l’autre correspondent-ils ? Le groupe est-il toujours une communauté ?

Aujourd’hui, les jeunes ont tendance à choisir soit de toutes petites équipes, presque fusionnelles, de quelques amis qui s’entendent bien, ou, au contraire, ils aiment participer à des activités rassemblant de très grandes foules. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont des groupes où on peut escamoter la différence de l’autre. Il ne s’agit pas à proprement parler de communautés.

La communauté chrétienne, elle, prend pour modèle le groupe des apôtres, ou la primitive Église de Jérusalem telle que nous la décrivent les Actes : nous refusons les communautés fusionnelles, les groupes où "on se sent bien entre nous", car ce qui nous rassemble, c’est le Christ, pas nos sympathies ou nos points communs.

Nos communautés doivent être le lieu d’un apprentissage progressif de la prise de responsabilité. Il importe que les jeunes puissent devenir acteurs de leur propre vie, dans leur communauté chrétienne, leur mouvement de jeunesse, leur école, le monde des loisirs... Ils ont leur place dans tout ce qui les concerne et notamment dans la vie de l’Église.

Dans les groupes de jeunes que nous accompagnons, il importe aussi de faire réellement confiance aux jeunes, de leur confier des responsabilités. Nous avons parfois l’impression qu’ils sont moins bien formés dans la foi, moins disponibles qu’avant, de par une certaine fragilité affective, à cause des études, parce qu’ils répugnent à des engagements à long terme... Ne tombons-nous pas dans la tentation de l’idéalisme ? Ils feront différemment de nous... mais pourquoi serait-ce moins bien ?

Et, après tout, quand on voit ceux que Jésus a recruté pour faire partie du groupe des 12, ce n’était pas nécessairement ceux que nous aurions jugés les plus aptes à assumer des responsabilités !... Mais Jésus a su les accompagner, partager leur vie dans une proximité forte (repas, voyage, prière...). Il a su aussi les ouvrir à sa personne, susciter leur acte de foi. Donner une, responsabilité n’empêche pas l’accompagnement, que du contraire. Les deux doivent impérativement s’articuler.

L’enjeu, c’est aussi celui-ci. Dans Quadragesimo Anno, Pie XI écrivait : "Les apôtres des ouvriers seront des ouvriers." Aujourd’hui, les apôtres des jeunes doivent être des jeunes. C’est un défi important à relever !

A la rencontre du Dieu de Jésus-Christ

Quand Philippe rencontre l’eunuque éthiopien sur la route de Jérusalem à Gaza (Ac 8,26-39), il ne se retrouve pas dans un terrain vierge de toute représentation religieuse. Il s’adresse à un homme qui a déjà une certaine connaissance du Dieu, de la Bible. Mais l’Éthiopien a besoin d’un guide pour comprendre ce qu’il a découvert dans les Écritures. C’est la situation à laquelle nous sommes régulièrement confrontés dans la rencontre avec les adolescents, et même avec de nombreux adultes. La plupart ont une certaine représentation de Dieu. Ces images sont souvent issues de l’éducation familiale, parfois acquises en catéchèse, régulièrement influencées par les médias.

Nous avons souligné que l’objectif fondamental d’une pastorale des jeunes est de permettre aux adolescents de vivre la rencontre avec le Christ, qui est un chemin vers Dieu. Si l’adolescence est un temps de transformation, il est nécessaire de les accompagner dans l’évolution des images qu’ils se font de Dieu (8). À l’adolescence, l’image que l’on a de ses proches, par exemple, doit évoluer. L’enfant qui grandit découvre les limites de ses parents ; il doit faire le deuil de l’image idéale qu’il en avait pour retrouver la vérité d’une relation épanouissante. Il en est de même de nos représentations de Dieu : beaucoup de nos contemporains ont gardé, à l’âge adulte, les images d’Épinal du Dieu de leur enfance. On a l’impression qu’ils n’ont pas fait leur "crise d’adolescence de la foi". Un certain nombre ont rejeté ces représentations enfantines devenues insupportables pour eux. C’est parfois vécu de manière très douloureuse, à l’occasion d’un deuil, d’un accident ou d’une maladie.

Bien sûr, toute expression de Dieu reste inadéquate, mais la représentation que nous portons peut nous aider à aller de l’avant ou, au contraire, bloquer tout chemin vers une foi adulte.

Les images du Dieu de l’enfance

Deux représentations reviennent spontanément. Dieu apparaît d’abord comme le tout-puissant, celui qui peut toute chose - un peu à l’image du parent idéalisé, qui accourt dès que son enfant l’appelle. Mais cette représentation se heurte à bien des questions : pourquoi Dieu ne répond-il pas à toutes mes demandes ? Serait-il simplement le "grand horloger" de Voltaire ? C’est ensuite l’idée de bonté que souligneront de nombreux jeunes en parlant de Dieu. Il est celui qui se met à leur écoute, celui qui inspire les gestes de solidarité et d’amour à travers le monde.

Mais, très vite, ces deux images apparaissent comme incompatibles. Si Dieu est à la fois bon et tout-puissant, comment permet-il que des hommes et des femmes souffrent ? Que des enfants meurent ? Pourquoi ces catastrophes et ces victimes innocentes ? Pourquoi le mal ?

Dieu, spécialement dans la culture judéo-chrétienne, est aussi représenté par l’image du père. Avec, liée à cette dernière, la catégorie de l’autorité. C’est une représentation parfois très abîmée chez certains jeunes, à cause de leur histoire personnelle. L’autorité est aussi ce que l’on rejette à l’adolescence, au nom de son épanouissement et de sa liberté.

Remise en cause ou rejet ?

Ces images héritées de l’enfance ne sont pas erronées, mais elles demandent à être revisitées, approfondies. Elles étaient souvent des certitudes tranquilles, qui s’effondrent à l’adolescence. Trois arguments principaux se retrouvent régulièrement :

* on ne peut pas prouver l’existence de Dieu, ce qui semble déterminant pour des jeunes marqués par une culture scientifique et rationaliste. Dieu n’est, somme toute, qu’une "hypothèse inutile" ;
* la souffrance et le mal apparaissent comme une négation - théorique ou pratique - de Dieu ;
* la responsabilité de l’homme et son autonomie sont plus importantes que toute nécessité de Dieu.

À cela s’ajoute la lourdeur, réelle ou ressentie, de la vie de l’Église : la méfiance envers les grandes institutions s’ajoute à la difficulté, pour l’institution ecclésiale, de s’adapter au monde des jeunes, dans sa liturgie, dans ses prises de parole...

Dès lors, l’adolescence sera pour beaucoup le moment où l’on rejette la religion, avec force ou avec dérision. Quel chemin proposer aux jeunes pour que ce rejet soit un passage qui fait grandir et non un abandon définitif ? Ici tout particulièrement, l’adolescent a besoin d’adultes dans la foi qui accompagnent sa recherche.

Le silence de Dieu

La structuration de la foi doit d’abord passer par l’expérience du silence de Dieu. Beaucoup d’adolescents ont l’impression que Dieu est absent de leur vie personnelle et de l’histoire du monde. Au moment où ils ont besoin de lui, ils crient vers le ciel, et ont l’impression de ne pas être entendus. Ils pourraient reprendre cette parole du psaume que le Christ prononce sur la croix : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?" (Mc 15,34) Quand ils regardent celles et ceux qui les entourent, ou quand ils découvrent le monde, ils ont tout autant l’impression que Dieu ne peut être présent à cette histoire marquée de tant de déchirures et de souffrances.

Éprouver Dieu

Il faut prendre au sérieux cette expérience : n’est-elle pas l’épreuve de la foi ? Avant toute compréhension de Dieu, nous croyons indispensable de permettre aux jeunes d’expérimenter sa présence, puis de les aider à mettre des mots sur ce qu’ils ont vécu. Chez les adolescents particulièrement, le ressenti, l’affectivité, occupent une grande place. Il s’agit d’éprouver Dieu avant de le prouver. Avant de mettre des mots sur Dieu, il faut avoir vécu la rencontre personnelle du Christ et avoir ressenti le regard d’amour que Dieu pose sur nous.

Avec des jeunes, on ne peut se contenter de se mettre autour d’une table pour prier ou réfléchir. Il faut leur permettre de vivre des expériences fortes, qui les marqueront. Il appartient aux adultes, aujourd’hui plus qu’hier, d’accompagner ces expériences spirituelles pour donner aux jeunes une réelle intelligence de leur foi. Une expérience telle qu’elle peut être vécue à Taizé ou durant les JMJ risque d’être un feu de paille si des adultes n’aident pas les jeunes à mettre des mots sur ce vécu et à l’inscrire dans le temps.

Prouver Dieu ?

Une argumentation logique ne donnera jamais la foi ; celle-ci est d’abord de l’ordre de l’expérience. Mais on peut partir de ce qui a été vécu par les jeunes pour les aider à comprendre Dieu.

Leur expérience concrète contredit ces images enfantines d’un Dieu qui répond au cri de l’homme comme une maman répond aux pleurs de son enfant. S’ils ont vécu la présence de Dieu dans leur vie, s’ils ont fait une réelle expérience spirituelle, alors ils auront envie d’aller plus loin. Le dialogue avec d’autres, la lecture de l’Écriture, l’écoute, leur permettront de structurer leur foi, de faire évoluer leurs images de Dieu. Il ne s’agira plus tant d’un savoir que d’une compréhension, une reconnaissance de Dieu. Ils découvriront alors que l’amour s’exprime souvent bien mieux dans la faiblesse que dans la force (1 Co 1,25).

Faire l’expérience de la prière

Dans la vie chrétienne, on ne peut se contenter de parler de Dieu, notre foi doit aussi être nourrie par un dialogue avec Dieu. La prière est au cœur de l’expérience croyante. D’une part, l’apprentissage de la prière permet aux jeunes un approfondissement personnel crucial, parce qu’il les confronte à des questions essentielles : quelle place pour la gratuité dans ma vie ? Et pour le silence ? Suis-je capable de me retrouver seul face à moi-même ou ai-je l’envie de fuir la solitude ? D’autre part, il nous resitue d’emblée au cœur même de la foi en proposant l’aventure d’une rencontre et d’un dialogue avec Dieu. En invitant les jeunes à la prière, nous leur rappelons que le cœur de la vie chrétienne est une relation aimante entre Dieu et l’homme, une expérience qu’ils doivent goûter. "Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai le repas avec lui et lui avec moi." (Ap 3,20)

Mais, là aussi, spécialement dans la prière personnelle, on est vite confronté au silence de Dieu. Si le jeune n’a pas revisité ces représentations enfantines de Dieu, s’il reste dans les demandes infantiles sans passer à la richesse du dialogue avec le Seigneur, il risque d’abandonner bien vite toute démarche de prière silencieuse.

Accompagner une recherche

Ces démarches de compréhension de Dieu ou de prière sont difficiles à vivre seul. Le récit de la rencontre de Philippe avec l’eunuque éthiopien (Ac 8,26-39) est une belle illustration de l’attitude de recherche des jeunes et de la nécessité d’un accompagnement.

Avant toute chose, notons la confiance de Philippe. Dieu lui dit d’aller sur la route de Jérusalem à Gaza, et il précise qu’elle est déserte (v. 26). Philippe devait se poser la question de l’utilité d’une telle démarche, mais il s’y rend, confiant. Beaucoup d’accompagnateurs de jeunes se demandent parfois à quoi sert toute cette énergie qu’ils investissent avec des adolescents. Elle doit s’inscrire dans la confiance : ils auront parfois l’impression d’être seuls sur le chemin, ils seront parfois surpris de là où l’Esprit les conduit, mais ils seront une étape décisive pour ceux qui passeront par là.

Philippe, à l’invitation de l’Esprit, va s’approcher du char de l’eunuque. Ses attitudes sont importantes : il s’approche de l’homme, il l’écoute, il l’interroge en partant de ce qu’il est occupé à faire. Philippe se rend proche de l’Éthiopien, il s’intéresse à lui. Nous avons déjà souligné l’importance de cette proximité. C’est seulement dans le cadre d’une relation personnelle, s’ils perçoivent que nous la portons avec eux et pour eux, que l’on peut aider les jeunes à porter cette question de Dieu.

L’Éthiopien, comme beaucoup déjeunes aujourd’hui, a déjà une certaine connaissance du Dieu de la Bible. Son problème n’est pas de savoir, mais de comprendre. Philippe l’a bien perçu : "Comprends-tu vraiment ce que tu lis ?", demande-t-il. Ce sera l’occasion pour l’Éthiopien de dire son attente, son manque : "Comment le pourrais-je si personne ne me guide ?" Les jeunes n’ont pas besoin d’experts qui leur disent qui est Dieu, mais de témoins qui les aident à comprendre - et à se comprendre eux-mêmes.

L’eunuque était avide de trouver une clé à ce qui est pour lui une énigme existentielle. De même, une pastorale authentique cherche à rejoindre les dynamismes les plus profonds de la personne du jeune ; elle s’adresse au cœur, là où sont les racines secrètes de l’être, là où Dieu vient. C’est de là que tout part.

Quand on visite un musée ou un monument historique, nous savons bien que notre intérêt pour la visite dépend en bonne partie de la passion du guide pour ce qu’il nous fait découvrir. Il en est de même pour les "Philippe" que doivent être les animateurs de jeunes : il leur appartient d’être passionnants pour que les jeunes deviennent des passionnés du Christ.

Le texte que lit l’eunuque est un passage du prophète Isaïe, plus précisément un extrait des chants du Serviteur de Dieu - un texte que la tradition appliquera très tôt à la passion du Christ. On le voit, on est directement plongé au cœur du mystère pascal. Ce passage difficile, qui évoque la souffrance du juste, devient la "bonne nouvelle de Jésus" (v. 36), nous dit Luc, l’auteur des Actes. Évoquer le calvaire du Christ, c’est prendre en compte les croix des jeunes ; c’est aussi annoncer une espérance au cœur des passions de l’humanité.

À peine a-t-il découvert la Bonne Nouvelle que l’eunuque demande le baptême. Ce qu’il vit n’est pas qu’une compréhension intellectuelle, mais une expérience de communion personnelle avec le Christ, qui trouve son accomplissement dans un sacrement. La rencontre de Dieu provoque toujours un changement dans l’existence : pour l’Éthiopien, ce sera le baptême.

Dès qu’il est baptisé, Philippe disparaît à ses yeux. Même s’il se retrouve seul, l’eunuque repart tout joyeux. Il n’est pas déçu par la disparition de Philippe : celui-ci a été pour lui un guide vers le Christ ; maintenant qu’il connaît le Christ, Philippe n’est plus nécessaire. C’est l’occasion de se rappeler que l’accompagnateur n’est que de passage dans la vie du jeune ; il est au service d’une rencontre.

L’Éthiopien est désormais dans la joie, joie de sa rencontre du Seigneur. Quand on reçoit une bonne nouvelle, normalement on est joyeux - ou alors c’est une mauvaise nouvelle. L’accueil de l’Évangile et la rencontre du Christ sont au service de l’épanouissement du jeune.

Un long compagnonnage

Comme l’eunuque éthiopien, nous avons besoin de guides qui nous aident à relire notre vie. L’accompagnement des jeunes exige des chrétiens qui cheminent avec eux. L’Évangile passe toujours par des personnes, qui témoignent joyeusement de leur foi, jamais par des structures.

Nous terminons avec ce qui aurait presque dû être un préalable. Mais nous percevons mieux maintenant quels sont les défis et les responsabilités auxquels sont confrontés ceux et celles qui, dans nos communautés, accompagnent les jeunes sur un chemin de foi. Car il s’agit bien d’un accompagnement. On pourrait dire qu’on est "dans le même bateau". Nous sommes alors compagnons d’une traversée, parfois houleuse, parfois sereine. L’adolescence est un passage, à nous d’être des passeurs avec tous les risques que cela comporte.

Être avec les jeunes est un défi important. Les adolescents ont besoin d’accompagnateurs, de compagnons de route, qui les aident à vivre leurs questions, leurs angoisses, qui leur permettent de découvrir leurs richesses, qui suscitent leurs prises de responsabilités, qui soutiennent leurs engagements. Qui soient de vrais adultes aussi : les jeunes nous demandent de les comprendre, pas d’être comme eux.

Avec les jeunes : croire, espérer, aimer

Pour aider les adolescents à grandir, on ne demande pas à l’accompagnateur d’être un homme-orchestre ou un expert, mais de vivre selon l’Évangile. "Consentons à passer des savoir-dire ou des savoir-faire sans erreurs à un savoir-être transpirant de Jésus-Christ !" (9) On pourrait dire que l’adulte doit vivre avec les jeunes, et pour eux, les vertus théologales (10)  : il doit avant tout les aimer, il leur donne sa confiance et espère en eux, il leur partage sa foi.

Aimer

Tout commence avec l’amour. Si l’accompagnateur n’aime pas les jeunes qui lui sont confiés, les jeunes le ressentiront très vite, et la confiance sera difficile. Don Bosco disait qu’ " il faut que non seulement les jeunes soient aimés, mais qu’ils se sentent aimés ".

Pour l’accompagnateur chrétien, aimer, c’est vivre à la manière du Christ : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés" (Jn 13,34). Quand on parcourt les Évangiles, on se rend compte que l’amour de Jésus n’est pas fait de grands discours, mais qu’il passe par des actes concrets : il accueille tous ceux qui se tournent vers lui, il guérit les malades, il va à la rencontre des aveugles et des exclus... Bref, "il passait en faisant le bien" (Ac 10,38).

C’est aussi un amour qui va jusqu’au bout, jusqu’à la mort. Qui accompagne les jeunes devra souvent mourir à ses rêves, et affronter l’échec et la déception. Mais l’essentiel est de continuer à les aimer, même si, parfois, ils nous déçoivent.

Lors d’une retraite que j’accompagnais, les jeunes ont eu l’occasion de partager sur ce beau texte d’évangile qu’est la question du scribe à Jésus sur le plus grand commandement (Mc 12,28-34). Leurs réflexions opéraient un déplacement significatif dans l’accueil de cette parole du Christ : "tu aimeras ton prochain comme toi-même". Si, pour beaucoup d’entre nous, aimer son frère reste une interpellation permanente, pour les jeunes, la plus grande difficulté... c’était d’abord s’aimer soi-même ! Aimer les jeunes, c’est leur signifier qu’ils ont du prix à nos yeux et, par là, les aider à s’apprécier eux-mêmes.

Croire

Accompagner des jeunes sur le chemin de la foi, c’est nécessairement croire, en soi, en Dieu, en l’autre. C’est témoigner, en toute simplicité, de notre foi et de ce qui nous fait vivre.

Shafique Keshavjee, un pasteur d’origine indienne, raconte que, quand il voulait parler de Dieu à ses enfants, ceux-ci lui répliquaient : "Papa, ne nous raconte pas d’histoire... mais ton histoire ! Dis-nous pourquoi Dieu est si important pour toi." (11) Avec les jeunes, il est impossible de jouer un rôle, ils attendent des adultes qui témoignent, en vérité, par leur vie, comment le Christ est présent à leurs joies et à leurs souffrances.

Invité à vivre sa foi en Dieu, l’adulte doit aussi exprimer sa foi dans le jeune qu’il a en face de lui. Les jeunes ont besoin d’accompagnateurs qui ont confiance en eux, et qui leur disent qu’ils croient en eux, car ils sont précisément à un âge où ils manquent de confiance en eux-mêmes - rappelez-vous le complexe du homard. Il est essentiel d’oser leur confier des responsabilités, même limitées. Car elles sont des messages concrets qui signifient que nous croyons en eux. C’est un chemin de reconnaissance qui fait grandir l’adolescent.

Espérer

À l’heure où tant d’indicateurs sont dans le rouge, il est indispensable d’aider les jeunes à vivre l’espérance.

Aujourd’hui, de nombreux discours sur la société soulignent essentiellement des évolutions négatives : on évoque la violence du monde des jeunes (comme si les adultes qui construisent des chars et entretiennent des armées ne l’étaient pas), on souligne les ravages de la drogue, ou l’incapacité des jeunes à s’engager... Leur donne-t-on envie de construire un monde plus juste et plus fraternel ?

Ceci n’implique pas pour autant un optimisme béat ou un refus de tout esprit critique. Chaque génération a ses richesses et ses fragilités. Mais il faut avoir un a priori de confiance envers les jeunes. Il n’y a pas de raison que l’Esprit de Dieu soit absent d’une génération parce qu’elle serait née quelques années après nous.

Simplement, il nous faut être attentif à ce germe. L’espérance est une vertu théologale, pas une constatation de ce qui est. Chez les adolescents, beaucoup de choses sont encore en train de mûrir, lentement. Il nous faut encourager, arroser la plante qui pousse. Être attentif à ce qui est en croissance demande beaucoup d’attention : "un arbre qu’on abat fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse", rappelle un proverbe africain.

Pour toute la communauté

Les adultes qui accompagnent des jeunes ont aussi une responsabilité vis-à-vis de l’ensemble de la communauté chrétienne. Ils l’interpellent sur sa capacité à accueillir les jeunes, à leur donner la parole ; ils lui rendent confiance en l’avenir, soulignant ce qui est en train de germer ; ils créent des ponts et des occasions de dialogue.

Régulièrement, ils doivent aussi aider les chrétiens à transformer la question : "que pouvons-nous apporter aux jeunes ?" en "qu’est-ce que les jeunes peuvent nous apporter ?" Et comment pouvons-nous accueillir ce qu’ils peuvent nous partager ? La pastorale des jeunes doit devenir une priorité, au nom d’une attention aux jeunes, mais aussi parce qu’elle est un enseignement pour l’Église. L’Église ne reste pas indemne quand elle se frotte aux jeunes : ils lui renvoient une image peut-être déformée, mais qui ne peut que l’interpeller ; ils l’obligent à inventer des chemins nouveaux ; ils la poussent à ne pas s’arrêter à la périphérie mais à retrouver le cœur de la foi chrétienne. Il y a un engendrement mutuel extrêmement fécond pour toute l’Église qui peut naître de cette rencontre.

Des ouvriers pour la moisson

Tout ceci nécessite du temps, beaucoup de temps : avec les jeunes, il faut savoir "perdre du temps". Dans nos pays occidentaux, qui furent riches en ministres ordonnés, de nombreux jeunes prêtres investissaient de l’énergie - et du cœur ! - dans l’accompagnement des adolescents. Aujourd’hui, le nombre des prêtres diminue, et ils ne rajeunissent pas... Une présence aux jeunes est devenue pour eux une vraie difficulté, à cause de la différence de génération, de mentalité et de culture, à cause de la disponibilité, du temps que cela demande.

Par ailleurs, tout le monde n’est pas fait pour accompagner les jeunes. Il s’agit d’un charisme particulier, qui demande patience, écoute, confiance... De nombreux parents d’adolescents peuvent témoigner que ce n’est pas toujours facile !

Et pourtant, nos communautés chrétiennes doivent porter ce souci de la proposition de la foi aux générations qui nous suivent. Il est nécessaire aujourd’hui de susciter des vocations d’accompagnateurs de jeunes. C’est un beau charisme à discerner. Avant de vouloir mettre en place un projet concret pour des adolescents, une équipe pastorale doit prendre le temps du discernement ; qui pourrait porter cela dans notre communauté ? Quitte peut-être à dégager cette personne d’autres responsabilités dans la vie paroissiale, si on estime que la présence au monde de la jeunesse est primordiale.

Il est tout aussi indispensable de soutenir et d’encourager celles et ceux qui sont concrètement engagés dans cette pastorale. Trop souvent, on a blessé des accompagnateurs de jeunes, qui sont parfois très seuls dans leur groupe, essayant de relier des adolescents à la communauté : on leur reproche de ne pas faire venir les jeunes à la messe, ou on souligne que ceux-ci ont mal lu et chanté trop fort... Ce n’est peut-être pas faux, mais pense-t-on à leur dire combien nous sommes heureux de leur présence, au nom de la communauté chrétienne, auprès des plus jeunes ?

Selon l’Évangile, "la moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux" (Mt 9,37 ; Lc 10,2). On rappelle souvent ce manque d’ouvriers, de préférence pour s’en lamenter, mais on oublie de dire que la moisson est déjà florissante. Le Christ lui-même le rappelle à ses apôtres : "levez les yeux et regardez : déjà les champs sont blancs pour la moisson" (Jn 4,35). Peut-être n’en sommes-nous pas assez persuadés. Si on pouvait apprendre à lire les signes de la moisson dans le monde des jeunes, à voir ces épis dorés, probablement susciterions-nous bien des vocations d’accompagnateurs de jeunes.

En guise de conclusion...

En guise de conclusion, je ne résiste pas au plaisir de livrer cette petite histoire de J. Loew (12) :

"Comment faire boire un âne qui n’a pas soif ? Et comment, toute révérence gardée, donner la soif et le goût de Dieu aux hommes qui l’ont perdus ? Et qui se contentent du pastis ou du whisky, de la télé ou de l’auto ?
Des coups de bâton ? Mais l’âne est plus têtu que nos bâtons. Et cette méthode ancienne est déclarée trop directive par les éducateurs d’aujourd’hui.
Lui faire avaler du sel ? Pire encore et qui relève presque des tortures psychiatriques.
Comment donc faire boire cet âne en respectant sa liberté ?
Une seule réponse : trouver un autre âne qui a soif... et qui boira longuement, avec joie et volupté, au côté de son congénère. Non pas pour donner le bon exemple, mais parce qu’il a fondamentalement soif, vraiment, simplement soif perpétuellement soif.
Un jour, peut-être, son frère, pris d’envie, se demandera s’il ne ferait pas bien de plonger, lui aussi, son museau dans le baquet d’eau fraîche.
Des hommes ayant soif de Dieu, plus efficaces que tant d’âneries racontées sur lui."

Il me semble qu’elle dit mieux que de longs discours ce dont l’Église a besoin aujourd’hui pour témoigner auprès des jeunes. Non pas des ânes, mais des hommes et des femmes qui ont soif de Dieu et qui donnent envie de goûter à la source d’eau vive.

Une nouvelle chance pour l’Evangile,
Lumen Vitae / L’Atelier, 2004 (p. 149-171).

Notes :

Ph BACQ & Ch. THEOBALD. Une nouvelle chance pour l’Évangile. Vers une pastorale d’engendrement (Théologies Pratiques) Lumen Vitae / Novalis / L’Atelier 2004 (pp. 149-171). [ Retour au Texte ]

1 Ce qui signifie que la fin de la catéchèse préparatoire aux sacrements de l’initiation s’adresse déjà à des adolescents, et plus à des enfants. Nos méthodes en tiennent-elles suffisamment compte ? [ Retour au Texte ]

2 F. DOLTO et C.DOLTO-TOLITCH, Paroles pour adolescents ou le complexe du homard, Paris, Hatier, 1989, pp. 14-15. [ Retour au Texte ]

3 Et pourtant, les jeunes bénéficient de conditions de vie jamais atteintes jusqu’ici : confort, santé, loisirs, espérance de vie... [ Retour au Texte ]

4 Aujourd’hui, à Paris, une famille sur deux est monoparentale ou recomposée. [ Retour au Texte ]

5 Cf. l’essai de D.WOLTON, L’autre mondialisation, Paris, Flammarion, 2003. [ Retour au Texte ]

6 Beaucoup de jeunes ont perdu le goût de vivre : en France, le suicide est la première cause de mortalité des jeunes entre 15 et 34 ans, avant même les accidents de voiture. [ Retour au Texte ]

7 Cf. Y. CHABERT, Quels chemins nouveaux pour proposer la foi aux jeunes ? coll. Documents Épiscopat, n° 4-5, mars 2001, p.10. [ Retour au Texte ]

8 Pour tout ce passage, cf. H. HERBRETEAU, Les chemins de l’expérience spirituelle. Repères pour accompagner des jeunes, coll. Les jeunes et Dieu, Paris, éd. de l’Atelier, 2000, pp. 103-116. [ Retour au Texte ]

9 Y. CHABERT, op. cit., p. 31. [ Retour au Texte ]

10 J.-M. PETITCLERC, Dire Dieu aux jeunes, Paris, Salvator, 2002, (3e éd.), pp. 124-132. [ Retour au Texte ]

11 Sh. KESHAVJEE, Dieu à l’usage de mes fils, Paris, 2000, p.37. [ Retour au Texte ]

12 J. FAIZANT et J. LOEW, Paraboles et Fariboles, coll. Foi Vivante, n° 323, Paris, 1993, p. 30. [ Retour au Texte ]