VOCATION APOSTOLIQUE


Depuis les débuts de l’Eglise, des baptisés, hommes et femmes (et historiquement il semble bien que les femmes aient été les premières), ont été poussés par l’Esprit à vivre la chasteté dans le célibat à cause du Christ Jésus. L’ "ordre" des Vierges, dont certaines étaient des veuves, fut très tôt reconnu comme signe de la suite radicale du Christ. Il ne s’agissait pas là de mépriser le mariage (dont l’Eglise faisait un sacrement), mais bien de manifester, par un état de vie particulier, le célibat consacré, une des facettes du mystère de Dieu dans l’attente de son retour.

Plus tard, au fur et à mesure des événements, l’épiscopat précisa ce qu’il entendait par "Vie Consacrée". Il le fera toujours, poussé par le surgisse-ment de formes nouvelles de consécration, essayant de canaliser le flot ininterrompu de charismes venus enrichir l’Eglise. Comme sont inépuisables les facettes du mystère de Dieu, sont également inépuisables les manières dont l’Esprit inspire aux baptisés de suivre le Christ pour rendre gloire au Père : Anachorètes (ermites) et Cénobites (communautaires), Chanoines et Mendiants, Hospitaliers et Enseignants, Prêcheurs et Missionnaires...

A chaque époque de l’histoire, répondant aux besoins du monde et de l’Eglise, les formes variées de la vie religieuse apostolique s’imposent peu à peu comme des richesses nouvelles. Parfois une initiative nouvelle surprend, choque, agace (dans ce domaine François d’Assise est sans doute le plus bel exemple). Lorsque les normes législatives de l’Eglise empêchent un charisme de se déployer totalement, le Fondateur ou la Fondatrice fait du neuf (ainsi Angèle Merici et les Ursulines avant l’intervention de Charles Borromée, Ignace de Loyola et sa nouvelle forme de communauté au service de la Mission ou Vincent de Paul et ses Filles de la Charité). Jugeant l’arbre à ses fruits, les évêques interviennent ensuite pour reconnaître cette "nouveauté" et la proposer comme une des formes de la "Suite du Christ".

C’est ainsi qu’aux côtés des Congrégations Religieuses Apostoliques, on voit apparaître les Sociétés de Vie Apostolique (au XVIIème siècle) et les Instituts séculiers (au XXème siècle). En regroupant sous l’appellation "Instituts de Vie Consacrée" ces formes de vie, l’Eglise définit clairement ce qu’elle entend par là :

"Pour l’Eglise catholique, il n’y a de vie consacrée que s’il y a profession du conseil évangélique de CHASTETE DANS LE CELIBAT pour Jésus-Christ, et si, en outre, cette profession est prononcée dans une forme de vie officiellement reconnue par elle comme forme de vie consacrée (canon 599). Ne voyons pas là une ignorance des valeurs évangéliques à vivre dans le mariage, encore moins un mépris de celui-ci. Mais c’est ainsi.
Les états de vie sont égaux en dignité. Ils sont tous des chemins vers la sainteté, de manière identique et selon la vocation de chacun. De cela, l’Eglise de Vatican II est totalement convaincue. Mais en même temps, ce qu’elle nomme VIE CONSACREE comporte nécessairement à ses yeux la chasteté dans le célibat." (P. DORTEL-CLAUDOT) (1)

Les Communautés Nouvelles s’inscrivent bien dans cette histoire de l’Eglise. En leur sein, des hommes, des femmes, des couples veulent vivre dans la radicalité la suite du Christ : radicalité de la chasteté, radicalité de la pauvreté... Mais elles s’inscrivent aussi dans la nouveauté de tout surgissement charismatique (au sens où toute fondation classique ou nouvelle est charisme que Dieu fait à son Eglise) : la présence des couples, même si elle n’est pas tout à fait inédite puisque cela s’est vécu en particulier au XVIème siècle avec les Frères et Sœurs de Vie Commune, est évidemment une nouveauté. Et ce fait contraint ces Communautés à s’orienter vers le statut d’Association de Fidèles.

Même si on utilise les mots d’engagements, de promesses, de vœux, même s’il est bien évident qu’il y a là une véritable vocation, un véritable signe, une véritable consécration, on ne pourra pourtant pas utiliser la catégorie "vie religieuse" ou "Institut séculier" pour rendre compte de ce qui est vécu. Et pourtant il est clair que la catégorie "Association de Fidèles" est inadéquate pour rendre compte de ce qui se vit dans ces Communautés.

Il est alors inévitable que nous nous trouvions devant un double malaise :

- malaise des Instituts Apostoliques (religieux ou séculiers) ayant l’impression (justifiée) qu’on identifie trop facilement ce qu’ils vivent à ce que vivent les consacrés des Communautés Nouvelles

- malaise des Communautés Nouvelles estimant (à juste titre) que le Code les place, faute de mieux, dans une catégorie (Associations de Fidèles) incapable d’exprimer leur identité.

Notre rôle n’est pas de "faire oeuvre de canoniste" mais de rendre compte de ce qui est une façon nouvelle de suivre le Christ, seul ou en couple, ne venant pas remplacer les formes anciennes mais venant enrichir l’Eglise. Nous donnons donc la parole à quatre témoins pour qu’ils nous rendent compte de leur vocation, dans la Vie Religieuse Apostolique, dans les Instituts séculiers, dans les Communautés Nouvelles (comme couple ou comme célibataire).

(1) Document de l’Episcopat n° 5 - avril 1991 [ Retour au Texte ]