Expression du Service National des Vocations


Père Claude DIGONNET :

Notre Congrès s’achève. Même les meilleures choses ont une fin.

Je crois que pour beaucoup d’entre nous ces deux ou trois jours passés ensemble resteront un temps fort de vie d’Eglise et de convivialité fraternelle. Nous l’avions souhaité. Dieu a comblé nos cœurs.

Je sens, je sais qu’à la fin d’un Congrès on voudrait entendre quelques paroles fortes, capables de mobiliser pour longtemps. Permettez-moi l’expression et écrivez-la comme vous voulez : des paroles fortes, nous en avons entendu "à la pelle" (à l’appel). Quelqu’un disait : "nous avons du blé à moudre pour deux ans au moins". Je crois que c’est très vrai.

Alors il faudra, revenus à la maison, nous redire ces paroles les uns aux autres, les redire à d’autres encore, à de nombreux autres.

Il faudrait, comme Marie, les méditer, les ruminer, les conserver au fond du cœur, là où l’Esprit peut leur donner encore plus de force.

Il faudrait peut-être, comme Bernadette, redire tout au long du chemin, pour ne pas les oublier, certaines paroles mystérieuses, encore à comprendre.

Je vais me risquer, cependant, à dire deux ou trois paroles fortes et en laisser l’une ou l’autre à quelqu’un qui, tout au long du Congrès, a été "oreille" plutôt que "bouche". Quand on a beaucoup écouté, la parole venue ensuite a beaucoup plus de prix et de poids. Sœur Dominique interviendra dans un instant.

- Ma première parole forte, c’est un merci très fort.
Merci à vous tous qui avez fait la richesse de ce temps passé ensemble.
Merci à toutes celles, à tous ceux qui ont été les acteurs principaux de ce Congrès. J’ai voulu le faire d’avance, dès le premier jour. Je n’y reviens pas.
Merci aux acteurs "en coulisse" qui sont souvent les plus performants. Je pense plus particulièrement à Bernard DULLIER et à son équipe de jeunes postulants. Je pense aux responsables et au personnel des sanctuaires de Lourdes. Quelle chaleureuse disponibilité !
Merci aux acteurs invisibles, moines et moniales de tous les coins de France que nous avions mobilisés pour la circonstance. C’est à eux, à elles que nous devons aussi la richesse de ces journées.

- Nous avons souvent entendu au cours de ces journées vécues à LOURDES "L’appel c’est aussi un don à recevoir" ; c’est d’abord "l’initiative de Dieu". Sur les routes de CZESTOCHOWA, on proposait aux pèlerins de méditer sur le don gratuit de Dieu "Vous avez reçu un esprit de fils". Jésus lui-même ne disait-il pas à la Samaritaine "Si tu savais le don de Dieu..." ?

Prenons conscience nous-mêmes que l’appel entendu est un don, une chance extraordinaire. Dans notre pastorale des vocations, attachons-nous à faire comprendre qu’être attentif à un appel c’est chercher un trésor. Un psaume (ps.105) exprime en négatif cet aspect des choses "ils mettent Dieu à l’épreuve... ils trouvent ses dons dérisoires... ils dédaignent une terre savoureuse..."

Alors ne laissons pas à Lourdes cette conviction forte, capable de soutenir et de nourrir toutes nos activités liées à la pastorale des vocations "Ne laissons pas mourir la terre, ne laissons pas mourir le feu. Tendons les mains vers la lumière pour accueillir le don de Dieu."

- A force d’insister sur la "spécificité", nous risquons d’oublier l’articulation nécessaire de toutes les vocations pour la construction harmonieuse du Corps du Christ(1 Corinthiens 12). C’est le sens d’une troisième parole conclusive sur ce Congrès. Les diverses vocations se précisent et se fortifient les unes par les autres. J’ai entendu ici des réflexions de ce genre. Il me paraît fondamental de bien articuler vocation baptismale et vocations particulières d’une part, et vocations particulières les unes par rapport aux autres, d’autre part. Je crois aussi que c’est dans la mesure où nous portons ensemble le souci de l’évangélisation du monde que nous nous situerons le mieux dans nos vocations respectives.
Même si je n’insiste pas, je trouverai regrettable qu’on oublie cela. J’aime l’harmonie de l’arc-en-ciel.

- J’annonce une quatrième parole, celle qui va faire encore plus directement le lien entre le Congrès que nous venons de vivre et notre travail de demain.
Une parole que nous avons retenue bien-avant ce Congrès comme thème de la prochaine Journée Mondiale des Vocations. Nous l’avons trouvée dans un des textes liturgiques du dimanche 10 mai 1992, 4ème après Pâques : "Je fais de toi la lumière des nations".

"Je fais de toi". Toute vocation est personnelle, vécue dans une Eglise liée à son Seigneur comme le Corps à la Tête et envoyée par Lui en mission.
Que de fois nous avons entendu dire au cours de ce Congrès, et en particulier dans la synthèse de l’enquête, qu’il y avait un silence étonnant sur la vocation missionnaire proprement dite. Il est vrai que la mission n’est pas d’abord une question de lieu. C’est avant tout un esprit. Reste qu’en esprit et en réalité l’Eglise et chacun de nous sommes sans cesse invités, appelés à un "décentrement" missionnaire. "Je fais de toi la lumière des nations". "Ad gentes".

Du Congrès de Lourdes à la Journée Mondiale, de la Journée Mondiale à la session de FRANCHEVILLE sur la Vocation Missionnaire, en octobre 1992, nous resterons sur la même longueur d’onde, très voisine de celle du Synode qui va s’ouvrir sur l’Evangélisation en Europe.

Et maintenant, je cède la parole à Sœur Dominique.

Sœur Dominique SADOUX :

Assez souvent pendant ce Congrès, des personnes se sont approchées de moi en disant : "Il reste toujours la même ambiguïté à propos des Services des Vocations : Pourquoi dans son objectif, le S.N.V. exclut-il le mariage ?"

Cette question est comme une sorte de plante vivace, qui repousse toujours, au long des années ! Pourquoi exclure le mariage ou le célibat chrétien non consacré ? J’aimerai essayer de clarifier la question et la rendre sinon moins complexe, du moins plus simple et moins ambiguë.

La tâche du Service des Vocations vise bien les vocations spécifiques dans l’Eglise (ordonnés, consacrés en vie religieuse ou en Institut séculier, Vierges consacrées).

  • La principale raison de cette limitation des objectifs est que nous ne pouvons tous, tout faire ! Il y a place pour d’autres services ecclésiaux : ceux-ci excluant les vocations spécifiques visent par exemple la préparation au mariage.
    Jusqu’ici nous ne faisons que redire un état de fait. Encore faut-il rappeler que délimiter n’est pas dévaloriser ce qu’on exclut par la force des choses.
  • Mais je crois que dans un second temps, il est possible d’aller plus loin pour éclairer la question.
    En effet, en rappelant les quatre moyens mis en oeuvre au Service des Vocations, on comprend comment, à un certain niveau, la vocation au mariage n’est pas exclue, comment elle intervient comme choix possible dans un discernement.
    Ces quatre moyens sont :
    - la sensibilisation du peuple chrétien à la question des vocations,
    - l’éveil des jeunes et des moins jeunes aux diverses vocations dans l’Eglise, à leur existence et à la réalité de l’appel fait à chacun et chacune, pour le monde, pour la mission,
    - l’aide à un premier discernement,
    - l’accompagnement (parfois lent et patient) jusqu’aux portes de ces différentes vocations.
    Ces deux derniers moyens sont très liés entre eux.

En faisant mention du mot "discernement", on éclaire la complexité de nos objectifs car on englobe, pourrait-on dire, toutes les vocations baptismales (y compris le mariage) dans l’horizon qui s’élargit à partir d’une vraie recherche. En effet, discerner c’est chercher sa voie, cela suppose au point de départ qu’on se mette, grâce à la prière, dans une attitude de disponibilité par rapport aux diverses formes de vocations baptismales.

Discerner, c’est ne pas savoir d’emblée la réponse. C’est accepter d’une certaine façon de renoncer à son projet, pour le recevoir à nouveau comme un don de Dieu (ou un autre projet auquel on avait moins pensé).

C’est donc ouvrir largement le champ des possibles et estimer et connaître les autres chemins, tel celui du mariage.

Quand un ou une jeune vient, il est prêt à discerner c’est à dire qu’il ne sait pas la réponse (celui qui sait la réponse nous pose quelques problèmes... s’il la sait avant de chercher).

Le discernement, c’est chercher ou se faire confirmer dans un appel qu’on ressent, qui monte de notre désir, et savoir si cet appel correspond au désir, au dessein de Dieu sur nous, comme dit St Paul. Et si nous sommes en train de chercher notre voie c’est donc que nous ouvrons très large l’horizon des voies baptismales possibles.

Et si nous ouvrons les voies, nous acceptons d’être devant un inconnu et avec l’Esprit Saint dont on a tant parlé ici, de voir si vraiment il y a un réel appel de Dieu en réponse à cet appel qui sourd de notre désir : Appel de Dieu, de l’Eglise et du monde pour devenir prêtre, consacré(e),etc. Et donc nous n’excluons pas que dans notre recherche il s’avère que Dieu m’appelle soit à rester célibataire engagé, laïc, dans le plein épanouissement de mon baptême, soit à la vocation d’un mariage chrétien.

Et c’est ici, à ce point du discernement qu’en effet intervient la nécessité d’une information, d’une connaissance, d’une estime aussi de la vocation au mariage. On ne peut pas parler de discernement sans ouvrir toutes les portes de la vocation baptismale, sans se rendre disponible et accueillant, pour que l’Esprit ensuite nous confirme dans un choix le plus libre possible, de la liberté des enfants de Dieu.

Combien de jeunes, femmes ou hommes, sont passés par nos Services, en sont ressortis par la porte des séminaires ou des noviciats mais aussi par la porte des fiançailles ou du mariage. C’est dire que le passage par le Service des Vocations leur a fait "choisir" et "accueillir" dans une liberté chrétienne épanouie, le mariage sacramentel comme une vraie vocation.

Ainsi, resituer les objectifs des Services des Vocations nous appelle à nuancer notre jugement sans perdre de vue pour autant la limite claire de ces objectifs.

S’il y a place pour le discernement dans la pastorale des vocations, celui-ci fait droit aussi au mariage, qu’il permet de "choisir" aussi comme une réelle vocation chrétienne.


Mgr Michel COLONI :

Fin de Congrès et nous repartons heureux de ces jours passés ensemble.
Sans multiplier les remerciements je veux dire, en votre nom à tous, merci au Père Claude Digonnet qui, de l’équipe du S.N.V., a fait une vraie équipe qui a porté ce Congrès. Il ne pouvait pas se remercier lui-même, je le lui dis de votre part à tous.

Laissez-moi ajouter au merci prononcé par le Père Digonnet tout à l’heure à l’égard du Père Bernard Dullier, cette mention particulière : dans quelques semaines il va quitter l’équipe nationale du Service des Vocations, appelé à une autre tâche à Lourdes. Depuis plus de cinq ans il a énormément apporté à la vitalité de cette équipe, à la vitalité du service. Merci Père Dullier.

Quand vous accompagnez un jeune vous savez bien que votre rôle c’est de faire mémoire ou d’aider ce jeune à faire mémoire des étapes parcourues et qu’à travers cela se discerne le chemin qui reste à parcourir.

J’ai accompagné le Service National depuis neuf ans, je voudrais faire mémoire de cinq rencontres provoquées par ce Service et auxquelles beaucoup d’entre vous ont participé. Il me semble qu’elles disent le chemin à parcourir maintenant, dans lequel nous allons nous engager.

- Session nationale à ISSY-les-MOULINEAUX en 1984 : témoignages de six jeunes, hommes et femmes, qui commencent leur formation à la vie religieuse dans un institut qu’ils ont choisi. Une lumière, une joie pour ceux qui les écoutaient en 1984.
C’est donc que Dieu continue d’appeler au milieu de nous, et nous nous inquiétions...

- Session nationale à FRANCHEVILLE en 1985 : les prêtres responsables des Services Diocésains des Vocations se retrouvent et toute une matinée, par groupes de cinq, six, acceptent de se faire confidence les uns aux autres. Il n’y a pas eu en assemblée générale de retour des confidences : Pourquoi avons-nous pensé il y a dix, vingt, trente, quarante ans que nous étions appelés et pourquoi aujourd’hui nous pensons encore que nous avons été appelés et que nous voulons répondre à cet appel ?
Nous nous souvenons que cette session avait été illuminée par cette confidence fraternelle, par la lumière qui en irradiait. Nous n’avons pas été floués.

- Premier Congrès national à LOURDES en 1987 : Vous vous souvenez d’une phrase longuement commentée par Mgr MARCUS :"Seul un prêtre peut remplacer un prêtre". Je le dis autrement.
Dans notre Eglise où il y a multiplicité de vocations aucune ne peut manquer et on ne peut pas prendre son parti de voir disparaître une de ces vocations en pensant que les autres se substitueront à elle. Un beau Congrès.

- Session nationale à VICHY en 1989. Dans le prolongement du premier Congrès de Lourdes : il faut appeler les jeunes, osons appeler. Soyons honnêtes, il faut les accompagner. Qui accompagnera ? prêtres, religieux, religieuses, laïcs ? Consentons à l’effort de formation pour être capables d’accompagner dans l’Esprit, selon l’Esprit.

Et maintenant ce Congrès. Je ne le définis pas, sa lumière nous l’avons tous en tête.
A travers cela il me revient une phrase longuement répétée, il y a neuf ans à l’équipe nationale :

"Il faut restituer au peuple chrétien la pastorale des vocations, le souci des vocations, le soin des vocations." Ce ne peut être le privilège d’un groupe particulier qui se recruterait, qui se perpétuerait. C’est l’affaire du peuple de Dieu tout entier."

En 1984 c’était des prêtres qui se réunissaient et des religieuses. Aujourd’hui les 2/3 d’entre vous sont des laïcs : le souhait a été accompli.

C’est une joie. Le Père POULAIN susurre à côté : "jamais la cruche ne se videra" ! C’est une joie de voir un projet se réaliser. Mais je voudrais attirer votre attention : c’est en même temps un défi et nous l’avons vu au cours de ce Congrès. Faire participer à cette pastorale des vocations, à travers toute la France, dans les diocèses, en Congrès national, un nombre croissant de partenaires qui jusqu’à présent n’en avaient pas fait leur affaire, cela ne va pas de soi. Il faut prendre le temps de s’expliquer sur le fond des choses de telle sorte que les mots que nous employons, que nos pratiques nous soient clairs les uns aux autres.

Il faut prendre le temps de s’expliquer pour qu’une conviction commune forte se construise entre nous. Regardez toute la peine que nous avons eue ces jours-ci à bien nous entendre sur le sens dans lequel on pouvait parler de vocation de tous, par le baptême, de vocation particulière, spécifique, radicale. On n’a pas fini d’en discuter mais pour nous qui en avons parlé trois jours durant, nous repartons l’esprit plus clair.

Se mettre d’accord sur le fond des choses, cela va plus loin encore. Découvrir que la vocation n’est pas affaire individuelle, n’est pas affaire d’une communauté ecclésiale, c’est tout cela et c’est nous faire entrer en partenariat avec le Père, le Fils et l’Esprit.

Nous le savions, il faut prendre le temps de nous le dire en clair les uns aux autres et c’est cela qui peut fonder une conviction commune, une action commune. Alors personne ne recrute plus pour sa boutique, à ce moment-là les différentes vocations possibles ne se conçoivent pas en rivalité les unes à l’égard des autres, à ce moment-là c’est dans la santé de l’Eglise que nous pouvons appeler et aider des jeunes à discerner le secret appel de l’Esprit dans leur cœur.

La route à suivre : ce que nous avons fait ensemble il faut que nous le fassions dans les diocèses. Nous ne sommes pas assez nombreux à avoir pris en charge ces vocations particulières pour les servir. "Baptisés, serviteurs de l’appel", mais au fur et à mesure que nous en associons d’autres, veillons, et c’est le point sur lequel je termine, veillons à prendre le temps de nous expliquer sur le fond des choses sinon tout notre effort en serait profondément handicapé.

Il y a toujours à la fin d’un Congrès un temps d’envoi, on se tourne vers l’évêque en disant : "envoyez-nous...". Voilà la tâche vers laquelle je vous envoie, en mon nom, au nom de tous mes frères évêques (et en disant cela je sais que nous sommes tous d’accord) pour que vous preniez ce relais associant d’autres à la tâche et prenant le temps de vous expliquer avec eux, avec cette liberté fraternelle qui a caractérisé nos échanges tous ces jours-ci et qui a été un signe que nous étions une authentique assemblée d’Eglise.

En vous disant cela c’est vers du bonheur que je vous envoie. J’ai été heureux neuf ans durant de travailler avec le Service National des Vocations. Vous serez heureux de travailler à cette tâche et la joie que l’on éprouve rend l’appel que l’on fait entendre persuasif, c’est la béatitude des appelés devenus appelants qui doit se communiquer contagieusement à tous les jeunes avec lesquels nous sommes en relation.