Les vocations


Dans cette reprise du numéro 8 des Documents épiscopat, le Père Hippolyte Simon, vicaire épiscopal (Coutances) et délégué diocésain pour la recherche sur les ministères, invite à comprendre ce qui s’est passé et esquisse quelques perspectives d’action.

"Je porte avec vous, dans la prière, cette écharde dans la chair que représente le petit nombre de jeunes qui répondent à l’appel du Christ pour le suivre dans le sacerdoce ou la vie religieuse...
Je vous encourage à continuer sans relâche à faire entendre parmi les chrétiens, l’appel au service sacerdotal, irremplaçable dans l’Eglise."

Jean-Paul II aux évêques français (Centre-Est et Centre) en visite ad limina au début de 1992.

remarques introductives

1 Il n’est pas possible de tout dire en même temps ; on ne peut pas envisager à la fois toutes les situations. Par "vocations" j’entendrai ici toutes -et seulement- les vocations de "spéciale consécration", celles qui impliquent l’engagement libre dans le célibat. Il s’agira donc des vocations religieuses, masculines et féminines, des vocations presbytérales et des vocations à la vie consacrée dans le cadre d’un institut séculier.

Quelles que soient, par ailleurs, les différences que l’on peut rencontrer, tant en ce qui concerne les motivations préalables à l’engagement définitif qu’en ce qui concerne ensuite la manière de vivre au quotidien cet engagement, toutes ces vocations ont en commun d’établir celles et ceux qui y répondent dans un état de vie "singulier" par rapport à celui de la majorité de leurs concitoyens (1). Ces vocations ne s’inscrivent pas spontanément dans la "logique de nos chromosomes" ni dans celle des sociétés humaines. Elles requièrent donc, pour être assumées positivement, une démarche personnelle, un choix conscient et libre, mûrement réfléchi, en réponse à ce qui est alors reconnu comme un "Appel" du Christ et de l’Eglise.

Il y a donc là, autour de ce choix personnel, un faisceau d’attitudes psychologiques, intellectuelles et spirituelles, qui doit se retrouver dans toutes les vocations et qui permet de les regrouper ici sous le même point de vue.

2 Ayant à parler des vocations et uniquement des vocations, je n’envisagerai évidemment pas toutes les questions relatives aux activités pastorales de l’Eglise de France. Compte tenu de ce qui précède, je ne parlerai ni du diaconat permanent, ni des "animateurs pastoraux laïcs". S’il m’arrive d’insister sur la gravité de la"crise des vocations", ceci ne signifiera pas que je néglige tous les efforts pastoraux déployés par les diacres, les animateurs laïcs, les catéchistes, les militants, les bénévoles et tous les autres chrétiens.

Simplement, l’Eglise serait amputée d’une part d’elle-même si plus personne, parmi les chrétiens, n’envisageait que la "suite du Christ" puisse conduire aussi à choisir l’état de vie qui fut le sien (2). L’Eglise a besoin de "vocations" car elle n’existe elle-même que comme témoignage, en réponse à l’amour de celui qui "l’a aimée et s’est livré pour elle" (Eph. 5, 25).

N.B. 1 - Ce numéro 8/92 a été rédigé avant la publication de l’Exhortation apostolique "Pastores dabo vobis". On ne s’étonnera donc pas de ne trouver aucune référence au texte pontifical

2 - Le numéro 9/92 complétera celui-ci : préparé avec le Service National des Vocations, il fournira un ensemble de données statistiques illustrant la situation actuelle dans les séminaires diocésains, les congrégations et les instituts religieux.

A - une situation "gravissime"

Les lecteurs de Documents-Episcopat n’ont pas besoin d’être alertés sur la gravité de la crise des vocations en France. Ils la connaissent mieux que quiconque puisqu’ils sont quotidiennement affrontés à ses conséquences : fermeture de fraternités religieuses, regroupements de communautés, impossibilité de remplacer un prêtre qui prend sa retraite, etc.
Par contre je suis souvent étonné de constater, sur le terrain, comme on dit, que le peuple chrétien ne semble pas encore bien en mesurer la portée. Tout se passe comme si la population ne percevait l’ampleur de cette crise que lorsque son curé vient à disparaître. Pourtant la situation n’a cessé de se transformer depuis trente ans. Mais, apparemment, cette transformation est demeurée jusque-là quasi-imperceptible. Pourtant, elle était bien réelle :

  • il y eut d’abord la diminution du nombre des prêtres et des religieux(ses) chargés d’enseigner dans les écoles et collèges libres...
  • puis la raréfaction des prêtres en aumôneries scolaires ;
  • la quasi disparition des vicaires ruraux ;
  • parallèlement le nombre de religieuses "gardes malades", infirmières et catéchistes s’est lui aussi effondré ;
  • et pour finir nous assistons à l’érosion des équipes sacerdotales. Là où il y avait 3 prêtres il en est resté 2, puis un seul.

Tant qu’il est resté au moins un prêtre, le peuple chrétien n’a pas semblé s’inquiéter beaucoup. Certains prêtres non plus d’ailleurs. C’est maintenant, en passant de 1 à 0, que se fait la prise de conscience. Mais il est profondément regrettable, pour ne pas dire plus, que cette prise de conscience ait lieu si tardivement. Car, pour insensible qu’elle ait été, la diminution du nombre des prêtres et des religieuses a d’abord affecté :

  • L’évangélisation des jeunes : c’était à eux, en priorité, que se consacraient les prêtres et religieuses enseignants, les aumôniers scolaires et de mouvements, les vicaires ;
  • ... et l’évangélisation des "petites gens" : si l’on pense, par exemple, au nombre de familles qui recevaient la visite d’une religieuse garde-malade, on mesure, a contrario, à quel point peut faire défaut aujourd’hui ce réseau de références qui s’était tissé tout au long du XIXème siècle. Le succès actuel des Témoins de Jéhowah ne serait-il pas corrélatif à cette disparition ?

Il s’est produit comme un effet de spirale : moins le peuple chrétien a rencontré de personnes engagées dans une vocation de spéciale consécration, moins des jeunes ont pu penser qu’un tel engagement était possible pour eux. Et moins il y avait de jeunes à pouvoir y penser, moins il y a eu de vocations, etc.

Depuis quinze ans, le chiffre des entrées au séminaire s’est stabilisé ; mais il n’est pas encore possible de dire, au vu des chiffres globaux, si ce mouvement de spirale vers le bas est désormais arrêté.
Au-delà de l’analyse de ces chiffres -qu’il reste important de connaître- il convient d’essayer de comprendre ce qui s’est passé et d’esquisser quelques perspectives d’action.

B - le troisième seuil

L’historien Jean Bauberot distingue, pour la France, deux "seuils de laïcisation" (3). Le premier, au tournant des années 1789-1804. Le second, au tournant des années 1880-1905. Prolongeant sa réflexion, je proposerais volontiers l’hypothèse suivante : les années 1960-1975 nous ont fait franchir un troisième seuil de laïcisation. Elles ont provoqué peu de changements institutionnels dans les relations entre l’Eglise et l’Etat. De ce point de vue, ces années et celles qui les ont suivies auraient même plutôt permis le règlement d’un certain nombre de contentieux antérieurs. Mais elles ont été marquées par un "renversement des antériorités". Alors que beaucoup de chrétiens nés avant 1960 ont pu avoir le sentiment (diffus) d’être "nés dans l’Eglise", ceux qui sont nés depuis cette date ont plutôt le sentiment d’être nés dans une société globalement non-chrétienne. D’où le renversement auquel nous avons assisté : plusieurs générations de militants, de prêtres et de religieuses ont été sensibles à la nécessité de "sortir" de la chrétienté pour "s’ouvrir" au monde moderne en devenir. Certains en ont même conclu qu’il leur fallait sortir de l’Eglise.

A l’inverse, les jeunes chrétiens d’après 1975, minoritaires dans leurs classes d’âge, éprouvent plutôt le besoin de "sortir" de leur isolement dans la société civile pour "retrouver" des groupes où conforter leur identité chrétienne. Ils se sentent natifs de ce monde moderne et n’éprouvent pas le besoin "d’y aller". Au risque parfois de le mépriser et de tout rejeter en bloc, sans distinguer, d’une part les acquis institutionnels positifs !!, qu’il convient de renforcer, et d’autre part les dérives "mortifères" qu’il convient d’éviter.
Ce renversement des antériorités explique bien des dialogues de sourds entre des prêtres qui se veulent "conciliaires" et des jeunes prêtres qui se disent volontiers "identitaires". Comme si les deux registres d’affirmation étaient à opposer... Sans entrer ici dans tout ce débat, il faut tout de même s’y arrêter un peu si l’on veut lever un certain nombre d’obstacles à la réflexion sur les vocations, et donc à la pastorale des vocations de jeunes.

En regardant la situation des vocations religieuses et presbytérales en France, depuis la seconde guerre mondiale, une référence peut devenir éclairante. On pourrait dire, en effet, que l’Eglise de France revit en quelque sorte, mais à froid, les étapes qu’elle a déjà traversées, de façon dramatique, sous la Révolution française, de 1789 à 1801 (4). Schématiquement, on peut ramener ce mouvement à trois phases :

1 - un transfert de compétences
2 - un processus de déclergification
3 - un retour des cultes païens

1 transfert de compétences

Avant la décision de mettre les biens de l’Eglise à la disposition de la Nation, la Révolution avait opéré brutalement un transfert de compétences. Mais celui-ci ne fut pas durable. Par contre, celui qui s’est opéré depuis 1945 a beaucoup plus de chances de le rester. Un très grand nombre d’institutions hospitalières, d’écoles et de structures éducatives (patronages, colonies de vacances, etc.) est passé de l’administration directe par l’Eglise à une prise en charge par l’Etat ou par des associations de la Société civile.
En soi, ce transfert de compétences (de l’Eglise à l’Etat ou à la Société civile) peut être considéré comme une bonne chose. Il signifie que les responsables civils de la société française ont pris meilleure conscience de leurs responsabilités et de l’autonomie relative des réalités temporelles. L’Eglise n’a pas vocation à se substituer aux pouvoirs publics. Et le fait qu’elle ait été pionnière, au XIXème siècle, dans les domaines de l’éducation et dans celui des soins hospitaliers, n’implique pas qu’elle ait à garder la tutelle sur l’ensemble de ces institutions. Même si, parfois, certaines congrégations vivent ce transfert comme un déchirement ou un échec, on peut dire que leur message a été entendu et compris par les responsables civils de la société. Ce qui, en soi, est un bien. C’est le signe d’une maturité nouvelle de la Société civile, encore impossible au moment de la Révolution de 1789.

Malheureusement, -mais ces deux aspects n’étaient pas nécessairement liés- ce "passage de témoin", s’il constitue une réussite institutionnelle, peut cacher ou causer un échec au plan des personnes s’il s’accompagne, comme c’est le cas chez nous, d’un oubli, d’une non-transmission de l’appartenance ecclésiale. Cet oubli est lié pour une large part, à l’originalité de la culture politico-religieuse de la France. Jusqu’à une date récente - mais est-ce vraiment dépassé ? - une réalité devait être :

  • ou totalement étatique, et donc laïque, et à ce titre "ignorante" de la religion,
  • ou confessionnelle, et à ce titre "non reconnue" dans la Société civile.

Le cas des écoles catholiques est, à cet égard, exemplaire. Il a fallu attendre 1984 pour que la notion d’écoles contractuelles soit admise comme totalement "républicaine". Auparavant, des initiatives éducatives ou hospitalières, venant de la part de communautés chrétiennes, ne pouvaient pas obtenir un vrai statut dans la Société civile sans se séculariser entièrement. Des pays étrangers montrent que notre expérience, sur ce point, n’est pas la seule pensable.

2 déclergification

Parallèlement à ce transfert des tutelles, on a vu diminuer le nombre des religieux, des religieuses et des prêtres engagés dans ces institutions. Ce qui est, somme toute, assez logique. Mais ce changement institutionnel n’impliquait pas nécessairement la disparition de la vie religieuse ou presbytérale. Les personnes engagées dans ces tâches éducatives ou hospitalières auraient pu les continuer avec un autre statut. Certaines d’ailleurs l’ont fait.
Mais, dans la réalité, nous avons assisté à deux crises complémentaires, qui ont accéléré ce transfert, dont elles étaient à la fois la conséquence et la cause.

1 Déjà depuis un siècle, mais surtout à partir des années 60, un nombre important de prêtres, de religieux(ses) a mal vécu cette perte d’identité "professionnelle" de ses activités pastorales. Leur statut a perdu cette part d’utilité sociale immédiate qui lui donnait une consistance visible. A partir du moment où il n’était plus "nécessaire" d’être engagé dans la vie consacrée pour se dévouer au service d’autrui comme enseignant, infirmière, éducateur, assistante sociale, animateur culturel, coopérant, etc... La question : "pourquoi cet engagement à la vie consacrée ?" se posait autrement.
Il est significatif, à cet égard, de noter la manière dont certains qui proclamaient : "le prêtre ne doit pas être un notable dans la société" se sont empressés de prendre des responsabilités culturelles ou politiques, devenant ainsi des "notables de la modernité". Derrière la pétition de principes, énoncée probablement en toute bonne foi, il fallait entendre : puisque le prêtre n’a plus de rôle social efficace, il est urgent de s’engager dans des actions plus immédiatement utiles (5) . A justifier trop unilatéralement la vie consacrée par les services visibles qu’elle rend à la société, on ne pouvait qu’aboutir à ces glissements.
L’exode rural, la généralisation du travail salarié pour les jeunes filles, l’apparition de nouveaux modes de loisirs, l’influence grandissante des nouveaux médias et, pour finir, la mobilisation du contingent en Algérie, ont brusquement accéléré le changement des mentalités dans notre pays. Beaucoup d’observateurs notent aussi une corrélation entre la courbe démographique, durablement orientée à la baisse, et la courbe des vocations. Il semble bien que, lorsque la famille est moins nombreuse, la perspective d’une vocation à la vie consacrée réclame un "coefficient de rupture" beaucoup plus grand.

2 A ce moment-là, ce qui n’était d’abord qu’une conséquence de ces changements est devenu une cause de leur accélération. La baisse régulière du nombre des vocations entre 1945 et 1960 a conduit nombre de congrégations religieuses et de diocèses à supprimer des postes, et d’abord dans les institutions éducatives. On rencontre ici l’effet de spirale déjà mentionné : quand le nombre de jeunes diminue dans une congrégation, ou un diocèse, les tâches pastorales qui sont les premières à se trouver en difficulté concernent précisément l’encadrement des jeunes. C’est alors que s’est produite "la rupture de mémoire" au sein de notre société.

Celle-ci a été d’autant plus soudaine et dramatique que la culture ecclésiastique (sauf exception ; en particulier pour l’exégèse) s’était auto-reproduite, trop souvent comme en vase clos, en dehors d’une réelle confrontation avec la culture universitaire. L’héritage des lois scolaires et des lois de Séparation peut expliquer cette situation de fait. Mais, quelles que soient les causes, il reste que beaucoup de séminaristes, de prêtres et de religieux(ses) ont pu avoir le sentiment de n’avoir pas été préparés à rencontrer les lycéens ou les étudiants dont ils prenaient la responsabilité.

D’où, parfois, une fascination brutale pour des systèmes idéologiques dont la solidité apparente pouvait alors faire illusion. C’est dans ce contexte qu’est intervenue la vague des "départs" de prêtres et de religieux, autour des années 1970. Celle-ci continue de peser très lourdement sur la situation présente de l’Eglise de France, et en particulier sur les vocations. Il est honnêtement nécessaire de le dire. A l’absence de celles et ceux qui ont quitté leurs fonctions éducatives ou pastorales, il faut ajouter l’absence de celles et ceux qui ont été, depuis lors, détournés de s’engager par la souffrance liée à cette époque. En effet, par crainte d’avoir à revivre des situations douloureuses, nombre de prêtres, de religieuses et de familles traditionnellement chrétiennes ont jugé préférable de ne pas encourager -et c’est le moins que l’on puisse dire !- les jeunes de leur entourage qui auraient pu penser à une éventuelle vocation.
Vingt ans plus tard, la solidité des systèmes dominants de cette époque apparaît pour ce qu’elle était : totalement factice. Paradoxalement, et comme Maurice Clavel l’avait bien vu, ils étaient en réalité à la veille de leur explosion. Mais, hélas, les effets de cette fascination risquent d’être durables pour les personnes qui l’ont subie : il faut beaucoup de temps pour retrouver la mémoire après une telle commotion et de tels remous culturels.

3 retour des cultes païens

Pour notre pays, cette rupture s’inscrit dans une évolution à long terme. Cependant, le passage à la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, à partir de 1963, peut être considéré comme un moment décisif. Cette mesure, nécessaire pour le développement économique et culturel du pays, n’a malheureusement pas pu être accompagnée par un dispositif pastoral correspondant à son ampleur. Elle conduisait en effet à multiplier le nombre des établissements scolaires ; elle modifiait considérablement les conditions de la catéchèse et de l’aumônerie, en 6ème et au-delà. Il aurait donc fallu que l’Eglise de France disposât de prêtres et de religieuses prêts à rencontrer ces jeunes en situation nouvelle. Or les vocations, qui diminuaient déjà régulièrement depuis 20 ans, s’effondraient précisément en ces années 65-70, au contact de cette "nouvelle vague" culturelle.
Il ne s’agit nullement, disant cela, de diminuer les mérites de ceux et celles qui se sont dévoués, avec la plus grande générosité, pour faire face à cette situation inédite.
Mais il est honnête de reconnaître que, depuis cette date, l’évangélisation des jeunes générations, en France, est devenue précaire, faute de "moyens humains". Globalement, pour le plus grand nombre, la formation chrétienne n’a pas suivi le développement de la formation scolaire et professionnelle. Cette conjonction des deux mouvements :
- augmentation très rapide du nombre de jeunes scolarisés d’un côté,
- diminution accélérée du nombre des vocations de l’autre,
a eu pour effet que, dans leur majorité, les adolescents de notre pays se sont retrouvés sans références chrétiennes et comme coupés de la mémoire religieuse de leurs parents. Sur ce fond de tableau, il faut encore noter la crise des mouvements catholiques de jeunes, ouverte par la JEC dès 1965 et l’échec du journal de masse "Rallye-Jeunesse" (6).
Vingt-cinq ans plus tard, ces adolescents, devenus parents à leur tour, se retrouvent dans la quasi-impossibilité de transmettre à leurs enfants une expérience religieuse : ne l’ayant pas faite par eux-mêmes, pour la majorité d’entre eux, comment pourraient-ils en parler ? Cette génération de parents, encore marquée par les slogans de mai 1968 (entendus, d’ailleurs, souvent à contresens) se trouve désemparée, prise à contre pied, par les requêtes religieuses des adolescents d’aujourd’hui. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les commentaires dubitatifs qui sont faits, parfois, sur les rassemblements de jeunes à Lourdes ou à Czestochowa. Sans parler de l’incompréhension radicale que suscite, par exemple, l’engouement des adolescents actuels pour le thème de la réincarnation ou pour d’autres attitudes religieuses.

Il convient ici d’appeler les choses par leur nom. A une génération de militants qui s’étaient exaltés pour des utopies messianiques et universalistes, dans les années 60-70, succède une génération beaucoup plus sensible à l’attrait d’un religieux "païen". Beaucoup plus importante que le succès (réel ou supposé) des sectes, il faut noter avec attention cette imprégnation par une religiosité diffuse, inconsciente mais tenace, à dominante "fataliste". Astrologie, magie, sorcellerie, culte de la "fortune", divination, réincarnation : autant de thèmes que l’on avait pu croire dissipés par le grand soleil de la Raison sécularisée. Mais qui connaissent un regain de faveur, et là où on les attendait le moins : en ville et chez des jeunes instruits. On peut apprécier différemment l’importance de ce phénomène. Pris un par un, ces thèmes ont sans doute peu de consistance. Mais ils constituent un "climat" dont il est difficile, pour des jeunes, de s’émanciper. En effet, faute de références religieuses assez solides, ils ont tendance à tout mettre sur le même plan. A leurs yeux, n’importe quelle croyance en vaut une autre.

On commence seulement à mesurer que toutes les croyances ne produisent pas les mêmes effets. La sacralisation du groupe natif ne se décline pas, sur le plan politique, comme la conviction d’être tous "fils d’un même Père". Surtout, pour la question qui nous concerne ici, la soumission à un destin anonyme et aveugle, mais imparable, ne produit pas les mêmes effets que la conviction d’être appelé à décider de sa vie en termes de "vocation personnelle". Il suffit pour s’en convaincre de regarder la publicité faite pour des agences d’astrologie. Si la réponse que l’on peut apporter à une demande en mariage est écrite dans les astres, il suffit de suivre les conseils de Maman : "Ne t’inquiète pas ma fille, tape 36 15... et tout sera dit !" On est loin de l’appel biblique : "l’homme quittera son père et sa mère" (Gn 2,24).
Le climat de soumission au "destin" n’est pas seulement une affaire de croyances. En réalité, ce climat n’est que le symptôme d’une réalité vécue douloureusement par les jeunes et dont il leur est effectivement difficile de s’émanciper. Car c’est dans leur vie quotidienne qu’ils se sentent déterminés : appartenant à une fratrie souvent peu nombreuse, ils se savent investis de l’obligation de réaliser les projets rêvés par leurs parents : soumis à des tests d’orientation et classés selon leurs résultats scolaires, ils se découvrent destinés à suivre telle ou telle filière quotidienne. Faut-il s’étonner, dans ces conditions, que leur vie affective soit elle aussi vécue sur le mode du destin que l’on subit, beaucoup plus que sur celui de l’alliance que l’on choisit ?
Ce renversement de perspectives, auquel nous avons assisté depuis 25 ans, est tout à fait considérable. Pour les adultes, et en particulier pour nombre de militants (7), le rapport Eglise-monde a été vécu sur le mode suivant : il faut s’émanciper de l’Eglise (mère) pour aller vers un monde plus fraternel. Désormais, c’est la Société civile qui est vécue comme une réalité "maternante". Et c’est l’Eglise qui devient une instance d’appel et d’ouverture par rapport à cette réalité native (8).
Encore faut-il avoir la force "d’en sortir", c’est-à-dire d’oser s’affirmer chrétien, alors même que la pression du groupe est ressentie comme fortement contraignante. "On se moque de moi au lycée" est un slogan dont la force d’intimidation n’a d’égale que l’indétermination de son sujet. Mais qu’on le veuille ou non, il y a là une paralysie réelle dont les jeunes ne peuvent pas se guérir par eux-mêmes. Il leur faudrait d’abord pouvoir en prendre conscience et donc, au préalable, "entendre dire" qu’il existe un Libérateur dont la parole et la vie ont inauguré un chemin de Salut.

On le voit, cette description, évidemment trop schématique, de la situation présente indique à la fois :
- la difficulté de faire entrevoir à des jeunes qu’ils peuvent faire des choix dans leur vie, y compris pour leur vie sociale, affective et spirituelle,
- l’urgence où nous sommes de les aider à faire cette découverte que le Christ les appelle à la première personne du singulier, et donc éveille leur liberté,
- l’exaltation qui peut s’emparer de certains d’entre eux, lorsqu’ils en font la découverte. Il convient alors que les adultes soient assez pédagogues pour éviter à ces jeunes d’en venir à mépriser un monde qu’ils ont d’abord perçu comme asphyxiant.

C - discernement

La référence antécédente à la Révolution française pourrait faire penser maintenant à un quatrième temps : celui de la Restauration. Le succès actuel de certains mouvements ouvertement traditionalistes, ou proches de cette orientation, semble confirmer cette perspective. Il y a, indéniablement, des vocations qui se présentent dans ces communautés. Et même dans les séminaires diocésains ou les communautés officiellement reconnues par les évêques, nous rencontrons des jeunes qui tiennent volontiers ce langage de la restauration des formes antérieures du catholicisme. Mais ces revendications sont-elles à prendre au pied de la lettre ? D’où vient le succès actuel de ces communautés ? De leur doctrine en tant que telle, ou du fait qu’elles ont gardé un réseau de relations qui sait faire droit à la dimension singulière de l’accompagnement des jeunes ? Il ne faut pas forcément lier ces deux aspects. Autant le second est à sauvegarder et à promouvoir, autant le premier peut être sujet à caution. Sur la doctrine, il convient au moins de faire attention à ceci :

1 Il est vrai que le catholicisme français a connu un grand renouveau au XIXème, une fois passée la tourmente révolutionnaire. Malgré tous les reproches qui lui sont faits parfois, ce siècle a été celui d’une grande vitalité de la Foi. On peut citer, entre autres :
- la naissance et le développement d’un très grand nombre de congrégations religieuses (plus de 400 entre 1800 et 1880),
- l’effort missionnaire considérable accompli par l’Eglise de France,
- l’influence maintenue, et peut-être même renforcée, du catholicisme dans la population rurale,
- le rôle important joué par les diverses institutions scolaires qui ont alors été ouvertes ou développées,...etc.

Mais c’est précisément cette restauration qui s’est défaite sous nos yeux, à partir de 1945. A tort ou à raison, cet essor du catholicisme au XIXème siècle a été perçu comme trop lié au "passé antérieur" de notre société. On peut en trouver une illustration architecturale dans la manière dont certaines églises et chapelles, construites à cette époque dans un style faussement gothique, ont décidément mal vieilli aujourd’hui.
Plus gravement, les milieux scientifiques, le monde universitaire et intellectuel, la classe politique et le mouvement ouvrier se sont, dans leur majorité, développés ou maintenus en dehors des références catholiques. Aussi, à l’heure de l’exode rural, de l’industrialisation des campagnes et de la scolarisation de masse, le catholicisme a-t-il été perçu comme un système de pensée "dépassé". Le livre de Jean Delumeau : "Le Christianisme va-t-il mourir ?" n’aurait pas eu le sucès qu’il a eu en 1978 si la question n’avait pas été dans "l’air du temps" (9).

2 Il est vrai aussi que les mouvements et communautés qui ont refusé de s’ouvrir à la "modernité" peuvent paraître avoir mieux tenu que d’autres. Mais, en réalité, aucun îlot ne peut résister durablement à l’évolution des mentalités.
Même Mgr Lefebvre, en dépit de toutes ses dénégations, a fini par intégrer, à son insu, la liberté de conscience qu’il croyait combattre ! Pour justifier sa décision de juin 1988, il n’a pas pu faire autrement que d’invoquer son propre jugement en conscience, ratifiant par là, en actes, ce qu’il refusait en théorie (10).

A des degrés moindres, il est malheureusement déjà possible d’observer les difficultés rencontrées par des jeunes prêtres, dès lors que leurs options "restauratrices" se heurtent à la réalité pastorale. Et l’enthousiasme des "convertis" récents est lui aussi mis à l’épreuve de la durée. Il y a cent ans, un certain nombre de catholiques français ont pu refuser le ralliement aux institutions républicaines auquel les conviait le pape Léon XIII. Ils ont pu être confortés dans leur perspective à la vue des "remous" qui ont agité les communautés chrétiennes à l’occasion du second ralliement, culturel cette fois, opéré depuis la seconde guerre mondiale. Mais la culture est chose plus "subtile" encore que les institutions, et les jeunes novices la font entrer avec eux. Il n’est pas sûr qu’ils puissent durablement l’oublier (11).

Il ne faut donc pas penser que nous pourrons sortir de la crise présente des vocations par un retour pur et simple aux formes culturelles dans lesquelles s’est exprimé le catholicisme du XIXème siècle.L’Eglise n’aurait rien à gagner, et elle n’accomplirait pas sa mission dans le monde, si elle se liait de nouveau à un modèle théocratique, basé sur le refus explicite ou implicite des droits de l’homme, de la liberté religieuse, de la laïcité de l’Etat et de l’autonomie des réalités terrestres. Il ne paraît ni possible ni souhaitable de rêver d’un modèle de société dont la religion chrétienne serait de nouveau "l’élément englobant". La solution à notre problème ne paraît pas devoir passer par une opposition frontale aux acquis institutionnels de la Société civile et de la Démocratie.

Par contre, notre société a réellement besoin d’une "nouvelle évangélisation" (12) qui soit un appel au "dépassement" de la régression païenne cachée dans ce retour à la "religiosité ambiante". Cette nouvelle évangélisation n’a donc pas à rejeter les acquis de la liberté religieuse. Comme le rappelle si fortement Jean-Paul II, ils sont dans le droit fil de l’Evangile (13). Christ vient précisément nous libérer de l’idolâtrie spontanée et de l’immersion dans les (in)satisfactions quotidiennes. C’est aussi l’Evangile qui nous invite à une "gérance" équilibrée du politique, aussi éloignée de son adulation messianique que de son mépris envieux.

En d’autres termes, nous sommes invités à lire les "signes des temps" : ils constituent pour nous une invitation à redécouvrir et à faire (re)découvrir la dimension proprement "mystique" de l’existence chrétienne. Ici et maintenant, le Ressuscité nous appelle à vivre dans la liberté des enfants de Dieu et à trouver notre joie en Sa Présence. L’Evangile n’est pas seulement un catalogue d’exigences morales aussi nobles soient-elles. Il est d’abord "Bonne Nouvelle" pour tous ceux qui l’entendent. Il est Lumière sur l’horizon de notre existence. Il est donc "vocation" à entrer dans la liberté du Christ. Délivrés de nos peurs intérieures et du conformisme social qui tendent à nous paralyser, nous sommes invités à marcher à la suite de celui que nous expérimentons comme le "Vrai Chemin qui conduit à la Vie" (Jn 14, 6).

D - réhabiliter la mystique...

Admettre l’autonomie des réalités économiques, sociales et politiques vis-à-vis de la tutelle institutionnelle de l’Eglise, ce n’est pas dire que les chrétiens n’ont plus rien à faire au sein de ces mêmes réalités. Les chrétiens sont tous des citoyens et à ce titre ils ont à vivre ces réalités dans le respect des exigences morales qui sont le bien commun de l’humanité et selon la "logique de la résurrection". En rigueur de termes, sur ce plan des réalités sociales, l’Eglise n’a pas de "modèle technique à proposer" (14), mais elle peut légitimement exercer un rôle de veilleur exigeant. Cependant, l’originalité de sa mission ne se limite pas à ce rappel d’exigences éthiques. L’Eglise nous propose aussi, et en même temps, par et dans ses sacrements, d’entrer déjà dans le "Mystère du Christ, mort et ressuscité pour nous."
Il ne faut donc pas craindre, ici non plus, d’appeler les choses par leur nom : nous sommes conviés à une expérience sacramentelle et "mystique" dont la réalité ne se laisse pas réduire à quelques phénomènes "merveilleux". On peut même dire que plus l’Etat et la Société civile assumeront leurs responsabilités respectives, plus les chrétiens seront invités à rendre compte de l’Espérance qui est en eux. Et cette Espérance n’a pas d’autre nom que Jésus-Christ.
Il est donc vain de continuer d’opposer présence au monde et expérience mystique. Présents au monde puisque citoyens de plein droit, les chrétiens ont avec et comme les autres, le droit et le devoir de s’engager dans la gestion de l’économie, dans l’action politique, la promotion des pauvres, la protection de l’environnement et le développement du tiers monde, etc. Mais ceci étant admis, et toujours à mieux faire, nous n’avons pas d’autre originalité à proposer que les "lois paradoxales de notre république spirituelle", pour parler comme le correspondant de Diognète (15). Cette République ne fait nombre, ni avec les Etats, ni avec les cultures, ni avec les civilisations.
Tous ceux et toutes celles qui entendent la Bonne Nouvelle du Christ Ressuscité peuvent y entrer dès maintenant ; à une seule condition : accepter désormais de penser leur existence tout entière en termes de "Vocation". Ils sont en effet tous appelés à suivre Celui qu’ils ont rencontré. Et dès lors que l’orientation de notre existence se pose en termes de Vocation, il est clair que toutes les vocations deviennent pensables a priori, aussi bien la "vocation au mariage" que les diverses vocations qui impliquent le célibat consacré. A la suite d’une rencontre personnelle avec Christ, en effet, toute orientation devient "possible". Il n’y a pas véritablement de sens à comparer ces diverses vocations les unes aux autres ; encore moins à les opposer. La seule question pertinente consiste seulement à oser se dire : "à quelle vocation suis-je, en vérité, invité ?"

...et donc les vocations !

On le voit, c’est l’expérience chrétienne, en son originalité même, qui appelle une réflexion sur la Vocation et sur les vocations au sens où l’on entend ici ce mot. S’il est vrai que dans l’Evangile nous découvrons "ce qui n’est jamais monté au coeur de l’homme" (16), nous ne pouvons pas ne pas rencontrer la question de la vocation dès que nous nous y référons. Celui-ci peut à l’occasion nous mettre en contradiction avec notre famille native, avec notre "clan" d’origine, en un mot, avec la "logique du sang", pour nous inviter à entrer dans une fraternité nouvelle. "Qui est ma mère, et qui sont mes frères ?" (17).
Il est donc bien clair que l’option pour l’Evangile suppose une délibération, un choix, une réponse qui ne peuvent être que personnels. Personne ne peut ici s’engager à la place d’un autre, ni sous la pression d’un autre. La question posée appelle une réponse à la "première personne du singulier". Personne n’est déterminé "par nature" à devenir chrétien. On y est appelé par Grâce et personne ne devrait être "obligé" de le devenir par pression sociale. Mais réciproquement, personne ne devrait être empêché de le devenir.
Il faut donc se demander si tous ceux qui pourraient souhaiter réfléchir à une vocation sont libres de le faire et sont libres, ensuite, d’aller jusqu’au bout de leur réponse à l’Appel du Christ Ressuscité. Juridiquement parlant, il est clair que, dans notre pays, tous les citoyens qui le veulent sont libres de devenir chrétiens. Mais psychologiquement et socialement c’est moins simple. Compte tenu de la part faite à l’évangélisation des jeunes générations, il n’est pas sûr (et c’est une litote) que tous les adolescents de ce pays aient une connaissance suffisante du mystère du Christ, ni qu’ils aient assez de "liberté d’esprit" pour aller jusqu’à se poser la question d’une vocation possible. Car, pour être libre, il faut n’être pas forcé ; mais il faut aussi avoir la force, nous dit la Sagesse des Nations. Il suffit d’écouter aujourd’hui ceux et celles qui ont osé se poser un jour cette question pour bien mesurer que "ça n’est pas si facile d’être un jeune libéré", pour paraphraser une chanson célèbre.

E - perspectives

A partir de cette analyse et de ce "fond de tableau", il paraît possible de souligner les points suivants :

1 Il nous faut admettre que les temps ont changé et que les repères se sont déplacés. Les jeunes qui sont ou qui deviennent aujourd’hui chrétiens ont le sentiment (qu’ils devront apprendre à nuancer) "d’être spontanément du monde" et ils ont parfois le sentiment d’avoir failli s’y "perdre" ou s’y asphyxier. Leur problème a donc été d’en sortir pour s’ouvrir à une expérience spirituelle "transcendante".
Assez spontanément, ces jeunes mettent l’accent sur l’identité chrétienne, y compris en ce qu’elle a de visible et de repérable. Ils valorisent plutôt la "lumière sur la montagne" que le "levain dans la pâte".
Par définition, cette affirmation identitaire ne peut pas encore se dire autrement que par "reprise" de modèles antérieurs : les modèles à venir n’étant pas encore là, on voit mal comment ils pourraient s’en réclamer ! Il ne faut donc pas forcément enfermer cette revendication dans les formes où elle se dit pour le moment. D’ailleurs il est intéressant de noter que celle-ci peut donner lieu à d’étranges "conjugaisons". A titre d’exemple, anecdotique mais significatif : on peut voir des jeunes prêtres qui portent en même temps un col romain, pour faire classique, et un "jean" un peu délavé, pour faire jeune. C’est le signe que l’on n’échappe pas complètement à la culture de son temps. De quel côté se stabilisera cette identité manifestement encore hésitante ? L’avenir le dira !

2 Encore inscrits sur le versant antérieur de notre société, beaucoup de prêtres et de religieux(ses) restent très marqués par les souffrances traversées dans les années 60-75. Les départs de "frères en sacerdoce" ou de "soeurs en religion" ont créé des blessures toujours vives. Et il faut évidemment les respecter.
Mais les perspectives ont, ici également, changé. Les projets qui ont pu sembler "prophétiques" à certains, à un moment donné, n’apparaissent plus tels aujourd’hui.Le reflux des idéologies laisse à découvert bien des déceptions. Le temps est venu, pour les prêtres et les religieux(ses) de ces générations, de reprendre confiance en eux-mêmes et dans leur mission. Ce qu’ils sont représente probablement plus qu’ils n’osent se le dire. Et c’est peut-être leur fidélité, aussi douloureuse fût-elle parfois, qui pourrait bien devenir prophétique.
Ces prêtres et ces religieux(ses) constituent, par leur existence même, et au-delà des tâches qu’ils peuvent remplir, un "capital d’expérience" qui pourrait devenir précieux pour les jeunes générations. A la seule condition que les uns et les autres sachent prendre le temps de se rencontrer, de se parler et de s’émerveiller de ce que le Seigneur les appelle à être (18).

3 Il est donc souhaitable et urgent de retrouver des lieux et des temps de partage d’expérience, de convivialité simple.Ceci peut sembler contradictoire avec les emplois du temps des prêtres en ministère ou des religieuses en responsabilités diverses. C’est aussi contradictoire avec les exigences scolaires, universitaires ou professionnelles de la plupart des jeunes. Mais l’expérience montre que ce temps de partage "gratuit" est nécessaire et fécond. Presque tous les séminaristes le disent : dans leur cheminement plusieurs choses ont pu compter, mais il y a toujours la référence à la personnalité de tel prêtre qui les a, comme ils disent, "marqués". Ce prêtre n’est pas toujours un "super-animateur", mais il a su prendre le temps d’écouter et de parler. Ce point, nous l’avons vu, est commun à toutes les communautés qui reçoivent aujourd’hui des vocations ; il paraît incontournable en ce qui concerne une pastorale des vocations.
Il y a ici un effort de "créativité" tout à fait nécessaire à mener. A titre indicatif, on peut penser à mieux utiliser le temps des vacances intermédiaires à des récollections ou des retraites, qui semblent plus attendues par les jeunes qu’elles ne le furent naguère, et même à une année "sabbatique". L’expérience des diverses "Ecoles de la Foi" peut donner ici à penser, même si elle n’est pas universellement transposable. La réflexion sur les Foyers de jeunes en recherche est aussi à prendre en considération. On peut penser aussi à la présence des Services Diocésains des Vocations (S.D.V.) dans les "forums des métiers". En d’autres termes, il convient de renouer les fils de la mémoire dans l’Eglise, sans crainte d’avoir à "revenir sur les acquis du Concile". Cette hantise, à force d’être répétée, devient un alibi stérilisant. Le Concile fait partie de la Tradition ; sa réception correcte suppose donc que l’ensemble de la Tradition soit transmis aux jeunes générations de chrétiens.

4 La vie chrétienne et, a fortiori, la vocation à une forme de vie consacrée, exigent un engagement personnel. On ne peut pas y entrer seulement parce que l’on suit un groupe, et encore moins par procuration. Il faut à un moment ou à l’autre, se décider en son âme et conscience. Dans l’Evangile, Jésus n’appelle pas des partisans à se lever "comme un seul homme" pour le suivre. Il appelle chacun par son nom, et il ne cache pas que le chemin sera parfois rude. Il invite même à prendre "le temps de s’asseoir" pour vérifier que l’on est bien décidé à aller jusqu’au terme du projet (Lc 14,28). Il convient donc de favoriser la découverte ou la redécouverte, en particulier pour les adolescents, de cette dimension "singulière" de leur existence.

C’est le point central de notre question. A l’heure de la scolarisation de masse, des loisirs commercialisés et des comportements standardisés, il est difficile pour beaucoup de personnaliser véritablement leurs projets. Il est devenu difficile, pour les individus de notre société, d’unifier durablement leurs désirs, et même de connaître leur désir le plus profond. Il convient donc de favoriser toutes les initiatives pastorale qui peuvent les y aider. Ceci peut conduire des éducateurs à poser, individuellement ou en groupe, la question d’une vocation possible. Cette démarche n’est pas contradictoire avec le respect de la liberté, bien au contraire. Elle peut même susciter la liberté, car elle rend celui à qui elle est posée capable de répondre. Attendre que la question se pose d’elle-même peut constituer une démarche finalement plus insidieuse : on s’en remet alors à une imprégnation implicite censée devenir capable d’orienter le désir du jeune quasi à son insu. Là devant, il faut rappeler que c’est la parole libre qui est humanisante et qui responsabilise. Etant bien entendu que la décision, en dernière instance, n’appartient qu’à celui qui s’engage.

Dans cette ligne, la pratique personnelle du sacrement de réconciliation et l’accompagnement spirituel sont à promouvoir. Nous-mêmes en avons été bénéficiaires. Ils ne doivent donc pas devenir l’apanage des mouvements dits traditionalistes, car ils ne sont pas liés aux modalités antérieures de leur exercice. Bien au contraire, ils peuvent ouvrir les voies d’une pédagogie renouvelée. Ils permettent en effet de discerner ce qui est à intégrer et ce qui est à dépasser dans les valeurs ou les dérives de la société présente. Ce ministère de l’accompagnement personnel est donc, lui aussi, dans toute la mesure du possible, à remettre en valeur. Bien des prêtres, qui disent ne plus oser l’exercer, en auraient la compétence et ils y trouveraient une justification renouvelée pour leur propre existence.
En un mot, tout ce qui sera fait dans le sens de cette personnalisation des projets de vie sera une contribution très utile à ces jeunes eux-mêmes, et à la vitalité des communautés chrétiennes ; mais ce sera aussi une contribution utile, par surcroît, à la vie de la société civile, car ce sera une contribution à la formation de futurs citoyens capables de responsabilité. L’expérience de bien des mouvements d’Eglise est là pour le prouver.

5 Il convient de ne pas obscurcir la réflexion sur les vocations par le débat, sans cesse récurrent, sur le célibat sacerdotal. Pour les vocations religieuses, cette remarque est une évidence, mais pour les vocations presbytérales cela demande explication.
On peut débattre du bien-fondé de la discipline actuelle de l’Eglise latine, c’est une chose, et chacun voit bien tout ce qu’elle engage. Mais il faut bien comprendre que la pédagogie spirituelle en est une autre... Les jeunes qui se posent aujourd’hui la question de la vocation presbytérale, dans l’Eglise latine, ne se la posent pas dans un cadre hypothétique. ils se la posent dans le cadre de la réelle discipline actuelle de l’Eglise, telle que reprise par le Concile de Vatican II. Et ceci est "appel de Dieu" pour eux, dans l’ici et la maintenant concrets de leur existence. Ce n’est donc pas la nostalgie du passé mais bien la fidélité à Vatican II qui nous invite à aider les jeunes à comprendre que cet engagement dans le célibat est pensable, possible, et donc qu’il peut avoir réellement du sens pour eux aussi. Cette vocation atteste que l’être humain peut être appelé par le Christ à devenir libre vis-à-vis de ses déterminations biologiques et sociales. Ce témoignage me paraît faire partie de l’originalité chrétienne et, si on le comprend bien, il est du côté de l’affirmation du sujet libre. Il signifie que l’individu humain ne se réduit pas à n’être qu’un maillon dans une chaîne biologique ou familiale (19).
Pédagogiquement, il faut donc éviter les ambiguïtés. Si quelqu’un n’admet pas le cadre actuel de la discipline de l’Eglise latine, il en a le droit, mais il est clair qu’il vaut mieux qu’il ne s’engage pas actuellement dans une formation vers la prêtrise. Réciproquement, si quelqu’un veut se mettre au service de l’Eglise comme prêtre, il doit connaître et ratifier les dispositions actuellement en vigueur. Il faut donc qu’il puisse en intérioriser la convenance et la valeur.
Car elles ne sont pas purement et simplement arbitraires, même si elle ne sont pas, de soi, intrinsèquement liées au ministère presbytéral (20). Il est donc nécessaire de dépasser le "blocage" causé par la période précédente. Or ce blocage arrive à empêcher des prêtres de parler positivement de leur choix de vie, alors même qu’ils semblent le vivre en bonne fidélité. Il arrive souvent que des jeunes disent qu’ils comprennent mal ce mutisme. C’est qu’ils ne mesurent pas bien ce qui a été traversé par leurs aînés, mais ceux-ci devraient peut-être accepter de s’expliquer ; la qualité de leur témoignage leur en donne certainement le droit.
On dira peut-être : si l’Eglise latine ne change pas sa discipline, elle n’aura pas les prêtres dont le peuple a besoin. Il est difficile de se prononcer sur ce pronostic, car rien ne prouve que le changement demandé apporterait les vocations ministérielles escomptées. Mais il est clair, en attendant une évaluation sur ce point, si elle doit un jour se faire, que nous ne pouvons pas "geler" les vocations qui voudraient aujourd’hui se présenter dans le cadre existant. Nous n’en avons pas le droit, car c’est une affaire entre Christ et ces jeunes, et nous ne devons pas décréter a priori que cette existence n’est pas pour eux.
Il faut donc bien distinguer les deux registres de réflexion. D’une part, le débat sur l’opportunité de tel ou tel point de la discipline de l’Eglise. De l’autre, la recherche personnelle de jeunes qui ont le droit d’être respectés dans cette recherche. Il y a un temps pour chacune des interrogations. Que l’on me permette un exemple. Que deviendrait un enfant à qui son père dirait tous les matins : "si j’avais su, j’aurais peut-être mieux fait d’épouser une autre femme que ta mère." ? Cet homme a le droit de s’interroger ainsi devant son accompagnateur spirituel (et s’il n’en a pas, qu’il s’en trouve un !). Mais son enfant n’a pas à porter ce genre de question ; il n’est pas le directeur spirituel de son père.

6 Dans le contexte présent de notre société, il faut même aller jusqu’à se poser la question : tous les jeunes (garçons et filles) qui pourraient souhaiter s’engager dans la vie consacrée, quelles qu’en soient les formes, sont-ils libres de le faire ? (21).
Premièrement, savent-ils qu’elle fait partie intégrante du questionnement ouvert par l’Evangile ? Ont-ils une connaissance suffisante de la vie religieuse ou presbytérale pour en découvrir les motivations spirituelles ?
Deuxièmement, à qui peuvent-ils parler de leurs questions sur ce point ? Comment seront-ils reçus par leur entourage, s’ils arrivent à en parler ? Où et comment pourront-ils confronter leurs recherches avec des jeunes de leur âge ?
Récemment, le journal Panorama a publié une enquête sur les jeunes de 20 à 30 ans (22). Selon ce sondage, 23 % des jeunes interrogés disent s’être un jour posé la question d’une vocation religieuse ou presbytérale. Si ces chiffres sont exacts, et il n’y a pas lieu de les suspecter, nous devons nous demander si nous créons les conditions objectives, (au for externe), de l’approfondissement nécessaire. Cessons de dire que la pression sociale a pu forcer des jeunes à entrer au séminaire ou au couvent, c’était en d’autres temps, il y a bien longtemps, c’est-à-dire avant 1968 !!! Aujourd’hui, s’il faut parler de la pression sociale, c’est bien à l’inverse qu’elle joue, sauf, probablement, en quelques îlots définitivement irréductibles. Que le souvenir des batailles d’hier ne nous empêche pas de regarder où sont les petits terrorismes intellectuels qui font les modes d’aujourd’hui et les déceptions de demain !

7 La pastorale des vocations ne peut pas relever du seul Service Diocésain des Vocations, aussi actif soit-il. Celui-ci a pour tâche d’aider les autres mouvements et les diverses communautés d’Eglise à se mettre eux aussi "au service" des vocations singulières. Les Conseils presbytéraux ont un rôle essentiel à jouer dans cette réappropriation de la question par les prêtres. Car rien ne sera durablement possible si le coprs presbytéral tout entier ne la fait pas sienne. Or c’est une invitation que lui adresse le Concile de Vatican II (23). Sur ce point, il est très important de renforcer du mieux possible la connaissance que les uns et les autres peuvent avoir du Séminaire. Celui-ci a besoin, comme de son élément primordial, de se savoir investi de la confiance et de l’estime du plus grand nombre (24).
Ceci étant, la question intéresse tout le peuple de Dieu. Les congrégations religieuses, bien entendu, ont à se faire connaître elles aussi : leur "réseau" s’est tellement modifié, depuis quelques décennies, qu’il leur faut passer à de nouveaux modes de communication, sans doute moins spontanés et plus élaborés.
De leur côté, beaucoup de mouvements ont déjà mis ou remis cette question au centre de leurs préoccupations. Le dernier congrès des Services Diocésains des Vocations (S.D.V.) à Lourdes, en novembre 1991, a marqué une nouvelle étape dans cette prise de conscience. Des laïcs de plus en plus nombreux s’y sont montrés soucieux de porter, eux aussi, cette interrogation (25). Le climat que j’ai décrit a donc commencé de changer, et c’est heureux.
Vienne le temps où le peuple chrétien, dans toutes ses composantes, ne percevra plus le S.D.V. comme un service à part, exigé par la seule "survie de l’institution", mais bien comme ce qu’il est : un service exigé par la nature même de l’Eglise. Cela suppose donc que l’on sorte d’un a priori concernant la foi chrétienne : contrairement à un postulat trop répandu, elle ne peut pas être ramenée dans les "limites de la simple Raison" (26). Le Service des Vocations est donc destiné, d’abord, à honorer la liberté des personnes que Christ appelle au libre don d’elles-mêmes. Car c’est à ces personnes, et à elles seules, qu’il appartient de répondre, mais il faut aussi leur en donner les moyens, en commençant par le droit "d’y penser" !

"Tu n’as voulu ni offrande ni holocauste, mais tu m’as fait capable
d’entendre ; alors j’ai dit : voici, je viens pour faire Ta volonté"
(27).

Hippolyte Simon

notes : -------------------------------

Ayant déjà eu à écrire sur ce même sujet, j’ai essayé ici d’aborder les choses sous un angle un peu différent. Je me permets donc de renvoyer aux articles déjà publiés :
"Les séminaires en France", Etudes, février 90, p 251.
"Appeler, c’est servir une liberté", Jeunes et Vocations n°58, juillet 90 (en cassettes audio au SNV, 106, rue du Bac, 75007 Paris)

1 Au lieu de "singulier", il serait possible de dire aussi "marginal" ou "exceptionnel" si ces adjectifs ne risquaient pas de prendre un sens péjoratif, pour le premier, ou élitiste, pour le second. Si cet état de vie est marginal, il l’est en ce sens qu’il ne s’inscrit pas dans la "normalité" spontanée des familles ou des sociétés, ni même dans celle de la plupart des religions. Mais depuis quand faudrait-il regretter de n’être pas "normalisé" ? [ Retour au Texte ]

2 cf. André Barral-Baron : "Le célibat, chemin de vie". Coll. Foi vivante, n° 249 Le Cerf, Paris, 1990, p. 10. Cf. aussi Laurent Boisvert : Le célibat religieux. Le Cerf, Paris, 1990, pp.34-37. [ Retour au Texte ]

3 J’emprunte le titre de ce paragraphe aux livres de Jean BAUBEROT*. Mais je n’envisagerai pas les choses, ici, sous l’angle des institutions. Je les prendrai sous l’angle des personnes et de leur vie spirituelle. Le devenir des vocations est à cet égard un indice particulièrement éclairant.
* "Vers un nouveau pacte laïque ?", Le Seuil, Paris, 1990, p.171.
"La laïcité, quel héritage ?", Labor et Fides, Genève, 1990 [ Retour au Texte ]

4 A l’expression "troisième seuil", il serait possible de substituer le titre de Henri Mendras : "La seconde Révolution française", Gallimard. Paris, 1988. [ Retour au Texte ]

5 Ce mouvement d’immersion dans la Société civile moderne pour y retrouver un statut personnel ne doit pas être confondu avec le mouvement des prêtres ouvriers qui répond à une autre démarche. L’insertion professionnelle, dans ce dernier cas, est liée à une volonté d’évangélisation et de témoignage évangélique. Elle entre dans le cadre d’un envoi en mission par l’évêque. Toute autre est la démarche analysée ici, puisqu’elle s’inscrit dans une prise de distance à l’égard de l’institution ecclésiale. Pour ne prendre que des auteurs qui s’en sont expliqués publiquement, on peut penser à Jean-Claude Barreau, Bernard Besret ou Michel Clévenot. Sur ce "retour à la Société civile", cf. H. Simon : Chrétiens dans l’Etat moderne, Le Cerf, Paris, 1984,p.163. [ Retour au Texte ]

6 A ma connaissance, l’histoire de cet échec n’a pas encore été écrite. Mais il apparaît, avec le recul du temps, que ceux qui, par volonté de purisme, ont pris la responsabilité de faire interdire ce journal, ont rendu un très mauvais service aux jeunes et à l’Eglise de France. La disparition de ce journal de masse, d’inspiration chrétienne, et à destination des adolescents, n’a eu pour effet que de laisser la place libre à Salut les copains. Depuis lors, le fossé culturel entre l’Eglise et l’ensemble des jeunes n’a fait que s’élargir. [ Retour au Texte ]

7 Il est très éclairant de noter les questions que ces mêmes militants se posent à propos de leurs enfants ou de leurs petits-enfants. Ce qui était évident pour ces militants, dans leur jeunesse, ne l’est plus, ou fort peu, pour leurs propres enfants. [ Retour au Texte ]

8 Cette situation objective n’est sûrement pas étrangère au rayonnement de la figure "paternelle" du pape Jean-Paul II. Mais pourquoi, après tout, l’évangélisation ne devrait-elle pas passer aussi par ces médiations profondéments humaines ? [ Retour au Texte ]

9. Jean Delumeau : Le Christianisme va-t-il mourir ? Hachette, Paris, 1977. [ Retour au Texte ]

10. Cf. Patrick Chalmel : Ecône ou Rome ?, Fayard, Paris, 1990. Cf. aussi LC 1990/28. [ Retour au Texte ]

11. L’avertissement du philosophe Marcel Gauchet doit ici nous alerter : "Il y a d’excellentes raisons pour que les hommes d’après la religion aient la tentation de se convertir, tous azimuts. Et il y en a de bien meilleures encore pour que leurs conversions ne soient ni très solides ni très durables, parce qu’ils ne sont pas capables de renoncer aux raisons qui les déterminent à se convertir, ce qu’exige une conversion pour être entièrement efficace" in "Le désenchantement du monde", Gallimard, Paris, 1985, p.300.
Sur ce point, le dernier livre de Bernard Besret est très éclairant. Converti à 17 ans, il entre immédiatement, et quasiment sans discernement préalable, au monastère. Selon ses dires, sa démarche d’alors obéit à des motifs plus romantiques que véritablement évangéliques. Il est d’abord fasciné par un mode de vie passéiste, avant de se projeter aussi radicalement, à l’extrême opposé, dans une anticipation de ce qu’il croit être la vie monastique du futur. Après avoir vécu au Moyen Age (p.72), Boquen devient une sorte de laboratoire de l’utopie (p.158). Et l’expérience, déjà minée de l’intérieur, se termine par une remise en cause fondamentale de toutes les convictions de l’auteur (p.33).
A bien des égards, ce livre mérite d’être lu par les éducateurs religieux : il montre la fragilité de certaines conversions, et tous les écueils à éviter dans leur accompagnement. On y voit ainsi la précipitation avec laquelle ce postulant est accueilli (p.72), les ambiguïtés de sa tentative pour concilier la spiritualité monastique avec un amour (homo -ou hétéro- ?)-sexuel antérieur (pp.53 et 196), le déséquilibre - un peu délirant - qui préside à sa désignation comme le nouveau saint Bernard par Don Alexis (p.155-156).
Tout ceci ne peut qu’inviter à renforcer les exigences du discernement relatif à toute vocation. Cet ouvrage invite aussi à souligner la nécessité du temps pour la maturation de la vie spirituelle. Même l’orientation finale du récit : "retraverser la Mer Rouge", mais cette fois vers les dieux de l’Egypte, peut se révéler très éclairante sur les modes religieuses du moment. C’est le temps du retour au paganisme diffus. Cf. B. Besret, Confiteor, Albin Michel, Paris, 1991. [ Retour au Texte ]

12 Ce thème de la"Nouvelle évangélisation", souvent repris par le pape Jean Paul II, est parfois victime d’une mauvaise réception en France. Probablement parce que certains l’entendent comme un retour vers une mainmise totalisante de l’Eglise sur la Société civile et sur l’Etat. Mais on peut l’entendre comme une invitation à évangéliser les personnes, dans le cadre du débat public, sans remettre en question les acquis institutionnels de la liberté religieuse ni ceux de la démocratie politique. [ Retour au Texte ]

13 Cf. en particulier le message de Jean Paul II pour la journée de la Paix, 1er janvier 1988. Documentation catholique, n° 1953, du 3 janvier 1988, p.1. [ Retour au Texte ]

14 Encyclique du pape Jean Paul II, Centisimus annus, n°43. [ Retour au Texte ]

15 Lettre à Diognète, Coll. "Les Sources chrétiennes", n°33 bis (Lecture pour le Mercredi 5e sem. de Pâques). [ Retour au Texte ]

16 2 Co 2-9. [ Retour au Texte ]

17 Mt 12-50. [ Retour au Texte ]

18 Cf. Joseph Doré, "Trois profils de prêtres", Jeunes et Vocations, n°45, avril 1987. [ Retour au Texte ]

19 Cf. H. Simon "Appeler, c’est servir une liberté", Jeunes et Vocations, n°58, juillet 1990, p.22. [ Retour au Texte ]

20 Presbyterorum ordinis, n°16. [ Retour au Texte ]

21 Il ne s’agit pas, bien sûr, du droit "juridique", mais du droit "psychologique". [ Retour au Texte ]

22 Panorama, n° 264, novembre 1991 [ Retour au Texte ]

23 Presbyterorum ordinis, n°11 [ Retour au Texte ]

24 Il serait trop facile de faire des séminaires les seuls responsables (il serait plus juste de dire : les boucs émissaires) de la crise des vocations. D’abord, ils ne peuvent être tenus pour responsables de la crise encore plus grave des congrégations religieuses. Ensuite, il faut dire que ce discours, qui prend les conséquences pour les causes, ne fait qu’aggraver la crise qu’il prétend combattre. En effet, la faiblesse actuelle des séminaires tient, entre autres, à trois raisons :
1°- Au petit nombre des entrées. Mais ceci vient de l’amont du séminaire. Celui-ci ne peut former que les gens qu’on lui envoie.
2° - Au fait que les formateurs sont trop souvent chargés d’autres ministères. Même si l’urgence fait loi, il reste que la présence des formateurs est nécessaire au quotidien ; d’autant plus si la communauté des séminaristes est peu nombreuse.
3° - Au fait que "l’image de marque" des séminaires est trop souvent remise en cause par la diffusion répétitive et lassante de préjugés. Il arrive que l’on ressorte encore des poncifs datant d’il y a vingt ans, d’une époque où les séminaristes actuels étaient encore à la maternelle ! Ceci peut paraître de peu de conséquences. Mais il sufit, dans une région, que ces préjugés retiennent deux jeunes d’entrer au séminaire pour que le nombre des entrées varie de plus ou moins 20 %, ce qui peut être considérable pour l’évolution d’un mouvement. Même si c’est regrettable, dans un contexte aussi fragile que le nôtre, les médiations habituelles (paroisses, mouvements) ont moins de crédit qu’un simple article de journal. [ Retour au Texte ]

25 Les actes de ce congrès sont publiés. Cf. Jeunes et Vocations, n°64, janvier 1992 (épuisé). Les deux grandes conférences du Congrès ont fait l’objet d’un nouveau document tiré-à-part disponible au SNV. [ Retour au Texte ]

26 Ce postulat n’est pas seulement celui de Kant, même si le titre de son ouvrage en définit bien l’horizon. La religion dans les limites de la simple raison, 1793. Trad. J. Gibelin Vrin, Paris, 1972. [ Retour au Texte ]

27 He. 10,7 [ Retour au Texte ].