Oser appeler pour que chacun épanouisse son baptême


Le témoignage de Soeur Anne-Marie Hubert, qui fut longtemps membre de l’équipe du Service diocésain des vocations d’Evreux.

A cette question, dans sa formulation, spontanément, je réponds non. Pourquoi ? Parce que la pastorale des vocations ne sert pas un objet ou que sais-je, mais elle sert quelqu’un.


Elle est au service de Dieu qui appelle aujourd’hui
des hommes et des femmes, jeunes et adultes,
qui sont appelés de l’Eglise,
Peuple appelé pour être appelant.

au service de Dieu qui appelle

La passion de Dieu, son désir d’Amour : que les hommes soient des vivants. Et pour que le monde ait la vie, aujourd’hui, le Seigneur appelle.
Il appelle chacun(e) au bonheur... Et son appel est une invitation : découvrir que nous sommes aimé(e)s d’un amour qu’on ne peut ni mesurer, ni peser. Lui seul a l’initiative de l’appel. Mais dans le même temps, il veut avoir besoin de nous pour éveiller à l’appel qu’il ne cesse d’adresser. Rappelons-nous la vocation de Samuel et le merveilleux dialogue entre Eli et le jeune enfant : "Si on t’appelle encore, réponds : ’Parle Seigneur, ton serviteur écoute’... C’est le Seigneur", confirmera Elie (Ism. 3,1-21).
Aujourd’hui, comme hier, c’est l’Esprit qui parle au coeur mais Dieu n’a que nous pour éveiller à l’intelligence des Ecritures.
Ma mission, pendant près de neuf années en pastorale des vocations me permet d’affirmer que Dieu continue d’appeler. Ils sont plus nombreux qu’on ne le croit les jeunes qui présentent un appel sans bien pouvoir le formuler : "Est-ce une idée ?... une construction de mon imaginaire...ou Dieu qui m’appelle ? Mais l’appel c’est quoi ?" À nous de créer les espaces où Dieu pourra se dire. Où nous pourrons le rejoindre et faire l’expérience que Dieu a fait le chemin pour venir à notre rencontre : qu’il nous attend, assis sur la margelle du puits : "Donne-moi à boire"...

au service de la liberté de réponse des hommes et de femmes de ce temps

Le Seigneur appelle des personnes en situation d’incarnation. Des jeunes et/ou des adultes dont la personnalité a parfois besoin de se refaire, ou de se construire. Ils demandent des repères pour trouver (ou retrouver) l’unité de leur vie. Là encore, pendant toutes ces années j’ai écouté, reçu des jeunes absorbés par leurs études, la préparation de concours, la recherche d’un emploi., et se posant sérieusement la question de leur avenir mais ayant beaucoup de difficultés à dégager du temps pour prendre toute la mesure de la possibilité d’un engagement radical au service de l’Evangile. Au cours d’entretiens personnels ou en équipe de recherche, leurs demandes furent bien souvent : "apprends-nous à prier, à faire l’unité de notre vie".
A travers des propositions concrètes de week-end de réflexion et de prière orientés dans une perspective vocationnelle, ces jeunes, ont pu partager, réfléchir et s’aider mutuellement à trouver leur colonne vertébrale spirituelle, à faire un discernement. Un discernement ne se fait pas seul(e), mais en Eglise. Peu à peu la vocation est devenue la réponse personnelle (plus exactement l’ensemble des réponses) à l’appel de Dieu, donnée dans la liberté de l’Esprit.
La pastorale des vocations est donc au service de la liberté d’hommes et de femmes de notre monde d’aujourd’hui. Elle permet à chacun(e) de vivre l’expérience de la rencontre de son désir personnel avec le désir de Dieu pour lui, pour elle. Elle crée cet espace de liberté où chacun(e) peut, s’il veut, répondre "me voici, envoie-moi".

au service de l’Eglise, peuple appelé pour être appelant

Dieu appelle des hommes et des femmes pour faire Eglise. Une Eglise qui vit et se réalise dans un lieu donné, avec des personnes précises, dans des situations concrètes. Une Eglise dans sa double dimension verticale et horizontale : appelée pour être appelante.
La pastorale des vocations est l’affaire de tous les chrétiens, au titre même de leur baptême. Le "j’embauche" du cardinal Marty doit être pris aussi dans ce sens : tous embauchés pour / à l’appel, et pas seulement quelques spécialistes. Appelants à travers ce que l’on vit et tout ce que l’on fait dans le quotidien professionnel, étudiant ou ecclésial (paroisses, mouvements, services, communautés religieuses...), individuel ou collectif.
Un animateur A.C.O. disait en mai dernier :
"Autour de moi je connais des jeunes qui disent : ’si quelqu’un m’avait parlé j’aurais choisi une autre voie’. Ils se posent des questions sans forcément dire ’je voudrais être prêtre ou religieuse’ mais on sent une interpellation à travers les questions qu’ils nous posent. Mais comment aborder le sujet avec eux, c’est pas toujours évident !"
Dieu a l’initiative de l’appel, mais il nous confie de faire connaître cet appel. La pastorale des vocation porte au coeur cette audace "oser appeler" pour que chacun(e) puisse trouver sa place et sa manière personnelle desuivre Jésus-Christ aujourd’hui. Elle aide chaque baptisé, chaque communauté chrétienne, chaque Eglise particulière, à prendre conscience de la nécessité vitale de la diversité complémentaire des vocations, pour que l’Eglise soit le Corps du Christ. Un Corps "entier" et non "amputé" !
"Nous pensons qu’on peut poser la question de la vocation lorsque la personne a commencé un certain cheminement. Si elle n’a pas fait ce cheminement, rien ne nous empêche de la poser pour la provoquer" (un jeune couple animateur en S.D.V.).

Sensibiliser, éveiller, discerner, voilà la mission d’une pastorale des vocations. Dans le cadre de la vocation commune de chaque baptisé : devenir saint, vivre en Fils de Dieu et en frère de tous et au coeur des réalités diocésaines existantes, la pastorale des vocations insuffle la question de l’épanouissement du baptême (les vocations). Elle rappelle que Dieu appelle individuellement des personnes pour une mission particulière. Alors oui, en ce sens la pastorale des vocations sert à "quelque chose". Elle sert la vie et la croissance de l’Eglise et du monde.

Anne Marie Hubert